[Nexus 6.6] Sur les Thrace du saboteur

La triplice en lice

Cassandre avait donc mené les volontaires pour partir en Grèce dans une pièce adjacente pour continuer la réunion, prenant soin d'emporter le document qu'ils avaient trouvé dans l'ancien métro sud-africain avec elle. Elle le plaça au centre de la table, pour que chacun y ait accès.

feuille de papier format A4 a écrit:

URGENT – Rappel de produit

Le 1er septembre 2109


Objet du rappel : Article N°152AZ. Spécimen mâle brun grec, 28 ans. Johannesburg, Monorail Johannesburg Corporation.

Raison du rappel : Article défectueux.

Risques associés au produit : destruction généralisée (personnes et matériels).

Demande de retirer immédiatement le produit du marché, pour révision.

Instructions du retrait : à la charge du prestataire.

Instructions du conditionnement : conditionnement optimal : article intact. Conditionnement partiel : article hors service.

Instructions pour retournement : sous huitaine, à l'adresse ci-dessous :
Agence Energóntas, 5 rue Íon Dragoúmis, Athènes, Grèce.



En vous souhaitant bonne réception de ce message,

Votre interlocuteur.

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"Comme je vous le disais, voici ce que le groupe B a trouvé durant son évacuation par l'ancien réseau ferré. Il était dans un morceau de tissu, vraisemblablement arraché au vêtement d'un des hommes que nous avons affrontés dans les tunnels." resitua-t-elle, pour les élèves du groupe A.

"De ce que j'ai pu en conclure, ces hommes étaient des professionnels : ils étaient lourdement armés, bien équipés et avaient pris la peine de se piéger avec des explosifs."

Elle fit une petite pause pour s'installer dans un siège, puis sembla chercher ses mots quelques instants.

"... D'abord Spine qui disparaît devant ses élèves, et maintenant ça..." poursuivit-elle gravement en tapotant deux fois de l'index sur la table. "Ces événements sont assez déconcertants... et alarmants. Il est normal qu'ils nous affectent."

Les yeux ouverts, le visage tendu, elle sembla contempler chaque élève quelques instants.

"Et cette mission peut paraître routinière. Mais il n'y a pas de mission routinière. Chaque mission a son importance. Les OryX étaient partis en terrain conquis sur Génosha, simplement pour poser quelques questions... Vous devez garder la tête froide et atteindre votre objectif sans accroc, même si l'enjeu n'est pas encore clair. Et tout le monde doit rentrer de cette mission."

Elle attarda un instant son regard vitreux sur Georgia, puis de façon plus appuyée sur Robin. Elle avait elle-même causé la mort d'un de leurs adversaires, elle s'imaginait assez bien ce que pouvait ressentir Georgia concernant le saboteur qu'il était censés retrouver. La jeune fille avait elle aussi des choix impossibles à faire. Quant à Rob, elle comptait sur lui pour prendre les bonnes décisions au bon moment ; après tout, Nathan ne lui avait pas donné de nouvelles. En cas de pépin, ils seraient sûrement un peu courts en force brute. Dans ces circonstances, l'idée de devoir s'absenter auprès de la famille du saboteur n'enchantait guère la psychologue, mais c'était un devoir moral qu'elle ne se voyait pas négliger.

"Avant de parler plus avant de votre objectif, avez-vous des remarques ?" demanda-t-elle, retrouvant sa douceur habituelle.

Nora avait bien pris note des paroles de Vadim. Elle y avait réfléchi vite. Et elle avait choisi de suivre son intuition. Changer, elle changeait déjà. La mission et ses réactions pendant celle-ci au monorail. Les paroles de Cassandre et son exercice. Nora tenait bon pour l'instant. Elle ne violait personne. C'était dur de résister à "se fondre" dans leur esprit. A apprendre à aller plus loin. A découvrir les voleurs. Nora avait suivi Cassandre et Robin et les autres. L'équipe n'était pas un commando. L'équipe était autre chose. Une famille, non, des amis non plus mais il y avait une confiance et une complicité qu'elle découvrait et qu'elle appréciait. Et sa loyauté était sans faille. Et Nora avait besoin de sentir qu'on l'aimait. Au moins un peu. Elle n'était pas égocentrique, juste timide et en manque de confiance. Mais elle voulait avancer.

Elle voulut embrasse Robin sur la joue mais s'abstint. Il la prendrait pour une folle. Pas de bisous, pas de merci psychique, juste un sourire espiègle. Elle inclina légèrement la tête auprès des autres coéquipiers et de Cassandre. Tout simplement. Pour les remercier de la garder.

Elle s'asseya et écouta attentivement. Elle prit la parole suite à Robin. Nora parla doucement.

" Je crois que cette adresse sera surveillée. Je... oui, c'est une évidence. Et nous devons nous préparer à nous faire repérer. L'ennemi a de l'expérience... Ces hommes qui sont prêts à mourir sont hors du commun. On ne sait pas si une organisation mutante a une cause proche du fanatisme ? Et qui sait, leurs employeurs sont peut-être humains. Manipuler des hommes ou des mutants, il y a peu de différence. Je présume que nous n'aurons pas d'armes, ni d'armure... ? Si nous rencontrons ces hommes, il ne faut pas qu'ils nous touchent à distance, et qu'ils meurent à nos pieds. Si c'est la CIA, la femme du gouvernement ne peut pas nous le dire ? Elle a sûrement des contacts, non ? Avec ce que j'entends, nous devons nous préparer à tuer ?"

Georgia, telle un zombie, avait suivi le reste du groupe à la suite de Cassandre dans l'autre salle. Elle avait examiné à nouveau la feuille de papier, tentant tant bien que mal de se concentrer sur les propos de Dame Cassandre.

Elle fronça du sourcil. Fit travailler sa parano légendaire. Joua avec ses doigts puis se passa (plusieurs fois) la main dans les cheveux.

"Une agence d'intérim... Hum... En revanche, mon grec est un poil rouillé : Energóntas ça signifie quoi ?"

Peut être que cela pourrait les renseigner sur la nature de l'organisation en question.

"On a des renseignements sur cette... Agence, appelons-là ainsi temporairement... Genre, il doit bien y avoir une immatriculation à un registre du commerce quelconque ou dans une base de données... Un site web, peut être ? Enfin, est-ce que c'est une agence sérieuse ou bien une simple couverture ? Parce que si c'est réellement une agence d'intérim c'est glaçant..."

Elle se massa les tempes. Tentant de lier ce qu'elle lisait là, à ce qu'ils avaient vécu en Afrique. Au-delà de l'aspect émotionnel, du fait que sous son pif se trouvait la tronche du mec qu'elle avait liquidé, il devait bien y avoir un moyen de coller les éléments ensemble... de manière rationnelle.

Livide, Georgia détourna le regard. Pour ne plus voir l'homme. Elle reprit sa respiration et commença :

"Parce que, comme je le disais dans l'autre pièce, c'est comme dans un supermarché. Y'a un produit qui est dangereux en rayon, le fournisseur envoie un rappel de produit à ses clients. Voilà, tout. Je suis même pas sure qu'il s'agisse de fanatiques ou quoi. Juste des gens pour qui la vie humaine ne vaut pas un pet de canard"

Elle sourit : maintenant qu'Ivy n'était plus là, elle essayait de perpétuer la légende de la rouquine en tentant de parler comme elle. Mais c'était dur... Elle n'était pas aussi forte que son amie.

"Quoi qu'il en soit, on voit que le Monsieur de la photo travaillait pour la société d'exploitation du monorail..."

Georgia déplia une page de la Sentinelle qu'elle avait découpée et conservée religieusement.

"Pis on voit qu'une boite comme ça peut embaucher des mutants. En revanche, comme c'est dur dur, je pense d'être mutant à Johannesbourg... Pour éviter d'être genre pucé comme je crois l'avoir lu quelque part, il faut venir de l'étranger je pense. Parce que bon pourquoi s'embêter à embaucher un mutant dans un état qui exclut les mutants ? En fait, j'ai l'impression que la société du monorail cherchait justement à EMBAUCHER un mutant et un mutant INCONNU des forces de l'ordre... D'où l'agence d'intérim !"

Elle avala sa salive. Il y avait un biais dans son raisonnement. Elle s'en expliqua :

"Je suppose - même si je peux que supposer - que le rappel a été demandé par la société du monorail à l'agence grecque, celle-ci ayant envoyée cette note de service à nos potes les méchants"

Affrontant à nouveau la vision de la photo, elle mis son gros doigt maladroit sur la note.

"Parce que si Kitty m'écrivait pour me dire que son violon est défectueux et me demander de régler le problème, je demanderai à une tierce - genre Alix - de le récupérer dans la chambre de Kitty à charge de me le ramener à moi, vu que je dois m'en occuper..."

Elle sourit. Souvenir d'un autre temps. Où elle était insouciante. Heureuse. Et barrée.

"Du coup en toute logique, on va vers la boite d'intérim qui a déniché notre mutant mort pour l'envoyer bosser pour le monorail. Y'aura peut être des dossiers à aller fouinasser. Ce qui nous fera peut être comprendre pourquoi la société du monorail voulait d'un mutant non identifiable pour son service... Sachant, que la société ne semble pas vouloir faire du terrorisme pour autant..."

Un soupçon de marxisme, un zeste de trotskisme et sa folie habituelle : le cocktail était l'éternelle parano made in Beccaria.

"... à moins que c'était peut être moins cher, tout simplement. D'embaucher un bonhomme qu'on n'aurait pas à payer selon le droit du travail sud africain ? Bref, le mobile pourrait être, du côté de la société du monorail, le blé et..."

Elle soupira.

"Je cale pour l'heure. Quoi qu'il en soit, selon ce que tu nous dis, Cassandre, faudra peut être se la jouer infiltration plutôt que bourrinnage. Après tout, on est des mutants et c'est peut être une agence spécialisée dans les mutants justement. Pourquoi ne pas candidater tout simplement ? Quant aux mercenaires..."

C'était ça la question à 100.000.000 de dollars.

"Y avait au moins un mutant. Celui qui a contre-transféré mes blessures. Pour le reste... Ils devaient avoir un plan des tunnels tout comme le saboteur. Fourni par la compagnie du monorail... Enfin, c'est une possibilité..."

Viconia avait suivit le cortège en silence, satisfaite que son choix ait été respecté mais un brin perturbée à l'idée qu'ils partaient à deux psys en Grèce, tandis que pour Genosha les effectifs étaient différents.
Elle n'eut qu'une hésitation temporaire : elle ne comptait pas laisser cette histoire de grec lobotomisé tomber dans les choux. Par ailleurs, les services de Nora pourraient être plus qu'utiles.

La jeune fille avait donc prit place autour de la table de briefing, lunettes sur le nez, et avait analysé une fois de plus la note de service. Elle avait ensuite écouté patiemment chaque opinion, certaines rejoignant les siennes de manière plus qu'aiguë.

Une agence de services pour clients plus ou moins anonymes; des mutants traités comme de la viande ou des animaux de compétition ; une adresse lâchée de manière tout à fait ouverte, comme si tout cela était tout à fait normal...

En sus de toutes les propositions déjà mises sur la table par ses camarades motivés, la finnoise se contenta d'ajouter :
« -Je ne connais pas exactement le statut du mutant en Grèce, mademoiselle Deneos, mais serait-il possible que ce genre d'agence existe au grand jour ? La prestation de services mutants, peu importe leur potentiel destructeur ou tueur, sans notions d'éthique contrôlée ?
Si cela avait été sous la table, je comprends, mais cette note ne semble pas tenter l'obscurantisme... Nous ne savons toutefois pas exactement dans quelles conditions elle a été envoyée et reçue. »

Elle considéra un instant la fameuse note, s'imprégnant des termes, puis ajouta :
« -Il nous faudrait également clarifier l'état des employés mutants de cette agence. Froide comme est cette note, on peut se demander s'ils sont encore dotés d'un quelconque esprit critique ou s'il sont pucés... »

Quoiqu'il en soit, ils allaient devoir tirer le maximum d'informations sur l'agence, sa situation, et les possibilités d'infiltration avant d'y aller. La géolocalisation serait essentielle, ainsi que le profil-type des personnes y ayant accès...

« -S'il s'agissait vraiment d'une agence d'intérim ouverte, nous pourrions disposer de deux types d'accès : l'employé (se faire engager pour nos services) ou le client...
Cela nous permettrait de voir quelle est la nature exacte de leurs services, leur coûts, et éventuellement, s'il on arrive à se constituer un CV sérieux et attractif en devenant un client exigeant, nous pourrions accéder aux chefs ou semi-chefs... »

Elle regarda Georgia rapidement, et ajouta :
« -Nous pourrions également nous faire passer pour quelqu'un qui désirerait leur rendre leur camelote... »

Ce briefing allait s'avérer intense, il allait falloir tout anticiper et penser au maximum de possibilités, tout pour éviter Johannesbourg une fois de plus. L'information, c'était le pouvoir.

Cassandre écouta chacune des interventions, et prit quelques secondes pour y réfléchir. Nora s'était finalement joint au groupe, et la psychologue retourna également cela dans son esprit avec les informations dont elle avait pu prendre connaissance dans le rapport de l'équipe chargée du monorail.

"Nora, j'apprécie ta bonne volonté, mais je pense qu'il ne serait pas très raisonnable que tu participes à cette mission." dit-elle discrètement à la jeune fille alors que celle-ci s'installait à la table.

"Tes dernières utilisations de pouvoir ont paru douloureuses, je préfère encore te savoir en sécurité à l'Institut. Il y aura d'autres occasions quand tu seras prête." explicita-t-elle doucement à la télépathe. Son pouvoir leur serait certes d'une grande utilité, mais la sécurité de la jeune fille passait avant tout.

Se reconcentrant sur les remarques de Nora, elle reprit la parole, pour tout le monde cette fois :

"A ce stade, je ne crois pas que la CIA puisse être impliquée, même si je peux me tromper. La mutante précognitive impliquée avec la CIA appartenait en fait à la première génération mutante, et j'ai détruit la prophétie que nous avions trouvée. De plus, les éléments portés à notre connaissance semblent finalement plutôt concentrés, géographiquement parlant. Ou du moins, j'ignore ce qui pourrait pousser les Etats-Unis à envoyer des agents dans le métro de Johannesbourg."

Une petite fossette se forma sur la joue de la Grecque, laissant pressentir la naissance d'un sourire.

"En tout cas, j'aime autant ne rien devoir à Mme Shenzie." ajouta-t-elle avec amusement. Il la quitta néanmoins bien rapidement lorsque Nora parla de tuer. La non-voyante avala sa salive, tout en repensant à l'homme mort sous son coup dans les boyaux obscurs du vieux métro.

"Il ne sera jamais question de tuer qui que ce soit à l'Institut. C'était un principe fondateur de cette école. Charles Xavier l'a défendu, Olivier Fleury l'a défendu, et nous continuerons de le défendre." appuya-t-elle, son visage de nouveau grave.

"Mais la médiation n'est pas toujours possible et nous devons parfois nous battre. Dans ce cas, nous devons nous efforcer de neutraliser nos adversaires." clarifia-t-elle, un léger trémolo dans la voix. Les accidents arrivaient... Et il y avait des cas particuliers. Génosha par exemple. Les règles de l'Institut s'étaient provisoirement radicalisées durant ce conflit aussi court que meurtrier. Quelque part, elle se demandait jusqu'où les professeurs seraient allés pour la libérer de Midas.
Elle se tourna vers Georgia.

"Energóntas est le nom de l'agence, ça signifie "intérim", jusque-là, pas de surprise." traduisit-elle à la jeune fille. "A priori, cette agence est ce qu'elle semble être, mais seule une vraie visite pourra nous le confirmer."

"Si mes souvenirs sont exacts, le code du travail sud-africain n'interdit pas aux employeurs d'embaucher des mutants..." répondit-elle pensivement, se remémorant la discussion qu'elle avait eue en cuisine avec Gulliver et Spine.

"Mais pourquoi la Grèce ? Cette question m'intrigue. Le bassin méditerranéen est assez éloigné de la MJC. La Grèce est un pays assez traditionaliste, mais les mutants n'y ont jamais été persécutés à ma connaissance." dit-elle, répondant par la même occasion à l'interrogation de Viconia sur son pays natal. Y retourner après si longtemps était d'ailleurs loin de laisser la belle hellène indifférente.

Elle fit une pause, puis donna quelques précisions sur la localisation de leur objectif.

"Íon Dragoúmis est située dans un quartier relativement tranquille, essentiellement occupé par des bureaux et quelques appartements. C'est une petite rue. L'agence occupe tout le rez-de-chaussée d'un immeuble d'habitation."

Elle avait pas mal réfléchi aux approches possibles, d'autant plus qu'elle s'absenterait un moment auprès de la famille du saboteur. Cela dit, elle commençait à bien connaître les trois élèves depuis le temps ; ils étaient pleins de ressources, comme le démontrait de nouveau Viconia avec ses propositions de mystification.

"Nous ignorons encore quels sont les intérêts de cette agence, mais nous savons qu'elle a employé au moins un mutant. Je ne veux pas courir le risque que vous soyez identifiés comme mutants vous aussi. A Johannesbourg, opérer à découvert a déjà été plutôt risqué. Je pense qu'entrer discrètement à l'intérieur devrait être aisé pour des gens comme nous. Qu'est-ce que vous en pensez ?"

Viconia ne fit aucun commentaire quant au débat qui sévissait silencieusement autour de Nora. Elle se contenta de fixer Georgia de manière floue à travers ses lunettes en verre vert, tout en réfléchissant aux diverses informations qui avaient filtré de la grecque.

Infiltrer sans se faire passer pour des mutants... Et discrètement avec ça.
Au niveau théorique, pas de problème, surtout si elle s'appliquait à faire planer une personne clef de l'agence.
Le problème résiduel, mais néanmoins essentiel, était qu'il était difficile de jouer un rôle à la perfection lorsque l'on avait pas le texte exact de la pièce. Hors, si elle voulait bien les couvrir dans une opération infiltration en enrubannant leurs traces, elle ne pourrait pas surpasser ses capacités. Une personne à la fois à embobiner était sacrément réducteur si l'agence grouillait de partout. De plus, c'était beau de rentrer discrètement, mais sous quel motif ? Ils ne savaient pas si l'agence n'engageait que des mutants ou ne donnait service qu'à des mutants, s'il fallait se rendre en personne à l'agence en tant que client, ou faire une entrée fracassante et inattendue... A ce moment là, ils repasseraient pour la discrétion.
Clignant des yeux, Viconia revînt à salle de briefing. En conclusion, leur opération allait encore se résumer à un mot de l'action théâtrale : improvisation.

Elle eut un rictus désabusé, puis croisa les mains en affirmant à Robin :
« -Oui, en plus d'un plan, les caractéristiques de l'Agence regroupées sur le net nous permettraient de préparer notre entrée en scène. Nous pourrions statuer sur les électriciens, le client capricieux et ses deux secrétaires, ou les assistants d'un client capricieux invisible... S'ils sont ouverts sur leurs activités, nous pourrions même tenter l'équipe d'investigations journalistiques qui pourraient leur apporter de la publicité.
Notre priorité serait donc de savoir ce que cette Agence dit d'elle-même, ce qu'elle ne tient pas à dévoiler et ce que nous savons de part notre indice. »

Elle tourna le regard sur Cassandre et prit la parole après Robin quant à l'hypothèse grecque :
« -Exact, une sorte l'eldorado égocentrique pour tout être doué de capacités méta-humaines...
Ou bien un Paradis d'immunité. Si la Grèce n'a jamais été répressive envers les mutants et peu évoquée dans les médias, cela permet une base d'action relativement sûre.
Pas de politique tourmentée qui menacerait les affaires, mais implantation ferme dans l'acceptation de la mutanité et ses opportunités commerciales innovantes. Une manne d'opportunités en quelque sorte. »

Elle fixa Georgia de manière interrogative en attendant son opinion.
Cela faisait relativement étrange que de se trouver à si peu autour d'une table de briefing.
Depuis son arrivée et son enrôlement précoce, l'artiste avait toujours fait partie des « Nexus ». Mais cette équipe avait connu bien des visages au cours du temps, et celui qui lui faisait face à présent était neuf.
Elle s'y ferait sans difficultés, comme à chaque changement. Elle ne pouvait cependant s'empêcher d'avoir une pensée pour Nathan, son frère à l'arrivée et éloigné du groupe pour des raisons obscures... Non, il ne fallait pas se leurrer, l'Israélien avait toujours été borderline. Il venait visiblement de translater à nouveau...

La discussion en venait à des questions plus précises, plus immédiates... Qu'allaient-ils faire, exactement, une fois que Cassandre les aurait abandonné sur place, tels des animaux patauds laissés sur l'autoroute des vacances ?

Elle opina vigoureusement de la tête pendant les interventions de ses coéquipiers. Ils en avaient des idées ! Alors qu'elle... Elle jouait avec ses doigts et les paumes de ses mains ! Bien entendu, c'était un peu hors de propos... Et Georgia savait bien que temps où elle se palmeraie de manière utile en briefing n'était pas encore venu...

Puis, avalant sa salive, elle entreprit de livrer sa contribution à l'édifice commun :

"Le cadastre c'est une vache de bonne idée. Avec un peu de fesse, on peut même y accéder via le net. Normalement, tout ça, ça a du être numérisé non ?"

Elle se gratta la tête. Puis poursuivit :

"Mais c'est surtout les plans d'archi qui seraient intéressants, et ça, ça va être coton à trouver... En revanche, j'imagine que l'agence qui couvre le rez-de-chaussée a du être aménagée ainsi APRES la construction de l'immeuble. Si tel est le cas, tous les étages sont sensiblement les mêmes, à l'exception des cloisons de séparation qui ont du être abattues pour le RDC. Du coup, peut être voir si y a pas un appart à louer dans cet immeuble et piquer son plan sur le site d'une agence... immobilière"

Georgia était excitée comme une puce à l'idée de participer à une mission non léthale.

"Sinon, on aura toujours le plan d'évacuation de l'immeuble qui doit se trouver... Dans l'immeuble lui même !"

Elle cogita également sur le fait de savoir comment ils allaient rentrer en contact avec ces gens.

"Hum... Je déconseille le client ou le mandataire du client. Après tout, ils peuvent vérifier sur leurs registres et on risque vite d'être grillés... De toutes façons, on est un poil jeunots pour faire les VRP d'affaires. D'autant plus qu'on parle pas le grec. Idem pour les prestataires de service : normalement, ils passent pas à l'improviste. A moins que Cassandre, tu ais ton brevet d'agent secrète..."

La blonde sourit en imaginant sa professeur au volant d'une belle voiture de sport ou trainant dans les casinos dans un smoking noir impeccable sirotant des martinis aux bras de belles et avenantes jeunes filles... Elle secoua vigoureusement la tête, comme pour s'ébrouer : il fallait en finir avec les pensées parasites.

"Je pense que le mieux est de se présenter sous un jour crédible : nous sommes des jeunes, venus en Grèce dans le cadre d'un échange universitaire, ou un truc du genre... Et avant de reprendre la faculté, nous voudrions travailler en intérim, tout simplement. On verra bien ce qu'ils nous racontent. Si c'est que pour les mutants ou les humains aussi. Enfin... C'est ce que j'en dis..."

Quant à la Grèce, Georgia ne pouvait aller que dans le sens des propos de Viconia.

"En plus, ça tendrait à laisser penser que les mutants recrutés vont dans cette agence pour bosser, tout simplement. Après tout, ils ne semblent pas persécutés en Grèce. Ils cherchent juste à se faire du blé. Ce qui pose la question : comment notre saboteur s'est retrouvé à saboter ? Drogue ? Contrôle mental ?"

Cassandre sembla embarrassée lorsque les élèves abordèrent la question du cadastre.

"Malheureusement, nous ne disposons pas des plans de l'agence." répondit la psychologue. "Il vous faudra faire preuve d'observation lorsque vous serez sur place."

Elle réfléchit quelques instants à l'interrogation de Robin.

"Ta remarque est juste, Rob, si l'on s'attarde ne serait-ce que sur Ganymède... Mais finalement, les symboles de toutes les cultures "anciennes" sont souvent repris. Cette ancienneté est souvent synonyme de puissance dans l'inconscient collectif. Un grand nom fait parfois oublier la proportion toute humaine des choses. Enfin loin de moi l'idée de sous-entendre que Midas chercher à compenser quoi que ce soit." répondit-elle, non sans esquissa un sourire ironique qu'elle s'empressa de cacher derrière sa main valide.

Cependant, la Grèce était loin d'être aussi prépondérante que dans l'antiquité.

"Mais la réalité est bien différente. La Grèce est un petit pays à l'échelle européenne. Elle n'a rien qui pourrait attiser la convoitise, et c'est très bien ainsi."

La Grecque semblait plutôt satisfaite de cet état de faits. En fin de compte, la discrétion de son pays natal sur la scène internationale lui correspondait assez.
Cassandre hocha pensivement la tête aux hypothèses de Viconia, puis une nouvelle fois lorsque Georgia aborda le problème de leur couverture.

"En effet, je pense que vous seriez rapidement démasqués en vous faisant passer pour des clients mécontents." confirma la non-voyante.

"En fait, telles que se présentent les choses, en opérant de jour, il vous faudra forcément une couverture. De nuit, la donne sera peut-être différente." répondit-elle à Georgia.

Georgia pouffa de rire quand Dame Cassandre évoqua l'anatomie de Midas... Ça lui rappelait un temps désormais révolu où il était question d'une armée de kikis à la fois perdus et retrouvés... Et d'Ivy.

La blonde secoua la tête : il fallait qu'elle cesse de se faire parasiter par le passé. On avait besoin encore une fois de ses services et non, SuperMarxiste ne pouvait se permettre de rigoler et de raconter des blagues pendant le briefing !

... en même temps, entendre un début de commencement de plaisanterie dans la bouche de Cassandre avait quelque chose de miraculeux : comme si le fossé qui séparait les deux femmes pourrait un jour se combler...

La blonde avala sa salive. Tourna sa langue dans sa bouche à défaut de celle d'une autre. Et prit la parole à nouveau :

"Hum... C'est peut être parce que la Grèce n'a rien de spécialement intéressant que justement elle est intéressante. Parce que, du coup, pour faire des tours pendables c'est le mieux : discrétion, législation favorable, services de police peu hargneux... Ça se tient"

Mais le pragmatisme voulait surtout qu'ils cogitent sur la question du "qu'est ce qu'on va faire une fois sur place ?". Elle proposa :

"En fait les deux possibilités - le jour, la nuit - ont leurs avantages et leurs inconvénients. De jour, on peut interroger des gens, pis on n'est pas obligés de commettre un larcin en gros... Mais on peut aussi se faire démasquer, éveiller les soupçons ou rentrer bredouilles"

La langue de Georgia claqua contre ses dents. Elle en avait des trucs à dire, encore et encore.

"Alors que de nuit, on peut fouinasser partout... Mais si on se fait attraper, on risque de finir par faire dodo en prison !"

Elle se passa la main dans les cheveux. Et conclut :

"En gros, de jour on aurait besoin d'une vache de bonne couverture... En croisant les pattes pour qu'il n'y ait personne pour fouiller dans nos caboches... Alors que..."

La conclusion. Du moins de son raisonnement foireux.

"On peut couper la poire en deux : pourquoi ne pas faire une planque de jour à distance ? Genre repérer qui bosse là bas, les accès, ce genre de trucs... S'installer à côté d'eux quand les mecs qui bossent à l'agence iront au resto, ce genre de trucs qu'il y a dans les films... Et pour le reste, on va visiter de nuit. Faudra aussi faire gaffe s'ils ont pas un système d'alarme. Enfin, ça fait beaucoup de si et... Faudra improviser sur place"

Viconia ne releva pas le trait d'esprit de Cassandre, la laissant à sa petite victoire, et se contenta de noter que Georgia approuvait et reprenait son idée de la couverture grecque. Après pourquoi d'avantage ce pays laxiste qu'un autre ?... Ah bien pourquoi pas !
« -Si cela avait été n'importe quel autre pays mineur, nous serions en train de nous poser exactement la même question. Ensuite, un rien peut orienter ce genre de décision : une origine ethnique, l'aptitude à parler une langue, une connaissance de la législation, un carrefour géographique et commercial favorable à mi-chemin entre deux polarités européennes... »

Elle releva ses lunettes et étudia leur plan d'action. Une fois de plus, elle écouta patiemment Georgia.
Oui, mais pour une infiltration réussie de nuit, il fallait être suffisamment prévenu et armé.
Pensivement, elle remonta ses manches de chemise aux coudes et proposa, avant de croiser les mains sur sa poitrine.

« -Et pourquoi pas les deux ? »

Elle regarda Robin de manière interrogative, puis détailla son idée :
« -Une première salve, de faible importance, en journée, afin d'effectuer un premier repérage. Pourquoi ne pas utiliser la théorie de l'étudiant étranger qui cherche un job ? … Le tout garni d'une surveillance à distance, deux divisions, donc.
… Puis, un retour de nuit, tous les trois, mieux informés, droit au but si possible. »

Elle garda son regard posé sur Robin, et ajouta simplement :
« -Je pense que je suis en mesure de sentir si l'on fouille dans ma tête... Je pourrais éventuellement m'entraîner avec un télépathe avant le départ. »

Viconia était dans le vrai : il était tout aussi possible que le choix de la Grèce soit fortuit, ou ne relève que de considérations purement logistiques. Peut-être en apprendraient-ils plus sur place. Le trio était en tout cas unanime : ils repèreraient les lieux de jour pour passer à l'action de nuit. Cassandre eut un sourire presque attendri pour ses élèves. Ils avaient fait énormément de chemin depuis leur arrivée à l'Institut.

"Entendu, procédez comme ça. Si vous n'avez pas d'autre question, vous pouvez retourner profiter de votre journée. Je vous tiendrai au courant pour le départ, je dois encore régler quelques détails avec M. Volkov."

Satisfaite de leur conclusion, Viconia ôta ses lunettes et les glissa dans le col de sa chemise.

Elle se leva, sereine, se demandant quelle identité factice ils allaient emprunter sur place pour se présenter de jour.
L'aspect global du bâtiment et des allées et venues générales leurs souffleraient la solution.

Viconia s'étira brièvement et fit le point sur ce qu'elle avait à faire... Une évidence s'imposa à ses yeux, cheese-cake.
Sans se retourner, elle s'en alla jouer avec son projet tout en sustentant. Le rendu était imminent, elle ne pouvait prendre de retard, surtout avec la perspective de la mission.

Elle eut un mot de congé pour Cassandre et prit la sortie.

Georgia s'étira laborieusement. Déplia ses jambes. Secoua la tête. Fit le cirque complet et habituel beccarien qui n'étonnait plus réellement personne. Elle observa ses deux coéquipiers à la suite, un petit pincement au cœur pour la rousse, quitter la salle.

Elle avait suffisamment traîné. La blonde se leva et s'approcha de la psychologue. Non pas pour l'embêter avec un quelconque déluge sentimento-cérébral. Mais juste pour...

"C'est une bonne équipe. Et je suis très fière d'en faire partie. Que ce soit parce qu'il y a Robin et Viconia. Ou tout simplement parce que vous êtes là..."

Georgia baissa les yeux. Le vouvoiement reprenait le dessus.

"Merci d'être là. On vous décevra pas"

Et elle fila hors de la pièce...