"Chez James" Entre Chicago et New York

Alice resta muette quelques instants. Seules la lumière générée par le téléviseur venait bouger dans la pièce, et danser sur leurs deux visages.
Alice baissa la tête, ses lèvres bougeant de façon indistincte, comme si elle tentait de s'exprimer mais qu'elle n'y parvenait pas.

"Je... Waou... Je dois dire que je m'y attendais pas..." bredouilla-t-elle en passant une main dans ses cheveux mouillé. Elle se leva doucement et se mit à faire les cent pas dans la chambre.

"Rob... Il se peut que ma présence ici te mette bien plus en danger que je ne l'aurai imaginé..." dit-elle après quelques secondes de réfléxions durant lesquelles elle avait tenté de juger des conséquences de cette révélation, avant de planter son regard dans celui du jeune mutant.

"Ces types sont après moi car je tente de percer leur conspiration à jour... S'ils venaient à apprendre ce que tu viens de me dire... Dieu seul sait ce qui pourrait t'arriver..." continua-t-elle. Elle avait entendu parler de traitements infâmes infligés par le gouvernement aux mutants... Mais elle ne pouvait pas enquêter sur tout à la fois.

"Il vaudrait peut-être mieux que tu files maintenant. Je me débrouillerai pour rejoindre New York." conclut Alice en se rasseyant sur le lit.

Le temps se figea l’espace d’un instant. Robin était pendu au lèvres d’Alice, attendant une réponse. Lorsqu’elle fut énoncée il soupira. La jeune femme n’était pas parti en courant en hurlant au monstre. Mais elle semblait gené et la suite de son discours le démontra.
Elle voulait qu’il l’abandonne ? Quel fou ferait une chose pareil ?

« Je ne serais peut être plus jamais en sécurité Alice. Le danger que j’encours avec toi est plus grand, mais mes pouvoirs pourront t’aider. Donc je reste. Et ce n’est pas un point à discuter. »

Il n’avait pas l’habitude d’être si sérieux. Il avait vécu jusque là sans se prendre la tête, mais aujourd’hui à cet instant il avait sentit qu’il pouvait faire la différence. Pas simplement pour Alice, mais aussi pour les mutants. Chacun de ses gestes sera interprété par des canards comme la Sentinelle. Alors s’il pouvait aider la journaliste à faire éclater la vérité et bien il le ferait.

Alice leva à nouveau son regard vers Rob, dans un mélange étrange de surprise, de gaité et d'inquiétude. Bien entendu elle préférait être accompagnée dans cette galère, d'autant plus que le pouvoir du mutant pouvait peut-être leur être utile... Mais Rob était loin de se douter des puissances contre lesquelles il se dressait.
Un peu comme elle autrefois...

"Rob..." murmura-t-elle en secouant légèrement la tête. Elle resta silencieuse un instant, puis releva les yeux vers le mutant.

"Mais au fait, en quoi il consiste ton pouvoir ?" demanda-t-elle, une pointe de curiosité dans le regard.

Alice observa Rob un instant, un léger sourire en coin sur les lèvres.

"Je vois... Je suppose qu'on ne risque pas d'être pris de court avec toi dans les parages..." répondit-elle sans demander de démonstration : c'est sûrement ce qu'aurait fait la plupart des gens.

"Profitons de cet avantage pour nous reposer tout notre content. Un bon bout de chemin nous attend encore." ajouta-t-elle en se glissant sous les draps, légèrement rassurée, tournée vers l'extérieur du lit.

"Bonne nuit, Rob." dit-elle doucement. En quelques instants, elle dormait à poings fermés. Malgré le mauvais éclairage, un détail attira l'attention du mutant : on aurait dit qu'une sorte de petite cicatrice courait sur la nuque de la jeune femme. Le tout ne devait avoir qu'un centimètre de longueur, mais marquait la peau immaculée d'alice par une rougeur.

Robin se réveilla en sursaut en plein milieu de la nuit. Il faisait très sombre dans la chambre car Alice avait tiré les double-rideau, qui ne laissaient pas filtrer grand chose de la lumière de l'extérieur.
La jeune journaliste dormait toujours comme un bébé, mais s'était retournée vers Rob dans son sommeil. Sa respiration ténue était presque imperceptible : elle respirait étonnament vite pour une personne endormie.
Le silence de la pièce était assourdissant. C'est peut-être pour cette raison que le jeune mutant perçut un léger cliquetis. Ca semblait venir de dehors.

Alice se réveilla rapidement, et sortit d'un bond du lit aux paroles de Rob. La mine inquiète, elle se rapprocha de son sac à main, d'où elle sortit un tazer qui avait la forme d'un révolver. Elle montra sa pseudo-arme au mutant et posa un doigt sur ses lèvres pour lui indiquer la discrétion.
Sur la pointe des pieds, elle se rapprocha de la fenêtre et se plaqua contre le mur pour jeter un oeil au dehors par le coin du rideau. Son froncement de sourcils s'accentua.
Elle leva sa main libre en l'air, trois doigts levés, après avoir compté les hommes qu'elle voyait dehors, puis désigna la malette métallique qu'elle transportait ainsi que son sac, et qui étaient posés près de Rob.

"Je crois que c'est pour nous. Je vois trois types armés, mais ils peuvent être plus... Il faut qu'on file avec la valise métallique, c'est primordial." chuchotta-t-elle. Malheureusement, la chambre ne disposait d'aucune autre issue, pas même dans la salle de bain.
Soudain, la porte de la chambre vola en éclats et deux hommes cagoulés et vêtus de noir se pressèrent, arme en main dans la chambre. Bien qu'elle eut été prévenue, alice glissa au sol sous le choc, ce qui lui sauva probablement la vie puisqu'une balle vint se planter là où sa tête se trouvait quelques centièmes de seconde plus tôt. Tout s'enchaîna très vite. La journaliste accrocha son agresseur au torse et activa la décharge électrique du tazer. L'homme se mit à gesticuler comme un pantin dans des postures qui auraient sûrement été comiques dans une autre situation.
L'autre homme quant à lui, tira sur Rob. Le jeune homme entendit la déflagration, et vit la balle arriver vers lui comme au ralenti.

La balle tirée sur Rob alla se ficher dans le mur de la salle de bain tandis que le mutant se propulsait sur son tireur, destabilisé par sa vitesse. Son coup de poing l'atteignit sous la mâchoire et le fit décoller du sol. Il retomba inerte aux côtés de son complice. Aussitôt une douleur explosa dans les articulations du poing de Robin, décuplée par la force d'impacte. Son poing se mit à gonfler immédiatement en pulsation difficilement supportables.
Pendant ce temps, Alice avait lâché son arme et était passée sur le lit pour récupérer la précieuse mallette et son sac, abandonnant sa valise de vêtements.
"Ca va, Rob ?" demanda-t-elle avant de se coller contre la porte pour regarder ce que faisait le troisième type. De là où il était, Rob pouvait le voir. Il était dos tourné, au niveau des voitures et semblait surveiller les environs. Il ne semblait pas avoir remarqué que ses compagnons étaient inconscients. Tous les bruits à l'intérieur devaient sans doute correspondre à ceux d'une attaque réussie. Soudain, le type s'adressa à quelqu'un sur le parking.

"Police ! La situation est sous contrôle, rentrez et enfermez-vous dans votre chambre, Madame, vous aussi Monsieur !"

"T'as une idée ? Il est pas loin de ta voiture..." commenta Alice.
Ils devaient agir vite sans quoi il viendrait voir ce que faisaient ses compagnons.

Le plan était risqué. Alice décrocha les embouts du tazer du corps du type gémissant et réarma l'engin sans grande conviction.

"Je ne suis pas sûre qu'il reste assez de jus là-dedans pour le neutraliser complètement... Donne-moi les clés de voiture. Sois prudent..." dit-elle en donnant l'arme à Robin, qui commençait à ressentir le double effet kisscool de son pouvoir.
Le dernier agent cagoulé se tenait légèrement en contrebas sur le parking, juste derrière la Ford de Robin. Un quizaine de mètres le séparait de l'entrée de la chambre tout au plus. Il surveillait toujours les allées et venues, le dos tourné à la porte.

La pénombre, alliée au fait que Rob était pieds-nus, permirent au mutant de sortir de la chambre et de s'avancer de quelques mètres sans être vus.
Près de la porte de la chambre, Alice surveillait sa progression, la mine inquiète, en serrant les clés de voiture nerveusement.
Elle attendit que Rob soit à une dizaine de mètres du type pour se mettre à hurler de toutes ses forces. Elle ne savait pas quelle dose sonore suffirait à Rob c'est pourquoi elle s'époumona autant qu'elle put.
Son cri déclencha plusieurs choses. D'une part, le pouvoir de Rob, qui décupla sa vitesse, mais il attira également l'attention du garde, qui se retourna immédiatement et braqua son arme sur le jeune homme, et celle des badaux qui jusque-là avaient été tenus à distance par l'inconnu.

Plutôt que de tirer, il asséna un coup de crosse de son fusil d'assaut à Rob, qui arrivait sur lui à toute vitesse. Ce dernier le reçut en plein visage, et l'impacte lui fit bien plus mal que tous les crochets qu'il avait pu recevoir en boxant. Il tomba au sol.
Le soldat braqua son arme sur Rob, dont l'arcade sourcillière saignait à gros bouillons.

"Plus un geste ! Debout !"

Le type ricana aux paroles de Rob.

"Des flics ? Où ça ? Allez debout j'ai dit, retourne à pas lents vers la chambre !" dit-il en indiquant la chambre du menton.

Sous l'oeil curieux des clients à leurs fenêtres, Rob remonta la volée de trois marches qui menait aux chambres.
On pouvait entrevoir les corps des deux autres "agents" gésir sur la moquette rapée de la chambre à travers la pénombre.

"Nom d'un chien..." grommela le type, avant de pousser Rob à l'intérieur d'une bourrade dans le dos. Il fit un premier pas dans la pièce et tâtonna le mur sur sa gauche à la recherche de l'interrupteur. Au moment où il l'activait, le fracas d'un vase qu'on casse fit sursauter Robin. L'ombre d'un instant il crut qu'il s'était fait tirer dessus, mais en se retournan, il put voir Alice, tenant dans ses mains les restes de la lampe de chevet qu'elle venait d'abattre sur le crâne du pseudo-policier.

"Allons-y !" s'écria-t-elle sans attendre de voir si le type reprendrait immédiatement connaissance. Elle prit ses affaires et courut vers la voiture de Rob. Jetant le tout à l'arrière, elle mit le contact, prête à démarrer en trombe.

La jeune femme démarra sur les chapeau de roue, faisant crisser les pneus sur le parking. Un coup de feu retentit dans la nuit, mais sans toucher la voiture. Alice se plaqua contre le volant pour se protéger après avoir appuyé sur la tête de Rob pour l'obliger à se tasser sur son siège.

"Je suis désolée, j'ai paniqué ! Quelle idiote je fais !" s'écria la jeune femme en conduisant comme une folle pour rejoindre l'autoroute.

"Il faut qu'on garde notre avance !" ajouta-t-elle en s'insérant dans la circulation avec facilité. A cette heure, tout le monde dormait encore.

"Ca va ?"

Alice jeta un coup d'oeil nerveux dans le rétro. Comment avaient-ils pu la retrouver si facilement ? Ah moins que...
Elle regarda Rob un instant. Son visage ensanglanté lui rappelait son devoir. Il n'avait pas hésité à risquer sa vie... Peut-être, peut-être qu'elle devait tout lui dire... Si elle se faisait prendre, il rendrait peut-être même l'affaire publique.

"C'est vrai que je ne t'ai pas tout dit..." commença-t-elle en fixant son regard sur la route, beaucoup de gravité dans la voix.

"Je suis journaliste... à la Sentinelle." lâcha-t-elle en se mordillant la lèvre inférieure. Dire ça revenait sûrement à perdre son meilleur allié dans cette situation... Mais il avait demandé...

Maintenant qu'elle en parlait, le souvenir de l'interview du Pr Thadeus Zachary revenait lentement à Robin.

"Je sais, mais c'est pas ce que tu crois ! C'est pas que tout le monde croit ! Disons... Qu'on m'a un peu forcé la main..." se défendit immédiatement Alice avec énergie. A ses derniers mots, elle passa une main absente sur sa nuque, où Rob croyait avoir entraperçu une trace.

"Je t'assure que je suis de votre côté ! Du côté de la vérité ! J'ai une preuve de ce que je te dis ! Ouvre la mallette de fer. Le code de la serrure c'est 2090." ajouta-t-elle.