[Angleterre ; Cambridge] L'oeil du cyclone

Alors qu'il ouvrait la porte de la maison dans laquelle il vivait en compagnie de ses parents, James se sentit soulagé.
- Mère, je suis rentré. annonca t'il tout en se dirigeant comme il en avait malheureusement l'habitude vers la salle de bains à la recherche d'un tube d'aspirine.
Ses maux de tête apparaissaient souvent lors de longs trajet à pied, comme aujourd'hui où il avait préféré rentrer à pied plutôt que d'attendre l'autorail. Heureusement, il avait peu à peu appris à se garer dans un coin quand ceux-ci le prenaient, et ne restait plus planté comme un clou lorsque son champ de vision s'emplissait de couleurs et de formes qu'il n'arrivait pas à décrire.
Une fois parvenu dans la salle de bain, la tête encore bourdonnante, il pris un verre, le remplit à moitié d'eau, et y jeta un cachet d'aspirine. Il hésita un moment...peut-être un deuxième ferait-il plus d'effet? Avec un soupir, il referma le tube et le remis en place. Non, les prescriptions étaient claires, il n'allait pas risquer de dépasser la dose journalière sur un coup de tête.
Après avoir siroté son verre, l'avoir soigneusement rincé et replacé à sa position initiale, James se dirigea vers sa chambre, posa sa serviette à côté de son bureau, s'assit sur sa chaise et alluma son PC. Il se mis à travailler sur les devoirs du jour, passant consciencieusement en revue ses cours, et prenant des notes au stylo.

A part le trajet de retour, tout s'est bien passé aujourd'hui...Rien d'extra... Ses pensées s'interrompirent alors que son regard passait par la fenêtre...La nuit était en train de tomber. J'ai parlé trop vite. se reprit il alors qu'il réalisait qu'il n'avait pas encore allumé la lumière dans sa chambre, laquelle était à présent plongé dans une semi-obscurité. Se redressant, James poussa un interrupteur. La lumière inonda la chambre, l'éblouissant. Un bref instant, il se remis à voir des couleurs incroyables, qui s'estompèrent peu à peu. James guetta une crise, mais rien ne se produisit. Il ne savait pas si il devait s'en réjouir ou être déçu...
Il faut que j'insiste, ça ne peut plus durer...je vais essayer de lui parler à nouveau, pendant que Père n'est pas là.

Résolu, James se mis en quête de sa mère, l'appellant avec insistance alors qu'il passait dans la cuisine :
- Mère. Mère? Est ce que je peux vous parler un moment? Je...c'est au sujet de mes maux de tête, vous savez...

(Bonjour. Je suis ton courtier. Je te préviens par avance qu'il y a un bug dans ta signature, sans doute une faute de frappe, et qu'à partir de maintenant, je suis le seul à pouvoir contrôler des PNJ)

Il n'y avait personne en cuisine, mais toute la maison bruissait d'un murmure caractéristique et bien connu : celui d'une réception mondaine.
Ce qui expliquait le vide relatif de la cuisine, mis à part quelques plateaux d'amuse-gueule, et de réductions en tout genre, ainsi que des verres, des stocks de bouteilles, et une pile de choses sales dans un coin.

Et effectivement, il y avait des gens. Une petite douzaine de personnes, beaux habits, belles robes, champagne en levant le petit doigt... Pas vraiment de visages connus, sans doute les mondanités habituelles.

Quelques regards se tournèrent vers James, vaguement amusés par cette arrivée inopinée du dernier-né de la famille. Sa mère, elle, sembla savamment éviter son regard, et même, faire totalement fi de sa présence.

James fut un instant déboussolé par ces visages inconnus, embarassé même de passer encore une fois pour un maladroit, mais son éducation prit le relais, il s'empara doucement d'un plateau de canapé et se mit à faire le tour des invités, les saluant poliment en souriant et en leur proposant de se servir.

- Bonsoir...bonsoir...si vous voulez bien vous servir...bonsoir... Et ainsi de suite...Il se sentait un peu décalé, un peu exclu de ce beau monde, impression renforcée par l'attitude de sa mère à son égard. Lui avait il fait honte?
Enfin, plus que d'habitude? se dit-il avec une triste autodérision. Autant pour l'occasion de lui parler ce soir de mon...problème. conclut-il, et il essaya de s'interesser vraiment aux différents invités. Peut-être trouverait-il quelqu'un de son âge et disposé à parler un peu avec lui?

Soudain, un petit frisson le parcouru...Ses verres de contact...Etaient-ils bien en place? Mais oui, sinon il le sentirait...surement...

Il continua son tour, afin de lentement se rapprocher de sa mère, histoire de lui demander rapidement ce qu'était cette soirée. Il ne voulait pas commettre d'impair, aussi continua t'il à arborer son sourire de facade et à s'incliner, restant prudemment en retrait au fur et à mesure qu'il progressait parmis les invités.

Œillades interloquées et indignées, ricanements, et fausses politesses furent tout ce que James parvint à obtenir dans son numéro de serveur. Même si au mieux, il ne provoquait qu'une indifférence polie de personnes qu'un s'intéressaient beaucoup plus au contenu de son plateau qu'à la personne qui le tenait. Il aurait pu être E.T. que ça n'aurait pas perturbé plus certains invités.

Malheureusement, sa mère semblait autrement plus perturbé, et elle accueillit le petit numéro de serveur de James avec un froncement de nez de dégoût. Se constituant un sourire de circonstance, elle posa le plateau sur un guéridon, attrapa James par l'épaule, et l'emmena dans la cuisine. Une fois éloignée des regards indiscrets, elle l'attrapa fermement par le bras, et le plaqua contre un mur, et lui sifflant à l'oreille.

"Je peux savoir à quoi tu joues ?! Tu essaies de m'humilier, c'est cela ?

[HRP, dans ma précipitation, j'ai oublié de te souhaiter bonjour également et de te remercier de t'occuper de moi. Je crois que j'ai réussi à réparer ma signature, elle devrait fonctionner maintenant.]

James regardait le visage furieux de sa mère presque plaqué contre le sien. Elle fulminait : son fils avait encore commis une erreur en public, et cela entacherait sa réputation. Encore et toujours, le jeune homme n'avait pas réussi à adopter le comportement convenable. Ne lui restait qu'à s'excuser...
En regardant calmement sa mère, il lui répondit simplement :
"Je voulais juste aider, Mère. Je ne voulais pas vous faire honte." Il se passa une main sur le visage, l'air sincèrement contrit : "Je suis juste...fatigué, cela ne se reproduira pas. A dire vrai, j'ai été pris de cours, je ne me rappellai pas que vous donniez une réception ce soir. Je...peut-être pourriez vous m'indiquez de quoi il s'agit afin que je puisse éviter de commettre d'autre erreur."

Au fond de lui, il se sentait tout de même un peu agacé. N'était il pas du devoir de l'hôte de servir ses invités? Quel mal pouvait il y avoir à cela? Se tourner en ridicule? Le ridicule ne tue pas, comme disait l'adage, mais en regardant l'air furieux de sa mère, James se disait qu'il allait peut-être découvrir la vérité à ce sujet dans les prochaines minutes...Et s'il voulait qu'elle l'aide à résoudre son problème, il vallait mieux ne pas la mettre encore plus en colère.

Pour regagner un peu de calme, il se mit à penser à sa petite différence, à son "pouvoir". Même si ce dernier était sans doute à l'origine de ses maux de tête, il ne pouvait s'empêcher de savourer le parfum de scandale qui semblait s'y attacher, ce petit espoir de liberté dans sa vie strictement encadrée.

Reprenant ses esprits, il recentra son attention sur sa mère, lui demandant :
"Quelles sont vos recommandations, Mère?"

Sa mère s'éloigna, arrangea son étole, et persifla.

"Ce n'était pas prévu. Je devais dîner chez une autre, mais elle était malade. Tous les invités avaient confirmé, et le traiteur était réglé, alors j'ai proposé à tout le monde de venir ici. Il y a des gens importants ici... C'est une véritable chance pour notre famille. L'adjoint du directeur de cabinet du consul de Fédération Européenne est là."

Elle jeta un coup d'œil inquiet vers la salle, puis reprit James par les bras.

"Et toi qui viens crier tes satanées migraines sur tous les toits, et pavaner en jouant les maîtres d'hôtel ! Alors que tu es débraillé ! Vraiment, quelle humiliation... Si tu as mal au crâne, prends donc tes cachets, plutôt que de venir jouer le chien dans un jeu de quilles ! Ou bien va faire un tour dehors. L'air frais te remettra les idées en place."

Elle regarda encore une fois la salle, puis dit à James d'un ton sec.

"J'y retourne. Ne te présente pas dans cette salle à moins d'être présentable, de bonne société et de bonne compagnie."

James laissa sa mère déverser ses instructions, se concentrant pour bien tout saisir. Une chance pour la famille Beauclerck, hum? L'adjoint du directeur de cabinet du consul de la Fédération Européenne, qu'est ce que c'était au juste? Le conseiller du conseiller du consul, s'il comprenait bien.

Bon, peut-être ma bévue n'est elle pas irréparable. Laissons Mère s'en occuper. Et puis, ne vient elle pas de ma libérer pour la soirée? Enfin une bonne nouvelle. songeait-il en sortant de la maison pour prendre l'air, comme elle le lui avait conseillé, soulagé d'être relevé de ses obligations protocolaires.

Même ainsi, il ressassait les dernières paroles de sa mère. Décidement, elle avait le chic pour frapper là où ça faisait mal...
Mes habits débraillés...après tout, c'est elle qui me les a choisi! Comme à peu près tout dans ma vie, en fait. poursuivit-il, plongé dans la contemplation de son pull de laine noir.

Alors qu'il se tenait sur le pas de la porte, les bruits de la réception se rappellèrent à son bon souvenir, et les paroles obséquieuses, les rires convenus lui mirent les nerfs à vif. Il décida de descendre la rue, jusqu'au réverbère qui devait se trouver au carrefour, un peu plus loin.

En tattant machinalement la poche de son pantalon, il s'aperçut qu'il avait oublié ses cachets, mais il ne voulait pas encore retourner à la réception. Dans une petite minute, il ferait demi-tour...juste une petite minute.

La minute passa, silencieuse et froide. James retourna chercher ses cachets. Alors qu'il se trouvait dans sa chambre, il entendit des portes claquer... Sans doute un courant d'air. Sa fenêtre était ouverte. Et il n'y avait pas de trace de ses cachets.
De dépit, James retourna voir son lampadaire favori. L'air frais semblait lui faire du bien, et la lumière crue avait le mérite de l'empêcher de chercher à voir ce qui se passait dans la nuit.

Le vent souffla à nouveau. L'automne était proche...

"Un charmant exil qu'un ilet de lumière à un carrefour, pour s'affranchir d'une non moins charmante réception."


... Et il n'était pas seul.

Frissonant alors que la nuit se faisait de plus en plus fraîche, James était sur le point de rentrer. Sans ses cachets, il allait devoir redoubler de vigilance pour éviter une crise. C'est dans cet état de nervosité qu'il entendit une voix masculine surgir de derrière lui, le faisait sursauter. En se retrournant, il se trouva face à un jeune homme en costume, et qui s'adressait à lui, l'air assuré.

Ses paroles semblaient amicales, mais également très recherchées.
Un ilet de lumière? Jolie image, mais qui peut donc bien utiliser un tel vocabulaire?
Une vague d'appréhension saisit James : il s'agissait sûrement d'un des invités de sa Mère, peut-être même une personnalité importante. Il devait éviter un autre impair! Fébrillement, il se mit à chercher si il pouvait reconnaître l'inconnu, s'il avait déjà vu sa tête quelque part, dans les journaux, ou sur Internet. Dans le même temps, il tenta de se ressaisir, de sourire aimablement à l'inconnu et s'adressa à lui après l'avoir salué respectueusement d'un mouvement prononcé de la tête :

"Ho, je ne pense pas qu'on puisse parler d'exil. Je faisais juste un petit tour, je ne suis pas encore habitué aux soirées." déclara t'il avec l'air de s'excuser. "Et vous? vous faites un petit tour également? Je ne crois pas qu'il y ai grand chose d'interessant dans les parages." James amorça un mouvement pour balayer les environs du regard, mais se reprit vite et reporta son attention sur l'homme et sur le fameux réverbère, l'air gêné.

Peut-être aurait il du se changer juste après l'"accrochage" avec sa mère. Il se sentirait moins idiot vis à vis de l'invité. Pour masquer sa gêne, il enchaina :
"J'ai cru comprendre que la réception devait avoir lieu dans un autre endroit. J'espère que le changement de dernière minute ne vous a pas contrarié."

Le malaise sur le retour, mon entrée fracassante, mes cachets que je ne retrouve pas, et enfin cet inconnu qui m'aborde...Vivement la fin de la journée!

L'homme ne se départit pas de son expression inextricable et insondable, alors que James se perdait en explications. Il se contenta simplement de répondre.

"Manifestement oui, vu votre entrée remarquée et ce remarquable remontage de bretelles par Mme votre mère. Pour ma part, je suis sorti en catimini pour fuir cette ambiance encaustiquée et pleine de fiel"

Et pour la première fois, il se fendit d'un sourire amusé, qui souligna subitement le fait qu'il était beaucoup plus jeune que les autres, dans la réception.

"Avec tout le respect que je dois à votre mère bien sûr, mais il m'apparaît difficile de dire avec diplomatie que je ne suis pas intéressé par des épousailles avec Mlle votre sœur.

Ce qui me contrarie, c'est ce genre de réceptions, pour être sincère. Le changement d'endroit n'est pas contrariant, je préfère encore une villa simple qu'un salon snob aux boiseries recouvertes de vomi... Donc pas de mondanités, ce sont des pertes de temps. Même si elles sont inévitables dans mon métier, malheureusement.

Je m'appelle Éric."

James ne savait pas trop que penser de ce jeune homme, de quelques années son aîné, Eric comme il s'était présenté. Lui ne devait pas faire constemment honte à sa famille, plutôt le contraire, en fait! Devait-il l'admirer ou bien le haïr pour cela? En fait, le discours détaché d'Eric sur les mondanités lui plaisait, il aurait aimé pouvoir s'exprimer aussi aisément. Par contre, qu'il s'intéresse à sa soeur...et au point d'envisager de l'épouser! Cela lui échappait, mais après tout, cela ne le regardait pas! Enfin, presque pas...

Il finit par décider qu'il aimait bien Eric, il se sentait plus proche de lui que des invités habituels de sa mère. Son franc-parler était...rassurant, il avait moins l'impression d'être un OVNI dans le petit univers carré de ses parents.
"Enchanté, Eric!" répondit-il alors qu'un sourire éclairait son visage. "Vous projetez donc d'épouser Elisabeth? C'est une excellente nouvelle! Puis je me permettre de vous demander à quelle occasion vous avez fait sa connaissance? Peut être dans le cadre de l'exercice de votre profession?"

Il était curieux d'en apprendre plus sur sa soeur, d'un autre point de vue que celui du petit frère à la traîne. Et puis, si Eric courtisait Beth, il passerait sans doute à la maison, histoire de convaincre ses parents. James ne savait pas quels arguments déployerait Eric, mais il lui souhaitait déjà bien du courage!

Pas de soucis de ce côté là, James, ton potentiel futur beau-frère semble possèder un calme olympien. se rassura t'il.

Eric leva son index en l'air, sous son menton, comme pour réfléchir, en regardant James, puis, d'un geste leste, lui mit un coup de doigt au milieu du front. Une sorte de geste de réprimande, qui avait le mérite de lui remettre les pieds sur terre.

"Vous n'avez pas écouté avec attention, M. Beauclerck junior. Je n'ai aucunement l'intention d'épouser votre sœur, je ne la connais même pas. C'est votre mère qui essaie de me la vendre depuis le début de la soirée."

Éric croisa alors les bras, puis ajouta.

"Pourquoi votre mère vous cache-t-elle ? D'habitude, les mères préfèrent le petit dernier... Surtout quand c'est l'héritier mâle."

Dans le mille. Comme le doigt au milieu de son front, il avait mis dans le mille en deux questions.

James fronça les sourcils, il avait tout compris de travers. Mais l'acuité des questions de son interlocuteur le troublait. Il se frotta le front là où Eric l'avait touché, un peu embarassé.

"Hé bien, je crois que vous venez de répondre en partie à votre propre question. J'ai une fâcheuse tendance à..mettre les pieds dans le plat, comme on dit."

C'était bien la première partie de l'explication, mais James ne pensait pas pouvoir décemment parler de l'autre partie, de sa différence, de son secret, avec son aîné, malgré tout la sympathie qu'il éprouvait pour lui. Le risque de voir son visage se refermer, ou se tordre en une expression de mépris comme celle affichée par son père et sa soeur lors de leurs discours était trop évident.

Il prit une inspiration douloureuse : "C'est ainsi, on ne peut pas toujours changer sa nature." Et une petite voix dans son esprit lui souffla les paroles suivantes : "Et quand bien même cela serait possible, peut-être ne le désirerait-on pas."

Conservant sa posture bras croisés et son regard perçant, Éric écoutait sagement James, et afficha un léger sourire.

"La naïveté, la candeur et la franchise sont bien souvent des qualités qui manquent dans les relations interpersonnelles, à plus forte raison quand on passe à des relations entre états, ou entre communautés, ou dans toute chose où il y a des luttes d'influence. Essentiellement parce que les gens se montent des histoires à propos de ce que l'autre pourrait penser, croire, ou que sais-je.

Parfois, dire ses quatre vérités à quelqu'un peut présenter un intérêt certain. Ne serait-ce que voir sa tête sur le moment, ou apprécier toute la finesse d'un délégué ministériel s'étouffant avec son champagne."

Il pencha la tête de côté, plus amusé.

"Mais j'ai comme la sensation de répondre à côté de la plaque, pour le coup."

"En fait, je vois tout à fait ce que vous voulez dire." répliqua James.
Mais il était également étonné, même légèrement inquiet. Les paroles d'Eric semblaient faire parfaitement écho à ses pensées, à ses craintes, comme si Eric en avait eu connaissance. Se pourrait-il qu'il soit un mutant télépathique? Il avait vaguement entendu parler de ce genre de rumeur, comme quoi le chef de la police mutante, Joshua Garrison, pouvait accomplir ce genre de chose!
Mais en y réfléchissant un peu, il s'aperçu qu'il était en train de sombrer dans la même paranoïa qui semblait prendre ses proches quand le phénomène mutant était abordé : "ils sont partout, ils ne respectent rien, pas même nos pensées les plus intimes,..."

Quelle ironie de se mettre à soupçonner une personne qu'il ne connaissait même pas un quart d'heure auparavant, alors que lui-même était précisement l'objet de ces craintes!

Simple coïncidence, d'ailleurs, Eric affiche une certaine franchise dès le début de la conversation. Je vais essayer d'en savoir un peu plus sur lui.

"Mais si la franchise est un outil pour certaines personnes, c'est plus une maladresse dans mon cas, j'en ai peur. Vous semblez en tout cas bien plus à l'aise que moi dans le maniement de l'étiquette. Est-ce du à votre profession?"

Éric rit légèrement, de façon vaguement forcée, mais qu'importe.

"Ma profession ? On va dire cela comme ça oui... Je travaille au consulat de Fédération Européenne. Même si, il y a bien des gens qui ne sont pas vice-consul qui savent un minimum parler et se tenir en société. D'ailleurs, la plupart des gens dans les salons feutrés ne savent faire que cela : parler pour ne rien dire, et se tenir, à défaut d'avoir mieux à faire.

Et n'allez pas croire que je suis vice-consul... Je suis juste adjoint du chef de cabinet."

Il mit alors ses mains dans ses poches, regarda un instant vers la maison. Avait-on remarqué son absence ? Il haussa les épaules.

Oh Mon Dieu! L'adjoint du directeur de cabinet du consul de la Fédération Européenne! Cette fois, c'est sur, Mère va me tuer!

James était vraiment surpris, mais tout s'expliquait : l'attitude de sa mère, l'assurance d'Eric, peut-être même les sous-entendus dans ces propos à propos du visage des autres : la Fédération Européenne n'était elle pas officiellement une organisation tolérante à l'égard des mutants? Peut-être Eric pourrait il même l'aider à ce sujet?

Mais une vague de culpabilité le ramena à la raison : Eric semblait avant tout rechercher un peu de compagnie au cours d'une soirée mondaine qu'il devait trouver terriblement ennuyeuse, il n'était pas là pour écouter les misères d'un parfait inconnu. James ne pouvait d'ailleurs penser à lui autrement qu'à "Eric", malgré sa révélation. Sa jeunesse relative, la franchise de son ton depuis le début de la conversation lui procurait un sentiment de confiance à son égard. Peut-être l'adjoint cherchait il justement un contact un peu en dehors du décorum, pour changer, et James ne pouvait que se sentir soulagé à cette idée.

Il sourit franchement et déclara sur un ton de rigolade : "Vous êtes juste l'invité le plus important de la soirée selon Mère, et à plus d'un titre si elle souhaite vous "caser" avec Beth. Et effectivement, vous avez plus de chance de lui échapper en ma compagnie qu'au milieu des autres invités."

Des pas. Des talons se firent entendre dans la rue. Sa mère. Engoncé dans une étole pour la protéger tant bien que mal du froid de la nuit. Elle fila droit sur James à peine l'eut-elle repéré, puis s'emporta à nouveau.

"Ah, tu es là ! Tu n'as pas vu l'adjoint de je ne sais quoi ? Figure toi qu'il a disparu de la soirée ! Le mufle, le goujat ! Le malotru. Oser quitter ma réception sans prendre la peine de dire au revoir, ou de prévenir qu'il prenait congé. Ce sont bien là des manières d'un jeune prétentieux continental. Qui n'a même pas de situation en plus."

Elle tourna alors les talons sans même attendre de réponse, et s'en fut d'un pas empreint d'une dignité compassée. Elle avait dit tout cela sous le nez d'Éric ? Mais il n'était plus là... Il avait probablement fui avant la tempête... Mais où.

"Tu vois ? C'est ce que j'adore dans les réceptions. Tu n'es l'invité le plus important que dans la mesure où il n'y a pas quelqu'un qui te fasse de l'ombre. Et en parlant d'ombre, je remercie la nuit d'être aussi noire, ni ta mère de ne pas avoir regardé où il fallait."

En l'occurrence, où il fallait faisait référence à... l'air. Au dessus du lampadaire ? Vu la provenance de la voix, ça ne pouvait être que cela. Éric semblait juste s'être translaté de plusieurs mètres en hauteur, se retrouvant au dessus du lampadaire. Flottant dans l'air, mais gardant son attitude nonchalante, mains dans les poches.

Quand on parle du loup...Tiens, mais qu'est ce qu'elle dit? Eric est juste là, elle ne le voit pas? Pas de situation? Mais c'est elle-même qui disait que...La voilà repartie...

James suivit du regard sa mère qui s'éloignait, n'ayant absolument pas eu le temps de placer une syllabe, ce qu'il ne regrettait pas le moins du monde, même si la situation lui paraissait incompréhensible, et c'est en se retournant pour faire part de sa confusion à Eric qu'il s'aperçu de sa disparition. Où diable était-il passé?

En entendant Eric s'adresser à lui, James porta instinctivement son regard dans la direction d'où semblait provenir sa voix, à savoir au-dessus de sa tête...Ce qu'il vit le plongea dans la confusion : Eric, flottant tranquillement dans les airs, aussi à l'aise qu'un poisson dans l'eau, ou plutôt qu'un oiseau dans le ciel!

Il referma sa bouche, s'aperçevant qu'il risquait de gober un insecte nocturne, et déglutit, alors que sa conversation avec Eric prenait une toute autre signification à ses yeux.
"Ainsi vous êtes un mutant!" s'exclama t'il, puis il jeta un coup d'oeil autour d'eux, nerveux. "Vous devriez faire attention, les gens n'aiment pas ça, dans le quartier. Mais...mais, euh, voulez vous dire que vos supérieurs SAVENT que vous en êtes un?" ajouta t'il, encore plus ébahi, mais avec un intense espoir. Il se décida à confier son secret à Eric, après tout, celui-ci en avait fait de même à son égard, et de manière spontanée!
"En fait, vous vous rappelez peut-être que je vous ai dit que ma maladresse était la raison pour laquelle ma Mère ne m'expose pas aux regards...Il y en a une autre : je pense que je suis également mutant, en tout cas, je ne vois pas d'autre explication à ce qui m'arrive." conclut-il en haussant les épaules.

"D'un autre côté, si tu ne ressentais pas le besoin de le hurler dans tout le voisinage, peut-être aurais-je moins besoin de faire attention.", explica-t-il benoîtement tout en redescendant sur le plancher des vaches, ses mains toujours dans les poches.

"Mes supérieurs ? Allons... À quoi croyez-vous que je doive ma place ? Juste à mes beaux yeux ? Il ne faut pas exagérer non plus..."

Il pencha la tête de côté en écoutant la confession de James, puis haussa les épaules, et répondit simplement.

"Vous pensez être un mutant ? En général, on ne le pense pas, on le sait. Je suppose que c'était ça, l'histoire de maux de tête qui a failli tuer votre mère ? Et ce serait donc pour ça qu'elle vous planque. Logique."

James était embarrassé, un sentiment familier pour lui. Il aurait pu mettre Eric dans une position délicate, par son manque de self-contrôle. Celui-ci avait par ailleurs parfaitement deviné le lien existant entre ses maux de tête et son pouvoir. Il était encore un peu confus suite aux révélations en chaîne de l'adjoint, aussi prit-il le temps de soigneusement peser ses mots avant de reprendre la conversation :

"Je suis désolé, je ne voulais pas vous causer d'embarras."

Puis, s'apercevant qu'Eric restait parfaitement calme, il ajouta posément :
" J'étais surpris, en fait. Je n'arrive toujours pas bien à saisir. Votre "différence" est-elle un secret? Je sais que les pays membres de la Fédération Européenne ont la réputation d'être tolérant à ce sujet, mais ça me semble assez difficile à imaginer, pour être honnête. D'ailleurs, et bien que je ne m'y connaisse pas du tout, si je devais imaginer un responsable politique ou diplomatique, assurément, vous en auriez l'assurance."

L'idée qu'une personne ait été nommée du fait même de sa "mutanité" lui semblait...injuste. Paradoxalement, il n'aurait pas été choqué qu'une personne utilise un pouvoir surhumain pour atteindre une position élevée, pour lui, cela correspondait à l'utilisation d'un don naturel. Mais écarter des humains "normaux" et autant qualifiés qu'un mutant pour cette raison le choquait.

De nos jours, ce qu'on est compte plus que ce que l'on peut faire. C'est ainsi... se prit-il à songer tristement.

Pour autant, il pensait sincèrement ce qu'il avait dit à Eric : pour le jeune anglais, la vision du continental dans le cadre d'une soirée diplomatique, avec plateaux de canapés et verres de champagne, dans un luxe infiniment supérieur à celui de la soirée de sa mère était crédible. Sa mère...Il se sentait le devoir de la défendre, quand-même, elle qui avait gardé son secret pendant près de sept mois, maintenant! Il était sur qu'elle l'aimait, à sa façon, elle le cachait, mais pour le protéger. C'est dans cet état d'esprit qu'il reprit la parole :

"Et vous avez raison, je sais que je suis un mutant. Comment sinon expliquer mes visions? Je vois des couleurs et des formes que je serais bien incapable de décrire, même si je pense savoir ce qu'elles signifient. Pour vous rassurez tout de suite, je ne suis pas fou, cela n'expliquerait pas le fait que mes yeux changent, physiquement, je veux dire. Mais je tiens quand même à vous dire que si ma mère tient énormément à son statut social, elle m'aide aussi, à sa façon. Tenez, elle m'a aidé à me procurer des cachets contre mes malaises!"

James tapota machinalement la poche de son pantalon, à la recherche des pilules rassurantes, avant de se souvenir qu'elles ne s'y trouvaient pas.

"Il faudra que je pense à lui en redemander, d'ailleurs, je n'en ai plus..."

"Vous vivez dans un monde trop bipolaire..."

James put voir le regard du mutant en face de lui se braquer sur lui.

"Certains savent, d'autres non, la plupart s'en fichent, et ça ne regarde pas le reste. Seuls ceux qui méritent de le savoir sont au courant, et pour ceux là comme pour les autres, je suis quelqu'un de normal."

Puis, une nouvelle confession. Éric semblait amusé par ce comportement.

"Tu devrais être plus vigilant. Je suis un gentil mutant, donc tu as eu de la chance, mais s'épancher comme tu le fais peut parfois être dangereux.
Si tu as des visions, cela peut avoir plusieurs provenances. Il faut que tu te fasses aider par des spécialistes, et il n'y en a qu'une seule clique que je connaisse : aux États-Unis. Mais mon petit doigt me dit que tu les connais aussi."

Puis, il conclut, d'un ton vaguement sarcastique.

"Parce que ce n'est pas avec de l'aspirine que tu vas changer quoi que ce soit."

Puis il sortit ses mains de ses poches, et en sortit... les cachets de James.

"Tu te demandes sans doute comment je les ai eus ? J'ai fouillé ta chambre. Quant à savoir pourquoi, c'est parce que j'étais dans la cuisine au moment où tu y es entré en appelant. J'en suis sorti alors que tu entrais, et je suis allé voir dans ta chambre. Ils étaient en évidence sur ton chevet. Et je suis sorti par la fenêtre quand tu es venu les chercher.

Disons que tu m'intriguais.", conclut-il en lui lançant la boîte.

James rattrapa les cachets que lui lançait Eric, et examina pensivement la petite boîte.

Il a raison, je ne fais que retarder les évènements, il faudra bien que je fasse face un jour. D'un autre côté, ce n'est pas lui qui a mal à la tête! Mais peut-être que lui aussi a eu à souffrir de son pouvoir, je n'en sais rien...De toute façon, le temps m'est compté, je dois trouver de l'aide, les mensonges finissent toujours par être découverts.

Le jeune britannique remis la boîte dans sa poche et entreprit d'interroger Eric, alors qu'il commençait à tracer des plans au sujet de son avenir, lesquels ne manqueraient pas de faire grincer des dents sa famille, il en était sur :

"Merci de me les avoir rendu, je pense avoir compris le message que vous vouliez me faire passer." rétorqua t'il simplement, tout en prenant note qu'Eric n'avait pas hésité à prendre ses médicaments, un bon exemple de son discours sur les nuances, sur la complexité de la réalité, puisqu'il n'était pas simplement le jeune et brillant adjoint, un brin cynique qui lui avait inspiré tellement d'admiration.

"L'institut dont vous voulez parler...Je crois en avoir entendu parler, aux informations...S'agirait-il de l'Institut Xavier? Vous me conseillez donc d'y aller? Il y a beaucoup d'avis divergents sur leur réputation, dans la Sentinelle par exemple. En même temps, si mon père la lit, je suppose que je ne devrais pas trop leur accorder de crédit. Vous pensez qu'ils accepteraient de s'occuper de mon cas?"

James avait maintenant un objectif plus précis en tête, même s'il entrevoyait déjà les difficultés, familiales, financières, sociales, qui se poseraient. Un dernier point lui semblait étrange et il décida d'interroger Eric à ce sujet.

"Mais vous disiez que vous vous intéressiez à moi? Pardonnez ma franchise, mais pourquoi? Vous doutiez vous déjà avant de me rencontrer du fait que je sois un mutant?" Si son hypothèse était la bonne, James n'avait réellement plus de temps à perdre. Il lui fallait convaincre ses parents de l'envoyer aux Etats-Unis, et rapidement. De plus, les allusions d'Eric quant à l'existence de mauvais mutants l'effrayait, mais il ne savait pas si c'était un héritage de son éducation rigide ou simplement l'idée qu'on puisse l'associer à des criminels uniquement du fait de sa mutanité.

Éric hocha la tête à la question de James.

"C'est bien d'eux qu'il s'agit. Il ne faut pas croire la Sentinelle. Ces gens là sont bien. Ils forment correctement les jeunes mutants, et ils s'investissent de façon active dans la lutte contre toutes les menaces qui nous guettent. Je ne me fais donc pas vraiment de soucis sur leur capacité de t'accueillir. Et je pense que cela satisfera tes parents aussi, d'un point de vue image. Tant que ça ne s'ébruite pas..."

Il afficha à nouveau un sourire mystérieux, regardant James, puis répondit à son ultime question.
"Et bien, c'est tout simplement le hasard... Je suis chargé d'évaluer la politique mutante britannique, et je connais plutôt bien la question. Je me suis donc un peu méfié. Il est assez rare qu'un jeune de votre âge souhaite parler de maux de tête dont il a déjà parlé à sa mère. Ca aurait pu être une maladie grave, mais l'heure et le moment n'étaient pas vraiment appropriés. J'ai donc déduit qu'il s'agissait de quelque chose de plus personnel. Donc j'ai un peu fouillé. Mais..."

Il pencha la tête de l'autre côté, sans se départir de son sourire.
"Il est aussi possible que j'appartienne à une organisation qui a infiltré les plus hauts niveaux de la décision en Europe, et qu'une de mes missions est de repérer les jeunes mutants en péril. Ton père a peut-être fait parler de toi où il ne fallait pas, et cela serait tombé aux oreilles d'un de mes camarades. Si bien que nous avons arrangé une gastro à l'hôte d'origine de cette soirée, afin de finalement provoquer cette entrevue."

Sa tête redevint droite, et il reprit une expression neutre.
"Qui sait..."

Un battement de cils lus tard, Éric avait disparu, et une intense bourrasque de vent fouetta le visage de James. Il était seul, dans la rue, avec ses interrogations, mais savait ce qu'il avait à faire.

C'est sur, James rêvait bien d'une vie plus trépidante que celle qui lui semblait promise par ses parents : scolarité sans histoire, mention honorable, et métier casanier pour éviter de faire honte aux BEAUCLERCK, mais les derniers propos d'Eric lui laissaient entrevoir tout un monde d'intrigues et d'évenements dont il ne percevait pas tous les tenants et aboutissants...Infiltration des élites Européennes, organisations secrètes...Eric le faisait il marcher? Sans doute valait-il mieux ne pas prendre le risque d'ignorer ses avertissements, car il se sentait menacé à présent, et pas uniquement à cause des troubles qui accompagnaient son pouvoir. Il allait donc faire ce qui restait à sa portée, à savoir tenter de convaincre ses parents de se débarasser de lui, ni plus ni moins.

James s'en retourna donc vers sa maison et se dirigea droit vers sa chambre, se faisant le plus discret possible afin d'éviter de troubler le déroulement de la soirée, alluma son ordinateur et se mis à chercher des renseignements sur l'inscription à l'Institut Xavier. Peut-être avait-il un site Internet, ou même un numéro de téléphone? Il lui fallait préparer au maximum la confrontation prochaine avec ses parents, et pour une fois, ce serait à lui de proposer une solution solide qui conviendrait à tout le monde.

Quand tous les invités seraient partis, il irait trouver sa mère, elle ne serait pas de bonne humeur, mais peut-être pourrait-il en tirer profit pour la convaincre :

Elle a bien vu que la situation n'est pas tenable, les risques de commettre un lapsus sont trop grands. Mais apparement, Père est au courant...elle a du lui en parler. se dit-il avec un pincement au coeur.
De toute manière, je lui dirai qu'il faut mettre Père au courant, en l'observant, je verrai quelle est sa réaction. Et de toute façon, s'il est au courant, cela devrait arranger les choses, il ne faudra sans doute pas beaucoup d'efforts pour le convaincre. ajouta t'il tristement envers lui-même. Dire qu'il était en train de planifier un chantage envers ses propres parents : "Laissez-moi partir à l'institut Xavier ou je révèle à tout le monde que je suis un mutant et je ternis à jamais notre nom."

Un plan comme un autre...Mais en arriver là avec sa propre famille! Enfin bon, quand la coupe est remplie...