"Chez James" Entre Chicago et New York

Le serveur était un gros type mal rasé arborait une casquette des Yankees. Son tablier macculé de tâche de graisse indiquait qu'il s'occupait un peu de tout dans ce petit bouiboui, principalement fréquenté par des chauffeurs poids-lourds. Il hocha la tête à la commande de Rob et repartit en cuisine.
Quelques clients étaient attablés ça et là, regardaient vaguement le vieux poste de télé accroché au mur, lisaient des journaux... Personne ne semblait vraiment se connaître dans le coin. Alors que le propriétaire lui ramenait son plat, la clochette à la porte tinta à nouveau, pour révéler la créature la plus improbable qu'il soit dans ce restauroute : une jeune femme d'environ 20 ans, talons-aiguilles et mini-jupe en cuir, bas résilles et petite brassière rouge qui laissait entrevoir ses dessous dans certains de ses mouvements. Elle avait les cheveux châtains et raides, qu'elle portait longs, et les yeux bleus. Sans sa vulgarité criarde, elle possedait un charme certain, et elle ne manqua pas d'attirer l'attention de tous les mâles présents, ainsi que quelques sifflements admiratifs.
La jeune femme avait l'air pressée. Elle se dirigea immédiatement vers le comptoir, faisant claquer le talon de ses escarpins sur le sol.

"Hé ! Vous n'avez pas un mécano dans le coin ? Ma caisse est tombée en rad' et je dois absolument tailler la route !" lança-t-elle sans plus de cérémonie au proprio.

"Ah, désolé ma petite dame, mais j'ai juste quelques pompes moi ! Mais avec tous ces rois de la route, vous trouverez bien quelqu'un pour vous changer votre roue !" s'exclaffa le type rondouillard en nettoyant essuyant un verre.
La jeune femme ignora la remarque machiste et tourna son regard vers les routiers. Ils avaient tous l'air très désireux de l'aider...
Elle haussa les sourcils en mastiquant bruyamment son chewing-gum. Son visage sembla s'éclairer lorsqu'elle remarqua Rob. Elle se rapprocha de lui, au grand dam des routiers.

"Dites, vous vous y connaîtriez pas en bagnoles par hasard ?" demanda-t-elle en battant des cils.

Rob ne demandait pas grand chose : un steak frite et la tranquillité le temps d’un repas. Mais il semblerait que les ennuis commençaient. Et les ennuis avaient trouvé une manière élégante de venir comme toujours. Une jeune femme, plus déshabillée qu’autre chose entra dans le restaurant. Des soucis de mécanique semblait-il. Rob n’était pas un grand expert mais parmi ses petits boulots il avait vendu des pièces détachés dans un garage. Il en avait profité pour apprendre de quoi pas rester sur le bord de la route, mais pas plus. Et là la jeune fille n’avait pas trouvé mieux que de venir le voir lui… Surement attiré par la lueur qu’il avait eu dans les yeux en pensant à ses exploit mécanique. Cela lui attira au passage des regards noirs des autres mâles frustrés en puissance.
Il y avait marqué « Cherche les emmerdes » sur son front ? Car une fille habillée comme ça et pressée par le temps c’était louche vaut avouer.
Alors que répondre ? la laissé en plan et s’adresser à un des autres clients qui transpirait la graisse et la violence matrimonial ? Ou faire ce que lui aurait dit sa grand-mère ? elle c’est sur aurait aidé la jeune femme, aussi vulgaire soit elle…

Dans un geste fataliste il posa sa serviette sur la table et répondit en soupirant

« Je m’y connais un peu… Voulez que j’aille voir ? »

Connaissant déjà la réponse il s’était levé près à suivre la jeune fille. Il la détailla un peu plus et sous ses airs de fille de peu de vertu on remarqué un charme dissimulé sous le maquillage. Elle sentait le danger et l’aventure… Et ce petit côté biche affolée aurait fait fondre un iceberg. Et sa tenue ne laissait pas de glace non plus. Mais être un mutant c’était déjà dangereux, alors avec elle…

Un sourire éclatant accueillit la réponse de Rob.

"Merci !" lança-t-elle en pivotant de façon experte sur ses talons pour se diriger vers la sortie du restaurant.
Une fois dehors, elle s'adressa avec beaucoup de naturel, et dans un langage beaucoup plus élégant au jeune homme.

"On peut se tutoyer ?" demanda-t-elle sans attendre de réponse."Tu me tires de l'embarras, ces routiers auraient sûrement ajouté à mes problèmes. Je pense qu'il est inutile que je te montre quelle voiture c'est." ajouta-t-elle en pointant un vieille Ford au par-brise arrière en miette, et qui dégageait une épaisse fumée noirâtre.
Elle ouvrit la portière conducteur et ouvrit le capot de l'intérieur, avant de ressortir pour mettre la cale. La fumée assaillit leurs deux visages, et un sifflement de mauvais augure se faisait entendre. Une fois la fumée dissipée dans l'atmosphère, il ne fallut pas longtemps à Rob pour constater que le joint de culasse était mort, synonyme pour le même coup, de la mort de la voiture elle-même.

La jeune femme frappa un talon-aiguille rageur sur le bitume lorsque le verdict tomba, faisant s'agiter quelques mèches sur son visage. Elle s'empressa de retourner farfouiller dans la voiture, en sortit une besace en cuir apparemment assez chargée, une veste et une malette en acier.

"Alice, je serais plus enchantée encore si je n'étais pas dans un pétrin pareil. Je dois absolument rejoindre New York, je dois filer. Merci quand même pour ton aide !" dit-elle rapidement en serrant la main de Rob. Elle se retourna et se mit à marcher, chargée comme un mulet et aussi vite que le permettait ses chaussures jusqu'au bord de l'autoroute, où elle posa ses affaires et leva un pouce nerveux.

La dénommée alice se retourna vivement en entendant la voix de Rob derrière elle. Elle resta bouche-bée une petite seconde.

"Tu dois être mon ange gardien, toi !" s'exclama-t-elle avec un sourire enjôleur. Visiblement la perspective de ne pas passer le voyage assise dans un poids-lourd la soulageait vraiment.

"Tu es prêt ?" demanda-t-elle, en jetant quelques coups d'oeil nerveux à la station service.

La jeune femme prit ses affaires et suivit Rob sans se faire prier. Elle mit ses bagages à l'arrière, et s'assit à l'avant, en tirant un peu sur sa mini-jupe, qui dévoilait encore plus de son corps galbé qu'en position debout.

"Roule, je t'en parlerai après." dit-elle en se retournant pour scruter la station-service à nouveau. Alice ouvrit le par-soleil devant elle, et se regarda dans le miroir. Ouvrant grand les yeux, elle retira les faux-cils qu'elle portait avec un soupir
Puis elle se faufila entre son siège et celui de Rob pour passer à l'arrière, avant de farfouiller dans sa besace pour en sortir du démaquillant, du coton, une chemise et ce qui semblait être un pantalon en toile. Sans se soucier de Rob, elle retira son haut et enfila sa chemise noire, avant de retirer ses chaussures, ses collants et sa jupe, pour mettre le pantalon de rechange. Une paire de petites chaussures plus tard, elle était de retour à l'avant, occupée à se démaquiller.


"J'ai eu... Disons quelques petits problèmes avec des types qui rigolent pas." expliqua Alice une fois de retour à ce qui semblait être son apparence normale.

Alice se laissa aller dans son siège avec un soupir. Sa quête de la vérité l'avait toujours menée à la limite du légal, mais cette fois-ci, elle avait dû biaiser pour arriver à ses fins. Les hommes de Mitchell étaient sans doute en train de remuer ciel et terre pour la retrouver, mais sa petite mascarade lui permettrait de gagner un peu de temps... Sans compter la rencontre providentielle avec Rob...
Elle tourna la tête vers le mutant, un léger sourire sur les lèvres. Peut-être que la chance se mettait enfin à lui sourire...

"Tu dois te demander d'où je peux bien sortir. C'est la moindre des choses que de te répondre, mais dans un sens, moins tu en sauras, mieux ce sera pour toi... Je suis sur une grosse affaire, et j'ai peut-être fourré mon nez dans les petits papiers de ce cher Oncle Sam, mais ça je ne le saurai que si j'arrive en un seul morceau à New York." expliqua-t-elle sans donner plus de détails. Elle ne voulait pas compromettre plus Rob qu'il ne l'était déjà en la prenant en stop. Et puis le jeune homme avait l'air d'être un type sans problèmes, il ne méritait pas ça.

"Et toi ? Si tu me parlais un peu de toi ? Pourquoi tu vas à New York ?"

La jeune fille n'était pas mêlée à une simple histoire de drogue ou de prostitutions... Non il fallait carrément que ça soit avec le gouvernement! Bon sang mais pourquoi il l’avait pris en route ? Il aurait pu finir de manger, et aller tranquillement à Salem Center… Bon sang… là maintenant ça devenait carrément glauque…
Mais comme disait sa grand-mère :

« Quand t’as des ennuis c’est pas la peine de penser à comment tu aurais pu les éviter… faut faire avec c’est tout »

Il se résigna donc et vu que pour le moment tout allez bien il décida de se relâcher. La discussions pouvait être plaisante.

« Je viens de Chicago et là je vais visiter une école pas loin de New York… »

Il resta bien sur évasif sur son ADN et ses brusques accès de rapidité. Maintenant il pouvait décidé quand déclenché son pouvoir alors pas la peine de prévenir…

Alice hocha la tête à la réponse de Robin. Cette réponse la confortait dans son impression du jeune homme : un garçon bien sous tous rapports, qui vivait dans une réalité bien différente de la sienne, pourtant ils coexistaient dans le même monde... Faudrait qu'elle écrive quelque chose là-dessus.

"Je vois... Y a beaucoup d'écoles renommées à New York, dont Juillard School of Music, c'est là que tu vas ?" reprit-elle, en notant mentalement qu'elle n'avait pas vu beaucoup d'affaires personnelles à l'arrière de la voiture lorsqu'elle se changeait... M'enfin, il pouvait transporter ses affaires dans le coffre...

Les questions sur son école allaient vite devenir embarrassantes. Il pouvait répondre quoi ?

« Oh ! Mais je vais à l’institut Xavier… Tu sais l’école pour mutant… »

Et là il recevait vite fait un coup… Et les séjours en prison ou autres il ne voulait pas tester…
D’un autre côté la jeune fille était plus dans la mouise que lui. Et ça lui ferait du bien de se confier. Mais comment allait elle réagir ? Pour la moitié du pays il était un danger publique, un monstre de foire. Et pas question de courir le risque…

« Hum… En fait je vais visiter plusieurs écoles… Tu vois pour faire mon choix quoi… »

Il espérait bien mentir parce que sinon elle allait continuer ses questions. Il fallait en fait qu’il change de sujet et vite ! et une idée lui vint qui lui permettrais de tâter le terrain…

« Sinon… Tu as vu tous ses mutants récemment ! Truc de fou non ? »

Le visage d'Alice s'assombrit aussitôt à la mention des mutants. Elle resta silencieuse un instant et son regard dériva vers la fenêtre.

"Oui, si on veut. En fait c'est sur eux que je travaille, je suis journaliste. J'essaie d'élucider ce qui se trame autour de leur existence. Il se passe beaucoup de choses pas nettes qui sont volontairement dissimulées à la population, autant mutante qu'humaine. Mais je ne vais pas t'embêter avec ça, ce genre de choses passent par-dessus la tête de la plupart des gens." dit-elle, avec un brin de lassitude dans la voix.

Pour la première fois depuis leur rencontre, Alice sembla mal à l'aise. Elle réajusta une mèche de cheveux derrière son oreille. Il était des choses... dont elle n'était pas prête de parler pour l'instant. Toute cette sombre affaire avait des ramifications qui la touchaient autant sur le plan personnel que professionel.

"Je... Je préfère ne pas en parler, et puis je n'ai pas encore toutes les cartes en main. Je dois retrouver une connaissance à moi à new York, j'en saurai plus à ce moment là. Tu apprendras sûrement tout ça dans les journaux, ça voudra dire que j'ai réussi." répondit-elle, le visage à nouveau nerveux. Ils voyagèrent ainsi un long moment dans le froid qui venait de se jeter dans la voiture. Le temps passa et la fatigue commença à gagner le mutant. Ils n'arriveraient jamais à NYC aujourd'hui.

"On est tous les deux fatigués, on devrait peut-être se prendre une chambre dans un motel." proposa la jeune femme après avoir étouffé un baillement. Dans un sens, ses poursuivants devaient s'attendre à ce qu'elle file droit à New York, un arrêt contribuerait sûrement à brouiller sa piste.

L'enseigne se présenta à eux 5miles plus loin, sous la forme d'un petit motel en bordure d'autoroute. L'endroit avait l'air tranquille, ni trop crasseux ni trop cher. Rob se gara.

"Je vais prendre une double, juste au cas où. Ces types recherchent une femme seule..." dit-elle en sortant de la voiture avec son barda, dont elle ne semblait pas vouloir quitter une seconde. A la réception, le responsable leur trouva une chambre, qu'Alice régla en liquide, avant de signer le registre sous un faux nom.

"Chambre numéro 6. Bonne nuit Msieur Dame." leur dit le responsable en leur donnant la clé.

La chambre était standard, meublée d'un lit double, une télévision, un ventilateur de plafond, une comode et une petite salle de bain. Alice y jeta un oeil, et inspecta la salle de bain, comme si elle craignait que quelqu'un s'y cache, avant de poser ses affaires.

"Je vais prendre une douche, j'ai besoin de me décrasser." dit-elle en prenant le sac qui contenait ses effets personnels jusque dans la salle de bain. La porte se referma, et bientôt le bruit de l'eau se fit entendre, laissant Rob imaginer tout ce qui pouvait s'y passer.

Environ dix minutes plus tard, Alice sortit de la salle de bain, visiblement plus relaxée que lorsqu'elle y était entrée. Les bienfaits d'une douche chaude, y a que ça de vrai. Elle avait gardé sa chemise, qui lui arrivait à la taille, et était vêtue de ses dessous pour le reste. Elle se séchait les cheveux à l'aide d'une serviette tout en tentant de remettre un peu d'ordre dans ses affaires.

"Désolée, je n'avais pas la place d'emporter mon pyjama à fleurs." dit-elle pour détendre l'atmosphère. La situation était digne d'un film de série B, mais il fallait qu'elle se rende à l'évidence, les balles ne seraient pas à blanc ici. Que ce soit les hommes de Bishop ou ceux de Mitchell, le résultat serait le même : les Porter ne compteraient plus aucun représentant s'ils la retrouvaient.
Elle se dirigea vers la petite fenêtre près de la porte de la chambre, et jeta un coup d'oeil discret à l'extérieur.

"Tout m'a l'air calme..." dit-elle pensivement, avant de tirer le double-rideau par-dessus le voile transparent qui faisait office de rideau. Elle se rapprocha du lit et s'y laissa tomber. La télé s'alluma brusquement dans des éclats de voix et de coups de feu. Un western s'afficha à l'écran. Alice sursauta, avant de se rendre compte qu'elle s'était assise sur la télécommande, cachée sous un coussin. La décharge sonore réagit instantanément avec le pouvoir de Robin.

"Il devait être sourd l'ancien occupant !" s'exclama Alice en cherchant le bouton du volume.

Alice finit par trouver le bouton dans la pénombre de la chambre, que seule illuminait une lampe de chevet peu puissante.

"Ah voil..."

Elle s'interrompit brutalement devant la secousse du matelas, qui indiquait que Rob s'était levé, et tourna rapidement la tête vers lui, déjà debout. Elle cligna un instant des yeux, avant d'émettre un sourire fatigué.

"Il t'en faut peu pour grimper aux rideaux." commença-t-elle d'une voix suave, un éclat coquin dans l'oeil, avant de reprendre plus sérieusement. "C'est mon histoire qui te rend nerveux ? Je suis désolée, je n'aurai peut-être pas dû t'en parler... J'ai juste eu le sentiment que je me devais d'être honnête avec toi..."

Elle n'avait rien vu... Mais Robin se sentait mal. La dernière phrase qu'elle avait prononcé le rendait mal à l'aise. Elle venait de lui dire qu'elle avait été honnête avec lui. Alors que lui non.
Il respira une fois. Deux fois. Et sa décision était prise.

"Alice... Puisque tu es honnête avec moi... je vais l'être avec toi..."

Il inspira, la scène était au ralenti. Il sentait qu'il devait poser son fardeau. Il savait, il espérait qu'elle le prendrait bien. Espérons...

"Alice... Je.. Je suis un de ses mutants..."

La bombe venait d'exploser entre eux...