[LeX 4.8.3] Vies parallèles 3 : Hjördis

Amarenna n’ajouta rien de plus à ce qui venait d’être dit. Elle ne voyait pas de qui il pouvait s’agir. Elle fit cependant comme si. C’était ce qu’il y avait de mieux à faire. Elle ne comprit pas non plus le sous-entendu de Sawada, mais soupçonna qu’il devait s’agir du « général ». Pourtant, elle n’était pas attirée par lui… Bref. La jeune femme suivit les deux militaires pour quitter la pièce. Pressée d’en découdre la brunette ? Non. Surtout pressée de sortir de là et de libérer ses coéquipiers de cet enfer alternatif.

Amarenna suivit donc Zangra et le général dans les couloirs, jusqu’au sous-sol qui la laissa un peu surprise. Tout était à la pointe ici. Sauf le sous-sol, qui évoquait plus une prison qu’autre chose avec les trois cellules, dont deux occupées : la deuxième par un renard, la troisième par une jeune femme. La première était sans doute destinée à Hjördis, ce qu’il fallait éviter. La jeune femme se raidit instantanément, restant légèrement en retrait. Tant mieux, d’une certaine façon, sans doute. Cela lui permit de rester discrète. De ne pas être vue par l’homme qui s’en prenait à sa coéquipière. Il ne lui était, d’ailleurs, pas inconnu. Elle l’avait vu quelque part. Mais où ? Quand ? Un souvenir fugace passa dans sa mémoire. Le camion, l’accident, l’homme au volant. De nouveau, elle se raidit. Se tétanisa, serait sans doute plus exact. Elle parvint à ne pas crier lorsqu’il mit en joue Hjördis. Elle resta figée, jusqu’à ce que Vilsmaier s’adresse à elle. Enfin, elle reprit le contrôle de son corps et bougea sa main pour se saisir du pass qu’il lui indiquait. Elle se raidit de nouveau lorsque l’homme parla et acheva ce périlleux exercice de prise de pass avant de faire demi-tour.

Faire le tour. C’était une bonne idée. Mais elle ne pouvait pas arriver comme ça, la bouche en cœur en espérant que l’homme abandonnerait son idée de tuer Hjördis parce qu’elle se pointait. Il fallait, avant cela, qu’elle trouve quelques petites choses pour s’équiper. Des chaussures, tant qu’à faire, même si ça n’était pas la priorité, de quoi assommer ce type, bref, quelque chose qui pourrait servir d’arme le cas échéant, et tant qu’à faire, une corde pour le ligoter et empêcher qu’il ne se libère. Il fallait démêler tout ça et se sortir de là. Pour ça… Il fallait qu’elle trouve ce qu’elle cherchait et rejoigne le couloir par l’autre côté…

Beaucoup de pièces qui n’apportaient rien. Et la réserve. Bon. Pour les chaussures, elle repasserait. Tant pis. Elle ferait sans. Un balai, des câbles électriques – dont elle s’interrogea sur la présence en ce lieu –, une seringue – idem. Elle prit le tout, ça valait sans doute mieux, même si elle ignorait ce que contenait la seringue. Avec un peu de chance, il s’agirait plus d’un calmant que d’un excitant ? Peut-être un produit pour faire dire la vérité ? Bah… Elle verrait sur place. Elle prit le balai dans la main, passa les câbles à son épaule, prit la trousse avec la seringue et retourna dans le couloir du sous-sol de façon à arriver comme Vilsmaier le lui avait conseillé. Il fallait maintenant qu’elle soit assez rapide pour espérer que Hjördis ne se serait pas fait tuer.

Elle arriva à temps, cependant. Hjördis était toujours vivante et personne ne semblait avoir tiré. Même si l’on en était plus très loin à priori. En tout cas, ce n’était pas le moment de réfléchir. Il fallait agir. La jeune femme leva le balai brosse pour en frapper la nuque du gros homme. Ne pas réfléchir. Agir et voir après, en espérant éviter les dommages collatéreux. Zangra et Vilsmaier étaient face à elle. Ils devaient bien l’avoir vue. Mais elle n’y prêta pas attention pour le moment. Elle avait réussie à approcher plus silencieusement que si elle avait été chaussée des gros godillots moches de l'armée. Ce n'est qu'au dernier instant que le gros patapouf sentit une présence derrière lui. Se retournant brusquement, sa mâchoire prit le balais de plein fouet. Son arme en l'air, l'homme fut violemment déséquilibré... Vilsmaier et Zangra en profitèrent pour asseoir leur position de tir : la fusillade allait être imminente. Et les deux filles étaient en plein, tout comme Tonio, dans la ligne de mire des deux militaires.

Ce que raconta Hjördis, Amy n’en avait aucune idée. Elle ne parlait pas le finnois. Mais était-ce vraiment important ? L’important, c’était que l’homme n’était à présent plus un danger. Entre le coup de balai dans la mâchoire et le labourage de ses parties intimes, Vilsmaier et Zangra allaient pouvoir l’enfermer sans trop de problèmes. Elle s’apprêtait d’ailleurs à le leur signifier et à le pousser dans la cellule vide lorsque Hjördis le poussa vers la cage au renard. A partir de ce moment là, tout sembla s’accélérer. Le renard qui prit le revolver entre ses pattes avant – mais elle avait sous doute mal vu –, les propos du gros homme, Zangra et Vilsmaier qui tirent. Dans tout ça, ce qui avait à moitié paralysé la jeune femme, c’était les propos de l’homme. Elles étaient déjà mortes. Un frisson la parcourut. Elle n’avait pas réellement prêté attention au renard. Trop de tension pour ça. Quant aux deux militaires qui tirent, fallait-il réellement s’attendre à autre chose ? Elle claque sa langue contre son palais. Ils étaient dans une réalité alternée. Il ne fallait pas penser que tout ça était la réalité.

« Je crois qu’il est mort… Pas besoin de le tuer à nouveau… » fit-elle d’une voix blanche à l’adresse du général qui venait de tirer une nouvelle balle dans la nuque de l’homme.

Amy avait bien envie de vomir, elle ne pouvait pas dire le contraire, mais elle voulait surtout sortir de là. Déjà, Hjördis était vivante. C’était un bon point. Et elle était libre de ses mouvements, aussi… Du moins, tout autant qu’elle. Vilsmaier reporta alors son attention sur les deux filles. Quelque chose dit à la brunette qu’il valait mieux ne pas poser de questions. Même si…

« Vous n’étiez pas obligés de le tuer… L’enfermer pour lui poser des questions aurait suffi… A-t-il agi seul ? Pour le compte d’un autre ? Ca sera difficile à découvrir, maintenant… »

Concernant le point de la cérémonie, elle ne rajouta rien. Elle découvrirait sans doute bien assez tôt de quoi il s’agissait. Elle tourna la tête vers Hjördis et lui adressa un sourire qui se voulait rassurant, malgré son teint blême.

« Allons-y. Tu as besoin d’une douche et de vêtements propres, de toute façon… Et je ne serais pas contre enfiler autre chose… »

« Sa femme ? »

Amy ravala un rire amusé avant de reprendre:

« Grands Dieux non… Dans cette réalité, je suis sa sœur. Tellement admirative que j’ai décidé de suivre ses traces et de poursuivre une carrière militaire… Risible, n’est-ce pas ? »

Risible. Comme l’expression de Vilsmaier quand il l’avait appelée sa petite Kofman. La brunette frissonna légèrement. Elle ne le croyait pas lorsqu’il parlait de faire son enquête là-dessus. C’était un fait. Tout dans cette histoire était bizarre. Le seul qui lui semblait un tantinet censé là dedans, c’était Sawada. Le toubib. Mais ce n’était pas vraiment le moment.

Zangra n’était pas restée longtemps. Juste le temps de les déposer, et elle était repartie. Tant mieux. Cela éviterait à Amy d’avoir à faire semblant d’être ce qu’elle n’était pas. La jeune femme s’approcha des douches, malgré le dur souvenir que ces douches collectives éveillaient en elle. Un nouveau frisson la parcourut lorsqu’elle repensa à Molly et à l’infiltration du centre à New York. Il ne fallait pas qu’elle pense à ça. A nouveau, elle se tourna vers Hjördis qui lui tendait le communicateur. Amy le prit, jouant distraitement avec l’objet tandis que la blonde se jetait toute habillée sous la douche.

« Et toi ? Elliott, hein ? Je te savais intéressée par l’anthropologie, mais pas à ce point là… » répliqua-t-elle en souriant, petite taquinerie innocente pour détendre un peu l’atmosphère.

« Dans cette réalité, nous n’avons aucun pouvoir, Hjördis. J’ai essayé d’utiliser les miens. Dans cette réalité, personne n’en a. La vie que nous connaissons n’existe pas ici. » expliqua-t-elle succinctement avant d’ajouter : « Par contre, je ne pense pas que les autres aient un communicateur… A part peut-être Esther. Et encore, j’ai des doutes. Mais je pense savoir qui on pourrait contacter… »

Sur ces mots, la jeune femme porta le communicateur à son visage dans le but d’appeler Sawada et lui demander de les rejoindre. Dans ce monde de fous, il était le seul à lui avoir semblé être assez censé et qui pourrait répondre à ses questions. Au pire, elles pourraient toujours l’y contraindre, à deux contre un…