Re: [Soirée costumée] La piste de danse

Ivy étant quelqu'un de tactile, elle était habituée à pénétrer l'espace personnel des autres, mais l'expérience avec Angel se révéla tâtonnante et moins assurée que ses témoignages d'affection habituels, sans compter qu'il s'agissait officiellement de son premier slow, bien loin de sa façon de se trémousser en sautillant sur la piste. Cette danse avait une certaine harmonie, et Ivy se rendit vite compte que la coordination des deux partenaires était essentielle. Elle ne dansait que pour elle d'habitude, sans vraiment se soucier de ses partenaires. Danser c'était un solo, un petit plaisir qu'on s'offrait pour soi, mais cette danse à deux ne fonctionnait que si les deux danseurs étaient à l'écoute de l'autre, et cette sensation était toute neuve pour la jeune fille, de même que l'étreinte, tout aussi complémentaire que leurs pas.
Le slow invoquait l'ordre dans le chaos, chaque danseur avait, comme un musicien, sa partition, sa position, qui associée à celle de l'autre, donnait un résultat.
Angel lui, semblait à l'aise avec ce style de danse. Il l'avait positionnée avec naturel, et avait pris ses marques instantanément. Les deux mutants se regardaient dans le fond des yeux, et dans l'esprit d'Ivy une petite sonnette d'alarme lui signifiait qu'elle était effectivement en train de faire un truc d'adulte. Mais comme le baiser donné par Georgia, maintenant qu'elle y était, elle ne trouvait pas ça si horrible... Peut-être qu'être adulte, c'était pas forcément lié aux activités en fin de compte ? Car Ivy ne se sentait pas différente. Un peu confuse, paumée avec un soupçon de tournis, mais pas fondamentalement différente.
Ivy scrutait le visage de son cavalier, lui renvoyant le regard qu'il portait sur elle. On aurait dit qu'ils se regardaient de près pour la première fois, qu'ils découvraient mutuellement leur visage, avec une expression muette d'observateur.
Alors qu'Ivy commençait à s'habituer à la situation et à la torpeur langoureuse de la chanson, le jeune homme réajusta une mèche folle derrière son oreille, Ivy eut un mouvement de recul instinctif, le regard inquiet, avant que ses doigts ne puissent effleurer sa peau froide, ferme, trop ferme, striée de petits sillons.
C'était stupide, c'était irréfléchi, c'était une impulsion vicérale totalement incontrôlée. Tout le monde s'était habitué à la voir ainsi ces derniers mois, et Angel avait déjà touché son épiderme rugueux anormalement dépourvu de chaleur. Mais il avait touché des parties bénignes de son anatomie. Les mains étaient un outil de la vie courante, on n'en faisait pas cas. Mais le visage résumait une personne. Un visage de fille, c'était censé être doux comme la caresse du vent. C'était presque un écrin de velour contenant la beauté d'une personne. Et si Ivy s'était résignée bon gré mal gré à être un artichaud, elle n'en demeurait pas moins stigmatisée par ce changement impromptu de corps, changement qui remettait en question 17 ans de construction de son identité.
En touchant son visage, Angel s'apercevrait de la véritable anormalité de la jeune fille, de la nature cruelle de son état, de sa mutation déshumanisante.

C'est ce moment que choisit Jen pour apparaître, enfin. Ivy tourna la tête vers sa camarade de chambrée, qui ne l'avait d'ailleurs jamais chambrée sur son physique.

"Jen !" s'écria Ivy en tournant la tête vers elle.

"César ? Comme la salade ?" demanda Ivy, profitant de l'arrivée de son amie pour dévier la situation maladroite dans laquelle elle était, et la gène qu'elle éprouvait.

"Hum... Nan j'ai pas vu Nan... D'ailleurs je commençais à me demander où t'étais ! En tout cas, jolie ta... euh... ton... drap." dit-elle pour complimenter le déguisement de Jenifer, qui s'était mise à danser sur la piste avec eux. Le foyer, excepté la jeune fille et les deux mutants, ne comptait quasiment plus que Gabriel Layne, silencieux et isolé dans un recoin de la pièce.
Ne voulant pas affronter le regard d'Angel, Ivy colla sa tête contre son épaule gauche pour continuer de danser, avec pour seule consolation dans son désarroi, le parfum délicat de l'eau de toilette qu'elle lui avait confectionnée.

Fondateur Fac Age : 48 Date d'inscription : 19/01/2006

Iacobo était vraiment intenable, mais Olivier n'avais jamais été enseignant et ne savait pas trop comment le prendre. Quoiqu'il en soit, même s'il avait fait preuve d'un sarcasme terrible, Iacobo avait compris.

Avant qu'il est le temps de rejoindre la salle de classe pour admirer le spectacle des StryX, Olivier reçut un appel de Cassandre : Alixtide avait encore fait des siennes et avait atterri à l'infirmerie. Un bon exemple du manque de temps que les professeurs avaient pour eux à cause de leur élèves turbulents.

Heureusement il avait pu danser un peu.

infrimerie

Assis dans un coin de la salle, Gabriel somnolait. Tranquillement installé, il s'était prit un verre de jus de fruit et passait là la soirée, à l'écart de la foule et de toutes les conversations trop souvent futiles et inintéressantes qui innondent la bouche et les esprits des jeunes. Ainsi assis, en retrait de tous, il pouvait savourer à loisir sa boisson sans être dérangé.

Il ne manqua bien sûr pas de remarquer l'entrée plus ou moins fracassante de River, son élève. Celle-ci se dirigea droit vers lui, ce qui voulait dire qu'il était précisément la personne qu'elle voulait voir.
Une fois plantée devant lui, elle lui expliqua les raisons de sa venue.

- Merci à toi, répondit-il simplement lorsqu'il apprit qu'elle avait justifié l'absence de Gabriel auprès de Kitty. J'irai voir Kitty plus tard.

Il ne voyait pas quoi dire d'autre sur l'instant.

- Merci pour l'invitation. Peut-être vous rejoindrai-je plus tard.

- Merci pour mon... drap. répondit Jen avec un grand sourire.

- J'ai battu la campagne sans succès, bah il finira bien par se montrer, il devait se sentir gêné en jupette et en plastron en plastique mais... mmm il est plutôt sexy en jupe de cuir je trouve ! ajouta-t-elle avec un clin d'oeil complice à sa colloc.

Ce n'était plus un secret depuis déjà quelques temps que Jen en avait après son bel algonquin d'équipier et d'ailleurs elle ne se privait plus d'en parler avec Ivy car en dehors de l'irlandaise, à qui pouvait-elle se confier de cette façon ? D'accord elle était parfois un peu... décalée comme avec cette histoire de salade mais c'était une partie de son côté attachant alors...

Cependant Angel avait déjà commis un impair. La jeune fille recula lorsque ses doigts s'avancèrent vers son visage et il se contenta de poser la mèche derrière son oreille avec un petit sourire triste.
Fuyait-elle son contact, avait-elle peur de lui? Pensait-elle vraiment qu'il ne se préoccupait que de son apparence?
Jen en tout cas fournissait un bon subterfuge à ses pensées déroutantes.
Ivy posa sa tête sur son épaule mais le contact était rompu.
Le jeune homme hésita. Devait-il la laisser s'éloigner de lui ainsi, fuir ses propres peurs ou devait-il les obliger à les affronter au risque de briser à jamais le bon moment qu'il vivait?
Angel se trouvait face à un dilemme.
Il prit une légère inspiration. Il devait choisir adroitement ses paroles pour ne pas effaroucher la jeune fille... La question de son apparence était délicate et si la jeune fille affichait une certaine assurance à ce sujet depuis son changement, celà n'était là aussi qu'une armure.

"Ivy...penses tu que les mutants les plus étranges ont droit à une vie normale?"

Il laissa passer quelques secondes puis ajouta.

"Oui, je veux dire, certaines peuvent faire illusion tandis que d'autres comme Diego ne pourront jamais cacher leur nature."

Il savait que cette entrée en matière était violente. Peut-être cherchait-il l'electrochoc? En tout cas, il savait qu'il jouait avec le feu. Son coeur s'était d'ailleurs accéléré.

"Oui, penses-tu qu'ils devront vivre toute leur vie caché, qu'ils n'auront pas le droit de fonder une famille eux aussi? Crois tu que celà est bien qu'ils vivent reclus, loin des autres, satisfait de cette situation, sans faire aucun effort pour se faire accepter."

Angel essayait de rester le plus calme possible, sa voix était posée.

"Pour ma part, je pense que l'intégration va dans les deux sens. Les non-mutants doivent nous accepter mais nous devons aussi faire des efforts dans ce sens. Je crois qu'à force d'être rejeté, certains pourraient se sentir monstrueux...mais ce n'est pas le cas. Nous sommes tous humain, nous avons tous à l'interieur de nous-même une nature commune et je crois que la vie est un combat et qu'il ne faut pas abandonner le combat avant le dernier round."

Saisirait-elle le message? Ivy ne pouvait rejeter les autres pour se proteger des coups du sort. La vie était douloureuse mais c'était la vie...Si elle choisissait cette voie-là, son avenir était tout tracée. Elle finirait en recluse, dans un endroit comme l'Institut, qui, bien qu'offrant un asile aux mutants, n'était pas le monde, non, n'était qu'un lieu de passage qui, au terme d'une transformation, à la manière d'une chrysalide, renvoyait les mutants vers le monde.

"On risque de rater trop de choses à vivre loin des autres. Je crois que le monde est un tout, il y a des choses terribles mais des choses merveilleuses aussi. On ne peut avoir l'un sans l'autre."

Peut-être avait-il été trop abstrait? Ou alors trop personnel? Ivy n'avait pas lancé le sujet la première mais Angel s'était sentit le devoir d'agir. Ivy ne se rendait-elle pas compte des sentiments que les gens avaient pour elle? Autour d'elle, il n'y avait que rires et amitié. Des personnes qui l'acceptaient comme elle était et ne voyait pas son apparence.
Ivy avait droit au bonheur, à une vie normale en tant qu'adolescente, puis en tant qu'adulte.

Angel leva la main et attrappa une méche rousse.

"Tu sais, je te trouve très jolie ce soir...D'ailleurs, il n'y a pas que ce soir. Je sais que...je sais qu'on a jamais parlé de ta transformation directement, mais pour moi, elle ajoute à ta beauté un charme supplémentaire. Oui, c'est une originalité, qui te distingue des autres et fait que tu es toi. Franchement, la perfection est ennuyante, non? Je prefère être avec quelqu'un de caractère qu'avec une personne qui recherche une beauté unificatrice et impersonelle."

Oula, ça virait trop à la confession. Angel avait l'impression de se noyer dans le brouillard. A force de chercher le mot juste, la vérité, il en avait trop dit à son gout. Il fallait faire marche-arrière. Le sourire taquin revint sur son visage, l'éternelle armure.

"Oula, on est trop sérieux ce soir...Je crois que Cassandre m'a parasité l'esprit avec sa philosophie...Après une bonne nuit de sommeil, il n'y paraitra plus."

La tête enfouie dans la soutane d'Angel, Ivy ne put réprimer un sourire malicieux aux paroles de sa colocataire. Jenifer s'intéressait pas mal à Nan. Bien sûr, c'était normal puisqu'il était dans son équipe, mais elle savait que cet intérêt-là était particulier. Malgré quelques difficultés à se comprendre avec les mots, Nan et Ivy se comprenaient autrement, et Ivy restait sur sa première impression de l'Algonquin. Mais elle veillerait au grain quand même, parce que c'était pour ça qu'étaient faites les super copines.

"La jupette, j'suis d'accord... Mais le cuir..." elle termina la phrase en ouvrant la bouche et pointant son index dedans comme si elle tentait de se faire vomir lorsque le slow la positionna face à son amie.
La mini-conversation lui permettait de reprendre pied, de la propulser à nouveau dans la légèreté de son insouciance, mais Angel ne semblait pas l'entendre de cette oreille. Ivy resta collée à Angel dans un premier temps, mais tourna légèrement la tête, de sorte que c'était son front cette fois, qui était posé sur l'épaule du jeune homme, pour mieux entendre ses paroles. A sa première question, elle formula simplement un "Bah..." qui lui était sorti bêtement sans qu'elle réfléchisse. Un "bah" temporisateur, censé amené une réflexion plus poussée. Sauf que chez Ivy il servait juste à marquer qu'elle avait parlé.
Ce n'est que quand Angel reprit la parole qu'Ivy se dégagea vivement de son étreinte, son visage étrange véhiculant une expression de trahison plus vraie que celle d'un visage humain. Elle recula d'un pas, les yeux grand ouverts, les sourcils froncés et la bouche bée, le bras droit levé à mi-hauteur comme si elle tentait de se protéger d'un quelconque agresseur.
C'était bien Angel qui parlait ainsi ? Angel, son ami, celui qui l'avait invitée en lui assurant que c'était pour passer la soirée avec elle et pas par pitié ? Voilà maintenant qu'il parlait de la mutation de Diego avec une factualité intenable pour la jeune fille. Elle faisait bonne mine dans la vie de tous les jours, mais un tel discours dans la bouche de quelqu'un en qui elle avait placé innocemment sa confiance était un coup de hache porté à un tronc déjà abattu.

"Pourquoi tu dis des trucs comme ça ?! T'as aucune idée de ce qu'il vit ce pauv' Diego !" se récria Ivy en serrant le poing. Elle était bandée comme un arc prêt à décocher une flèche assassine, cabrée comme un cheval sauvage. Avec un peu d'imagination, on aurait presque pu palper l'électricité qui planait autour d'elle.
Mais Angel n'en avait pas fini, il poursuivit son discours, alors qu'Ivy ruminait avec fureur dans sa tête qu'on ne comprenait qu'une fois que c'était trop tard, qu'on était soi-même un être hybride, perdu dans une virtualité, dans l'innommable, l'innommé. Déclassé car n'entrant dans aucune catégorie connue et se demandant si le lendemain ne verrait pas un add-on, une extension indésirée. La mutation était un tentacule puissant, cruel, inattendu, qui se faufilait en douce dans les gènes pour frapper de son bras omnipotent au moment où on s'y attendait le moins. Et les photos, ces moments qu'Angel chérissaient, ces secondes cristallisées, enfermées dans la cage du souvenir ou de l'objectif, n'étaient qu'autant de poignards lancinants qui venaient harceler ce tas de gènes chaotique, leur rappeler ce qu'ils étaient et ce qu'ils ne seront plus, avec la folie des poupées pour enfants qui chantent sans arrêt la même rengaine. Voilà pourquoi Ivy n'avait d'ailleurs jamais eu de poupée.
Mais tout ceci n'était qu'une émotion dans l'esprit d'Ivy, une émotion indicible elle aussi, sans nom, sans expression orale qui avait pour masque, aux yeux de la jeune fille, que la douleur pure et simple d'être devenue une bête de foire après avoir vécu des années de coquetterie.

"Qu'est-ce que tu sais des efforts que ça demande ?! Regarde-toi, Angel, t'es super beau ! Vous êtes tous parfaits !" s'emporta Ivy d'une voix haut perchée, cassant complètement le rythme romantique du slow qui passait derrière eux, de la danse tranquille de sa colocataire, du calme apparent du professeur Layne. Elle n'avait aucun mal à convenir de ce genre jugement esthétique à voix haute, et avec n'importe qui. Si elle était gênée par sa mutation, sa pudeur s'arrêtait là. Angel portait bien son nom, d'ailleurs son père avait plutôt eu de la chance d'aussi bien tomber, car donner ce nom à un laidron l'aurait sensiblement décrédibilisé. Angel avait la chance d'avoir été doté d'une plastique agréable, un peu comme Ivy à l'époque où elle chérissait le seul avantage que lui avait donné la nature. Georgia n'avait d'ailleurs pas manqué de faire jouer ce détail lorsqu'il l'avait invitée à la soirée. Et Ivy avait accepté, non pas sur la seule base de cette considération esthétique, mais comme une valeur ajoutée. Il aurait peut-être été plus juste d'accompagner Alixtide ? De laisser Angel aller à la soirée avec quelqu'un de sa sphère physique.

"C'est déjà une horreur de se lever le matin et de voir sa tronche dans le miroir, se supporter toute la journée et se dire que demain et les jours d'après, bah c'est rebelotte, c'est suffisant nan ? J'vais pas non plus faire la vahinée pour plaire à tout le monde !" poursuivit-elle, sa voix se cassant par acoups. Elle avait transposé directement la situation de Diego à la sienne. Elle se sentait trop concernée par le sort du mutant, qu'elle partageait, avec plusieurs autre parias du pouvoir à l'institut.

"Tout l'monde n'a pas un pouvoir aussi classieux que... chaipa moi... River, tiens ! C'est plutôt fastoche d'être aimée par tous quand on bichonne les bestiaux. Si tu te mets à les manger par contre, ou que tu leur ressembles, c'est beaucoup plus dur d'avoir tout ce que tu penses que les moches devraient se battre pour !" lança-t-elle en levant les bras au ciel, dans une phrase dont la syntaxe était aussi bancale que sa voix chevrotante. River étant une Atom'X, la comparaison lui était venue d'emblée. River se débrouillait pour être aimée de tous. Elle était parfaite... Bon, si on retirait sa tromperie de Roscart probablement... Une vraie petite première de la classe, alors qu'Ivy occupait la place au fond, côté fenêtre.

Pourtant les paroles d'Angel prenaient une tournure inattendue. On aurait presque dit qu'il disait le contraire de ce qu'il avait commencé par avancer.
Le jeune homme s'était radoucit, ses propos se faisaient plus personnels, orientés. Leur conversation était passablement perturbante pour Ivy... D'ailleurs, c'est toute cette soirée, avec ses rires et ses pleurs alternés comme le soleil et la pluie d'Irlande, qui était perturbante. La mine bougonne, la tête légèrement inclinée sur le côté, le regard déviant, Ivy laissa Angel jouer avec sa mèche de cheveu tout en se demandant à quoi tout ça rimait. Elle avait l'impression d'avoir loupé un épisode.
Elle braqua finalement son regard dans celui d'Angel lorsqu'il lui parla de sa transformation.
Tout le monde soutenait mordicus qu'elle était jolie en ce moment, et d'ailleurs tout le monde l'appelait "ma belle". Si c'était un tic de langage, c'est franchement mal choisi ! Mais Angel avait l'air sérieux.

"C'est facile de dire ça, Angel... J'croyais aussi que c'était aussi facile... avant. Et pis d'ailleurs... j'sais même pas pourquoi on parle de ça !" répondit-elle avec moins de fougue. C'était un sujet qu'elle prenait soin de ne jamais aborder. Les seules fois où elle l'avait fait, c'était au lendemain de sa transformation, quand Georgia et Jenifer l'avaient récupérée à la petite cuillère. Sa coloc savait d'ailleurs que ce sujet était une des cordes sensibles, profondément sensible de la jeune fille.
Malgré la tentative du jeune homme d'alléger l'atmosphère, Ivy ne parvint pas à sourire. Si la conversation pouvait être oubliée au lendemain, elle savait que sa mutation elle, serait toujours là à son réveil pour la lui rappeler. D'abord piquée au vif par les assertions d'Angel, elle n'en avait pas moins été touchée par la fin de son discours, mais des émotions contradictoires se mêlaient, s'emmêlaient comme les mèches qui formaient sa tignasse cuivrée.

Angel savait qu'il jouait gros. Ses premières paroles était polemiques. Tout l'interet était là. Faire un constat, étaller l'avis de tous et se placer en coutre-pied. Il savait que ce qu'il faisait était risqué, qu'il marchait sur des oeufs mais Angel n'avait pas l'habitude d'être hypocrite. Il disait ce qu'il pensait quitte à le regretter ensuite.
D'ailleurs, Ivy explosa à ses paroles. Il vit du ressentiment dans ses yeux et celà lui fit comme un coup dans la poitrine. Il ne voulait pas la froisser, non, il ne voulait que son bonheur et si celà passait par quelques secousses, il aurait atteint son but.
Il la laissa donc parler, s'exprimer, l'observant avec attention. Il fallait qu'elle deverse ce qu'elle avait sur le coeur, une sorte de rancoeur rentrée qu'il avait déjà entraperçu auparavant.

"Et tu ne crois pas que tu me juges toi aussi?" demanda t'il sur un ton léger.

"Oui, tu me juges, tu me dis que je suis beau et que grâce à ça, j'ai eu une vie de rève. C'est un peu facile. Toute ma vie ont m'a renvoyé ça à la figure. Je n'ai pas le droit d'avoir des ennuis, je n'ai pas le droit d'être malheureux car la nature a été généreuse avec moi."

Il eut un sourire triste.

"Enfin la question n'est pas là et ne me concerne pas à proprement parlé."

Il prit une inspiration et se lança.

"Ce que je voulais...et que je veux toujours Ivy, c'est te dire que, oui, tu as changé, que je suis sur que ça doit être très difficile pour toi...d'accepter de voir son corps changer ainsi, de ne pas en être maitre...mais que pour moi...et beaucoup d'autres, ça ne change rien à notre relation et notre façon de t'envisager..."

Les mots étaient toujours si difficile à trouver. Il n'y avait pas d'exercice plus difficile que la communication. L'erreur, l'incompréhension était si aisée.

"Cependant, je ne veux pas, je refuse, qu'à cause de celà, tu te prives de certaines choses Ivy. J'aimerais...J'aimerais que tu ne vives pas cette mutation comme un handicap...Oh je sais qu'il est facile de dire celà de mon côté, moi qui ne subit aucun handicap, que je ne peux pas vraiment te comprendre, mais....tu es un telle force de vie Ivy, que je trouverais dommage que tu passes à côté d'une partie de la tienne."

Il eut une sorte de petit soupir.

"Je suis maladroit avec les mots Ivy...Je suis désolé si je t'ai blessé ce n'était pas mon but, mais je pense qu'un ami, si je suis le tien, se doit d'être vrai et franc avec la personne qu'il apprécie, même si celà n''est pas facile..."

Angel passa la main dans ses cheveux, les ebourrifant au passage en un geste qui révélait son anxiété.Il eut un petit sourire triste en direction d'Ivy.

"Je suis désolé de toujours mettre les pieds dans l'plat Miss! J'comprendrais parfaitement que tu m'en veuilles!"

Le jeune homme affichait un air encore plus penaud et embrouillé qu'au début de son discours. Il fallait dire que ce n'était pas un pro non. Il n'était pas Georgia, capable de trouver de la logique au discours le plus embrouillé et de l'etayer par différentes citations de philosophes, il n'avait pas non plus la froideur de Gaby, qui savait maitriser ses émotions pour véhiculer son message. Non, lui était émotionnellement impliqué, il réagissait aussi un peu à l'instinct, ce qui quelque fois lui causait des problèmes, comme ici.

[Hrp : désolée Jen, va falloir qu'on termine bientôt ce sujet, le saut est demain midi...]

"Me fais pas dire c'que j'ai pas dit !" se rebiffa Ivy en relevant le menton dans un sursaut de mauvaise foi. Malgré le déni évident d'Ivy, la substance des propos d'Angel faisait son petit chemin dans son esprit blessé. Lorsqu'elle était encore normale, du moins aussi normale qu'une mutante peut l'être, elle n'avait jamais eu de problème à assumer son corps, ni même le poids de certains regards un peu insistants, des regards d'adultes.
Pourtant, le discours d'Angel faisait sens, elle ne pouvait le renier en bloc : la perfection, elle le savait, elle en avait même toujours été convaincue, était ennuyeuse à creuver. Elle s'employait même souvent à détruire la perfection des ensembles, à semer un chaos fleuri autour d'elle, à inoculer des big bangs aux temps morts. Peut-être était-ce même cela qui la faisait hyperactive.
Alors elle comprenait le poids de la beauté en un sens, sauf qu'elle ne l'admettrait pas, question de fierté. La beauté, ou même la mocheté avaient leurs inconvénients, c'était une question de point de vue.

"J'sais bien que vous m'avez rien dit quand ça m'est tombé dessus... Tu sais... Et je suis sûre que vous faites des trucs pour que la pillule passe mieux, genre m'inviter au bal et tout ça..." concèda la jeune fille avec une expression embêtée.

Le final d'Angel tira Ivy de ses modestes concessions. Elle planta de nouveau son regard dans celui du jeune homme.

"Mais je..."

Blanc, absence de suite, suspension de la pensée. La jeune fille était perplexe. Louper quelque chose de sa vie ? Elle avait plutôt l'impression de la croquer à pleine dents, chaque jour comme la veille et un peu moins que le lendemain.
Elle se rapprocha du mutant de qui elle s'était éloignée quelques secondes plus tôt.

"Je t'en veux pas... C'est juste... que je suis comme ça !" répondit-elle, plus apaisée que précedemment. On sentait quand même qu'une certaine tension habitait le corps à la fois rigide et souple de l'Ire landaise. La mine contrite d'Angel y était pour quelque chose. Elle n'était pas sûre de ce qu'il avait vraiment voulu dire. Apparemment, ils partageaient le même problème de communication. Elle commençait à se demander si son sale caractère n'allait pas finir par lasser le jeune homme, qui lui avait déjà passé un caprice dans la soirée.
Il était peut-être temps qu'Ivy O'Willow fasse un effort, pour une fois, un effort qui en soit véritablement un. La plupart des efforts auxquels elle consentait l'arrangeaient au final. A y réfléchir, elle n'était pas aussi irréprochable qu'elle aurait souhaité l'être, dans son obstination.
Ivy avala sa salive avec un mélange de résolution et d'appréhension dans le regard. Après, c'était Angel qui l'avait voulu... Elle ne serait pas responsable de sa réaction, et c'était le moment de voir si comme il l'avait avancé un peu plus tôt, il était de ceux qui montraient leur loyauté plutôt que de la crier sur tous les toits.
La jeune fille attrapa la main d'Angel, son regard inquiet plongé dans celui du métamorphe, et la porta avec une lenteur exaspérante vers sa joue, sur laquelle elle la posa, gardant la sienne par-dessus. Ivy guettait sa réaction.
C'était le moment où les beaux blablas sur la beauté intérieure et tout ce tralala avaient enfin une vraie situation à se mettre sous la dent.

"Bien sûr que t'es mon ami... Banane... Qu'est-ce qui manque à ma vie ?" ajouta-t-elle de sa petite voix fluette. Elle était étonnée qu'Angel ne soit pas sûr de ce qu'il avançait lorsqu'il avait parlé de leur amitié. Pour Ivy c'était tellement évident que c'était inutile à mentionner, à verbaliser. Mais visiblement, Angel n'était pas certain de leur relation. Et le camé ? C'était ce genre de choses qui estampillaient une relation ? Une fois de plus, tout un tas de questions inhabituelles fourmillèrent dans sa caboche.

Le petit air tétue de la jeune fille fit sourire le jeune homme. Elle était vraiment à croquer quand elle faisait sa tête de mule.
La colère sembla passer aussi rapidement qu'un orage en été. Ivy paraissait un peu plus perdue et Angel aurait donné chère pour connaitre la teneur de ses pensées.
Elle se rapprocha de lui et Angel la laissa faire sans un geste, pour ne pas l'effaroucher.
Lorsqu'elle planta son regard droit dans ses yeux, le jeune homme y lut un mélange d'hésitation et de défi mélés, la peur de sa réaction et une tentative de confiance.
Une chaleur démarra dans sa poitrine et envahit tout son être, gravant un joyeux sourire sur son visage.
Ils en avaient assez parler pour savoir ce que celà représentait pour Ivy. Maitresse de la situation, il la laissa donc faire, portant délicatement sa main sur la rondeur de sa joue.
Le jeune homme sentit du bout des doigts l'écorce de sa peau, gravée de fines ridules. Ce n'était pas sec à proprement parlé, c'était juste différent. Il n'y avait pas la chaleur, ni le velouté d'une peau.
Il se demanda si les sensations de la jeune fille avaient été atteintes par sa transformation, si elle ressentait le léger contact, tout en douceur, de ses doigts sur sa joue.
Il tourna lentement la main et, avec la face externe de ses doigts, frola doucement le contour de son visage.
Non, il n'était pas dégouté par son contact, il ne le serait jamais. La jeune fille pourrait bien être borgne et manchotte, il la trouverait toujours jolie car sa beauté passait par sa force de vie, par son sourire et son regard espiègle.
Elle le rassura alors sur son statut d'ami. Le sourire d'Angel s'élargit.

"Bon, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes alors!"

Tout pour le mieux, non pas vraiment...mais il ne fallait pas demander l'impossible.
Angel laissa retomber sa main. Autant ne pas prolonger le contact trop longtemps, c'était déjà un grand pas pour la jeune fille.
Son sourire devint un peu plus triste mais il camoufla tout celà comme à son habitude.
Il attrappa les mains d'Ivy.

"Nous n'avons pas fini notre danse mademoiselle!" lança t'il avec entrain.
Oui, il fallait profiter encore un peu de ce bon moment et de cette soirée qui n'allait pas tarder à finir. Après tout, avait-il l'occasion tous les jours d'entretenir de telles relations avec Ivy, de se montrer si vrai avec elle et d'entrevoir aussi certaines de ses blessures? De quoi serait fait demain? Revetirait-il à nouveau leurs masques?
Un élément lui revint alors en mémoire, évoqué un peu plus tôt dans la soirée.

"J'aimerais bien que tu me racontes l'Irlande un jour...Comment se passait ta vie la-bas? Ce que tu aimais faire?En quoi ce pays est si particulier?"

Il baissa la tête pour saisir le regard de la jeune fille. L'Irlande était un sujet sensible mais tellement liée à Ivy. En comprenant l'Irlande, Angel avait l'impression qu'il saisirait une partie de l'essence d'Ivy.

Angel éluda la question d'Ivy, mais elle n'en restait pas moins présente à l'esprit de la jeune fille, ricochant dans sa tête comme un écho lancinant. Voilà pourquoi elle n'aimait pas se poser de questions. Les questions étaient comme des parasites qui s'accrochaient à elle pour l'enquiquiner. Elles laissaient des piqûres de moustiques qui démangeaient jusqu'à ce que le poison s'estompe. Et sa grand-mère, dans ces cas-là, disait qu'il ne fallait jamais gratter.
C'est ce qu'Ivy fit d'ailleurs, plus ou moins involontairement, devant la réaction d'Angel, qui lui paraissait nettement plus importante. Il n'avait pas l'air dégoûté. Au lieu de ça, il sourit. Ivy avait comme suspendu son souffle, et elle se souvint qu'elle avait quand même besoin de respirer, aussi poussa-t-elle un soupir de soulagement avant de recommencer à respirer. C'était peut-être pas si terrible que ça en fin de compte ? L'image que lui renvoyait les miroirs lui était déplaisante, mais l'habitude peut-être, avait aplani le terrain pour ses proches à défaut d'elle-même.
Angel lui saisit les mains, voulait-il continuer de danser ?
Ivy n'avait aucune idée de l'heure qu'il était. L'absence des autres dans la pièce lui laissait néanmoins penser qu'il était plus tard qu'elle le croyait. Le temps passait vite quand on s'amusait.
Les questions de son cavalier surprirent Ivy. L'Irlande ? Amusant comme personne jusqu'ici ne lui en avait jamais rien demandé. Seul Ken, vu ses racines semblait intéressé, personnellement intéressé. Pourtant, c'est un sujet sur lequel la jeune fille était intarissable.
Un sourire spontané s'épanouit sur ses lèvres à entendre le nom de son pays.

"Oh là ! Mais si je commence à t'en parler maintenant, on est pas couchés ! Je saurais même pas par où commencer tellement y a à dire !" s'exclama-t-elle avec une pointe de fierté.

Elle se remit à danser sur la fin de la chanson.

"C'est vrai qu'il nous manque encore les légendes à raconter pour que la soirée soit une vraie soirée du Texas... Mais je crois que les profs vont pas tarder à nous foutre au pieu, alors faut qu'on profite de la dernière danse !"

Les jeunes gens repassaient sur des sujets un peu plus légers et moins polémiques. Angel se détendit légèrement. La soirée avait été riche en émotion de tout genre. Peut-être fallait-il en garder un peu pour les jours qui suivaient?
Visiblement, les questions qu'il llui posa sur l'Irlande ravirent la jeune fille. Il vit ses yeux pétiller.

"Bah, alors peut-être pas ce soir, mais demain ou après-demain. Je viendrais te voir et tu me raconteras tout ça...Ta grand-mère, ton village, tes escapades, tout!"

Il eut un petit sourire ravi. Il était sur de passer un bon moment. Ivy avait un talent fou pour narrer certaines anecdotes qui tenait à sa vision particulière du monde.
Ils se remirent à danser lentement, sur le slow qui n'en finissait pas. Angel avait l'impression que ce moment durait depuis des heures. Il n'avait plus vraiment la notion du temps.Ivy se chargea de le ramener à la réalité. Un instant, il eut l'air quelque peu déphasé puis se reprit.

"Bien mademoiselle O'Willow. Et après cette dernière danse, accepteriez-vous que je vous raccompagne à vos appartements?"

Angel avait repris son ton gouailleur et légèrement ironique. Il lança un petit clin d'oeil à Ivy et resserra légèrement son étreinte sur elle.

Ils profitèrent des derniers instants de la fête, puis la musique s'éteignit.
Angel relacha doucement la jeune fille.

"J'ai passé une très bonne soirée. Je suis vraiment heureux que tu ais été ma cavalière. J'espère avoir fait un cavalier acceptable."

Oui, la soirée avait été plutôt magique, ponctuées de moments merveilleux: les cadeaux dans sa chambre, l'entousiathme d'Ivy quand elle l'avait trainé dans le salon, la danse et leurs conversations si sérieuses...
En véritable gentleman, il lui tendit la main pour la raccompagner jusqu'à la porte du salon ou jusqu'à sa chambre si elle avait accepté son offre.

Ivy rigola à l'enthousiasme d'Angel. Sa colère d'il yavait à peine une minute semblait déjà loin.

"Pas de problème, ça nous occupera entre deux chiottes à récurer ! D'ailleurs ça me fait penser que faut que je vérifie ma corvée, j'ai encore oublié !" répondit Ivy, dont la conversation cassait une nouvelle fois l'ambiance romance.

"Ah, ma grand-mère..." soupira-t-elle après une seconde, une pointe de nostalgie dans la voix.

Les deux mutants profitèrent de la fin du slow, puis Ivy fit un petit signe d'au revoir à Jenifer, qui semblait ne pas avoir trouvé son Caesar cheese Nan.
Une petite révérance plus tard, elle répondit à Angel :

"Bah voui, ça a commencé dans les chambres, c'est normal que ça finisse dans les chambres !" répondit Ivy avec naturel, sans réfléchir aux différents niveaux de lecture de sa phrase. Elle posa une main verte sur le bras tendu d'Angel.

"Pour un cureton, je dirais que tu t'en es bien sorti !" ajouta la jeune fille alors qu'ils quittaient le foyer. En réalité, Angel s'en était mieux sorti à sa façon que bien des écclésiastes sur la notion de pardon. Elle n'avait quant à elle pas l'impression d'avoir été la cavalière idéale, ni même de s'être comportée comme les gens savaient naturellement se comporter dans ce genre de soirées, mais au final, malgré ses colères, c'était une soirée riche en émotion et Ivy s'était sentie vivante.

"C'était bien cette soirée, et le spectacle et tout... Et j'suis contente... d'être venue avec toi." formula-t-elle en guise de remerciement masqué, avec un pointe d'embarras.

Saut temporel

[hrp : saut temporel oblige, le reste est en hors plan]