Expédition en terres hostiles

Après la pluie, le beau temps… Profitant de cette accalmie, Juliette avait décidé de quitter l’institut afin de faire une petit tour en ville. Cela faisait un certain temps que la gothique romantique n’avait pas fait de réelles emplettes bien à elle, le genre de boutique qu’elle fréquentait habituellement n’étant assurément pas du goût de la quasi totalité des élèves de l’institut. C’est donc en solitaire, nantie de ses lunettes de soleil afin de protéger ses fragiles iris de glace et son inséparable cape à capuche, qu’elle parcourait les rues de Salem de son pas tranquille. Après quelques heures, elle s’était retrouvé avec plusieurs sacs dans les mains… et une perte de poids indéniable sur sa carte de crédit. Etre une gothique romantique avait un coût certain, c’était indéniable. Heureusement, ses achats étant d’une grande qualité textile elle n’avait pas à remplacer ses vêtement tous les mois, ce qui ne l’empêchait cependant nullement de céder à un éventuel coup de cœur pour une somptueuse robe ou tout autre article inhérent à sa conditions de gothique romantique… Contrairement aux jeunes gens de son époque, elle se devait de tenir un certain standing après tout…

En marchant sur le trottoir, Juliette fini par passer devant un bar. Bien qu’elle n’aimait pas spécialement ce genre d’endroit, trop peu chaleureux à son goût comme tous ces commerces modernes, force lui était d’avouer qu’une boisson rafraîchissante lui ferait le plus grand bien. Empêtré avec tous ses sacs, la gothique romantique poussa la porte du dit bar d’un coup d’épaule, et se glissa rapidement à l’intérieur de celui-ci avant que la porte ne se referme. Quelques regards étonnés se portèrent sur sa personne… C’était toujours ainsi lorsqu’elle arrivait dans un endroit dont elle n’était pas une habituée, et elle ne s’offusqua donc pas des éventuels commentaires qui auraient pu éventuellement être prononcé à demi-mot, à son encontre. Cherchant du regard une table de libre, elle tomba sur une silhouette qui ne lui était pas totalement inconnue. Il lui était difficile de mettre un nom dessus tant elle se trouvait plongé dans une relative obscurité,, mais en se rapprochant de quelques pas elle commença à la reconnaître. Un élève de l’institut, mais c’était quoi son prénom déjà.. ? Jérémie.. ? Jébediah.. ? Jonathan.. ? Quelque chose dans ce style en tous cas… Le voyant solitaire, la gothique romantique se dit que c’était l’occasion de le connaître un peu plus profondément, et en serrant ses sacs contre sa volumineuse robe afin de déranger le moins possible les clients du bar, elle se dirigea en direction de la table du jeune mutant qui était visiblement en train de rêver.

‘’Bonjour…’’

Lui dit-elle, une fois arrivé devant sa table. Bien, le prénom exact pouvait attendre, ce n’était pas le plus important pour le moment…

‘’Quel temps merveilleux, n’est-ce pas.. ? Je suis venu ici pour me rafraîchir quelque peu, et comme je t’ai vu je me disais que on pourrais passer un peu de temps ensemble, histoire de se connaître un peu mieux… Qu’est-ce que tu en penses.. ?’’

Conclu la gothique romantique, en déposant ses nombreux sacs sur le côté, avant de se défaire de sa cape ténébreuse qu’elle déposa sur le dossier de la chaise située à côté de celle ou elle s’installa. Le volume de sa robe envahit totalement l’espace de ladite chaise, qui disparut presque totalement sous la douceur satine et soyeuse de l’élégant vêtement sombre et dentelé.

Un certain silence tomba sur la table ou étaient réuni les deux mutants. Jeremiah rendit son salut à la gothique romantique, et puis ce fut le calme plat. Il ne savait visiblement pas quoi lui dire, et se précipiter sur sa paille lui était apparemment apparu comme une échappatoire providentielle… Tant que sa bouche était occupé à siroter son soda, il pouvait éviter de lui adresser la parole. Sans trop savoir pour quelle raison, Juliette sentit le jeune garçon comme étant quelque peu sur la défensive… Etait-il timide, ou bien était-ce elle qui l’impressionnait.. ? il ne serait assurément pas le premier dans ce cas. Profitant de ce silence, la jeune femme chercha dans son esprit tout ce qui était en rapport avec celui qui lui faisait face… Un élève récent si elle se souvenait bien… Assez discret, car elle ne l’avait que très peu aperçu dans l’institut. N’était-ce pas lui, qui parlait bien souvent de manière étrange, comme s’il se trouvait dans une sorte de jeux de rôle.. ?

Tout à ses pensées, la gothique romantique fixa son regard d’un bleu glacial sur le mutant en lui offrant un sourire aimable. Ce qui en soit ne signifiait que peu de chose, ce sourire étant celui qu’elle affichait le plus généralement. Ni plaisant, ni désagréable… Tout simplement neutre. C’était littéralement deux époques qui s’opposaient à cette table. Il y avait Jeremiah, le garçon bien ancré dans son époque moderne, trop peut-être même, et en face de lui Juliette… La gothique romantique qui donnait bien souvent le sentiment d’être un anachronisme, même parmi ses semblables mutants. Le monde moderne et celui d’autrefois, à une époque ou les mutants n’existaient probablement pas encore. Une époque plus simple selon la gothique romantique, plus humaine assurément. Alors qu’elle allait prendre la décision d’entamer la discussion afin de ne pas rester chacun en chien de faïence à se regarder bêtement dans les yeux, ce fut Jeremiah qui prit finalement l’initiative en tentant un premier contact avec ‘’la chose’’ qui était venu envahir son espace… A sa question quelque peu hésitante, Juliette lui répondit d’un ton nettement plus assuré :

‘’Oui, j’avais besoin de quelques petites choses et cela faisait quelques temps déjà que je n’avais pas eu l’occasion de le faire sérieusement. Il faut dire que les endroits ou je vais sont, bien souvent, peu au goût de la plupart des gens… Et puis, il fallait que je renouvelle un peu ma garde-robe, mes robes actuelles commencent à prendre de l’âge…’’

Une parole plutôt paradoxale, pour des vêtements qui étaient eux-même en grande majorité d’un âge déjà bien désuet en dépit de la touche de modernité qui y était apposé. Sans oublier le fait que Juliette prenait grand soin de ses robes, et que ces dernières, en dépit du passage du temps, ne semblaient pas subir la moindre usure. Mais Juliette était femme et gothique romantique, et en cela elle se devait d’être toujours d’une élégance certaine et irréprochable. Encore plus, depuis qu’elle était à l’institut et que sa belle lui était apparut. Elle ne pouvait pas véritablement la voir, mais qu’importe… C’était en négligeant les détails, que l’on finissait par se laisser aller et que l’on sombrait dans le mauvais goût qu’affichait clairement certaines filles de l’institut selon elle.

‘’Et toi.. ? Qu’est-ce que tu fais ici, tout seul.. ?’’

Demanda ensuite Juliette à son compagnon de table. Voyant qu’il était en train de manipuler son communicateur à son arrivée, elle lui demanda encore ;

‘’Tu attends quelqu'un peut-être.. ? vous avez prévu de faire quelque chose aujourd’hui.. ? J’espère que je ne te dérange pas dans ce cas…’’

‘’Oh… Elle n’est pas venue… Désolée pour ton rendez-vous… Tu attendais qui, si ce n’est pas indiscret.. ?’’

Interrogea Juliette, en se disant que c’était très dur de se voir ainsi poser un lapin, surtout pour un garçon dont l’orgueil était assurément plus développé que celui d’une femme. Elle n’en comprenait cependant que mieux son repli pathétique sur son soda, au fin fond de ce café. C’était assez pathétique selon elle, mais après tout… Chacun trouvait refuge là ou il le pouvait, et de la manière dont il le pouvait. Mais cela n’en rendait pas moins la chose des plus triste. Lorsqu’il lui expliqua alors qu’il en avait profité pour faire quelques courses afin de pallier à ce rendez-vous avorté, la gothique romantique approuva doucement d’un signe de la tête. Au moins, avait-il le sens pratique, c’était une bonne chose selon elle. Lui rendant son sourire, Juliette ajouta :

‘’Maintenant que je suis là, tu n’a plus à te morfondre, je suis certaine ne nous allons passer un bon moment ensemble.’’

Lui assura-t-elle, certaine de l’agréable de sa compagnie. Qui n’apprécierait pas sa compagnie après tout.. ? Un sot, assurément… Jeremiah l’interrogea alors sur ses robes qu’il qualifia de princière, un sujet sur lequel la gothique romantique pouvait se montrer extrêmement prolixe. Il lui demanda plus ou moins clairement si elle aimait jouer à la princesse, une interrogation qui n’étonna guère Juliette. En effet, ce n’était pas la première fois que ce genre de réflexion lui était fait. A la décharge de ses interlocuteurs, elle devait bien avouer qu’elle était un peu la rose dans le bouquet de marguerite, au milieu des gens. Elle était habitué à ce genre de remarque, et c’est pourquoi elle n’en tint pas rigueur au jeune mutant qui, visiblement, ne pensait pas à mal en disant cela. Pour le lui prouver, elle lui répondit avec un certain engouement dans la voix :

‘’En effet, mes robes, et mes vêtements en général, demandent un soin tout particulier… Par exemple, il est hors de question de nettoyer mes robes en les passant à la machine à laver, elles sont bien trop fragile… Elles se nettoient à sec, uniquement. Pour répondre à la seconde partie de ta question, je suis loin d’être une princesse, assurément… Mais disons que je trouve que les femmes d’aujourd’hui manque cruellement d’une certaine élégance et d’une certaine grâce qui, bien souvent, les font affreusement ressembler aux hommes. Je suppose que c’est l’époque qui veut cela, mais c’est tout de même assez triste je trouve. Je m’habille ainsi, car cela me plait, je me sens moi-même et m’épanouis pleinement dans ce style, certes un peu désuet au regard de certains, mais tellement plus agréable que les vêtements féminins d’aujourd’hui… Autrefois, les femmes avaient une véritable féminité, et non pas un désagréable mélange des sexes qui tend presque à l’uniformité physique. Pour preuve, combien de fois a-t-on pris des gens pour ce qu’ils n’étaient pas, lorsque on les voyaient de dos.. ? Avec moi, ce genre d’erreur est absolument impossible, même pour une personne myope comme une taupe.’’

Conclut Juliette, certaine de son fait… Et de sa vision de la chose, bien entendu. Puis, elle enchaîna sur Jeremiah…

‘’Mais tout ceci ne doit pas t’intéresser, n’est-ce pas.. ? Si on parlais plutôt de toi.. ? Cela fait un petit moment que tu es arrivé à l’institut maintenant, comment t’y sens-tu.. ? Est-ce que l’adaptation n’est pas trop difficile.. ? pour certains, c’est assez déroutant au début, il faut bien l’avouer. Tant de pouvoirs concentré en un seul lieu, alors que la plupart d’entres nous pensaient être unique… D’ailleurs, quel est ton pouvoir.. ? J’avoue que je ne l’ai jamais vraiment su… Tu peux voir au loin, c’est cela.. ?’’

L’interrogea à son tour la gothique romantique, qui commençait un peu à se perdre dans les pouvoirs présent à l’institut vu le nombre sans cesse croissant de mutants qui venaient y trouver refuge. Elle se dit qu’il serait bon de faire une base de donnée des pouvoirs présent au sein de l’établissement, cela permettrait à tout un chacun de savoir qui faisait quoi, sans forcément avoir à rencontrer la personne…

Juliette écouta avec attention les réponses de Jeremiah, qui paraissait quelque peu gêné. Elle se demanda si cela était du à sa présence qu’elle savait parfois bien dérangeante ou bien encore intimidante pour certains, mais toujours était-il que le jeune garçon cherchait ses mots tout en la fuyant du regard. La gothique romantique émit un ‘‘ah…’’ de constatation, lorsqu’il lui apprit que son lapin lui avait été posé par une fille connu sur internet. Pour sa part, elle trouvait cela plutôt impersonnel et terriblement peu romantique pour une rencontre. Les gens, et en particulier les jeunes, n’avait absolument plus le moindre goût pour les rencontres matérielles… Pourtant, ces dernières se révélaient bien souvent plus passionnément enrichissante, que celles effectués au détour d’un clavier froid et sans âmes. Encore que vu la manière dont Jeremiah se comportait avec elle, il valait en effet peut-être mieux pour lui que ses rencontres se déroulent exclusivement derrière la sécurisante barrière de l’anonymat d’un écran lumineux et d’un clavier. Mais tout de même, la jeune femme trouvait cela assez pathétique au final… Compréhensible, mais pathétique…

Juliette sourit doucement, lorsque le mutant lui affirma que les autres pensionnaires de l’institut ne l’avait pas surpris outre mesure, hormis peut-être Alixtide. C’était un fait, le mutant porcin ne laissait absolument personne indifférent, que ce soit dans un sens ou dans l’autre ? Quand il lui expliqua enfin en quoi consistait exactement son pouvoir, Juliette compris exactement pourquoi ce pouvoir pouvait être considéré comme étant celui d’un pervers. Même si elle ne savait pas qui était ce fameux poussin, elle se devait de reconnaître la justesse de son propos concernant le pouvoir de Jeremuah. Avec une telle capacité, il était en mesure d’espionner quasiment n’importe qui, n’importe ou, et n’importe quand… Lorsque l’on y songeait, c’était assez effrayant. Le communicateur du jeune garçon sonna, et après y avoir répondu il expliqua qu’il devait rejoindre Nanikawa à l’institut car ce dernier désirait apparemment lui faire part d’un projet. Il la salua brièvement, et attrapa ses affaires rapidement avant de s’en aller comme si c’était là un soulagement pour lui. Juliette eu à peine le temps de lui dire au revoir à son tour, que déjà il était prêt à franchir la porte du café.

La gothique romantique se retrouvait donc seule, un peu comme si le geek lui avait passer le flambeau de la solitude. La jeune femme ne s’en émeut pas pour autant, et elle en profita pour commander enfin un café, chose qu’elle n’avait pas pris le temps de faire depuis son arrivée. Elle demeura là, silencieuse, ressassant quelques vagues pensées aussi utiles que futiles, tout en buvant doucement son breuvage caféine. Lorsqu’elle en eu fini, elle fixa son regard sur l’horloge accrochée derrière le bar et elle se dit que finalement, elle aussi allait rentrer à l’institut.

Juliette déposa un billet sur la table afin de régler sa consommation, puis elle se releva, endossa sa longue et sombre cape encapuchonnée, déposa ses verres solaires sur son adorable petit bout de nez et agrippa tant bien que mal ses nombreux et encombrants sacs avec de se diriger à son tour en direction de la sortie. Une fois dehors, et contrairement à Jeremiah, elle héla un taxi, et s’engouffra à l’intérieur en indiquant l’institut comme destination, au chauffeur…

Institut