[X-Rays 2.9]Déluge cérébral en vue

Chambre de K. et G.

La New Yorkaise arriva toute émue devant la porte de Mlle Deneos. Sa première consultation psy ! C'était un événement champagne ! Et cotillons !

Une libertaire dans l'antre du mal. L'empire de l'hygiène mentale contre sa différence à elle. C'était une sorte de duel au soleil alors ?

Ben alors, elle en savait rien. Parce qu'après tout, rien ne l'obligeait à consulter... Mais... Georgia sentait bien que des fois, elle était un peu strange quand même. Et impulsive. Et ses actions dépassaient souvent ses pensées aussi. D'ailleurs, ça lui arrivait de ne penser plus du tout du tout, de succomber à ses envies, ses émotions...

Alors ? Parano bien sur... Mais sinon ? Bipolaire ? Borderline ? Schizo ? Pick ? Alzheimer ? Non là, elle délirait une fois de plus...

Elle avait des problèmes. Sentimentaux (avec GabyRiverCamilleIvy). Corporels (avec son tatouage incongru). Théoriques (inutile de développer, chaque jour que Dieu faisait voyait l'émergence d'une nouvelle théorie Beccarienne de l'être en soi, des sentiments et du comportement...).

Du coup elle toqua 4 coups vigoureux à la porte de la psychologue. Etais ce pour des réponses ou pour encore d'autres questions ?

Wait and see...

Saut temporel

Malgré la disparition d'Adam, la vie avait reprit son cours à l'institut. Attendant avec une patience de pêcheur d'avoir des nouvelles de l'enquête, Cassandre n'avait pas abandonné toute tentative personnelle de le retrouver, activité qu'elle pratiquait sur le peu de son temps libre avec une minutie de fourmi. Elle n'était pas à l'aise avec les instruments holographiques de l'institut pour une raison évidente, mais la tablette dont elle se servait comme mémoire temporelle était on ne peut plus utile dans ses recherches. Tout aurait été plus facile si Cerebra pouvait repérer d'elle-même les mutants non télépathes à distance.
La medium suivait invariablement le fil d'Adam, micron par micron, pour rejoindre le moment où la téléportation prenait fin et que son corps se resolidarisait. Elle avait travaillé en secret pendant ces trois mois, et avait l'impression d'avoir progressé de quelques mètres seulement. Combien de kilomètres mesurait réellement la structure d'Adam ? Des centaines, des milliers peut-être.
Elle n'en avait parlé à personne, pas même à Olivier, de peur de lui donner trop d'espoir dans cette tentative fastidieuse, ce jeu de piste gigantique.
Adam avait laissé comme un vide derrière lui, vide que les trois mois passés n'avaient pas réussi à estomper aux yeux de la jeune femme, bien que l'institut l'ait tenue très occupée, de même que l'affaire Alice Porter, qui était selon elle loin d'être terminée.

Les coups frappés à la porte la tirèrent de son occupation. Elle sursauta.

"Entrez." dit-elle d'une voix intelligible sans pour autant hausser la voix. Elle palpa la tablette, sauvegarda son pistage temporel puis reposa l'objet éteint sur le coussin à côté d'elle.

"Bonjour, Georgia." dit-elle doucement, mais avec une certaine chaleur.

"Assieds-toi, je t'en prie." ajouta-t-elle en désignant les coussins libres sur le sol. C'était la première fois que Georgia semblait vouloir lui parler en privé depuis qu'elle était arrivée. La jeune fille n'avait jamais caché sa méfiance envers les psychologues, même devant Cassandre, aussi se demandait-elle ce qui avait pu pousser la New Yorkaise à dépasser ce sentiment pour venir la voir.
Les yeux posés sur l'espace qui les séparait, la non-voyante patienta, sa spécialité, jusqu'au moment où la jeune fille prendrait la parole.

Un peu mal à l'aise, un peu méfiante, Georgia pénétra dans l'antre de Cassandre ne sachant pas encore trop où mettre les fesses...

"Faut que je m'allonge, comme chez les psychanalystes, c'est ça ?"

Question qui pouvait paraître étrange, mais la New Yorkaise n'ayant jamais eu réellement recours à ce genre de soutien, la seule image qui lui venait à l'esprit était l'édifiant Professeur Freud machonnant compulsivement sa pipe tout en écoutant d'une oreille distraite les atermoiements de ses clients...

Décidant de jouer la carte de la rupture avec l'ancienne Georgia, la chieuse et voulant faire tout bien comme il faut, elle décida de s'allonger, le corps plus ou moins posé sur une tripotée de coussins.

"Bon Mlle Deneos..."

Elle avala sa salive. Le palpitant à 300 à l'heure.

"... si je viens vous voir, c'est que je pense avoir des problèmes d'ordre psychologique. Je tiens à préciser à cette occasion que ma culture de prolétarienne libertaire me refuse à considérer les psys autrement que comme des flics à la solde du lobby hygièniste ou comme des ronds de cuir payés rubis sur l'ongle pour écouter d'affreuses bonnes femmes confesser leurs fantasmes sexuels de supermarché. J'espère que l'argent n'a pas l'effet du gaz hilarant sur vous, parce que je n'ai pas un sou vaillant en poche. Toutefois, malgré le fait que vous soyez une réductrice de tête, suite à la fresque que l'on a faite ensemble en cours de philo, je vous trouve plutôt cool... Alors je me suis dit : pourquoi pas ?"

Les aveux préalables étant faits, Georgia pouvait passer au plat de résistance.

"J'ai plusieurs problèmes. D'ailleurs j'en ai fait la liste"

La New Yorkaise sortit un petit carnet. Le feuilletant brièvement, elle mit la main sur le listing en page 4.

"Alors, je vous le donne pèle mèle, après je suppose que je devrais vous raconter un rêve, j'en ai aussi en stock, ne vous inquiétez pas"

Et en effet, elle notait scrupuleusement tous ses rêves depuis au moins un mois. Georgia sourit : le boulot de Cassandre en serait d'autant plus facilité !

"Premièrement : je suis parano. Je pense. Je déteste le gouvernement, les institutions, les flics, les toubibs. Je n'ai pas confiance en la presse. Et je considère que le meilleur gouvernement est celui qui ne gouverne pas du tout. J'adore les théories conspirationnistes et je déteste l'autorité. Voilà"

Elle marqua une pause pour rayer le premier point de sa liste.

"Deuxièmement, comme vous avez pu le constater au cours où l'on a rigolé ensemble, j'ai une forte propension à l'impudeur. Je parle de mes sentiments à quiconque. D'ailleurs c'est ce que je fais là, non ? Je ne sais même pas si vous avez un secret professionnel, mais bon peu importe... J'enlève mes vêtements en public et je n'en ressens aucune honte. C'est grave ?"

Georgia se rendait compte que son cas était très grave. TRES TRES GRAVE.

"Troisièmement et je crois que je m'arrêterais là pour le moment, j'ai la facheuse tendance à vouloir mettre ma langue dans la bouche des jeunes filles de l'Institut. Notamment River. Et Gabrielle. Mais c'est pas la même chose avec les deux..."

Pensant à Gabrielle, Georgia marqua une pause... Puis la pensée évanouie, elle se dit que peut être, si elle voulait que Cassandre la conseille, il fallait lui laisser la parole...

"Pas forcément, mets-toi simplement à l'aise." répondit Cassandre en laissant Georgia s'installer. La jeune fille semblait avoir une idée préconçue en tête. Elle s'était peut-être attendue à voir un divant dans le bureau ?

La non-voyante eut un petit sourire amusé à la tirade de Georgia. Elle était égale à elle-même et à l'impression qu'elle lui avait laissée lors des différentes sessions de cours.

"Tu m'en vois très flattée. Pour la peine, la discussion sera gratuite." plaisanta-t-elle. La jeune lui énuméra alors les choses dont elle voulait parler, en différents points distincts. A la façon dont elle présentait les choses, elle remarqua une certaine forme d'ordre dans le chaos. Elle semblait avoir réfléchi et organisé cette conversation à l'avance. En réalité, Georgia était loin d'être la fille embrouillée que la plupart des élèves semblaient croire.

"Prenons les choses une par une si tu veux bien." finit par répondre Cassandre après l'exposé très factuel des problèmes de Georgia. Elle réfléchit quelques secondes sur le premier point de Georgia.

"Qu'en est-il de l'institut ? A moindre degré, c'est une petite "institution", avec ses règles de vie, et ses garants..." s'enquit la jeune femme sans se départir de son calme.

Toujours allongée, Georgia se mit encore plus à l'aise, à l'invitation de Cassandre, en retirant une à une ses chaussures.

"Ben l'Institut, j'sais pas... On peut pas trop dire que ça soit réellement une institution coercitive, non ? J'veux dire, certes on a des cours, certes c'est obligatoire mais au fond on glande pas mal quand même je trouve..."

Elle était un peu vache quand même. Mais au fond c'était son moi profond qui s'exprimait.

"C'est pas pour me plaindre, loin de là... L'autoritarisme ça craint... Mais l'ennui ? Je pense qu'il y a beaucoup de gens qui s'ennuient en fait... Normal, beaucoup d'élèves passent leurs journées à glander, à se perdre en discussions stériles..."

Georgia se releva et s'assit en tailleur. Décidèment, cette conversation avait une tournure passionnante ! Et il ne fallait pas perdre le fil du sujet...

"Alors que... J'me dit qu'on pourrait tellement faire plus pour la cause... Parce que la fresque c'est sympa... Parce que les exploits édifiants de louveteaux désoeuvrés comme on fait avec les Stryx c'est cool aussi... Mais, dehors, nos frères et nos soeurs souffrent !"

Elle était fébrile. Ses yeux scintillaient d'extase.

"A cause des vieux, du gouvernement, des flics en blouse et de l'armée... Ca craint ! Alors, j'me dit qu'on pourrait arrêter de se tourner les pouces, nous les élèves et agir un peu !"

Georgia sortit une feuille de papier de sa poche qu'elle remit à Cassandre.

"Je sais que vous êtes aveugle, mais peut être que vous pouvez lire dans mon esprit le contenu de ce papier. Sinon, vous pourrez vous le faire lire par un Professeur quand vous en aurez le temps ou l'envie, ou je peut vous le lire si vous préférez. Grosso modo, il s'agit d'un texte que j'ai écrit et diffusé via la toile. C'est ma contribution à l'activisme pro-mutant. Vous me direz si c'est grave..."

Ceci fait, Georgia reprenant sa position allongée de base, termina :

"L'Institut, ça me convient... Hormis cette histoire d'ennui, mais c'est peut être juste que je rale... Vayne est cool, vous aussi, les autres profs... Non, j'aime plutôt bien l'Institut et je vous en remercie pour son existence"

La réponse de Georgia amusa Cassandre.

"Peut-être que si tout le monde faisait vraiment ses corvées, ils auraient moins de temps pour se tourner les pouces." souligna-t-elle avec un sourire en coin. Malgré les cours de l'école, ceux que les élèves encore scolarisés suivaient dans les établissements publics de la ville et les entraînements, la jeune femme trouvait l'emploi du temps des élèves bien rempli.

"Je crois que parler, même pour ne rien dire, rassure les gens. Le silence les gêne. Mais si parler permet à tes camarades de se détendre, leurs discussions ne sont peut-être pas si stériles que ça, tu ne crois pas ?" dit-elle, accompagnant ses paroles d'un petit haussement d'épaules. La jeune fille ne semblait pas réaliser la position extrêmement délicate de l'institut dans la conjoncture actuelle. Les événements de ces derniers mois avaient pourtant jeté une sorte de voile sur l'école. La disparition d'Adam, les objets inquiétants retrouvés en Oregon et au Club des Damnés, les expériences menées par Bishop, sans parler du CIAM... Mais la fin de l'année s'était passée sans accroc, les fêtes avaient permis aux élèves de se replonger dans la vie stable des étudiants de leur âge, si l'on exceptait le gène X.

Cassandre se saisit du papier tendu par Georgia et en prit connaissance par l'esprit. Visiblement, la New Yorkaise pensait avoir fait une action répréhensible. Elle exécrait l'autorité, mais se plaçait constamment sous son joug, comme si elle s'attendait à être condamnée en chaque instant. Pourtant les propos qu'elle tenait dans son texte soulevaient des questions intéressantes et qui méritaient réponses.

"Tu as tout à fait le droit de t'exprimer, Georgia, ne laisse personne te dire le contraire... Je trouve ton texte très pertinent, je serais très intéressée par l'écho qui en découlera, car il trouvera un public, c'est une certitude. Tu accepterais qu'on le diffuse dans le journal de l'institut ? Vois-le comme une opportunité de redonner une chance à la presse." répondit la jeune femme, le papier dans la main mais le visage tourné vers le sol. Georgia voulait changer les choses avec ses moyens. Le journal de l'institut lui permettrait peut-être de se défaire de sa paranoïa tout en se sentant active.

"Concernant l'institut, nous faisons ce que nous pouvons à notre façon, mais il ne faut pas perdre de vue que si ces derniers temps ont été relativement calmes, nous n'en sommes pas moins dans le colimateur général... Nous devons rester prudents quant à nos actions, mais nous agissons toujours, même ce n'est pas toujours palpable. Les OryX doivent par exemple militer pour les droits mutants cet après-midi avec Melle Fouba." expliqua Cassandre d'un ton posé et réfléchi. La donnée "Adam Zachary" n'était pas totalement étrangère à ses propos. Elle savait que retrouver le directeur adjoint nécessiterait des choix stratégiques plus qu'une simple enquête policière.
Apparemment, Georgia se sentait bien à l'institut. Elle n'était dont pas réfractaire à tous les types d'institutions, de cadres, mais peut-être plus simplement à ceux qui lui étaient imposés.

"Pour en revenir à ce que tu penses être un problème... Je dois dire qu'à l'heure actuelle, c'est plus faire preuve de clairevoyance qu'autre chose." fut-elle bien forcée d'admettre. Quand on considérait ce qui se tramait autour d'eux, il fallait s'attendre à tout, surtout au pire.

"Mais tu gagnerais peut-être à moins systématiser tes raisonnements et à analyser les choses sous différents aspects pour avoir un point de vue plus complet. Qu'en penses-tu ?"

Georgia eut l'air bête un instant... La réductrice de tête était finalement pas de si mauvais conseil que ça... Pas de jugement moralisateur, pas d'attitude condescendante, elle ne l'avait pas giflé quand elle avait admis être sans le sou et ne paraissait pas fébrile ni impatiente de jeter la New Yorkaise hors de son bureau...

La parole jouait effectivement un rôle important. Facteur de sociabilisation. Facteur de construction du soi et de l'autrui. Mise en mouvement de la pensée associative. Générateur de machines désirantes.

"Je vois que j'ai peut être fait un raccourci lamentable... Je reconnais que la parole c'est essentiel. D'ailleurs je parle tout le temps. Il nous faut des mots pour nos maux... Vous vous souvenez la fresque ? J'avais écrit quelque part, sous une tâche noirâtre, que le silence équivalait à la mort... Je ne dis pas que ça fait sens, mais bon..."

Il fallait être plus explicite. Toujours la parole libre mais là il s'agissait de montrer que ton cortex préfrontal était encore capable d'émettre des idées cohérentes. Allez, Georgia encore un effort !

"Quand je parlais de blabla stérile... C'était pas vraiment le blabla que je pointais... Plus un manque d'initiative de notre part. Certes, comme vous le dites ironiquement, on pourrait mieux faire nos corvées, d'ailleurs il me semble que j'en ai une qui m'attend avec River, mais ce n'est pas ça l'action comme je la réclame. Enfin, je ne critique pas réellement mes camarades... Au fond, ça m'est égal, leurs discussions pour la plupart... C'est juste que ça ne me convient pas, à moi..."

Le texte avait plu à Cassandre ? C'était un truc en plus, comme des jetons de présence en fait... Mais ça faisait tout de même plaisir de se l'entendre dire.

"Merci, il fallait que ça sorte cet article. Et que je l'envoie. Sinon je me serai sentie un peu hypocrite de me plaindre du manque d'action en fait... Et puis, ça me permettait d'y mettre un peu de clair dans mes idées. Et c'est pas non plus dans mon habitude de fermer ma grande gueule... En revanche, pour la diffusion dans le journal de l'Institut, bien entendu, j'accepte..."

Pourquoi pas après tout ?

"L'action pour moi, c'est l'investissement dans la communauté, la cause... Si vous voulez, je ne peut pas réellement juger de comment ça se passe à l'Institut, je n'en connais pas encore la fin... Mais... Disons que si je peut être d'une utilité quelconque, ouais quelconque, ben ça me ferait plaisir..."

Enfin, Georgia termina sur la dernière remarque de la psychologue. Systèmatique elle ? Ben oui un peu en fait... OK franchement systèmatique... Voire complétement. Elle systémique ou systémo-paranoïde. Adepte du constructivisme théorique. Mais pas réellement clinicienne. C'était ça qui lui manquait, en fait, l'expérience...

"Bon disons que je suis un peu excessive des fois... Je le reconnais. Après, je ne sais pas d'où ça vient, mais j'arrive encore à le vivre correctement. J'ai une facheuse tendance à élaborer des théories à partir de rien. Peut être un désir conscient de reconstruire un monde pourri à ma sauce ? A le penser non pas tel qu'il est, mais tel qu'il devrait être ? Parce que si le monde était aussi malsain et maléfique que je le vois, aussi remplie de complots et d'institutions mortifères, ben peut être que ça aurait plus de sens pour moi... Parce que là, si je commence à me dire, que tout ça c'est normal. Inéluctable. Socialement construit. Création ex-nihilo sans arrières pensées théoriques. Ben je vais réellement commencer à déprimer... Vous voyez ?"

Et enfin...

"Apprendre à voir les choses sous un autre angle ? En même temps, je me dis aussi que le plus terrifiant c'est que tout le monde a toujours ses raisons pour tout. Et je ne sais pas si je voudrais encore juger après ça... Si je ne finirais pas par m'amollir, me résigner, baisser les bras... Mais bon, je manque peut être tout simplement d'indulgence, vis à vis des autres ?"

La fresque. Elle faisait maintenant partie intégrante des murs du foyer et de l'atmosphère qui y régnait. Cassandre en gardant un bon souvenir : ce n'était pas tant sa teneur que d'avoir réussi à mener les élèves à sa réalisation. Ca n'avait pas été simple et le sentiment de satisfaction qui en découlait était proportionnel.

"Oui, je me souviens de ce que tu avais écrit... Ce que tu dis me rappelle un peu la réaction d'un de mes élèves il y a quelques temps." répondit-elle pensivement. La réaction de Frank lorsque l'équipe avait prévu de visiter les laboratoires de Bishop Industries avait été la facilité, le confort. Trop content de la protection pourtant relativement précaire de l'institut, il avait trouvé absurde de remettre ce qu'ils avaient en cause pour défendre leurs droits. Sa position avait été d'autant plus délicate qu'il était leader de l'équipe.

"Certains élèves ne sont pas prêts à militer, pour de nombreuses raisons. Pour la plupart la situation et le sentiment de sécurité qu'ils ont ici est une satisfaction en soi, un plus comparé à la situation qu'ils avaient avant de venir à l'institut. Ils ne veulent pas perdre ce qu'ils ont acquis et risquer de mettre en péril l'équilibre fragile de l'école. Tu as choisi d'essayer d'aider les autres mutants, les autres choisissent bien souvent de s'aider eux-mêmes. On peut le voir comme une forme d'égoïsme, mais c'est peut-être tout simplement l'instinct de survie." réfléchit-elle à voix haute.

"Cela dit, ton article les inspirera peut-être." ajouta-t-elle avec un sourire confiant. Les élèves, qui avaient pour la plupart été assez malmenés, aspiraient à la tranquilité, cependant certains déclencheurs parvenaient à les faire réagir à ce qui se passait au dehors, et qui les affecterait forcément, même si le cadre de l'école donnait l'air d'atténuer les vagues qui ébranlaient la mutanité.

"A trop idéaliser, on ne peut qu'être déçue, je pense. S'autoriser un autre regard, ce n'est pas forcément adhérer aux raisons de l'autre, mais simplement accepter leur existence. D'après... tes deux autres points, tu m'as l'air d'avoir l'esprit ouvert et d'apprécier les nouvelles expériences. D'ailleurs tu es venue discuter avec moi, c'en est une autre preuve. Que dirais-tu d'essayer durant les jours prochains, de lister les points de vue alternatifs de ce qui ne te convient pas ?" proposa la jeune femme.

Georgia était rassurée. Au fond ce qu'elle prenait pour de la paranoïa pathologique n'était juste que le fait d'une jeune fille révolée qui a besoin d'hommes et de femmes forts pour balayer un monde pourri...

"Instinct de survie, besoin d'action... Nos personnalités réagissent de façon différentes à nos ruptures biographiques. Ce qui me convient ne convient pas forcément aux autres, je le comprend parfaitement. Et c'est gentil de penser que je peut servir d'électrothérapie sur pattes avec mon article. Sinon, même si ça reste lettre morte, tant pis, j'en avais besoin de toute manière..."

En même temps Georgia avait du mal à conceptualiser l'Institut comme autre chose qu'un foyer temporaire. Dans 2 ans serait elle encore là ? Et dans 5 ? 10 ? 20 ? Un jour il faudrait prendre des trains qui partent. C'était effrayant. C'était froid. Et dur. Mais c'était comme ça. Elle ne pouvait se permettre d'oublier de saupoudrer son principe de plaisir avec du principe de réalité de temps à autre... Même si ça faisait mal...

"Faire une liste, adopter d'autres grilles de lecture et de paroles, pourquoi pas ? Au pire, ça m'aidera à mieux connaître l'ennemi. Parce que quand on lutte contre l'Empire, il faut aussi savoir le devenir à un moment..."

De la parano à la pathologie constructivo-idéalistico-romanesque... La fin est proche. Mais pas les moyens.

"Bon je vais faire ça... Après tout, c'est un peu ce que je demande dans mon article ? Un autre regard... C'est jamais toujours côté pile ou côté face, faut que j'admette pouvoir me gourer de temps à autre..."

Georgia marqua une pause. Si le thème de la paranoïa semblait terminé. Après tout la messe avait été dite en long en large et en travers. Il fallait passer à autre chose. L'impudeur ? Ca ne la préoccupait pas tant que ça, en fait... Alors ? Le thème. Oui le thème. Version Georgia.

"Merci en tout cas, je me sens nettement mieux. Plus confiante. Enfin, je crois. Et plus incertaine à la fois. Je sais qu'il faut que je doute mais que j'ai raison d'être pessimiste par rapport à ce qui m'entoure, sauf que... Sauf que, pas tout le temps, en fait. Enfin, je me comprend... Mais..."

C'était pas évident à redire, là maintenant que Cassandre avait tant parlé...

"Je sens que j'ai un trouble de l'identité. Du désir. Ce genre de trucs, c'est assez embarassant, je le vois pas nécessairement comme quelque chose de pathologique... Mais depuis mon arrivée à l'Institut, j'ai du mal à me réinscrire par rapport à moi même. Pour être plus simple : j'ai des problèmes sentimentaux comme toute fille un peu cruche de 17 ans, mais sauf que je ne ressens de l'attirence que pour mes semblables... Enfin, vous voyez ce que je veux dire... Je..."

Stop. Laisse la parler. Tu flipperas ta mère après.

"Comprendre, c'est aussi justifier." approuva Cassandre à la mention de "l'Empire" de Georgia. Elle trouvait toujours moyen de se mettre sous la coupe d'un ennemi invisible. C'était une sorte de moteur à sa réflexion. La Don Quichotte en herbe lui assura avoir repris confiance, ce qui n'était pas évident à entendre les conclusions qu'elle avait tirées, du moins l'expression de ses conclusions, qui étaient sûrement nettement plus claire dans son esprit, à l'état de concepts intuitivement assimilés.

Cassandre secoua légèrement la tête aux remerciements de Georgia. Elle n'avait pas fait grand chose que simplement montrer une de ces alternatives à la New Yorkaise en fin de compte. Elle eut ensuite un sourire discret à l'hésitation manifeste de ses dernières paroles. Elles abordaient un sujet délicat. Il l'était déjà avec des adultes de sexe opposé, Cassandre était bien placée pour le savoir, alors avec des jeunes dans le cas de Georgia, c'était bien normal qu'elle se sente perdue. La jeune fille semblait réticente à appeler les choses par leur nom, par peur peut-être, de ce que cela signifiait réellement. Les mots n'étaient que des conteneurs, mais l'ouverture de ces petites boîtes de Pandore laissait échapper l'impact réel de ces abstractions sur la vie.
Cassandre tendit une perche à la jeune fille en formulant à sa place :

"Tu... préfères les filles ? Tu m'as parlé de River et Gabrielle tout à l'heure. Tu as mentionné une différence entre elles..." suggéra Cassandre en surmontant sa propre timidité naturelle.

Penser c'est juger. Comprendre c'est justifier. Du jugement péremptoire à la relativité subjective et partagée, y'avait quand même un monde... Encore un effort, pour devenir post-moderne alors !

Hey Monsieur Flic, c'est quoi tes machines délirantes à toi, alors ? Vis ma vie de robot gouvernemental hygiéniste qui défouraille à coup de pinces, de forceps et de thymorégulateurs les vilaines petites filles orphelines de la pensée... Mais au fond, ce qui lui faisait le plus peur était de s'apercevoir qu'au delà de l'idéologie qui la séparait avec les forces des ténèbres, sponsors officiels des pouvoirs en place, elle n'était pas si loin que ça de leur mode de fonctionnement.

Les extrêmes se rejoignent toujours. Technique du fer à cheval.

"Je crois que j'ai peur de me regarder en face, en fait..." lacha Georgia, un peu surprise de ses propres paroles.

Mais bon, le sujet identitaire n'était pas forcément plus simple non plus...

"Je sais pas si je préfère les filles en fait... J'veux dire, j'ai déjà eu des copains et tout et tout... Jamais réellement le grand amour, maintenant que j'y pense... Mais comment savoir ?"

Elle se recoiffa de la main. S'humilier de paroles, oui. Mais le faire sans être totalement class', non...

"Bref, les filles et moi, c'est... J'sais pas. Ca me semble pas possible autrement à l'Institut... Les mecs sont tellement... Enfin..."

Elle s'égarait. Elle en était au moment où la parole trébuche, car libre et spontanée. Ca parle en moi. Allo Docteur Médoc' ? Je veux ma ration de lithium, de prozac, d'atarax et toute la pharmacopée qui va bien...

"Ben Gaby... River... C'est pas pareil en fait. Parce que..."

Nouvelle pause, nouvelle gène. Pas évident de parler de soi plutôt que de délirer juste...

"River, c'était nouveau pour moi, en fait... Qu'elle le veuille ou non, que je le veuille ou non, c'est et ça restera la première que j'ai embrassé... Mue par un désir insurmontable, inexpliquable et inextricable. Mais par la suite, je réalise bien que je ne la veux pas réellement... C'est un mélange de jeu et d'expérimentation. C'est dur à dire mais c'est ça... Et puis, comme ça ne compte pas, je m'en fous, j'agis..."

Bon le sujet River étant fermé, on peut balancer le dossier à l'archivage. Fin de partie. L'amour ne dure que trois jours quand c'est n'importe quoi. BORDELMEGAMONSTREPARTOUT c'est fun deux secondes, mais assez, ça suffit...

"Gaby... Ben c'est tout le contraire, en fait... Là où pour River j'osais, ici, je suis inquiète, fébrile, je doute, j'ai peur... Là où pour River, j'en rigole, pour Gaby je souris plus béatement, stupidement... Vous voyez ? Je ne veux pas parler d'amour. Parce que c'est surfait et tout et tout. Et que là, ça serait débile.... parce que je n'en sais rien ! Mais Gaby c'est Gaby et voilà... Je délire encore"

Puis reprenant un rythme plus lent, plus calme, plus intime :

"J'ai peur de me planter en fait. C'est ça j'ai plus peur de me planter, dans mon désir, dans mes pensées, dans ce genre de trucs plus que honte de ce que je suis... Le problème c'est pas mon orientation sexuelle mais mon affinité élective particulière..."

Enfin, concluant :

"En fait, je me rend compte en parlant, que c'est une situation tout à fait normale, à mon sens... Une personne est attirée par une autre, c'est tout..."

A mesure que Georgia exposait ce qui la tracassait, Cassandre réalisait que la jeune fille avait uniquement besoin de mettre les choses à plat, comme certains ont besoin de poser un calcul pour effectuer l'opération.

"Qu'est-ce qui ne te convient pas chez les garçons de l'institut ? Tu es sortie avec des garçons depuis la découverte de ton pouvoir ?" s'enquit la non-voyante. Si Georgia avait déjà eu de petits amis, la rupture actuelle qu'elle semblait établir avait peut-être quelque chose avoir avec le changement qui s'était opéré en elle depuis lors.
Elle n'imaginait pas un mutant qui aurait découvert son pouvoir sans sourciller une seconde. Le phénomène mutant était maintenant connu, mais cela n'estompait pas les questions existentielles que la découverte de sa propre mutation pouvait poser. Peut-être Georgia recherchait-elle des réponses à ses questions auprès de ses congénères strictes.
Les garçons de l'institut... Comme pour les filles, la variété était le maître mot au manoir. Nationalités, cultures, caractères, physiques... Il y en avait pour tous les goûts. D'ailleurs, plusieurs élèves sortaient ensemble, ce qui prouvait que les personnes n'étaient pas nécessairement en cause dans le "souci" de Georgia. Tout partait d'elle. Encore une fois, la jeune fille esquivait les mots qui la gênaient. N'avait-elle pourtant pas affirmé être dépourvue de pudeur ?

"Je suis d'accord avec toi sur le fait que ton problème n'en est pas un, du moins c'est le genre de problème qui se pose à toute personne de ton âge... et qui risque de te poursuivre bien longtemps." commença Cassandre, un petit sourire au coin des lèvres. Elle-même à son âge n'était pas très sûre de ses propres sentiments en la matière, et évitait soigneusement d'évoquer mentalement certaines réalités qui l'obligeraient à regarder les choses en face.

"Mais pourquoi ne pas appeler les choses par ce qu'elles sont ? Rappelle-toi le cours où nous avons fait la fresque. Nous avons beaucoup parlé des mots et de leur sens. Une affinité élective... je conviens que cela peut s'appliquer à l'amitié autant qu'à d'autres domaines... mais nous parlons bien de sentiments. C'est un bel euphémisme. Tu y verras sûrement plus clair en commençant par accepter les choses comme elles sont, en te regardant en face comme tu le disais." ajouta la jeune femme. Car ce n'était pas la psy qui s'exprimait à ce moment précis. Cassandre était consciente de vivre, ironie du sort, avec des oeillères placées stratégiquement, et qu'elle se refusait délibéremment à retirer par crainte des conséquences, pour elle, mais aussi pour les autres, pour l'autre.

"Tu es jeune, tu as toute la vie devant toi. Mais autant en profiter dès maintenant au maximum pour ne jamais avoir de regrets. Les mots peuvent sembler dangereux ou blesser, mais à sans cesse arrondir leurs angles par besoin de confort, on perd fatalement quelque chose." dit-elle d'une voix légèrement rauque.

Elle avait choisi de vivre ainsi jusqu'ici, dans le principe, induit par son pouvoir, de limiter les casses, de sauvegarder ce qui pouvait l'être. Mais en définitive, elle n'avait jamais vécu pleinement ce qu'elle avait désiré. Elle s'était gardée de désigner l'objet de ses désirs, et n'avait donc jamais pu les toucher du doigt. Et la vie avait la cruauté de sans cesse placer ces objets sur notre chemin. Mieux valait peut-être entrer dans son jeu.

Bon, la psychologue l'encourageait à surmonter sa timidité sentimentale aux fins de mieux profiter de la vie... Ca se tenait, en fait. Mais plus facile à dire qu'à faire !

Georgia venait de même de se rendre bien compte d'un truc qui la turlupinait un peu : si en public elle se permettait tout, dans les occasions où ça comptait réellement (devant les gens qu'elle appréciait, dans les situations où elle ne pouvait pas tricher), elle était moins percutante, plus renfermée... Que de masques, de voiles pour des choses aussi simples et banales que l'expression de petits sentiments d'adolescente un peu seule, un peu paumée, un peu bohème... Quelle honte au vague à l'âme ?

Mais d'abord les garçons...

"Ben les gars de l'Institut... Pardon pour ma franchise et sans méchanceté aucune d'abord... C'est un peu des looses tous... Même pas en rêve, même pas sur une île déserte, même pas si c'étaient les derniers sur Terre, c'est une défense itérative, un interdit en forme d'impératif catégorique... Ma langue n'ira jamais frayer dans leurs sinistres cavités buccales. Pour ceux que je connais, ils allient le charisme d'un chat mort à la profondeur d'un lave-vaisselle ou d'une chaussette sale..."

Elle fit claquer sa langue dans sa bouche. 7 fois à la tourner, le compte était bon.

"Je schématise. Ils sont pas tous aussi nazes que ça... Mais, à part Angel qui est sympa mais qui me semble dangereux, Alixtide qui est touchant mais cradingue et Iacobo qui est... trop borderline pour moi, je vois pas... Ou alors faudrait piocher dans les profs, mais là..."

Tout ça pour dire...

"Tout ça pour dire que non, je suis célibataire depuis la découverte de ma différence génétique. Et oui, je me sens un peu seule en fait..."

Et le langage ? Qui disait "Les mots sont des grenades, dégoupillons les" ? Ben oui, petite cruche, c'était toi, la grande, la fière, la rebelle, Georgia la folle... Et là, qui c'est la petite fille apeurée qui se cache derrière une logorrhée inoffensive de midiniaiseuse un peu tarte ? Encore un effort, si tu veux être toi !

"OK... Bon, on va lacher des mots comme du lest... Je crois que je suis homosexuelle, ça sera plus clair comme ça. Même si c'est encore flou dans ma tête, c'est un truc qui s'impose de plus en plus comme une évidence. Et je crois aussi que je ressens un truc qui n'est plus de l'amitié pour Gabrielle. Genre un truc vachement fort, qui me fait que je me dis, souvent, très souvent, que j'aimerai bien être plus qu'une amie pour elle..."

Georgia fit son sourire de prédatrice.

"Je crois que je suis plus honnête là avec moi même... Même si à mon avis je zappe dans mon désir, un réalisme que je croyais tout de même chevillé au corps..."

Olivier n'avait pas été seul avec Cassandre depuis quelques jours, il était mal à l'aise en sa présence mais la disparition d'Adam imposait une prise de position vis à vis des membres des X-Rays.

Il avança doucement dans le couloir, il frappa à la porte en regrettant mmédiatement son geste. Il y avait d'autre personne avec qui Olivier pouvait parler. Pourquoi Cassandre?

Des voies traversaient la porte, Cassandre devait être occupée, Olivier fit volte face décidé à trouver une autre raison valable pour voir la psychologue.

La crudité des propos de Georgia destabilisa quelque peu Cassandre dans ses réflexions toujours aussi empreintes de pondération. Elle était certes habituée à des excès linguistiques de la part de certains élèves, mais Georgia n'était pas grossière. Son verbe était même travaillé si on y regardait de plus près. Mais ses paroles étaient tellement imagées que Cassandre parvenait à se les représenter sans mal. La cécité avait ses avantages, aussi non politiquement correcte que cette révélation pouvait l'être.

Les paroles honnêtes de la jeune fille firent écho aux pensées de Cassandre. Dix sept printemps et Georgia était déjà plus avancée qu'elle à présent.

"Que comptes-tu faire à présent ? Lui en parler ?" s'enquit la jeune femme, avant que des coups frappés à la porte n'interrompent leur conversation.
Les yeux clos, Cassandre tourna lentement la tête dans la direction de la porte.
Quand on pensait au loup...
Elle s'interrogeait sur le motif de sa visite en privé. Tout ce qu'elle savait c'est qu'Olivier n'était pas du genre à venir la voir pour parler chiffons... ni d'autre chose de plus personnelle d'ailleurs.

"Excuse-moi, Georgia." dit-elle en se levant avec précaution. Elle marcha vers la porte et l'ouvrit doucement.

"Olivier ?" dit-elle simplement d'une voix hésitante, la tête légèrement inclinée sur le côté.

Olivier se retourna de nouveau, il se trouvait face à Cassandre qui l'avait reconnu une fois de plus sans qu'il prononce le mondre de mot et malgré son handicap.

"Je crois que tu es occupé, je repasserai un peu plus tard."

Le directeur pencha la tête pour entrapercevoir Georgia dans le bureau de la psychologue.

"Un problème avec Georgia?" interrogea-t-il pour lever la malaise qu'il resentait.

L'entretien virait de plus en plus sur une dimension non psychologique... Après tout, son attachement à Gaby, ne méritait peut être pas de convoquer, à un colloque particulier, l'armée des vieilles barbes (Freud le romancier, Lacan le poète, Bettelheim le farceur et Skinner le marionnetiste)...

Il était agréable de constater la capacité d'écoute de Cassandre. Georgia était rassurée de voir qu'à aucun moment elle n'avait eu droit au triptyque jugement - moralisation - normalisation et qu'au fond, elle avait pu exprimer l'essentiel de sa pensée en toute liberté...

De même face au fil de sa pensée, elle avait commencer à retrouver grâce à Cassandre un peu de signifiant...

Le Docteur Fleury interrompit la séance. Avait il un problème psy lui aussi ? Ou l'envie de confronter les données d'un cas clinique avec Cassandre ? Ou...

Peu importe à vrai dire... Georgia se sentait mieux. Désireuse de ne pas consommer plus de temps libre de Cassandre que nécessaire, elle profita du bref échange entre les chefs de l'Institut pour se lever, saisir ses chaussures et se diriger vers la porte.

"Bonjour M'sieur Fleury" lança t'elle par respect des conventions.

Puis s'approchant de Cassandre, elle lui déposa un baiser sur la joue et lui dit, calme et posée :

"Merci Cassandre. Ca m'a bien aidé. Mais je pense que là faut que je continues à y réfléchir par moi même... Et je vais lui en parler, au fait..."

Enfin, elle franchit la porte et se mit à la recherche de Gaby...

Cuisine

Pour une fois qu'Olivier venait lui parler, elle était en effet occupée. Cassandre s'humecta les lèvres en se demandant quoi faire. Comme en grammaire, elle était victime de l'éternel dilemme entre la nature et la fonction. Elle était tiraillée entre l'envie de retenir Olivier ne serait-ce que pour échanger deux mots avec lui, et celle de s'astreindre au profesionnalisme qui était avant tout la raison de leur rapprochement actuel.

La main toujours sur la poignée de la porte, la non-voyante tourna la tête vers Georgia, qu'elle entendit se déplacer dans la pièce.

"Eh bien..."

Amusant comme le baiser était devenu la monnaie d'échange de ses conseils depuis son arrivée à l'institut. Georgia avait l'air apaisée, plus sûre d'elle, et semblait avoir décidé de signer la fin de leur entretien d'elle-même.

"Je t'en prie, tiens-moi au courant." lui répondit-elle avec un sourire timide en la laissant passer le seuil. La jeune fille coupait court à son conflit interne.

"Non, aucun problème avec Georgia... Elle voulait juste me transmettre un article pour le journal et on a... un peu discuté." répondit-elle en faisant signe d'entrer au directeur. Elle pensait vraiment sa réponse, quoiqu'elle ait légèrement sous-traduit leur conversation pour ne pas tracasser inutilement Olivier. Les préoccupations de Georgia étaient des plus normales pour une fille de son âge, mutante de sucroit. Elle essayait donc de ménager le directeur avec ses maigres moyens depuis la disparition d'Adam. Perdre son meilleur ami et bras droit ne devait pas être évident à gérer, et même si son ami n'en parlait pas, la jeune femme se doutait de son inquiétude. Elle n'avait pas oublié la conversation qu'elle avait eu avec Anna trois mois plus tôt au barbecue. Cassandre était aussi là pour soutenir les professeurs si le besoin s'en faisait sentir, et Olivier était le dernier qu'elle se permettrait de négliger...
Peut-être aussi avait-il des informations à lui communiquer sur les artéfacts trouvés au Club des Damnés et dans le souterrain de l'Eglise de l'humanité dans l'Oregon. Quelle que fut la raison de sa visite, elle savait, se convainquait qu'elle n'avait rien de personnel. Ca valait mieux ainsi.

"Repasse donc tout de suite." ajouta-t-elle pour essayer de briser la glace. Elle sentait une certaine tension dans la voix du directeur. Peut-être avait-il reçu des mauvaises nouvelles de la part de Joshua Garrison ? Le britannique les tenait régulièrement informés des avancements, ou plutôt du piétinement de l'enquête, à laquelle aucune piste probante n'était venue s'ajouter depuis la disparition d'Adam au mois de septembre.

Elle hésita quelques secondes sur la façon d'aborder Olivier. Elle connaissait les gens, c'était son métier, mais Olivier semblait échapper à ses instruments de mesure, comme une île oubliée des cartes.

"... Tout va bien, Olivier ?" demanda-t-elle après un silence de quelques secondes.

Olivier entra dans le bureau de la psychologue sur son invitation, puis l'a laissa refermer la porte.

"J'espère que je ne te dérange pas Cassandre"

Olivier se tenait les mains et se les serrait avec une force qui ne pouvait denoter qu'une certaine nervosité, une séance de psychothérapie lui ferait-elle du bien?

"Disons plutôt que je me dois d'aller bien pour que le moral des étudiants ne soit pas influencé par le mien, la disparition d'Adam pose déjà suffisemment de problèmes mais je suis très inquiet."

Olivier marqua une petite pause.

"Il y a un an quand Thadeus m'a enlevé, je n'avais pas peur pour moi, j'avais peur de ce qui avait ou vous arriver à toi... et aux élèves mais je me rends compte aujourd'hui que la pression est beaucoup plus importante pour ceux qui restent que pour ceux qui partent."

Olivier ne voulait pas que ses reflexions inquiète celle qui faisait désormais office confidente et décida de terminer sur une note optimiste.

"Le manque d'information empêche la mise en place d'une mission de sauvetage que les X-Rays feraient avec plaisir, je pense qu'il nous faut occuper les esprits et maintenir une certaine pression à l'institut pour qu'ils soient pret le jour venu. J'en ai parlé à Cerebra et elle nous a préparé une simulation pour le prochain entrainement des équipes."

"Non... Tu ne me dérange pas du tout." répondit la jeune femme en faisant quelques pas pour revenir vers le centre de la pièce. Jamais aurait été plus exact mais la psychologue se surveillait en la présence du directeur.

Elle comprenait bien l'angoisse d'Olivier en cet instant, et ses lignes de conduite, dictées par ses responsabilités à l'institut. Adam et elles avaient vécu la même chose lors de l'enlèvement d'Olivier. Garder la tête froide, maintenir un cap pour les élèves, reléguer les états d'âme aux rares moments de solitude et de repos. C'était un état de veille constant, où l'inquiétude couvait même dans les moments d'occupation destinés à la faire taire.

"Je le suis aussi... Nous devons tenir bon jusqu'à ce qu'on le retrouve. Car on va le retrouver, Olivier. Mais ça ne nous empêche pas d'en parler entre nous, je suis là pour vous aider... pour t'aider." dit la non-voyante non sans une certaine fébrilité. Elle voulait assurer Olivier de son soutien, à titre personnel. Elle avait déjà prouvé qu'elle était là pour les coups durs à titre professionnel, mais malgré leur amitié, il existait une gêne entre eux qu'elle n'avait jamais connue avec Adam.
Elle se détendit légèrement en entendant Olivier s'ouvrir quelque peu à elle. Elle hocha doucement la tête, puis réajusta une mèche derrière son oreille. Ce qu'il disait était vrai, il traduisait l'angoisse de la jeune femme à sa propre disparition. Elle n'avait jamais eu le courage de lui en parler à son retour. Il n'y avait pas eu d'effusions, de confessions. La vie était calmement rentrée dans l'ordre au retour des NGX de la base Eden. Un soupçon de couleur grimpa sur ses joues blêmes.

"Ton absence a été dure à supporter pour l'institut... et pour nous tous." confirma-t-elle en détournant la tête. Elle n'avait pas besoin de croiser le regard d'Olivier pour se sentir embarrassée. Ce "nous" était un piètre bouclier, mais il permettait à Cassandre de parler à demi-mot, comme elle le faisait si souvent.
Elle se voyait pourtant deux minutes plus tôt conseiller l'acceptation et la franchise à Georgia...

"C'est une bonne idée, cela fait un moment qu'ils n'ont plus eu d'entraînement, je pense que ça fera du bien à tout le monde. En tout cas tant que nous n'aurons pas de piste viable, mieux vaut éviter d'en parler aux X-Rays pour ne pas leur faire de fausse joie." répondit-elle, en songeant à la recherche temporelle qu'elle menait en secret. C'était pour la même raison qu'elle n'en avait pas parlé au directeur.

"Les X-Rays sont très attachés à Adam, ils ont été bouleversés par les événements survenus à Londres. Ils ont besoin de rester encadrés, sentir qu'ils ne sont pas seuls. Et puis j'espère que la fête organisée par les StryX ce soir leur changera les idées..." dit-elle l'air de rien tout en s'adossant au mur de son bureau. Toute l'école était conviée, mais elle se demandait si Olivier aurait le coeur à y aller.

"Dis-moi... Tu as du nouveau sur les objets impliqués ? Ce casque que les X-Rays ont vu au Club des Damnés et l'espèce de harpon trouvé à l'Eglise de l'humanité ? J'ai la nette impression que toute cette histoire est étroitement liée, et ça ne me dit rien qui vaille..." ajouta-t-elle, le visage préoccupé.

Olivier regretta encore plus l'absence d'Adam, il était le spécialiste en technologie. Chacun avait ses aptitudes dans la triulvirat de l'institut, l'esprit pour Cassandre et le corps pour lui-même. Les nuances dans la voix de la voyantesubmergeait littéralment Olivier, tantôt il s'inquiétait pour elle, tantôt il était heureux mais il ne pouvait montrer quoique ce qoit.

"Je ne sais pac à quoi peuvent servir ces objets. Mais s'ils les voulaient, c'est qu'ils avaient besoin d'eux. Nous savons également qu'ils veulent des télépathes et ça m'insuiète beaucoup plus."

Olivier se leva de la chaise sur laquelle il s'était asis un peu plus tôt et s'emporta.

"On ne devrait pas plutôt s'occuper des gens plutôt que de parler d'objets inconnus. Qu'importe ce qu'ils peuvent faire de tout ça, occupons-nous plutôt des gens qui disparaisse en Europe, tous des télépathe, ce n'est pas plus inquiètant?"

Le soudain emportement d'Olivier surprit Cassandre. C'était la première fois qu'elle le voyait dans cet état. Elle le connaissait calme, responsable, même s'il n'hésitait pas à prendre certains risques quand il le jugeait nécessaire comme lorsqu'il avait affronté Thadeus Zachary sur un plateau télé... Sa manière de faire s'apparentait un peu à la sienne, bien que Cassandre soit nettement plus timorée. Les caractères des trois vieux amis se mariaient très bien en réalité, malgré leurs dissemblances.
Elle attribua cet éclat au stress, au sentiment d'impuissance et à l'inquiétude qui devaient le ronger ces derniers mois. Elle était inquiète pour Adam, mais l'état d'Olivier commençait à la préoccuper également.
L'entendant se déplacer dans le bureau, elle fit un pas vers lui et posa une main calme sur son épaule pour l'immobiliser. D'ordinaire, elle n'aurait pas osé réduire la distance qui les séparait, mais sur le moment, elle n'y songea même pas.

"Olivier, écoute-moi... Je suis aussi inquiète que toi au sujet de ces télépathes. Je n'ai pas oublié ce qu'il s'est passé il y a un siècle, c'est notre devoir de mutant de ne pas oublier. Mais nous ne pouvons pas non plus ignorer ce que ces objets pointent du doigt. Il doit y avoir une corrélation entre ces objets et ces disparitions. Des télépathes et des objets liés au cerveau... Je ne crois pas au hasard..." répondit-elle en cherchant vainement le regard d'Olivier pour appuyer ses paroles.

"Avec la disparition d'Adam et la charge des élèves, on ne peut pas se permettre de sauter à pieds joints dans cette affaire. Il faut nous attacher à la source avant tout. C'est en trouvant la source que nous mettrons un terme à tout cela. Tu es médecin... Ne soignes-tu pas tes patients en t'attaquant à l'origine de leur mal ?" poursuivit-elle, la voix douce mais assurée. Il fallait qu'elle garde son calme pour eux deux à présent. En un sens, c'était une bonne chose qu'il se décharge de sa pression, mais d'une façon ou d'une autre, ils devraient garder la tête froide.
Olivier ne s'inquiétait sûrement pas uniquement pour ces télépathes européens... Avec Anna dans son équipe, il devait en plus se sentir concerné par la sécurité de la télépathe, elle-même d'origine européenne. Qui serait le prochain sur la liste ?
Si l'on assemblait les pièces du puzzle... Anna était même en tête de liste... Le casque à l'allure de Cerebra... Seel était probablement à l'heure actuelle l'une des télépathes les plus prometteuses connue de la nouvelle génération. Quelqu'un cherchait peut-être à achever l'oeuvre de la Comission Eden. Encore et toujours.

"Nous protègerons Anna, nous en avons les moyens. Mais nous n'aiderons personne en agissant sur un coup de tête."

Le contact de Cassandre apaisa instantanement la colère d'Olivier qui posa sa propre main par dessus pour remercier celle qui était toujours là pour lui.

"Je ne dis pas que nous devons nous jeter à l'eau pour aider des gens que nous ne connaissons pas et qui ne nous connaisse pas. Je pense qu'il faut prendre en compte ces disparitions mais tu as raison, et ces objets aussi sont importants."

Etait-ce la psychologue qui faisait autant d'effet à Olivier ou y avait-il autre chose qui permettait à Olivier de craquer, de se laisser aller. Avec elle, il n'avait pas à toujours sembler être celui qui peux faire face à tout.

"Tant qu'elle est ici, Anna sera en sécurité et elle ne sera jamais seule dehors. Je ne crois pas qu l'on puisse desuire grand chose de la notice du casque, en tout cas, je n'en ai pas les competences. Mais pour les reliques de l'Oregon, peux-être qu'en demandant à Anna. Elle pourrait nous dire ce qu'elle resseent quand elle tient ce harpon. S'il y a un lien avec la télépathie, il y a de grandes chance que tout soit relié."

Un sorte de mini décharge électrique se diffusa le long du bras de Cassandre lorsqu'Olivier posa sa main sur la sienne. Le contact, aussi extraordinaire que prolongé lui rappelait que pour une fois, ils étaient seuls à seuls dans une pièce, lui et elle, et non pas le directeur et la psychologue.
Trop préoccupé par ses problèmes, il ne semblait pas avoir relevé l'allusion discrète de la jeune femme à la soirée prévue ce jour-là par les StryX. Si l'événement pouvait détendre les X-Rays, elle ferait sûrement du bien au directeur, mais Cassandre n'oserait pas la mentionner avec plus d'insistance que sa simple évocation anodine.

"Le chef Garrison enquête sur la disparition de ces télépathes. Je crois qu'il est également convaincu du lien qui existe entre les deux affaires, et je sais qu'il veut sincèrement retrouver Adam et les disparus... Cela fait quelques temps que nous n'avons pas eu de ses nouvelles, il ne tardera pas à se manifester. Nous n'aurons qu'à aviser à ce moment là de la conduite à tenir, plus nous aurons de cartes en main, mieux ce sera." dit-elle doucement, avant de redescendre sa main de l'épaule d'Olivier. Elle conserva néanmoins quelques instants sa main dans la sienne dans l'espace qui les séparait, puis rompit le contact sans brusquerie après une pression légèrement plus accentuée.

"Je sais que certains professeur ne lui font pas confiance... J'ai moi-même l'impression qu'il se garde bien de tout nous dire, cela dit... nous faisons de même de notre côté. Même si je n'ai pas entièrement confiance en lui, je ne doute pas de ses intentions de retrouver Adam, sa voix ne m'a jamais menti. Il... tient une place importante dans le... dans..."

Cassandre cherchait le mot le plus adapté pour s'exprimer. Elle savait choisir ses mots, ça faisait aussi partie de son travail, seulement elle savait que son pouvoir avait toujours un peu pris Olivier à contre-pied.

"... dans le schéma." finit-elle par dire, après avoir brassé l'air de ses mains une seconde comme si elle espérait que la réponse lui tombe dans les bras.

"Je le sens."

Elle considéra un instant la suggestion d'Olivier. Impercetiblement son regard dériva vers la tablette holographique qui lui servait à faire ses relevés temporels à la recherche d'Adam. Olivier semblait vouloir faire plus qu'émettre des hypothèses en attendant des informations de Garrison. Elle pouvait le comprendre, puisqu'elle s'était elle-même adonnée à des recherches temporelles.

"Je ne crois pas qu'Anna puisse percevoir l'empreinte psychométrique d'un objet. Si tu n'as rien tiré des informations ramenées par les X-Rays pour le casque et de l'étude du harpon... Je peux peut-être essayer..." proposa-t-elle, pas plus réjouïe que cela. Elle avait été témoin d'atrocités dans les sous-sols de l'Eglise de l'humanité, et la perspective d'en recevoir de nouvelles images lui donnait des frissons par avance, mais Olivier avait besoin de pistes tangibles, d'actions utiles. En réalité, outre l'attente intolérable de nouvelles, l'institut tout entier avait besoin de faire quelque chose pour exorciser la disparition d'Adam.
En rentrant de l'Oregon, elle avait songé que les deux scientifiques sauraient décrypter ce qu'il y avait à décrypter dans l'artefact, mais l'un avait disparu et l'autre manquait d'informations.

Olivier acquieça, même si Anna pouvait les aider, il n'était pas prudent de la relier à des appareils dont ils ne connaissaient pas l'utilité.

"Voyons ce que tu peux tirer des ces reliques Cassie."

Olivier partit chercher les découvertes des 2 équipes envoyée en mission dans le laboratoire de l'école, dans une main il portait le câble et dans l'autre la notice descriptive de l'autre appareil que les X-Rays s'étaient fait voler.

"Tiens,prends le tube pour commencer, je voudrais essayer de voir ce que je peux tirer de ça même si je le connais par coeur à force de l'avoir lu."

En effet,il l'avait lu de nombreuses fois depuis 3 mois à la recherche mais il ne lui était jamais venu à l'esprit que l'institut pouvait posseder son propre casque tout en étant sûr que celui-ci serait en état de fonctionnement puisqu'il n'aurait pas trainer 100 dans une cachette secrète.

Il se mit à lire une fois de plus les pages qu'il tenait dans les mains car il créerait ainsi le casque avec plus de facilités en suivant bien les détails. L'engin était complexe et nécéssitait beaucoup de concentration.