Chambre de Laura et Luna

Cuisine

D'un pas tranquille, Cassandre avait suivi Luna à son rythme jusque devant la chambre des deux jeunes filles.
Cela faisait un moment qu'elle voulait avoir une conversation avec Laura, seulement les imprévus de l'institut l'en avait empêchée.
Elle frappa doucement à la porte.

"Les filles, c'est Cassandre. Je peux entrer ?"

La réponse acerbe de Laura en disait long sur son humeur du jour. Cassandre eut un léger soupir ; elle ne souhaitait pas imposer sa présence à l'adolescente, et pourtant elle aurait aimé discuter avec elle, à titre informel. Il était généralement admis que Cassandre sortait des clichés académiques quand il était question de sa position à l'institut, sans pour autant que ça porte préjudice à la fonction qu'elle occupait.

La psychologue tourna la poignée de la porte et entra dans la pièce, dont l'atmosphère électrique était presque palpable. Réservée, elle resta sur le seuil, laissant la porte légèrement entrebâillée. Cette pièce, Laura y enfermait bien souvent ses problèmes.

"Luna ? Tu veux bien nous laisser seules ?" demanda-t-elle doucement, sans brusquerie. C'était véritablement une question, non un injonction. C'était toujours assez impoli de demander à quelqu'un de quitter sa propre chambre...

[ désolée de n'avoir pu répondre avant mais chez les normands, la rentrée a repris avec son lot de contrainte alors... je n'ai pas pu prévenir -_-' encore désolée]

Luna sentit la tension palpable et ne voulait pas se mettre Laura à dos. Après s'être massé la tête d'un geste rageur, elle allait quitter la pièce mais Cassandre arriva. Et Laura répondit à sa question d'une manière si agressive que Luna se dépâcha de décamper avant de répondre au professeur :

- Pas de problèmes! J'allais partir de toute façon!

Et la jeune mutante décida de retourner à la cuisine vite fait, avant de se ramasser un coussin en pleine tronche de la part de Laura-plus-agressive-tu-meurs! La petite pouvait faire peur des fois. Mais Luna s'inquiétait plus pour son état d'esprit et si sa présence n'avait pas cassé leur amitié.

* J'espère que non, ça serait trop triste!*

Et d'un pas rapide, la jeune mutante se rendit dans la cuisine.

cuisine

Cassandre eut un petit sourire contrit de remerciements envers Luna, sans être certaine d'avoir décelé le soulagement dans la réponse de la jeune fille. Le caractère de Laura n'était plus à démontrer. Luna avait peut-être du mal à s'acclimater des accès d'humeur de sa colocataire.

La jeune femme s'imprégna de l'atmosphère de la pièce une fois Luna partie, puis fit quelques pas dans la chambre à l'invitation de Laura. Soucieuse de ne pas plus déranger Laura dans son espace vital qu'elle ne semblait déjà le faire, Cassandre marcha doucement vers la chaise après l'avoir repérée mentalement, tendit lentement la main vers elle et s'y installa avec précaution.

Elle marqua une légère pause et tourna la tête de droite à gauche, comme si elle embrassait la pièce du regard, chose qu'elle ne pouvait évidemment pas faire.

"Je suis contente que tu te sois portée volontaire pour le journal, tu sais ? Angel... et Joachim se sont également manifestés, je suis sûre que vous ferez du bon travail." dit-elle en guise d'introduction. Ces quelques mots contenaient plus de sens qu'à première vue. Elle savait comme son don pouvait mettre mal à l'aise, voire irriter les autres. Elle tentait en général d'en user avec délicatesse, ou une forme d'attention pour les concernés, aussi s'efforça-t-elle de rendre ses actes aussi transparents que possibles aux yeux de Laura, sans pour autant parvenir à le faire plus directement que par cette phrase anodine. La plupart des choses lui semblaient évidentes, c'était simple pour une précognitive, mais elle en oubliait bien souvent que cette évidence n'existait que pour elle, et que ses paroles n'étaient pas toujours compréhensibles, ou alors à posteriori. Cette fois, elle tentait avec une subtilité inconsciente d'expliciter les paroles qu'elles avaient eues pour Laura dans la cuisine un peu plus tôt.

Cassandre eut un léger sourire devant l'emphase de Laura. Le projet semblait l'enthousiasmer, véritablement, et elle n'avait pour ainsi dire jamais "vu" l'adolescente avoir un tel engouement pour quelque chose depuis sont arrivée à l'institut.

Loin de prendre ombrage des dernières paroles de Laura, qu'elle avait délibéremment provoquées, le sourire de la psychologue se fit plus doux.

"C'est vrai que je sais certaines choses... On ne se refait pas." répondit-elle calmement. Elle n'était même pas sûre de changer quelque chose si elle en avait la possibilité.

"Cependant il y a aussi des choses que je ne sais que si on m'en parle." ajouta-t-elle sans plus développer sa pensée.

"Par contre, qui te dit que tu n'as pas le droit de t'énerver ? Libérer sa colère, c'est positif. L'accumuler comme une cocotte-minute, ça l'est déjà moins."

C'était plutôt facile à dire pour quelqu'un qu'on ne voyait jamais sourciller. Après ceci, elle laissait le choix à Laura. La jeune fille était suffisamment grande pour prendre ce genre de décision, et Cassandre ne s'imposait jamais comme confidente. C'était contraire au principe même qu'elle servait.

"J'aimerais bien que tu me montres tes dessins... Ca te dit ?" demanda-t-elle, ponctuant ainsi son message d'un point. Il lui était aisé de voir les dessins de l'adolescente sans même que celle-ci ait à ouvrir son bloc, mais à ce moment précis, son geste, sa demande "humaine", et la participation active de Laura lui semblaient primordiales. En plus de cela, elle était véritablement intéressée par les commentaires dauteur de la jeune fille, si cette dernière acceptait de lui faire partager mon monde.

Et elle souriait ! Non mais fallait le voir, Laura grognait, et Cassandre en souriait ! Elle se moquait ouvertement d'elle ! Et puis elle confirmait qu'elle savait 'certaines choses', plutôt tout, oui ! Oh certaines choses dont il fallait lui parler, ben voyons ! Non, mais fallait l'entendre, c'était limite si elle ne s'imposait pas comme la personne à qui il fallait tout raconter ! Les psychologues étaient comme cela, du moins de ce qu'en savait la jeune fille qui n'avait fréquenté que celui de son école primaire, ils aimaient bien être considérés comme les confidents. D'ailleurs, c'était généralement pour ça qu'ils faisaient ce métier, pour se mêler de la vie des autres... Ce dont l'adolescente avait horreur ! En plus si on était voyante... Elle lacha un autre soupir de frustration, mais écouta le reste de ce que disait Cassandre, soit du blabla sur les sentiments machin chose, et puis la demande soudaine de voir ses dessins. Quel était le rapport ?

"T'façon vu que tu sais tout... Enfin "certaines choses" comme tu dis.... Enfin, la "plupart des choses" comme je dis... Ben j'ai pas besoin de te montrer... Mais bon vu que tu veux ben attends..."

Le carnet fut assez rapide à attrapper, elle n'avait pas quitté son sac quand elle s'était jetée sur son lit. Elle l'ouvrit donc et en sortit ce qu'elle regretta de ne pas avoir pris un peu plus soin. Avant, elle ne montrait pas ses dessins facilement, depuis qu'elle était ici, elle ne faisait que ça.... enfin que... y avait eu Amélie, et peut être une fois Jess ou Luna. C'était déjà beaucoup. En tout cas, si on lui avait dit qu'un jour elle présenterait ses oeuvres à une aveugle... elle ne l'aurait pas cru. Elle tendit le carnet à la psychologue et lui laissa le soin de l'ouvrir. Ca aussi, elle ne confiait pas son bien à tout le monde, mais elle faisait confiance à Cassandre, peut-être parce que c'était une adulte. En tout cas, sa colère s'était peu à peu appaisée. Elle dessinait quand elle était triste ou énervée, le dessin c'était toujours ce qui pouvait la raisonner. Sans doute qu'en tendant l'objet qui renfermait toutes ses créations elle avait du se sentir un peu mieux. D'ailleurs, le carnet était totalement rempli, mais comme Lyu lui en avait offert un autre, elle pourrait aisément se remettre à son passe temps favori.

"C'est pas exceptionnel... Y a tous mes dessins de mes sept huit ans à hier. Mais y a une partie c'est que des p'tits trucs, parce que tu sais... enfin avec mon... truc bizarre.... ben voila... j'peux pas tout me permettre nan plus..."

Les feuilles de papier contenaient un peu sa vie. Il y avait beaucoup d'animaux, de monstres ou créatures fantastiques, elle aimait bien inventer tout ça. Et puis quelques paysages de Séville, et des portraits d'un peu toute sa famille, avec une préférence pour Tom et les jumelles Elvire et Soledad, mais chacun y était au moins trois fois. Et puis il y avait son dragon, suivi d'un bon nombre de natures mortes, après un espèce de gribouilli noir abstrait, d'autres petits dessins d'objets innocents, un affreux monstre hideux qui la renvoyait à ce jour horrible, des petits objets, et un autre monstre qui était attaché à un souvenir plus plaisant, et encore de petites choses sans intérêt. Mais vers la fin, Laura commençait à s'accordait plus de libertés, il n'y avait plus de créatures fantastiques, mais tout de même quelques paysages et un petit bonhomme de neige qu'elle voyait de sa fenêtre.

Cassandre ne tendit pas la main tout de suite. La remarque acerbe de Laura l'avait interpellée.

"Le fait que je puisse savoir ne me dispense pas de discrétion et de respect pour la vie privée des autres. As-tu une si mauvaise opinion de moi que tu me penses capable de regarder tes dessins sans ta permission ?" demanda-t-elle d'une voix égale, qui ne trahissait rien de ce que la psychologue pouvait ressentir.
Quelque part, Cassandre se retrouvait dans la même situation qu'avec Kitty quelques mois plus tôt lors de son petit accrochage avec River et qu'elle avait laissé la jeune fille déverser son trop-plein télépathique sur elle, qui ne risquait rien. Elle préférait encore être l'exutoire de Laura si cela pouvait lui permettre de se libérer l'esprit, et pour cela, elle devait effacer ses propres besoins sociaux d'acceptation ou de reconnaissance.

C'est cette pensée qui lui fit finalement avancer la main, paume vers le haut, non pas pour saisir le cahier, mais pour permettre à Laura de l'y déposer. Elle le ramena lentement à elle, posa sa main à plat sur sa couverture sans l'ouvrir physiquement, puis l'ouvrit temporellement.
Chaque dessin était ancré dans le temps, dans la vie de Laura, et en effleurant le cahier par l'esprit, Cassandre pouvait voir tous les fils temporels liés à chacun d'eux. Par égard pour Laura, elle bloqua ces fenêtres temporelles pour se concentrer sur les dessins eux-mêmes.
La tête penchée vers le bloc, elle resta quelques secondes absorbée dans sa contemplation psychique, comme une autiste rivée à sa chaise.

"Détrompe-toi... Ce n'est pas donné à tout le monde d'avoir une telle tranche de vie à portée de son regard." dit-elle pensivement.

"Les autres sont forcés d'utiliser des appareils photos... Ou leurs souvenirs. Garde précieusement cet univers, tu lui trouveras une valeur dans quelques années."

"Non !" s'exclama Laura.

Non, elle n'avait pas mauvaise opinion de Cassandre, elle l'admirait et même si le fait que la psychologue savait toujours trop de choses énervait la jeune fille, elle ne pourait jamais penser que la professeure n'était pas parfaite. Certes, elle aurait du se douter qu'elle pouvait la vexer en lui disant ce qu'elle lui avait dit, et sûrement qu'elle aussi, si elle pouvait faire la même chose, elle ne le ferait pas. Oula... Même elle s'embrouillait dans ses pensées ! Elle posa délicatement le carnet et regarda Cassandre qui elle-même semblait essayer de voir quelque chose... Elle devait y arriver d'ailleurs, mais cela pouvait suprendre, l'air qu'avait la jeune femme, tête baissée. Ce qu'elle lui dit fit sourire Laura, quand les gens voyaient ses dessins, ils disaient souvent "C'est beau." ou "Oh tu dessines trop bien !" ou encore "Y en a qui sont super bizarre quand même !" mais le commentaire de Cassandre était différent. Elle apparentait le carnet à un petit monde, le monde de Laura, et elle y trouvait aussi cette signification. Oui, plus tard, quand elle regarderait à nouveau toutes ses oeuvres, elle se rappellerait, comme un an auparavant, quand elle regardait ses dessins qui dataient de la maternelle... Ca lui faisait plaisir.

Elle ne retira pas le carnet à Cassandre, attendant qu'elle eut fini son observation. Elle soupira lentement et se recula à nouveau pour toucher le mur. Là, elle s'assit en tailleur, et resta dans cette position, patiemment. Elle repensait à tout ce qu'il s'était passé tout à l'heure, mais elle avait l'impression que c'était lointain... La soirée des StryX lui semblaient encore plus éloignée, c'était assez étrange. Au moins, maintenant elle s'était calmée, elle était reposée, et c'était souvent que ça lui arrivait de sentir un décalage immense entre le moment où elle était énervée, et le moment où elle redevenait sereine. Elle ne s'en étonnait pas habituellement, mais le silence de la pièce la forçait à penser, et penser à réfléchir sur elle-même. Elle devait vraiment être égocentrique pour ne penser qu'à elle quand elle n'avait rien d'autre à faire !

Laura s'était tue après sa dénégation. Cassandre avait sondé le recueil de dessins quelques secondes supplémentaires, puis releva lentement la tête, les yeux ouverts vers la fenêtre.
Elle resta ainsi le temps d'un battement de paupière, puis referma les yeux avec un soupir de regret.
La psychologue se leva et se rapprocha du lit pour tendre le bloc à sa propriétaire. Elle n'avait malheureusement pas une minute à elle en ce moment.

"Je ne vais pas t'embêter plus longtemps... Nous vous tiendrons au courant pour l'organisation du journal, je compte sur toi, Laura." dit-elle avec un sourire, avant de tendre une main diaphane pour caresser les cheveux de l'adolescente. Elle avait à coeur d'encourager la mutante dans ce projet qui semblait la motiver, d'autant que d'après ses croquis, sa participation serait plus que bienvenue. Laura n'avait pas souhaité lui dire ce qui la tracassait, mais le plus important pour la psychologue était de lui avoir rappelé que sa porte lui était ouverte à tout moment.

"Merci d'avoir accepté de me montrer tes dessins..." dit-elle doucement pour prendre congé de la demoiselle. Sur ces mots, elle quitta la chambre sans un bruit.

Bureau de Cassandre

Normalement, Laura aurait arraché son bloc des mains de la personne qui le tenait, mais comme c'était Cassandre, elle fit preuve d'un peu plus de douceur pour réccupérer ce qui était à elle. Elle avait entendu le soupir de la psychologue et en vint à se demander pourquoi elle avait toujours la mine triste. Le sourire qu'elle lui fit, ainsi que ses paroles, rendirent la jeune fille un peu plus enthousiaste encore, elle était contente de faire plaisir à la professeure en s'impliquant dans ce journal. Dans une phrase qui voulait clore cette discussion, Cassandre partit. Déçue de ne pas avoir un peu plus longtemps de compagnie, Laura posa son carnet et s'allongea à nouveau. Elle allait s'endormir quand son comunicateur faisant des "bip" à répétition, lui rappela qu'il y avait d'autres personnes que Cassandre dans cet institut.

*Faites que ce soit Jess ! Faites que ce soit Jess !*

Elle écouta le message et fut contrariée d'entendre Kitty avec une voix aussi triste. L'autre sociologues à deux centimes avait du finir par parler d'un sujet vexant pour que mademoiselle qui le trouvait siiiii passionant ait décidé de faire sa corvée. Au hasard... la loi Willington ? Mais Laura n'allait pas embêter son amie sur le sujet, car elle savait que c'était déprimant pour elle. En ce qui la concernait, l'adolescente se demanda si jamais elle allait faire une corvée alors qu'elle n'était même pas dans la liste.... Cela reviendrait tout de même à se rajoutter du travail... Bon, pour son amie qui n'avait sûrement plus d'autre compagnie qu'un immense bout de ferraille, elle allait faire un effort. Mais si le binoclard de la cuisine venait s'incruster, elle partirait de suite.

"Héééé parle pas comme ça, ça m'fais de la peine. J'arrive de suite, fais pas trop de bêtises sans moi !"

Elle sortit en emportant dans son sac le bloc qui n'était pas encore entamé. Qui sait, peut-être qu'elle aurait besoin de créer quelque chose...

Chambre de Laura et Luna Hangar