[Event]Qui c'est qui va se faire faire un petit lavement ?

Salle de classe

Cassandre et Sven avait emmené Alixtide, qui n'avait d'autre choix que de se tordre de douleur sur le nuage de Cloud jusque dans l'infirmerie.

"Dépose-le dans un lit, Olivier devrait nous rejoindre rapidement." dit-elle en mettant en route les appareils de diagnostique comme l'aurait fait l'assistante d'un chirurgien. Elle fit un rapide saut dans le passé pour prendre connaissance du contenu du cocktail kamikaze, puis pinça les lèvres en secouant la tête.

"Je crois qu'on aurait mieux fait de t'autoriser à consommer de l'alcool, mon pauvre Alixtide..." soupira-t-elle auprès du Français. Elle reprit son communicateur.

"Olivier, fais vite, il a avalé de la javel mélangée à du vinaigre... Je ne sais pas combien il a pris, mais à l'entendre il a vraiment l'air mal."

salle de classe

Le Bloody Carlie portait magnifiquement son nom, et Alixtide eut pu en tirer au moins cette fierté s’il n’était en proie à une explosion en chaîne de ses organes internes. La douleur fulgurante se propagea de son ventre irradié, assourdissant et aveuglant tout sur son passage, reléguant le coup de poing de Georgia à un clin d’œil de l’Histoire.

Il sombra dans l’inconscience, mais une partie de lui-même l’avertit que ça y’est, on l’avait déposé dans le cercueil molletonné de Juliette. Le reste de son corps était mis au supplice, au point qu’Alixtide ne s’entendait pas se tordre de douleur, gémir, supplier, se débattre avec les maigres forces en sa possession.
La dragonne était à l’intérieur de lui, l’air n’arrivait plus, toutes les veilleuses étaient au rouge et clignotaient dans la salle des machines. Les ingénieurs de la brillante intelligence d’Alixtide tombaient un à un, non sans proférer quelques énigmatiques insultes soulignant de fait leur propre incompétence.

Les brèves hallucinations venant ponctuer le noir infini n’arrachaient pas le mutant aux souffrances atroces. Son maquillage si soigné s’abîmait sur les draps.

Carlie Marin avait encore vaincu le docteur Schneider.

Olivier entra en trombe dans l'infirmerie pour s'occuper d'Alixtide, il était déçu de ne pas avoir pu assister au spectacle des StryX mais comment aurai-il pu croire pouvoir le faire avec le élèves, et en particulier Alixtide.

*Au moins, il ne fait de mal à personne mais il va finir par se tuer.*

"Qu'est ce que tu as pris exactement Alixtide, il faut que nous sachions ce que tu ne peux pas assimiler."

Sans attendre la réponse Olivier se dirigea vers la pharmacie qu'il avait réorganisé après la dernière visite d'Alixtide pour rendre le charbon plus accessible.

Il revint assez vite avec un bol de charbon mais en plus de la dernière fois, il tenait un long tube qui sortait du congélateur et dont l'extrémité comportait de nombreux trous. A l'autre extrémité, une poire en verre semblable à une demi-bouteille terminait l'ustensile.

"Cassandre, tu peux aller remplir un saut d'eau pendant que je vais avaler ce tube à Alixtide."

Olivier regarda ensuite Alixtide.

"Viens t'assoir sur cette chaise Alixtide, plus on agit vite et moins tu seras malade."

Sven avait déposé Alixtide sur un lit, puis avait promptement évacué son nuage, au cas où.

Ne sachant pas quoi faire de mieux, il était resté. De toutes façons, il était très probable que les pièces étaient maintenant terminées. Et puis ce n'était pas normal qu'il soit allé à l'infirmerie, plutôt que dans sa chambre, comme le bon sens commun de Sven l'avait conseillé.

Surtout qu'Olivier arrivait, et qu'en plus d'être tout un tas de choses dont Sven n'arrivait pas à se souvenir, il était médecin.

"Je ne sais pas s'il peut répondre à vos questions vu comme il est endormi, mais je sais que son truc puait la piscine. En fait, ça sentait comme quand Mme Stofschlag nous demandait de nettoyer tous les chiottes du pensionnat, d'abord à l'anti-calcaire, puis à la Javel. C'est étrange que je n'y ai pas pensé plus tôt, mais habituellement, ça sent cette odeur dans les toilettes, pas dans une salle de classe transformée en scène."

Il regarda avec un intérêt certain l'objet que tenait Olivier, puis marmonna à l'intention de Cassandre.

"Étrange... on dirait un appareil à lavement. J'en faisais collection une fois, mais celui là semble fonctionner dans l'autre sens."

Olivier était tellement agacé qu'il n'avait même pas remarqué qu'Alixtide était inconscient, il lâcha la sonde gastrique et le vase qui se brisa au sol alors que le médecin s'était précipité auprès de du jeune mutant.

Il ouvrit les yeux d'Alixtide pour lui braquer une lampe dans les yeux et lui frotta les côte avec le poing pour provoquer chez le Français un très vive douleur et ainsi voir ses réactions vis-à-vis de la douleur.

Cassandre poussa un soupir soulagé en entendant la porte de l'infirmerie s'ouvrir.
Dans sa précipitation, Olivier n'avait peut-être pas fait attention à son dernier message, c'est pourquoi elle crut bon de lui répéter la nature des liquides ingérés par Alixtide, avant d'aller remplir un saut d'eau, tâtonnant plus que d'ordinaire dans sa précipitation.

La réaction d'Olivier laissait entendre, plus que l'état douloureux dans lequel était plongé le mutant, que son état était passablement préoccupant, et l'inquiétude, la vraie, l'inquiétude liée à la mort, commençait à poindre dans le coeur de la jeune femme. Elle avait fini par s'attacher aux élèves de l'école à vivre auprès d'eux au quotidien, et malgré la répulsion toute naturelle qu'Alixtide exerçait sur l'ensemble de la population de l'école, il n'en demeurait pas moins un élève attachant.
Cassandre serra les mâchoires et apporta le sceau rempli à Olivier, avant de dire d'une voix sourde :

"Nous n'aurions jamais dû relâcher notre attention... Si j'avais... Si j'étais restée vigilante, j'aurais pu l'empêcher bien avant d'ingurgiter tout ça..." soupira-t-elle en se tordant les mains. Ils étaient toujours déguisés, la situation était ridicule.

"Il va s'en sortir ?" demanda-t-elle, sans même songer à obtenir la réponse par elle-même.

Auditorium

Cassandre Deneos a écrit:"Il va s'en sortir ?"

*Bon sang, mais qu'est-ce qu'il a fait cette fois?*

Sahari était entrée à son tour, alarmée par Sven et Cassandre qui avaient conduits Alixtide ici, dans l'infirmerie.

À la fois irritée de voir que le jeune Breton s'était encore retrouvé ici, et gênée de ne pas avoir mieux surveiller ses élèves, elles demanda, les joues rosies :

"Qu'est-ce qui...?"

Mais elle se ravisa. À quoi bon poser des questions et essayer de comprendre maintenant? Mieux valait donner un coup de main!

"Je peux aider?"

Elle s'avança un peu plus dans la pièce et mis le pied sur un morceau de vase, mais le retira avant de l'écraser davantage. Elle se pencha alors et entreprit de ramasser les éclats, ainsi qu'un tube étrange.

Au beau milieu de l’incendie infernal qui le ravageait, Alixtide tenait bon. Droit et fier, casque sur la tête et baïonnette à l’épaule, il était Audrel Max Félix Pitre, mort pour la France le 22 avril 1915 à Ypres, en seconde ligne, après s’être élancé derrière son supérieur hurlant « viens t’asseoir sur cette chaise » ; il était Jeanne d’Arc sur la place du Vieux Marché à Rouen, condamnée pour avoir égorgé un jeune goret blond en cuir, il était Clotaire 1er sur les nécropoles mérovingiennes … Tout se mêlait. Poussières, douleur, flammes, voix d’outre-tombe, tout n’était que barbarie. Sauvagerie, dévastation. Il hurla, surpris par quelque chose chez le Mérovingien, derrière la Lumière … Le Mérovingien … Les lunettes du Mérovingien … Les lunettes … Non elles ne faisaient pas partie de l’Histoire d’Alixtide.

Il suffoquait. Il fixa toute son attention vacillante sur ces lunettes noires, carrées, familières, apparaissant par intermittence derrière le phare. Une mission, il avait une mission à accomplir et il l’avait complètement oubliée ! Quelqu’un à l’Institut comptait sur lui, et Alixtide se souvenait que c’était un échange de bons procédés. Il avait soif. Des bruits d’eau, des bris de verre. Soif.

Il se crispa en râlant.

« AAaaaah … aah … enzo … Enzo … »

Le jeune garçon avait du mal à reprendre sa respiration. Sa voix était sifflante et saccadée et quelques larmes perlèrent sur ses joues ensanglantées.

Olivier ne fut pas très surpris de la réaction d'Alixtide à la douleur qu'il venait de lui infligé.

*Glasgow 10, il ne va pas être simple de s'occuper de lui.*

Cassandre s'en voulais mais il n'est jamais possible de prévoir se genre de chose même pour une voyante car Alixtide était le genre de personne à penser à un truc et de le réaliser dans la foulée sans réflexions.

"Ce n'est pas de ta faute Cassandre, c'est lui qui fait n'importe quoi, on lui a donné tout ce dont il avait besoin et il n'a de cesse de tester les limites de son pouvoir."

Alixtide délirait, il appelait Enzo alors qu'au dernière nouvelle, les deux mutants n'étaient pas particulièrement amis mais il donna ainsi une idée à Olivier.

"Nous avons en effet besoin d'aide Sahari, il n'est pas assez compliant pour le lavement mais Enzo pour nous aider, va l chercher au plus vite et ramène-le."

[Je suis encore dans le jardin]

"Parfait!"

Sahari se retourna prestement, faisant tournoyé au passage son kimono, ses cheveux se détachant de plus en plus.

Elle n'avait pas vu l'élémentaire d'eau dans l'auditorium et marcha en direction du salon, qui était fermé, et du foyer, où elle ne vit pas sa silhouette translucide. Arrivée dans le hall, elle songea qu'il ne devait pas être à la cuisine et opta plutôt pour prendre le premier manteau sous sa main et sortir voir dans le jardin. Absurde idée, puisqu'il risquait de geler "vivant", mais c'était la seule qui lui venait à l'esprit. Elle n'avait même pas songé au communicateur, dans son empressement.

Jardins

Voyant arriver Enzo, Sven écarquilla les yeux, puis se réjouit, à l'intention du mutant italien.

"Enzo ! Mais toi aussi tu sais fouiper ! Si tu savais comme je suis heureux de ne plus être le seul !!"

Emporté par son élan lyrique, il se sentit obligé de faire une révélation très perturbante dont lui seul avait le secret.

"En fait, Alixtide t'a appelé pour que tu enregistres ses dernières volontés. Ou alors, c'est Olivier qui t'a appelé pour que tu fasses un lavement à Alixtide, je sais pas. En tout cas, je ne préfère pas voir ça."

Et il sortit de la pièce, après avoir semé les germes de la perplexité perpétuelle.

Saut temporel

Cassandre cessa de se tortiller les doigts en entendant Alixtide gémir dans son délire intoxiqué. Elle posa une main bouleversée sur son poitrail. Elle aurait voulu pouvoir faire quelque chose pour apaiser la douleur du mutant, mais elle se savait bien inutile. Le professeur des OryX d'ailleurs, avait quant à elle trouvé une utilité dans la pièce.
Olivier n'avait pas tort : ils avaient tout fait pour qu'Alixtide ait ce dont il avait besoin tout en conservant sa dignité. S'il s'en sortait, il allait falloir lui faire quelques cours particuliers avec les notes d'Adam au sujet de son pouvoir...

Alixitide n'avait pas bougé du lit où l'avait déposé Sven avant de quitter la pièce à son tour. Il semblait appeler Enzo dans sa douleur... Etait-il conscient ? Sans ça, Olivier aurait du mal à s'occuper de lui... Et puis le temps passait, plus le mélange toxique faisait son funeste ouvrage.
Surmontant l'odeur pestilentielle du mutant, Cassandre s'approcha d'Alixtide. Ils n'allaient pas laisser un de leurs "enfants" mourir, quel qu'il soit, et Alixtide encore moins que les autres. Maintenant qu'elle l'entendait se tordre de douleur, Cassandre était bien forcée d'admettre que son instinct maternel se réveillait.

"Alixtide, tu m'entends ? Il faut que tu te réveilles." lui dit-elle d'une voix ferme. Elle jeta un regard à Olivier, pinça les lèvres, puis gifla le mutant.

"Alixtide !" l'appela-t-elle à nouveau, avant d'avoir une moue peu engageante envers la substance gluante qui lui collait maintenant les doigts. Elle sentait un mélange de sucre et de fer, grenadine et sang probablement.

"Mettons-le en position verticale sur une chaise." dit-elle à Olivier. Elle détourna la tête, prit une profonde inspiration, puis saisit le patient français par les aisselles, attendant qu'Olivier fasse de même au niveau des jambes pour le déplacer.

"Il faut se dépêcher, il n'a gardé tout ça que trop longtemps dans son estomac. Si nous n'agissons pas maintenant... Son estomac va se faire dissoudre par le gaz. Viens par ici, Enzo, Olivier va te dire quoi faire." dit-elle, en baissant d'un ton en abordant le passage sensible de sa prédiction.

*Voilà ils sont prévenus pour Enzo …*

Alixtide était donc bravement reparti sur le champ de la bataille d’Ypres, dans le corps de son arrière bisaïeul vautré dans la boue et le brouillard toxique. Le vacarme était effroyable. Il avait couru à peine trois mètres avant de s’étaler, les jambes criblées d’éclats d’obus ou de caillasse. Les gaz allemands lui arrachaient la gorge et le paralysaient. Le cœur battant de terreur, il savait que c’était la fin. Alixtide reçut alors une gifle de Cassandre. Il se décida enfin à agir et imita son bisaïeul dans un appel désespéré.

« Maman !! »

Il ouvrit des yeux affolés et pleurant de souffrance. Il reconnut les carreaux blancs de l’infirmerie alors que son corps basculait il ne savait où. Il avait déjà vécu cette scène. La gamine asthmatique était sûrement dans le lit d’à côté. Mais Alixtide, pétri de panique, cherchait vainement des yeux son ancien sauveur.

« AAah … Maman … Monsieur Za..aAAah..chary … cuillère de … »

Les brûlures atroces de son abdomen l’étourdissaient. Il essaya de se débattre, gémissant et suffoquant. Quand le décor se stabilisa, il devina le Docteur Fleury. Tout n’était pas perdu, à condition que le médecin sache quoi faire … Alixtide l’accrocha du regard pour lui transmettre le message ultime.

« Il faut … beaucoup … de …de chardons … »

Ses mains crispées voulaient agripper n’importe quel bras ou vêtement, de peur qu’on le fasse retomber dans le vide. Il sentit que Madame Fouba n’était pas loin. Elle le protégerait des tortures du Docteur Fleury. Alixtide continua à gémir pour qu’elle soit bien convaincue qu’il n’était pas encore mort.

Enzo arriva très vite et c'était ce qu'il y avait de mieux. Olivier s'approcha d'Alixtide et le prit en mettant tout comme Cassandre son bras sous son aisselle pour la maintenir assis et l'assoir sur une chaise.

"Cassandre, maintient les mains d'Alixtide pour qu'il ne puisse pas se débattre."

Olivier se tourna vers Enzo pour lui expliquer ce qu'il devait faire mais baissa le voix pour cacher la vérité à Alixtide, il n'avait eu droit qu'au charbon la prochaine fois, c'était beaucoup moins agréable aujourd'hui.

"Enzo, tu vas devoir faire avaler de force l'équivalent d'un saut d'eau en trois fois. La surcharge fera vomir Alixtide à chaque fois vidangeant ainsi son estomac un peu plus. Prends garde, c'est le plus important à ce qu'il n'y ait pas la moindre goute d'eau ou de liquide gastrique lors des vomissements qui passe dans les poumons d'Alixtide, s'il était conscient il aurait pu le faire lui même mais là je n'en suis pas sûr."

Olivier s plaça en suite derrière Alixtide pour lui maintenir le maintenir assis.

A sa gifle, Alixtide appela sa mère. Un cri désespéré, le cri que poussent tous les agonisants, oralement ou mentalement lorsque vient l'heure du trépas. Bien qu'elle sût cette apostrophe destinée à quelqu'un d'autre, la détresse du mutant lui pinça le coeur. La psychologue eut une expression déchirée lorsqu'Olivier lui demanda de clouer Alixtide en place, une expression qui disait "ne me demande pas de faire ça".
Pourtant elle le savait, le mutant se débattait comme un beau diable, elle entendait ses membres s'agiter en tous sens et brasser l'air tout près d'elle.
Les mâchoires serrées, elle prit sur elle et alors qu'Olivier s'évertuait à le tenir en place, se plaça sur le côté opposé d'Olivier en plaquant les bras d'Alixtide sur le mur derrière lui.
Les nausées provoquées par Enzo crispaient le corps convulsé du patient, si bien que la jeune femme, sans doute plus frêle que lui, avait du mal à le tenir en place.

"Allez, Alixtide... C'est presque fini..." parvint-elle à articuler après un haut le coeur, provoqué par les odeurs en suspension et le bruit de nausée situé à quelques centimètres de sa personne.

"Cerebra... Assainis l'air de la pièce." demanda-t-elle à l'IA pour que cette dernière se débarrasse des effluves potentiellement dangereuses extirpées de l'estomac en feu d'Alixtide. Un léger vrombissement indiqua que la motion avait été validée par l'ordinateur.
Une fois qu'Alixtide eut été purgé, elle relâcha sa pression, mais ne put s'empêcher d'éteindre le souffrant, puis de lui tenir le visage à deux main comme pour capter son attention délirante.

"Ca va aller maintenant..." dit-elle, les bras couverts d'une partie de l'abominable déguisement du mutant.
Elle se concentra une seconde, puis tourna la tête vers Olivier, qui soutenait le malade, et affirma, avec la certitude de ceux qui savent :

"Son estomac en aura pris un sacré coup... On a des pansements gastriques ici ? Tu penses qu'on devrait lui en faire avaler un ?"

A s'occuper ainsi du mutant, tous costumés, on aurait presque pu les croire de parenté avec lui. La situation était aussi tragique que grottesque.

Alixtide sentit confusément qu’il y avait anguille sous roche. Malheureusement quand il vit les trois menaçantes masses d’eau qui planaient devant lui, il comprit qu’il était trop tard. La suite ne fut qu’une série d’abominables douleurs ventrales. Chaque fois Alixtide crut qu’on le noyait de force, et c’est avec la plus totale impuissance qu’il sentait l’eau remplir son corps, provoquant un supplice infini. Il avait beau hurler et supplier entre chaque prise, les tortionnaires ne se lassaient pas. Il n’était plus maître chez lui.

Le mutant intoxiqué n’eut d’autre choix que de subir les atroces assauts de son estomac. Celui-ci se battait seul face à l’adresse hydrokynésique d’Enzo, redoublant les tourments qui épuisaient Alixtide. Le Bloodie Carlie fut rendu à l’humanité, sous forme de sang, de vinaigre, de javel et autres diverses substances diluées dans les litres d’eau. Alixtide croyait mourir à chaque fois, et se débattit en vain, puisqu’on le tenait sournoisement. Le monde vacillait et jamais, non jamais il n’avait connu pareil châtiment. Pourquoi Enzo était-il complice de ces tourments d’un autre âge ? Pourquoi Georgia ne subissait-elle pas la même chose ? Pourquoi voulait-on à ce point lui voler son cocktail ? Pourquoi sa mère ne venait pas ? Pourquoi le Docteur Fleury était-il si cruel ? Pourquoi pourquoi ?? Toutes ces questions ne trouvaient pas réponse dans le seau qui constituait le seul horizon visible d’Alixtide.

Quand la séance prit fin il se sentait plus mort que vif. Il respirait comme un bœuf essoufflé, pour s’assurer lui-même qu’il était toujours de ce monde. Il tremblait et claquait des dents, transi de terreur et d’épuisement.

Il sentit pourtant une chaleur humaine inhabituellement proche de lui, où bien peu de gens se risquaient. Il s’accrocha à Cassandre comme à un radeau et pleura et supplia, persuadé que tout cela dissimulait un préambule d’adieu. Leurs paroles et leurs gestes étaient trop rassurants pour être honnêtes. Il sonda désespérément le regard vide de la psychologue.

« Non … non … je ne veux pas … Maman !! »

Olivier fut soulager de voir Alixtide vidanger son estomac, Enzo avait vraiment réussi sa mission.

"Alixtide, tu vas maintenant devoir avaler le charbon pour limiter les dégats."

Enzo, tu peux aller te coucher, tu as bien travaillé.

Lorsqu'Alixtide se jeta à son coup, Cassandre crut défaillir tant son odeur attaquait brutalement ses sens délicats. Elle ferma vivement les yeux et détourna la tête dans un réflexe instinctif, étourdie par les informations olfactives dans lesquelles il la plongeait.
Au bout de quelques secondes de flottement, elle se ressaisit ; le mutant n'était toujours pas tiré d'affaire, et elle devait mettre sa propre personne de côté pour le moment, même si ça signifiait résister à l'odeur insoutenable et aux suintements désagréables qu'elle percevait tout autour du malheureux Breton.

"A... Alixtide, calme-toi !" articula-t-elle sans pour autant se dégager de la prise du mutant. Au lieu de ça, elle tenta de le maintenir en place pour le calmer pendant qu'il suivait les instructions d'Olivier. Le directeur, avec l'aide d'Enzo, avait pris les choses en main. Pourtant, bien qu'elle sentait son rôle terminé et qu'elle savait que son médecin d'ami s'occuperait bien d'Alixtide, Cassandre était encore sous l'effet des événements. Cette fois-ci, Alixtide n'avait pas fait les choses à moitié et avait risqué gros. Elle se rendait compte qu'ils avaient frôlé la catastrophe, qu'une nouvelle fois, un résident de l'école avait failli disparaître, celui-ci sans espoir de le voir revenir un jour. Alixtide était un brave garçon.
La jeune femme se redressa, debout à côté de la chaise du mutant, une main posée sur son épaule alors que le traitement se poursuivait.

"Mieux vaut qu'il dorme ici cette nuit, je me sentirais plus tranquille en restant ici avec lui." dit-elle à Olivier, son visage habituellement neutre affichant un certain trouble. Pour ce qu'elle arrivait à dormir de toute façon, elle ne perdait pas au change.

Alixtide lâcha petit à petit Cassandre quand il entendit les paroles des deux mutants, et notamment le mot « charbon ». Oui cela sonnait très bien à ses oreilles. Il prit délicatement le bol qu’on lui apportait, apaisé par le contact protecteur de la psychologue. Il se sentait horriblement mal et une migraine sans nom accompagnait des vertiges persistants. Tout son corps pulsait douloureusement de l’expérience horrible qu’il venait de subir. Son cœur effaré battait à tout rompre. Des nappes de brouillard planaient toujours devant ses yeux.

Calant le bol contre lui, Alixtide releva la main pour aller chercher un pan de la tunique de la bohémienne et le tenir fermement. De l’autre il entreprit méticuleusement de se servir du charbon dans la cuillère pour l’amener à sa bouche. Alixtide focalisa toute son ouïe disponible sur les profs afin d’anticiper au maximum. Il pressentait avec effroi que si Cassandre partait, le docteur Fleury recommencerait la torture immonde du supplice de l’eau. C’était tout simplement hors de question. Il surveilla donc avec assiduité la présence de la Dame Blanche au dessus de son épaule et au bout de son poing.

Sa vigilance fut néanmoins allégée par l’agréable sensation du charbon dans son estomac en péril. Il toussa quelque nuages de poussière noire puis recommença à manger, avec lenteur et application, d’une main tremblante mais sûre.

La psychologue semblait très touchée par la souffrance qu'Alixtide ressentait à cause de ses bétises.

"Non, Cassandre, va te coucher, c'est à moi de rester ici cette nuit, inutile que tu restes de bout si c'est pour me reveiller quand il y aura un problème."

Olivier avança le fauteil un peu plus confortable que les autres à coté du lit d'Alixtide et dans lequel il avait pris l'habitude de ne dormir que d'un oeil avec l'OryX.

"Bonne nuit, Cassy!"

Toujours près du patient, Cassandre sentit quelque chose tirer sur le pan de son jupon de bohémienne, pour s'apercevoir qu'il s'agissait d'Alixitide. Olivier quant à lui, la renvoyait à un sommeil qu'elle ne saurait pas trouver.

Sans un mot, elle se pencha pour attraper une chaise de son côté, Alixtide toujours accroché à ses jupes, et l'installa près du lit sur lequel Sven avait précédemment installé le mutant.

"Je ne dors jamais vraiment, malheureusement, autant que je reste là, j'aurais la paix de l'esprit. Bonne nuit, Olivier." dit-elle doucement, non sans une pointe de lassitude dans la voix.

Alixtide devança les deux insomniaques mutants et s’endormit, assommé d’épuisement, après avoir fini jusqu’à la dernière poussière son bol de charbon. La grande déflagration était vaincue, mais pas les échos sourds et douloureux qu’elle avait propagé partout dans le corps harassé du mutant.

Il se concentra un moment sur l’étoffe qu’il tenait, sombra dans un sommeil lourd, puis tout à coup s’éveilla, travaillé encore par quelque chose, une dernière dette à régler.

« Madame … ? … Juliette est la fille aborable et parfaite … oui. Voilà. »

Satisfait de l’accomplissement du deuxième devoir qui restait sur sa liste d’impératifs catégoriques, il céda à l’appel puissant de ses cauchemars moralisateurs. Avec Juliette dans le rôle de la narratrice au maillet, Enzo dans le rôle du puits, Draena pour la corde, Georgia interprétant le bloc de marbre gominé de cirage, Kitty le tube de ventoline toxique, Niko le ballon de baudruche rouge brique qui montait dans le ciel … et tous les sketchs se finissaient toujours par une longue noyade suivie d’un coup de maillet sur le nez, sous les applaudissements enthousiastes du public.