Chambre de Kalalli et Kanata

Tous les jours qu'il avait vécu ! Rien n'avait été vrai ! Il s'était passé juste une minute si ça se trouvait et le Yun en avait vu tellement défiler en lui jetant au visage sa misère. Adam était vivant. Le merdeux n'avait pas (encore) été tabassé. Georgia l'aimait toujours. Personne ne voulait lui courir après pour lui casser la gueule. Il n'était plus seul.

Thorne tendit son bras et toucha le jap ce qui le fit sursauter. Il voulait quoi lui ? Il avait pitié ? Cette pensée figea le Yun. Lui si fier n'accepterait pas qu'on ait pitié. L'un après l'autre, ils lui proposèrent d'aller prendre l'air. Kitsune se calma d'un coup, retenant l'afflux d'émotion qui redevenait convenable malgré une fatigue mentale évidente. Il renifla un coup puis redressa la tête avant de se relever.

Il s'essuya à la va vite les yeux. " Ouai ouai je me barre, j'ai compris. " Pour le coup, il avait vraiment envie de s'éloigner du monstre qu'était son coloc. Cette gueule d'ange cachait un vrai démon. Le Yun n'était même pas sûr de ne pas être renvoyé dans une nouvelle illusion. Comment différencier le vrai du faux maintenant ?

La cohabitation allait être rude. Une chance qu'il découche la moitié du temps pour aller retrouver son asthmatique dans sa chambre ou il ne savait qui. D'ailleurs il s'en tapait tant qu'il resterait loin de lui.

Sans trop savoir où aller, le Kitsune quitta la chambre sans rajouter un seul mot. Heureusement, presque personne n'avait assisté à son humiliation.

Vers ailleurs.

Adam regardait sortir le Yun décomposé, l'air hagard, les yeux brumeux de la victime, et son regard, noir, se posa sur l'inuit...dont le visage reflétait la culpabilité d'une manière trop flagrante pour ne pas être notée...

quelques secondes s'écoulèrent...

et Adam se prit à rire...

s'essuyant une petite larme de rire qui perlait au coin de ses yeux, il parla au jeune homme, un large sourire accroché au coin des lèvres...

"bon, je crois qu'il va vouloir se venger, et que sa vengeance sera terrible, mais honnêtement, ça valait le coup, rien que pour voir sa tête!"

si kalalli se sentait coupable, Adam savait qu'avec tous les mauvais plans que Kanata avait pu jouer dans l'institut, ce n'était là qu'un juste...Retour des choses...

"et puis je constate avec plaisir que tu te laisse moins faire, et c'est bien...tu as du pouvoir, gravement du pouvoir, alors il faut vraiment que tu t'affirmes plus...ca fait plaisir..."

avant de le regarder d'un air interrogateur...

"tant que tu le fait pas sur tes coéquipiers, hein!"

mais l'envie de rire reprit le dessus.

*la tête du Yun!! ah*

Kanata avait quitté la chambre comme si les deux Oryx l'en chassaient. C'était pourtant simplement un conseil. Mais il fallait le comprendre. Comment accepter des conseils de la part de l'Inuit qui l'avait fait souffrir. Le garçon l'observa donc partir en silence, en se disant qu'il avait laissé trop longtemps le Yun dans l'illusion.

Culpabilisant, Kalalli observa Adam qui lui semblait particulièrement amusé de la situation. Il lui annonça que le japonais voudrait probablement se venger, ce qui affola un peu le garçon. Si Kanata voulait se venger à la hauteur de ce qu'il avait subi, Kala allait morfler de façon sévère et il en était convaincu. Il baissa le regard en commençant à imaginer divers scénarios que le Yun pourraient lui faire subir. C'était son colocataire après tout. Il avait accès à toutes ses affaires mieux que personne.

Adam confirma qu'il considérait l'attaque comme amusante car il avait aimé la tête de Kitsune.

" Comment tu peux aimer voir pleurer quelqu'un... ? " demanda-t-il davantage de façon rhétorique que réelle.

Son camarade Oryx lui confia qu'il trouvait bien que l'Inuit se défende enfin.

" Se défendre avec son pouvoir, c'est mal... Et puis j'y suis allé trop fort même s'il était méchant... "

En repensant à ce que Kanata essayait d'hurler sur les toits, Kalalli préféra rapidement changer de sujet en espérant qu'Adam ait oublié. Il ne tenait pas à se voir questionner sur l'origine des mots du japonais.

" Je ne veux pas m'en servir sur qui que ce soit ici... Là j'ai juste paniqué... C'est pas bien ce que j'ai fait. Je sais pas si je devrais m'excuser... Il était vraiment mal en partant... T'as vu comme il s'est écroulé ?"

La musique dans ses écouteurs continuait, aussi l'arrêta-t-il avant de retirer son lecteur de musique et ses écouteurs. Il alla ensuite s'asseoir sur son lit et attrapa une nounours en peluche qu'il enlaça en réfléchissant.

Il avait utilisé son pouvoir parce qu'il se sentait en danger. Kanata hurlait que Kalalli aimait se faire embrasser par Jason et ça lui avait forcément déplu. Il aurait pu nier simplement et peu de personnes auraient accordé du crédit à ce qu'il racontait, songeant comme d'habitude qu'il faisait une de ses blagues idiotes. Pourtant ici, le japonais n'avait pas tout à fait eu tort sur le fait d'avoir apprécié. Par contre sur le fait que le garçon était gay, ça non ! Il savait qu'il ne l'était pas ! Et ce n'était pas parce qu'il aimait autant faire un câlin à un garçon qu'à une fille que ça prouvait quoique ce soit ! Et d'abord, il préférait être avec des filles en général !

Adam se détendit, le jeune Inuit semblait ne pas comprendre son éclat de rire, aussi, il reprit son souffle, il ressentait le besoin de rassurer le jeune homme sans vraiment saisir pourquoi...

"ahh..tu sais, ce n'est pas le voir pleurer qui me fait rire..."

il ne savait pas comment formuler sa pensée, aussi s'approcha-t'il de la fenêtre, regardant les nuages dans le ciel une fraction de seconde, éclaircissant ses idées...

"c'est que dans le fond, te voir réagir, répondre à la menace avec fermeté, t'affirmer, quoi...ça me rend heureux, simplement..."

il hocha de la tête, plus pour lui même qu'autre chose...souriant...

"il existe plein de menaces, de tout ordre, partout hors de ces murs, du plus petit commentaire au plan le plus machiavélique, et depuis que je suis ici, j'ai appris une chose, et une seule, c'est que c'est la confiance qu'on a en nous qui détermine à quel point on peut être dangereux..."

son visage s'était un peu assombri...

"plus nous avons confiance en nous, et paradoxalement, moins nous sommes dangereux, parce qu'avant tout, surtout pour nous, les psychiques, mieux nous contrôlons nos dons..."

c'était une vérité qui n'appartenait qu'a lui, et qui pouvait sans doute être discutée, mais il avait l'intime conviction que tout cela faisait parti de lui...

"en répondant avec ton pouvoir, tu prouve un chose, c'est que tu as suffisamment confiance en toi pour le maitriser, le dompter, et ne pas le laisser dominer la situation...tu te l'approprie vraiment, et tu ne le rejette pas, il devient extension de toi, il devient toi, et tu n'est plus lui..."

il s'arrêta, surpris par son propre flot de paroles, mais repris tout de même sans laisser Kal répondre...

"ce que je veux dire, c'est que tu te fait assez confiance pour répondre avec ton pouvoir, c'est comme une sorte de ping-pong avec Kanata, pouvoir contre pouvoir, d'égal à égal, je pense que quelque part en lui, il doit apprécier de voir que ses blagues t'ont fait faire un pas dans la maturité de ton pouvoir...même si pour l'instant, il doit plus t'en vouloir qu'autre choses...je ris parce que tu as répondu comme il se devait, comme un homme et comme un mutant, et que la surprise de le voir transforme l'acte répréhensible en révélation : ton don fait partie de toi, et de tes réponses, et tu le maitrise assez pour ne pas faire souffrir inutilement quelqu'un qui passe son temps à te chercher des noises..."

il sourit à nouveau...

"c'est tout...c'est cool...et ce n'était pas trop...tu ne t'en est pas servi sur n'importe qui...et tu le regrette assez pour ne pas en rajouter une couche...je serais mal placé pour te juger...c'est comme à l'école...on ne s'attaque pas à un champion de karaté quand on est joueur d'échec...il aurait un réflexe qui serait douloureux...tu ne lui as mis qu'une claque...ce qui fait mal, c'est qu'il ne s'y attendait pas..."

Gratouillant affectueusement le ventre de son ours en peluche, Kala écouta les précisions d'Adam, rassuré de savoir que ce n'était pas de voir pleurer le japonais qui l'amusait autant. Une mine surprise s'afficha lorsque son coéquipier lui annonça qu'il était "heureux" que l'inuit se défende face à l'adversité.

Adam enchaîna avec des paroles trahissant sa crainte de son pouvoir psychique. Mais Kalalli n'était pas d'accord avec une grande partie des paroles qui suivirent. Il essaya de parler à plusieurs reprises mais sans succès à cause du débit du grand Oryx. Finalement, il saisit sa chance :

" Non, utiliser son pouvoir pour se défendre dans cette situation, c'était lâche. Je n'ai jamais rejeté mon pouvoir parce que lutter contre servait à rien. C'est pas un ping pong avec Kanata. Je lui suis supérieur parce que mon pouvoir pourrait le briser ou que pendant qu'il est dans une illusion, paralysé, je pourrai le tuer. C'est justement parce que mon pouvoir est trop puissant contre une personne que je dois le maîtriser. Mais pas maîtriser comme tu parles de maîtriser un pouvoir. Je dois me retenir de l'utiliser à tout va. C'est une partie de moi, mais mon pouvoir n'est pas moi pas plus que je ne suis lui. C'est un outil de dernier recours... Et je l'ai fais souffrir inutilement, j'aurai pu arrêter l'illusion bien plus tôt au lieu de l'y laisser. C'était cruel mais je voulais me venger. Et ça, c'est mal. "

Le garçon serra l'ours un peu plus fort en culpabilisant. Utiliser son pouvoir par vengeance n'apportait jamais rien de bon. Et même si son colocataire le méritait, il y aurait eu d'autres façons de le faire taire, comme un coup de pied. Ou l'enfermer quelques secondes dans une illusion pour le paralyser, et s'éclipser.

" A se faire ce genre de choses entre nous, on perd ce que tu dis être important. La confiance... C'était lâche... "

Il continuait à préférer être frappé que faire mal. Kala caressa une dernière fois son ours puis le déposa délicatement près de son oreiller avant de se relever.

" Je vais aller me prendre un truc à manger en bas. Je n'ai pas mangé encore en sortant des cours... "

Cuisine

Encore une fois, Adam n'avait pas su mettre les mots sur ce qu'il ressentait...cela devenait une manie chez lui de se perdre entre ce qu'il ressentait et la façon de l'exprimer, et il ne souhaitait pas pourtant laisser les choses en l'état...comment expliquer au jeune Inuit qu'il était d'accord sur le fond, qu'utiliser son pouvoir dans l'institut, contre ses camarades, était une mauvaise chose, mais que la retenue dont il avait fait preuve jusque là était plus importante que le fait d'avoir cédé à la colère une seconde...
comment lui dire qu'il se fixait des objectifs de perfection qui n'étaient sans doute pas atteignables?

la seule chose qui lui restait amère à l'oreille était la réflexion du jeune OryX...sur son sentiment d'être supérieur...il se sentit déçu...
un pouvoir puissant ne rend pas supérieur...un pouvoir puissant rend responsable de l'usage qu'on en fait...un pouvoir puissant est une faiblesse...une tentation permanente de dépasser l'infime limite entre le trop et le trop peu...et se brider au trop peu était le piège dans lequel ils risquaient de tomber...se laissant dépasser dans les rares moments ou le pouvoir échappait à la volonté...par manque d'habitude de l'exprimer sereinement...

Kal avait peur de perdre le contrôle de son pouvoir...Adam le voyait ainsi dans ses mots...il voyait son pouvoir comme un outil de dernier recours, et donc comme un outil, par définition exterieur à lui, étranger à Kal, qui malgré la consistance de ses propos était contradictoire, entre l'acceptation et une forme de résignation...
sa manière de lutter contre était de se brider à l'extrême...mais Adam voyait plus cette réaction comme une tentative de nier le pouvoir, de l'étouffer pour ne pas le laisser dévorer les autres, comme un chien tenu en laisse...comme il aurait lui-même souhaitait faire lorsque son pouvoir était apparu...

ne pas utiliser son pouvoir à mauvais escient était une évidence, ne pas se laisser dominer par lui était une évidence, et s'en servir contre Kanata était...d'une certaine manière, cela serait arrivé un jour, il s'en serait pris à la mauvaise personne de toute manière, et devait s'estimer chanceux d'être tombé sur le plus moral de l'institut...

les deux OryX ne seraient sans doute jamais d'accord sur tous les plans, ces choses là étaient du domaine de l'intime, la relation que chaque mutant entretenait avec son pouvoir...mais il le comprenait...le pouvoir de Kal...s'il avait été à sa place...peut-être réagirait-t'il comme lui...lui avait au moins la chance d'avoir une visualisation physique, d'agir sur le corporel, pas sur l'esprit des autres...

Adam prit un papier qui trainait sur le bureau de Kal, y écrivant un mot...

Adam Thorne sur un bout de papier glissé sous l'oreiller de Kal a écrit:Kal,

je suis désolé de ce que je t'ai dit, et je m'excuse de m'être mal exprimé.

crois le ou non, mais je comprend ce que tu ressent, je suis désolé si ma réaction t'as blessé, je ne voulais pas t'offenser.

bon, bah, à plus tard...

ADAM T.

mot qu'il glissa sous l'oreiller de l'inuit pour que son colocataire démoniaque ne tombe pas dessus par hasard...

puis il repartit...
allant dans sa propre chambre pour ouvrir la fenêtre et aller se vider l'esprit en lévitant au dessus du toit...



toit de l'institut

17 Mai

Adossé contre le mur sur son lit, le Yun avait un calepin en main et écrivait. Et il dessinait. Et il réécrivait encore. Il arrachait de temps en temps des feuilles, et recommençait à s'attaquer à une autre feuille. Depuis trois jours, personne n'avait subit de petites blagues bien senties de sa part. Le jap était devenu une ombre. Il sortait juste question de ramasser quelques vivres dans la cuisine et repartait aussi sec se prostrer dans sa chambre. Il n'avait envie de voir personne. A part le mioche qui était vaguement toléré parce que c'était aussi un peu sa chambre, mais c'était bien tout. Et puis personne d'autre n'était venu de toute.

Kanata écrivait des poèmes et dessinait. Le sujet n'était pas bien difficile à deviner. Sa G. lui manquait et il se sentait un peu vide depuis qu'elle l'esquivait habilement ou qu'elle l'envoyait chier lorsqu'il s'approchait à peine. Il ne comprenait toujours pas comment elle pouvait l'avoir viré comme ça d'un coup alors qu'il lui avait dit qu'il lui faisait confiance. Le Yun nageait totalement. Il l'avait toujours bien traitée cette cruche après tout ! Même quand elle le pompait ! Il en avait viré d'autres bien plus vite ! Toutes en fait... Et puis les autres c'était différent. Il s'en foutait. Elle... Elle, il l'aimait vraiment.

Et en y réfléchissant, il avait eu le temps, il se rendait compte que dans cette nouvelle vie, il n'avait pas grand chose d'autre qu'elle. C'était p'tête cette vie qui amplifiait tous ses sentiments. Il n'en avait aucune idée, et puis il s'en foutait. Il se sentait vraiment seul. Le Yun n'avait jamais voulu se faire vraiment d'ami ici. Cette vie, il la rejetait presque. Il se sentait instrument de la lutte mutante, rien d'autre. Mais il n'y avait pas vraiment d'autre choix.

Le Yun écrivait tantôt des poèmes tristes, tantôt des poèmes d'espoir. C'était dans le fond ce qui illustrait le mieux l'expression "l'espoir fait vivre". C'était tout ce qu'il lui restait en fait. Espérer. Espérer qu'elle revienne. Espérer qu'elle l'aime encore. Espérer qu'elle l'ait déjà aimé ? Quand même... Depuis le temps ? Espérer... Kanata ne pleurait pas. C'était pas son genre. Même en privé. Un garçon ça ne pleure pas. Et puis il avait bien d'autres moyens d'extérioriser sa détresse même si personne n'y avait réellement accès. Ces moyens, ils étaient tous près de ses mains. Ses dessins, ses écrits...

L'asiatique jeta un oeil à son poignet éponge en soupirant. Il se le frotta avec son autre main et sentit la douleur lui parcourir l'avant bras. Il était vivant. Encore. Toujours. Joie ? Pas vraiment...

Alors qu'il fermait les yeux un instant, ill se sentait devenir fou. Il se raccrochait à ce qu'il pouvait. Pas grand chose. Pas grand monde. Personne. Cette chambre. Ce seul lieu familier. Personne n'y était. Elle était vide. Il était seul avec lui même. Seul.

Yun rouvrit lentement les yeux et tourna la tête vers une petite carte sur laquelle il avait écrit un poème. Une petite carte avec des fleurs, pliée en deux. Sans être convaincu de l'utilité de ce qu'il allait faire et dans l'énergie du désespoir, il s'en saisit et se releva pour aller devant la chambre de Georgia. Peut être y était-elle. Peut être pas. Ca lui importait peu. Il fallait juste lui glisser ça sous la porte.

Kanata s'accroupit et passa la petite carte avant de repartir comme un voleur s'enfermer dans sa chambre sans pour autant remarquer que la porte était restée entrouverte. Avant de retourner s'allonger entre ses tentatives de portraits de sa belle, le Yun s'observa dans la glace, accrochant son propre regard. Il s'en approcha lentement et se palpa la joue. Etait-il bien lui ? Malheureusement. Rien que lui. Il aurait aimé être mieux. Pour elle. Pour qu'elle l'aime. Mais il ne pouvait que se transformer. Pas changer. Sans s'en rendre réellement compte, il devint Georgia.

Face à elle, il eut un pincement au coeur. Que faire s'il se retrouvait face à elle ? Aucune idée. Mais ce n'était qu'une illusion. Elle n'était pas là. Il était seul. Encore. Il plongea son regard dans le sien si bleu et se prit à sourire tristement. Il avait envie d'embrasser le miroir. Il avait envie de le caresser.

Le Yun monta sa main et tenta de la passer distraitement à travers la glace pour essayer d'atteindre ce visage qui le hantait depuis ces quelques jours. Il était si plat. Il était si froid. Rien qu'une glace. Rien qu'elle. Mais surtout rien que lui. L'asiatique déposa lentement son front contre son reflet illusoire et sentit une vague de fraîcheur le faire frémir, une main toujours à plat contre le miroir.

Il tremblait un peu, les yeux fermés.

Laisser une porte entrebâillée à l'Institut était une chose dangereuse quand on ne tenait pas à être dérangé. Surtout que certains, s'ils avaient des notions d'espace vital très développées lorsqu'il s'agissait de leur petite personne, étaient moins au fait pour préserver l'intimité des autres. D'ailleurs, Jeremiah n'avait même pas fait attention à ce qui se passait dans la pièce : il avait repoussé la porte du pied, très concentré sur la tasse de café qu'il tenait à deux mains pour éviter les accidents, un paquet de gâteaux sous le bras. C'était son calumet de la paix, histoire d'engager la conversation sous de bonnes auspices. Les gâteaux, pas le café. Personne ne touchait à son café. Et puis, il avait choisi exprès les préférés de son camarade.

Malgré le fait qu'on l'ait déconnecté de force ces derniers jours (il attendait avec impatience l'ordinateur flambant neuf qu'il avait commandé mais toujours pas arrivé), il n'était pas beaucoup plus au courant de ce qui se passait dans l'Institut, trop occupé à se morfondre sur son sort. Et lorsqu'il releva les yeux sur Kanata/Georgia effondré devant son miroir, lui tournant le dos, il eut un temps d'arrêt, se figeant au seuil de la porte. Ressortir ? Rester ? Encore une de ces situations improbables où il n'avait aucune idée de ce qu'il était censé dire ou faire. Mais quelle loose.

A la base, s'il était là, c'est que les plans de Rachel sur lesquels s'étaient greffés les commentaires ironiques d'un certain autrichien lui avaient fait froid dans le dos, et qu'il voulait tâter discrètement le terrain, savoir si le métamorphe était déjà au courant et si les élans créatifs de la X-Rays ne lui donneraient pas d'idées saugrenues. La veille, Michael s'était encore mis en travers de son plan diabolique en le traînant au mur d'escalade, sous le prétexte fallacieux et particulièrement mesquin que "de toute façon, il n'avait rien d'autre à faire puisqu'il n'avait plus de pc". Entre ses premiers jours de dépression post-mort brutale de Conan (l'ordinateur, pas le barbare) et les velléités sportives de Micha', complétement déplacées du point de vue du geek, il ne s'était pas rendu compte que lors de ses brefs passages en cuisine, Kanata n'était plus installé en bonne place avec SON pot de nutella. Et qu'il n'était ni venu se moquer de la perte de son si précieux ordi, ni venu disputer une petite partie. Bref, qu'il ne l'avait pas croisé depuis un moment.

Vu la petite blonde prostrée devant son miroir, ceci expliquait sans doute cela. Quoiqu'il ne sache pas s'il s'agissait bien du jap', ou de sa (son ex) petite amie qui squattait. Prudent, le geek recula d'un pas, cherchant à tâtons la porte, et ressortit dans le couloir sans savoir si on l'avait vu, replaçant le battant dans la même position que celle qu'il avait lorsqu'il était arrivé. Super Ninja Miah, plus furtif que l'éclair.

Un instant d'hésitation suivit où le X-Rays, perdu sur la conduite à tenir, jeta un coup d'œil désespéré autour de lui. Évidemment, il n'y avait personne. Soupirant, il finit par lâcher sa tasse d'une main, frappa à la porte de Kanata et passa le paquet de gâteaux par l'entrebâillement en guise de laisser-passer.

"J'peux entrer ?"

Une convention sociale qui allait peut-être enfin entrer dans son crâne de poulpe, à force de débarquer les pieds dans le plat au mauvais moment.

Le Yun sursauta quand il entendit une voix de mec. Bon, c'était pas G. déjà. Pas qu'il ait pas envie de la voir, mais il savait surtout pas trop comment réagir, du genre garder un minimum de fierté et faire comme s'il était à peine touché, lui chialer dans les bras (ouai ou pas), l'ignorer, l'envoyer chier ou quoi... Enfin il se sentait assez mal sur le coup pour essayer de penser à autre chose. C'était pas elle, c'était Jerem d'après la voix.

Kitsune redevint lui et se crispa pour calmer ses tremblements qui se dissipèrent vite. Il s'approcha du bras et chipa le paquet de biscuit d'un geste rapide. "Si personne t'a suivi ouai. Quelqu'un sait que t'as apporté la cam ? ". Le jap fit entrer rapidement le geek et jeta un oeil derrière lui comme si on risquait de les apercevoir et ferma enfin la porte.

Redevenant plus sérieux, il demanda : " Ca gaze ? J'ai appris pour Conan. C'est moche. Tu reçois son petit frère quand ? " en retournant vers son lit pour rassembler en un tas rapidement le bordel de feuille qui traînait. Ca devait être déchirant de voir son pc assassiné quand on y passait sa vie. C'était un peu sa façon de supporter leur vie de merde et il en était privé. Le Yun était aussi privé de son moyen à lui. Sauf qu'un ordi ça se remplaçait. Ou presque.

Il s'assit sur son lit. "T'as réussi à sauver des données ou pas ? J'imagine que t'es du genre parano à faire que des back up de tes fichiers nan ? Au moins c'est utile... ". Il se gratta l'arrière du crâne énergiquement. "Sont trop cons sérieux... J'aurai eu un pc je te l'aurai filé en attendant. Mais il est resté au Japon. Un peu comme tout le reste. "

Kanata renifla en observant le personnage avec son café en main. "Tu voulais me dire un truc ? ". C'était rare que le PGM sorte de son trou et même s'il n'avait plus d'ordi, c'était surprenant qu'il essaye de taper la causette plus que nécessaire. Quoique dans le fond, c'était p'tête son seul pote.

Patientant derrière la porte, le X-Rays eut la satisfaction de sentir le paquet de gâteaux happé de ses doigts. C'était bien Kanata, et il était en vie. Suffisamment en tout cas pour penser encore à son estomac, ce qui lui semblait un point positif. Ce qui était encore plus positif, c'est que, lorsque le battant lui libéra le passage, le jeune homme avait retrouvé son aspect habituel et ne semblait pas particulièrement chamboulé. En tout cas, il l'avait suffisamment bien caché pour que Jeremiah puisse faire mine qu'il n'avait rien capté, rien vu, qu'il était l'innocence incarnée, et que jamais au grand jamais, il n'était entré comme un bourrin au moment le moins opportun.

"Tu me connais, chuis un vrai ninja."

S'installant à même le sol, le dos contre le lit de l'inuit absent, Jeremiah s'absorba dans sa tasse de café. Il ne savait pas ce qu'étaient les feuilles disséminées un peu partout et il ne voulait pas le savoir. Enfin si, peut-être un peu, mais il ne voulait pas s'embarquer dans une discussion trop personnelle dans laquelle les "heuuu" et les "ah..." prendraient la place du bon conseil qu'il serait infoutu de trouver. Conan était définitivement un sujet moins dangereux, bien qu'encore un peu douloureux.

"Ça va, je me remets. Ça m'étonnerait qu'il arrive en début de week-end, donc je suppose que j'ai plus qu'à attendre lundi."

Son visage était devenu plus sombre et il se gratta mollement la nuque avant de reprendre une gorgée de sa tasse.

"Oué, j'ai des sauvegardes. La preuve que c'est pas tant de la parano ! Putain, quand j'ai vu ça... J'aurai bien transformé Derek en pâtée pour Edouard, et envoyé Edouard à la fourrière manu militari... Ils l'auraient ptet piqué, on aurait été tranquille au moins !"

Et puis Derek aurait comme ça servi de dernier repas du condamné, c'était pas mal. Malheureusement, les deux JustiX, s'ils s'étaient bien entendu excusés, ne s'étaient pas montrés très coopératifs pour se faire étrangler, écrabouiller ou envoyer faire piquer. Dommage.

Planqué derrière sa tasse, le X-Rays lança un regard de biais au japonais. Son super plan machiavélique n'était malheureusement pas très au point et s'arrêtait là. Comment aborder le sujet discrètement et sans se vendre tout seul ?

"Heu... Nan... Oué... Enfin, rien de très important, c'était surtout pour vérifier que t'étais toujours vivant. Rachel te cherchait l'autre jour pour son super projet de costumes ! Tu l'as vue ?"

Bof, encore les pieds dans le plat finalement... Au moins, il ne tournerait pas trop longtemps autour du pot. Et il avait un café brûlant s'il était à court d'arguments. De nouveau, il lança un regard un peu méfiant au LeX. Kanata avait facilement des mauvaises idées, du moins, mauvaises lorsqu'on en était la victime, mais le geek, tout noob qu'il soit dans la compréhension d'autrui, se doutait bien que le jeune homme n'avait pas trop la tête à ça, du peu qu'il avait surpris. A la base, il n'était pas venu pour parler des malheurs du Yun, il ne comptait pas s'embourber dans une conversation trop mélo' pour rester gérable, mais les idées loufoques de sa coéquipière auraient peut-être au moins le mérite de distraire un peu le japonais déprimé.

Plus qu'un week end et le geek aurait un autre pc. "Bientôt." Dernière ligne droite et Jeremiah redeviendrait un fantôme hantant les couloirs de l'institut la nuit pour refaire le plein de café. Sans surprise, il avait toutes ses sauvegardes dispos pour remettre d'aplomb le nouveau pc comme l'ancien. Finalement, il mettait juste à jour son matos. Le Yun s'amusa des paroles du geek sur ce qu'il aurait aimé faire des deux abrutis responsables du carnage. "T'imagines t'aurais été capable de les transformer en ce que tu veux ? L'un en brosse à chiotte, l'autre en cure dent. " Enfin ça restait du fantasme.

Finalement, Harnolds finit par répondre assez vaguement à la raison de sa présence. Vérifier qu'il était vivant ? Ca l'intéressait vraiment ça ? "Bha... Ouai ? Pourquoi je serai mort ? J'ai pas mis au mixeur Garfuroncle.". En fait c'était peut être Rachel qui l'avait envoyé. Projet de costume ? " C'quoi ça ? Costume ? Projet ? Elle veut me transformer en Super Yun avec le slip rouge et les collants ? ". Berk. L'image qui lui traversa la tête lui arracha une moue dégoûtée. "Elle a essayé de te fringuer toi, c'est ça ? Du coup t'essayes de te faire remplacer par une prochaine victime que tu choisis ? Elles ont des idées bizarres les filles des fois... ". Enfin c'était le principe des filles d'être bizarres parfois. C'était bien pour ça qu'il aimait la sienne. Qui ne l'aimait plus. Soupire.

"M'en parle pas... Je rêve d'un pouvoir qui aurait enfin un peu d'gueule... Répondit le jeune homme en prenant une gorgée, changeant de position pour laisser pendre ses bras entre ses genoux relevés. T'imagines ? Remarque, ce serait vite plus une école mais un magasin spécialisé en sanitaire, les profs apprécieraient moyen."

Jeremiah sourit puis plissa le nez à l'évocation de Garfunroncle, les yeux sur sa tasse. Il avait tenu de ses propres mains la bête et se félicitait de ne pas l'avoir pas plus abîmé qu'il ne l'était déjà. Il était sûr que Georgia aurait été capable de se déclencher une mutation secondaire de rage si ça avait été le cas, genre, se faire pousser des ongles acérés, rien que pour lui arracher les yeux. Et il y tenait, à ses yeux.

"Le pot de nutella est quasi entier ! S'exclama-t-il cependant alors que le Yun s'étonnait. Tu trouverais pas ça bizarre toi ?"

Enfin, on arrivait au sujet contrariant et du pied, le geek réussit à faire glisser le paquet de gâteau jusqu'à lui pour en piquer un dedans, avant de le renvoyer au japonais :

"J'ai pas les détails. Expliqua-t-il au jeune homme. Je crois qu'elle veut créer une nouvelle ligne de costumes pour les missions, un truc comme ça. Genre... Qui prenne pas l'eau, pour le dirlo par exemple, ça serait pratique. Mais elle avait besoin d'un modèle, alors forcément, un métamorphe..."

Retournant à sa divine tasse un instant, il releva brusquement un regard très sérieux vers Kanata :

"Si un jour tu prends ma forme, que ce soit pour ses essais ou pour une blague, je te transforme en balai à chiotte."

Sourire aux lèvres, le Yun rajouta "Un magasin spécialisé en sanitaires, tant que ça paye, on se ferait un peu de thune pour combattre les tarés des hautes sphères. Les profs kifferaient. ". Le geek développa l'idée des costumes. Une gamme pour les missions ? Si elle voulait en faire pour tout l'Institut, elle avait de quoi y passer masse de temps. Faudrait commencer par ceux qui avaient le moins de chance de crever en plus, sinon les costumes seraient ptête perdus. Fin bref. Le jap avec son pouvoir semblait l'intéresser pour faire les essayages. Clair que la métamorphose était pratique pour prendre toutes les corpulences sans emmerder les concernés. M'enfin au final, c'était lui qu'on emmerderait tout du long au lieu que chacun prenne sa part d'essayage. C'était pas plus juste.

Sans trop capter pourquoi, le PGM lui fit une remarque désobligeante. "Hé mollo. Je me transforme pas en mes potes. Puis pour ses essais... J'ai pas dit que j'allais accepter. Je vois pas pourquoi je ferai ça après tout. Je lui ai jamais causé à Rachel. Et elle m'a jamais causé non plus. " Le Yun choppa un biscuit et l'enfourna dans sa bouche avant de le mâcher de façon peu élégante. C'est vrai quoi. Il faisait pas dans le bénévolat.

Kitsune s'étira, un brin crevé. Il avait beau se vautrer toujours avec autant de maîtrise en travers de son lit les nuits, le sommeil était un peu moins réparateur ces derniers jours. Puis le gamin se barrait discrètement au milieu de la soirée dormir dans une autre chambre. Genre il l'entendait pas. C'était beau de rêver. Le Yun entendait tout ! M'enfin il avait pas la tête à trop l'emmerder pour le moment. P'tête que le môme avait une amante ? Ou un amant, vu qu'il avait prit son pied à se faire embrasser par un faux Jason. Faudrait chercher des infos. "Et sinon, tu découvres un peu l'Institut. C'est chouette dehors non ? Certains élèves doivent te voir pour la première fois !" commenta le jap un brin taquin. "Puis ça fait un grand monde ouvert persistant avec plein de quêtes. C'est classe nan ? "

Dommage qu'il n'y ait pas de sauvegarde et de chargement. Parce que là, il aurait bien aimé remonter quelques jours avant. Ou quelques mois. Ou y'a un an. Jamais aller à ce concert. Jamais se faire embarquer et se retrouver loin du Japon. Il serait encore au lycée avec les autres là. Et ses "dangers" seraient maîtrisés. Ca allait pas jusqu'à risquer de crever.

Alors qu'il mâchouillait l'ongle de son petit doigt d'un air très concentré, l'ébauche d'un sourire illumina l'air maussade habituel du jeune homme :

"Sauf que le caporal marsouin ferait parti de mes premières proies... C'est fini la dictature du sport et des légumes ! Révolution !"

Brandissant son poing avec vigueur, Jeremiah le laissa cependant très vite retomber : trop fatiguant de se battre. Surtout contre le dragon. Et même quand elle n'était pas là, c'est dire. Plus détendu à présent qu'il avait l'assurance que Kanata ne réaliserait pas les plans machiavéliques suggérés par Michael (quel imbécile celui-là !), le X-Rays disparut une fois de plus dans sa tasse, sans préciser au japonais que c'était lui le traître qui avait lancé l'idée de demander au métamorphe lorsque sa téléporteuse de coéquipière avait expliqué son projet.

"Oh tu te débrouilleras, tu verras bien avec elle si elle te demande... Répondit-il évasivement, avant d'ajouter, les sourcils froncés après un temps de réflexion. Méfie toi, elle a pas l'air, mais elle est fourbe... Des fois, tu trouves ses idées idiotes, et tu suis quand même parce que... Je sais pas trop pourquoi en fait. Parce qu'elle rigole tout le temps ptet. T'as pas le temps de dire ouf, t'es déjà coincé."

Il était bien placé pour en parler, il se retrouvait toujours, sans trop savoir comment, embarquer dans des expériences culinaires dont il se serait bien passé. Renvoyant une grimace au jap qui se moquait de ses récents malheurs, le garçon haussa les épaules, laissant sa tête basculer sur le lit de l'Onyx absent pour contempler le plafond de la chambre des spécial K.

"Bof... Répondit-il laconiquement. Mon stuff craint un peu. Et j'ai un niveau merdique, ça craint d'être noob !"

A son arrivée à l'Institut pourtant, les choses se présentaient bien. Il gagnait des xps à la pelle. Et puis au fur et à mesure que les nouvelles missions faciles se raréfiaient, il n'avait pas fait particulièrement d'effort pour monter ses levels suivants en sociabilité. Trop compliqué ce nouveau jeu, il maîtrisait vachement mieux Conan et ses mobs à grandes dents. Relevant la tête, il adressa de nouveau une grimace à Kanata :

"Et les autres joueurs envahissent toujours mon espace vital ! Je les soupçonne d'être des PK."

Le Yun soupira. Il sentait que Rachel allait être très collante si elle voulait vraiment qu'il fasse le mannequin. "Ouai ouai, je verrai. Pas le choix. Vivons au jour le jour de toute. " C'était encore le plus facile à faire en ce moment. Son passé n'était pas radieux. Son future encore moins. Alors restait à se concentrer sur son présent. Il était peinard dans sa piaule. Il était au chaud. Il avait pas la dalle.

Miah le mit ensuite en garde contre la fourberie de sa coéquipière. "Ha ouai ? Carrément à ce point ? P'tain, j'aurai pas pensé ! " Il aimait pas vraiment les manipulateurs. Enfin nan, en fait il s'en tapait. Tant que c'était pas lui le manipulé. Kanata se marra à la réponse du geek. Stuff de merde. Bas level. "Ouai, gaffe aux PKs. Y'a pas de seconde chance là. Le Game Over est définitif. Ca craint qu'on soit en mode hard quoi ! ". Il se gratta énergiquement l'arrière du crâne puis jaugea la loque en face de lui.

Ce gars maîtrisait bien les trucs informatiques. P'tête que... "Dis... ?" C'qu'il aimait pas ça demander une faveur. Tain. "Tu t'y connais un peu en infographie toi ? Je veux dire... Tu es tout le temps en train de jouer mais p'tête que tu te fais aussi des kits pour les forums de tes jeux. Ou... Fin je sais pas. Y'a des trucs que je voudrais éditer mais j'y connais quedalle. Je suis plutôt papier et crayon perso... T'aurais de quoi m'aider ? Ou tu sais qui pourrait ? ". Le Yun se frotta le nez en détournant le regard de Jeremiah.

Jeremiah sourit aux élans philosophiques de Kanata. Oui, il connaissait bien cet état d'esprit là, "laissons nous porter par les évènements, on verra bien plus tard". Quoique jusque là, ayant perdu beaucoup moins que le japonais (son précieux ordinateur vs une vie sympa et plus dernièrement une petite amie timbrée... même lui savait qu'il n'y était pas tout à fait), il y avait moins de résignation dans ses propres élans. C'était juste... une constatation de son impuissance devant des évènements parfois trop énormes.

"Toujours se méfier des plus sympa..." Acheva-t-il la pauvre Rachel qui n'était même pas là et qui n'avait pas fait grand chose pour mériter ça.

Déposant sa tasse à présent vide sur le côté, le jeune homme se laissa couler par terre, vautré sur le plancher dans une position improbable, comme écrasé par le poids du mode hardcore.

"Pis y en a qui sont cheattés aussi... C'est la loose !"

Se réabsorbant dans la contemplation du plafond, le geek ne répondit pas tout de suite alors que Kanata peinait à lui faire sa demande. Non pas qu'il s'en foute, mais il pensait à autre chose et il lui fallut quelques secondes pour revenir à la conversation :

"Hein ? Infographie ? Heu... Je sais pas... J'ai des bases très basiques on va dire, rien d'extraordinaire... C'est quelque chose de compliquer que tu veux faire ? Tu m'montres ?"

Il se redressa un peu, curieux.

"Sinon faut demander à Jason, je pense qu'il maîtrise tout ça..."

" Mais que font les GMs sérieux" répondit le Yun à la phrase sur les cheateurs. Le jap observa le geek vautré au sol et se demanda même s'il était pas en train de clamser. Mais c'était probablement un entraînement pour une feinte en mission. Faire genre qu'il était crevé. C'qu'il était fourbe ! Et doué !

Miah semblait totalement ailleurs jusqu'à ce que ça atteigne le cerveau d'un coup. Jackpot ! Par contre la réponse, c'était la loose. " Des bases basiques... " répéta le Yun. "Ok, ok... Soudainement, il s'intéressait à ce que Kitsune pouvait vouloir modifier avec l'infographie. Le Jeremiah sauvage se redressait, humant l'air du temps à la recherche d'un point d'xp ou deux à se caler sous la canine. Lorsqu'il parla de Jason, Kanata le coupa. "Je pense que c'est mort t'sais. J'emmerde son "petit frèrounet chéri" en la personne du merdeux qui partage ma chambre. Je crois pas trop qu'il va accepter de me filer un coup de patte. D'ailleurs, je sais pas vraiment qui accepterait de m'aider. " La dernière phrase sortie spontanément le laissa songeur quelques secondes.

C'était ce qu'il voulait de toute façon. Pas d'amis. Ou presque. Il soupira en réfléchissant aux personnes qui auraient peut être une vague aide à lui apporter, mais sur le coup il voyait pas trop. Le jap remonta les yeux vers le geek qui avait demandé à voir de quoi il était question. Kanata hésita un instant avant de lui répondre. "Bha je suis pas trop sorti de ma chambre ces derniers jours là, à cause de Georgia tout ça... Pas envie de voir la tronche de gland des autres. Et encore moins des couples de merde là. Fin bref. Du coup je m'emmerdais un peu et comme ça faisait gavé longtemps que j'avais pas redessiné un peu bha... je m'y suis remis. " L'asiatique se gratta l'arrière du crâne vigoureusement, un peu gêné. Il jeta un oeil autour de lui et ramassa quelques feuilles au hasard parmi son tas et les fila à Jeremiah.

Parmi celles-ci, des croquis de mouvements classiques, de combats médiévaux, et des visages plus ou moins connus. L'un d'eux était celui de Georgia sur lequel il s'était particulièrement appliqué de tête. On reconnaissait la jeune fille sans pour autant que le dessin soit parfait. Le trait était peu certain et il y avait un petit quelque chose qui faisait que ce n'était pas parfaitement ressemblant. "Je dessinais pas mal quand j'étais au Japon. Puis depuis que je suis arrivé, plus du tout en fait. Du coup j'ai vraiment perdu quoi... Mais j'aimerai bien pouvoir un peu les reprendre sur l'ordi. Je sais pas trop comment ça se passe par contre... Ca doit être chaud. Puis les coloriser aussi... ". C'était pas une petite entreprise, c'était sûr. "Puis faudrait que je m'achète un ordi aussi. Mais j'ai pas de thune du tout comme j'ai tout quitté. Puis j'ai la flemme de bosser pour en avoir. Et j'ai pas trop envie de vendre mon corps là tout de suite. Sinon faudrait que j'aille piquer dans un commerce la caisse. M'enfin je vais éviter quand même. ". Il se ferait choper comme un gland à coup sûr.

Kanata vira les quelques feuilles restantes du lit et les posa sur la table de nuit avant de s'étaler en loque sur son lit et s'étira comme s'il venait de se réveiller. Enfin, il se mit de côté et observa le geek pour continuer à parler.

Le légume miahesque semblait en effet reprendre du poil de la bête. La curiosité était la seule chose qui pouvait encore le réveiller et heureusement, elle était facile à titiller chez lui. C’était une façon comme une autre d’éviter la lobotomisation précoce. Sa proposition pour résoudre le problème de Kanata ne fut pas accueillie avec beaucoup d’enthousiasme et le garçon finit de s’asseoir avec une moue perplexe. Il faut dire que partageant la chambre de l’irlandais, il avait pris la mauvaise habitude de profiter sans vergogne de sa gentillesse quand ça l’arrangeait, et d’ironiser sur le côté saint-bernard de son colloc le reste du temps. Difficile de capter que tout le monde n’avait pas les mêmes mauvais réflexes.

"Hmm…" Répondit-il d’un ton peu convaincu à la constatation triste de Kitsune. Flairant le chaînon manquant quand ce dernier évoqua Georgia, le X-Rays se retint pour ne pas redresser les oreilles comme un animal aux aguets. C’était donc ça, l’élément qui lui faisait défaut pour comprendre l’état du japonais quand il était entré. Evitant de creuser trop la conversation dans ce sens, Jeremiah préféra rester en terrain connu et il se rapprocha à quatre pattes du lit pour récupérer les feuilles que lui passer Kanata :

"C’est cool, je savais pas que tu dessinais... Observa-t-il alors qu’il passait en revue les esquisses.

Hésitant un instant, il rouvrit la bouche pour dire quelque chose puis se ravisa. En fait, il en avait, lui, de l'argent. Ses parents, toujours dans l’ignorance de sa situation, continuait à lui verser une petite somme chaque mois pour couvrir ses frais de soit disant étudiant en informatique mais étant nourri et logé à l’Institut, ses dépenses étaient bien moindres que ce qu’il accumulait peu à peu, même en comptant ses extras en jeux et matos divers. Le geek n’allait jamais voir ses comptes, il était cependant quasi certain d’avoir assez pour équiper Kanata, mais beaucoup moins sûr du fait que c'était le genre de proposition qu'on faisait à un pote. Les questions de fric, c'était un peu compliqué, il s'en était rendu compte au fur et à mesure qu'il avait gagné en sociabilité à l'Institut.

"Attend, j’vais chercher le mien, on va faire des essais !"

Se relevant avec beaucoup plus de vivacité que ne le laissait présager son état végétatif précédent, le garçon sortit de la pièce. Il réapparut une minute plus tard son laptop dans les bras, et se posa par terre, de telle façon que Kanata-la-loque puisse suivre :

"C’est sûr que pour le graphisme c’est pas le plus adapté, mais on peut déjà regarder comment ça marche. On a qu’à faire un essai avec celui-là."

Se saisissant d’une feuille prise au hasard, le X-Rays la passa dans le scanner [ndj : dans 100 ans, j’imagine qu’on peut se permettre de dire que ce genre d’outils est intégré ._.] et en quelques clics, l’ouvrit dans son logiciel de retouche.

"Alors heu… Que je me rappelle… Bon on va ptet ouvrir l’aide aussi hein. Tu sais, si c’est trop chaud tout seul, j’crois que Jason, tu peux quand même tenter le coup. C’est pas sûr que Kala lui ait dit quelque chose, enfin en tout cas j’ai pas eu d’échos… Au pire, j’tâte le terrain avant. Je sais pas trop à qui d’autre demander sinon."
 

Le Yun apprécia le commentaire du geek. "Au début c'était plutôt pour m'occuper, ou pour dessiner un peu des mangas, des trucs de films dans d'autres positions. Je reproduisais les affiches ou les jaquettes de jeu puis bon. A force j'ai réussi à faire des trucs de tête. Mais j'ai encore du boulot je crois. " Toute façon il avait pas le talent inné pour dessiner comme un pro. Ou il avait pas fourni le boulot nécessaire aussi. Les deux surement.

Le jap eut un moment de flottement quand le geek se barra pour aller chercher son ordi portable. Mais... Il était pas explosé ? C'était quoi cette histoire... ? A son retour, il posa la question directement "Mais t'en as un deuxième d'ordi ? Alors pourquoi t'es en manque au juste... ?" C'était ptête un vieux truc. Toujours dans sa position allongée, Kanata observa ce que lui montrait Jeremiah. Ce dernier proposa de tâter le terrain. " Ouai, ça serait cool que tu tâtes si ça te gêne pas. J'ai pas trop envie de me faire envoyer chier comme une merde. Et je compte pas lui lécher le cul pour avoir ce que je veux. Je suis pas du genre hypocrite."

Se penchant un peu plus au dessus de l'épaule de Miah, le Yun observa la quantité d'options du logiciel de retouche. Un vrai bordel pour un non initié. "Rhola. C'quoi tout ces trucs... La gomme ça doit être pour virer... " Ouai. Bon. Ptête quelques icônes dont l'effet était pas trop dur à capter. Et encore. Fallait encore savoir comment ça s'utilisait. "Ouai. Je crois que l'aide de Jason sera indispensable là. P'tain. J'espère qu'il me déteste pas. Je lui ai jamais fait de crasses encore. Je vais ptête m'abstenir avec lui. " En fait il était surtout baraqué. Probablement pour ça qu'il l'emmerdait pas trop.

Kitsune s'assit sur son lit finalement. Il avait la dalle. " Ca sert à rien qu'on perde trois plombes s'il acceptera de m'aider. Si jamais il veut pas, on se cassera le cul à comprendre ça. En attendant, faut que je bouffe un truc. Tu veux venir ou je te rapporte un truc ?" Sur le coup, il avait pas envie de se retrouver face à un échec avec le logiciel de retouche. Il en avait un autre à supporter qui le pesait assez. Bouffer, c'était encore ce qu'il faisait de mieux...

Heureusement que Kanata n'était pas trop difficile car le geek n'était pas franchement très doué pour les compliments. Son truc à lui, c'était plutôt le commentaire sarcastique, mais il y avait un temps pour tout. Assis devant le petit pc, il releva un coup d'œil rapide vers le jap' et lui montra ses deux doigts dressés :

"J'en ai deux. Enfin, j'en avais deux. Le vrai, celui dont je me sers tout le temps et qui ressemble à quelque chose... Et celui-là, pour quand j'ai la flemme de me lever de mon lit pour mater un film. Mais si j'essaye de jouer à Conan avec, faut que je baisse la résolution du jeu. Tu t'rends compte ?"

Il avait intérêt, c'était un vrai crime de lèse-majesté. D'ailleurs, s'il n'avait pas été si loin, le geek l'aurait agrippé par le col de sa chemise pour bien ponctuer le drame, mais dans cette position, c'était un peu compliqué. En attendant, ils avaient du pain sur la planche et Jeremiah se passa lentement la main dans les cheveux, les ébouriffant un peu plus au passage.

"Rha l'horreur... Je sais où on recoupe... Tiens, regarde, là ça pivote... Et heu... Pfff. Ok, bon, je vais soudoyer Jay'. Comme ça il te montrera et après tu m'expliques."

Un logiciel qui lui résistait, c'était comme une injure personnelle. Ok, il n'avait pas franchement l'esprit créatif, mais il voulait au moins comprendre l'aspect technique ! Absorbé dans son ordinateur, il ne releva même pas la tête :

"Hein ? Ah heu, non vas-y tout seul, j'essaye encore un peu... Tu pourras regarder si y a des chips ?"

[Saut temporel]

jardin

Kalalli avait remarqué que la cuisine était remplie de monde qui lui poserait surement plein de question sur les compresses et l'état de ses mains. Préférant ne pas crier sur les toits ce qu'il s'était passé, il avait décidé de se rendre dans sa chambre. Josh apprécierait probablement de la discrétion à ce sujet, surtout que les sanctions n'étaient pas très agréables et faisaient un peu honte. Surtout récurer les WC.

Les mains chargées et sales, sac de cours au dos, Kala arriva dans le couloir des chambres et ouvrit la porte de la sienne avec l'aide de ses coudes afin de ne pas tâcher la poignet. Il jeta un oeil à l'intérieur. Il faisait encore noir comme quand il était parti ce matin. A croire que Kanata n'avait pas ouvert la fenêtre pour les volets ou aérer. Ca sentait le phoque en plus. Peut être que son colocataire était en train de dormir ? Quoique non quand même. C'était le début d'après midi. Et puis le matin en allant s'habiller après avoir passé la nuit chez Charis, il l'avait deviné dans la pénombre. Donc il ne devait pas être si fatigué !

L'Inuit chercha du coude l'interrupteur de la lumière et donna un petit coup sec pour l'enclencher. La chambre était vide. Kanata devait être à la cuisine en train de manger, comme d'habitude. La veille il ne l'avait pas croisé mais à en juger l'odeur, il avait bien été là cette nuit. D'ailleurs, le coin du japonnais était vraiment mal rangé. Mais le garçon préférait ne pas faire de remarque à son colocataire qui risquait de l'envoyer balader de toute façon.

De nouveau, il tenta d'actionner un interrupteur, celui de la salle de bain, à l'aide du coude. Cette fois, c'était vraiment pire que la chambre. Il y avait plein de vêtements qui traînaient. Même des sous-vêtements. C'était vraiment désagréable de vivre avec lui. Kalalli se dirigea vers la poubelle et appuya sur la pédale pour lever le capot et y jeter les compresses. Restait à espérer que son savon soit assez fort pour enlever les traces jaunes du désinfectant.

Charis se sentait l'âme... D'un zombie. Ironie. Aha. Elle n'avait à vrai dire même pas envie de rire. Juste envie de rester en retrait. C'était plus confortable. L'ennui, c'était qu'elle ne savait pas trop où se poser. Non, en fait, il y avait une multitude d'endroit où elle aurait pu se poser. Mais il y aurait certainement du monde qui passerait. C'était comme ça. Depuis leur retour du Capitole, elle restait silencieuse, la plupart du temps. En fait, elle ne voyait pas trop quoi dire. Le pire, c'était que les monstres décharnés et pourrissants accompagnés d'odeur de pourriture morbide ne l'avait pas empêché de dormir. En fait, c'était comme si elle s'en foutait vraiment de se faire manger par des trucs sortis tout droit d'un film d'horreur. Ce qui était plus pesant en revanche, c'était plutôt...

... La honte. Honte de s'être laissée avoir. Honte d'être restée piégée dans un univers de zombies. Honte d'avoir été une fois de plus impuissante. Honte d'avoir laissé sa seule peur prendre le pas sur le bon sens. Elle était pitoyable. C'était d'autant plus flagrant quand elle voyait les autres essayer de remonter la pente, de faire comme si au final ils ne pouvaient qu'en sortir grandis. Elle, elle ne pouvait pas. Elle était lasse de se battre contre des moulins à vent. C'était beau, l'idéal. Mais ça restait un mythe. Elle n'avait pas envie de faire face aux gens et de poursuivre son rôle de la fille qui encaissait bien. Alors oui, elle encaissait très bien. Nettement mieux que ce qu'elle aurait pensé. Mais on la regarderait de travers si elle disait que non, malgré le traumatisme, elle ne rêvait pas de zombies. Que non, elle ne regardait pas sous son lit avant de se coucher. Alors...

Alors à la place, elle marchait. Le temps laissé libre, elle le passait à se déplacer. On arrête pas quelqu'un quand on pense qu'il se rend quelque part. Même si elle n'allait nulle part, Charis laissait penser le contraire. Pour qu'on ne l'interrompe pas trop. Parfois, elle s'arrêtait à une fenêtre, pour voir ce que les autres faisaient. Il y avait eu du bruit, dehors. Une bagarre? Elle n'avait pas eu le temps de regarder. Elle était d'ailleurs en train de peser le pour et le contre pour retourner dans sa chambre. Ce serait sans doute bien, qu'elle aille parler avec Abaigh. Son Abeille lui semblait distante. Autant qu'elle? Charis devait mal faire les choses pour que sa douce reste lointaine. Elle s'arrêta devant la porte de leur chambre, et contempla la poignée. Aller, ce n'était pas une mauvaise idée. Abaigh devait en avoir gros sur la patate, elle se devait d'aller lui tirer les vers du nez. Pour leur bien à toutes les deux. Et puis...

Et puis elle entendit des pas plus loin. Quelqu'un montait les escaliers. Charis se pencha, assez pour reconnaître Kalalli en train de filer vers le couloir des garçons. Elle avait dû le tirer du lit ce matin. Pour rien. Il n'était pas allé en court. On lui avait demandé si elle l'avait vu et, cachant sa surprise, elle avait juste répondu un "non" parfaitement naturel. Mais Kal avait séché. Et Charis hésitait. Elle jeta un dernier regard à la porte de la chambre qu'elle partageait avec Abaigh, puis finalement... Elle s'en détourna pour aller rejoindre l'étage des garçons. La suissesse ne se pressa pas. Mains dans les poches de son jeans, elle regarda défiler les portes des différentes chambres, jusqu'à se retrouver face à celle que l'inuit partageait avec Kanata.

D'ailleurs, la porte était ouverte... La lumière allumée... Pourquoi les volets n'avaient pas été ouverts? ça sentait le mec grave, là-dedans... En plus, il y avait un sacré foutoir. Charis n'était pas un exemple d'ordre, mais tout de même... Elle poussa un peu plus la porte, fit un pas à l'intérieur. Ah, c'était l'espace Kanata qui était particulièrement en bordel. Elle avança un peu. L'eau coulait dans la salle de bain. Le lavabo, à en juger par le bruit. Elle traversa la pièce, oubliant en un sens que ça ne se faisait pas pour une fille de se balader en territoire mâle. Elle s'en foutait. Mais arrivée à la salle de bain... Elle baissa les yeux sur... Un slip (Oh, des souvenir, un slip XXL dans la jungle de Génosha!). Ah ouais, elle aurait pas dû entrer en fait. Puis elle releva les yeux sur... Kal avec... C'était du sang? Elle haussa les sourcils et demanda de but en blanc, sans même s'annoncer.

"Qu'est-ce qui s'est passé?"

Peut-être qu'elle aurait dû toquer en fait.

L'illusionniste pressa le savon avec le poignet et ouvrit l'eau pour commencer à tenter de faire partir cette maudite couleur jaune de ces mains. Autant qu'il se souvienne, ça restait collé à la peau un moment ce genre de désinfectant. Mais en général lorsqu'on en avait sur soi, c'était pour soigner une blessure. On évitait donc en général d'essayer à tout prix de nettoyer le jaune autour de la plaie. A partir de là, difficile de dire si ça se retirait rapidement. Il aurait l'air idiot avec les mains colorées... Il se concentra sur le frottement et sur la mousse.

Soudainement, quelqu'un lui parla depuis l'entrée de la salle. Kala eut un mouvement réflexe d'éloignement de la voix en observant qui était là, et tenta rapidement de cacher son sursaut. Charis lui demandait ce qu'il s'était passé. Il lui sourit et hésita à parler de Josh... Ce n'était peut être pas nécessaire.

" Y'a une nouvelle qui s'est ouverte la cuisse et je l'ai soignée juste... Mais je me suis mis plein de ce foutu désinfectant jaune là... Ca veut pas partir ! "

Il continua à frotter avec vigueur en espérant qu'elle n'était pas au courant qu'il avait séché. Il n'y avait à priori pas de raison qu'elle sache de toute façon. Il lui paraissait peu probable qu'elle l'ait suivi... Il devait être tranquille à ce sujet là.

Puis soudainement il réalisa l'état de la chambre et de la salle de bain... Ho là là. Elle allait les prendre pour des crados...

" Je suis désolé pour l'état de la chambre. C'est vraiment le souk... Ca sent le renfermé en plus... Je viens juste d'arriver. "

Il se rinça les mains rapidement à l'eau claire et les observa en les tendant devant lui. Le jaune avait diminué mais que ses mains gardaient un léger hâle de cette couleur. Tant pis. Ca se voyait à peine. Kala s'essuya rapidement les mains et alla ouvrir rapidement les volets pour laisser la lumière naturelle entrer mais ne referma pas la fenêtre.

" Kanata est pas facile à vivre tous les jours... Je sais pas pourquoi il a tout laissé fermé. Il laisse toujours ses affaires traîner partout... "

Le garçon posa ensuite son sac qu'il portait toujours au dos à côté du pied de son lit, maintenant qu'il avait les mains propres, et s'assit sur celui-ci. Chason était couché sur son oreiller, mais couvert par le drap. Il l'avait placé comme ça avant de faussement partir le matin en cours. Kalalli le regarda une seconde, puis annonça amusé à Charis :

" Il doit être content de dormir un peu seul des fois. C'est pas souvent ! "

Puis finalement, il s'interrogea sur la présence de la jeune fille. Si elle était rentrée dans la chambre, elle devait avoir quelque chose à lui dire. Non pas que ça le gêne qu'elle se permette de rentrer. S'il avait absolument voulu éviter que quiconque vienne, il aurait refermé du bout du pied la porte.

" Ca va depuis ce matin... ? "

On pouvait déjà sentir que l'air frais renouvelait celui de la pièce et une légère brise remplissait la pièce à quelques occasions. C'était agréable comparé à l'odeur de l'air confiné depuis la veille au moins. Il fallait dire que Kalalli ne dormait vraiment plus très souvent dans sa propre chambre. Ca devenait même plus rare qu'il y soit la nuit plutôt qu'il soit accueilli dans la chambre de l'hydrokinésiste. Il devait les gêner pour faire ce que les couples aiment... Il faudrait qu'il dorme ici pour la prochaine nuit. Qu'elles puissent être un peu tranquilles.

" Kanata s'est un peu approprié les lieux depuis que j'y dors moins... " conclue-t-il de l'état de la chambre et du coin asiatique.

Ah mince.. Elle aurait peut-être dû s'annoncer avant. Kal était un peu tendu. Normal, après ce qu'ils avaient vécu. Mais pour le moment, Charis était surtout occupée à fixer les mains de l'inuit, tâchées de désinfectant. Il ne semblait pas être blessé. Du moins, elle ne voyait aucune plaie apparente. Elle remonta lentement son regard dans celui de son camarade, occupé à se sécher les mains. Une nouvelle... Blessée. C'était ça les bruits qu'elle avait entendu dehors un peu plus tôt? Elle avait entendu un grognement familier avec. Josh? Elle n'en savait rien. Très arbitrairement, elle se dit que ce ne serait pas la première fois, mais aussi et surtout que Josh se contrôlait très bien. Si bagarre il y avait eu, ses instincts n'en étaient certainement pas la cause première. Enfin. Elle se faisait certainement des idées. Il n'y avait probablement aucun rapport.

Elle se risqua à un maigre sourire vaguement amusé quand Kal évoqua l'état de la chambre. C'était sans grande importance de toute manière. Selon toute vraisemblance, les affaires qui traînaient n'étaient pas celles de Kalalli. Quoiqu'en fait, pour le slip, elle ne pouvait pas savoir de toute manière. L'inuit se justifia, mais elle ne l'interrompit pas, s'écartant de son passage quand il alla écarter les volets et aérer la pièce. Non, vraiment, elle aurait mieux fait de rester dehors et de frapper. Là, elle était vraiment en train de taper l'incruste dans une zone qui ne la regardait pas. Mais en même temps... C'était pas comme si elle faisait parti du contrôle de l'hygiène, hein! Et depuis les odeurs douteuses d'Alixtide, il n'y avait plus grand chose qui puisse la choquer dans les chambres de l'Institut.

Elle posa un instant les yeux sur le sac posé au sol. Le sac à dos. Celui que Kal utilisait pour les cours. Les cours auxquels il n'était pas allé. Rien de particulier ne transparu sur ses traits. Pas de mécontentement, pas de reproches... Juste une légère inquiétude qui sembla vite s'estomper. Elle jeta un oeil en direction de la peluche fétiche de l'inuit. Il lui avait vraiment donné un nom particulier et cette pensée la fit sourire. Elle réagit enfin verbalement quand il lui demanda si ça allait. Depuis ce matin...

"Oui, très bien."

Toujours très bien. Elle ne pouvait pas en dire autant de l'inuit.

"Ce n'est pas grave... Pour la chambre."

Oh et puis zut.

"Et pour les cours non plus. Même si ce n'est pas très sage de sécher."

De fait, qui était-elle pour lui faire la morale, hein? Et puis concrètement, elle s'en fichait, qu'il suive les cours. Ce qui l'inquiétait plutôt, c'était pourquoi.

"Tu avais besoin de prendre du recul?"

Ce serait logique. Besoin d'espace. Pas l'envie d'entendre du blabla de professeur. Même si dans le fond, c'était quand même bien utile de les écouter. Elle inclina sensiblement la tête sur le côté, et s'appuya dos contre le cadre de la porte de la salle de bain.

Kalalli sourit lorsque Charis lui répondit qu'elle allait très bien. Elle était si forte. Elle ne semblait pas avoir été touchée plus que ça par la veille. Il l'admirait vraiment pour ça. Lui tentait de penser à autre chose et ça ne marchait pas toujours. Des fois il avait l'impression que tout ce qu'il essayait de refouler revenait d'un bloc. Mais cette fois, les zombies, il parvenait à penser à autre chose même s'il n'était pas dit qu'il regarde de sitôt un film d'épouvante avec des morts vivants !

Lui il essayait de faire comme si tout allait bien de son côté. C'était une façon de se convaincre que ce n'avait été qu'un mauvais moment à passer. Un vilain cauchemar qui ne méritait plus qu'on y repense. Il avait fait assez de mal. Alors autant passer à autre chose rapidement. C'était encore la meilleure façon d'oublier. Et puis le train train quotidien entre les missions reprendrait, jusqu'à la prochaine scène marquante. Et ça pour une durée inconnue. Jusqu'à ce que tout aille bien pour les humains et les mutants. Le plus tôt possible.

A force d'essayer de justifier l'état de la chambre en repoussant la faute toute justifiée sur Kanata, Charis avait fini par répondre que ce n'était pas grave. Mais c'était quand même gênant. Enfin elle avait bien du voir des vêtements traîner déjà mais ça ne faisait pas très propres... Surtout dans la salle de bain. Il faudrait quand même qu'il en touche un mot ou deux à Kanata pour les sous vêtements... Autant pour l'inuit que pour les visites impromptues.

Il sourit à Charis jusqu'au moment où elle dit que ce n'était pas grave non plus pour les cours. Qu'est ce qu'elle voulait dire ? Elle savait ? Ce n'était pas sage de sécher. Elle savait. Ou elle bluffait ? Elle voulait peut être tester sa réaction ? Non... Il ne la connaissait pas aussi fourbe. Comment est-ce qu'elle avait su ? Il pensa à nouveau qu'elle l'avait peut être suivi. Mais ça le surprenait.

Le visage de l'Inuit s'était quelque peu décomposé en réfléchissant sans qu'il y prêta attention. Reprenant un visage neutre, quoiqu'un peu déçu d'avoir raté son école buissonnière, il demanda :

" Tu le savais que j'allais pas y aller ? Tu m'as suivi ? "

Aucun ton de reproche. Juste de l'interrogation. D'ailleurs, elle se demandait également pourquoi il n'y était pas allé. Prendre du recul ? Peut être. Il l'observa silencieusement un instant sans trop savoir quoi répondre. Les idées se mettaient doucement en place. Restait à essayer de le formuler.

" J'avais pas envie. Pas envie d'y aller. Je voulais pas être enfermé en salle de classe comme dans l'illusion. Je voulais juste... "

Il baissa son regard devant lui et se concentra sur le vide pour trouver les mots les plus justes.

" Je voulais juste pouvoir choisir ce que je ferais. Ce que je verrai. Où j'irai. Avoir l'impression de pouvoir vraiment choisir sans qu'on m'impose des trucs. J'ai choisi de pas y aller. J'ai choisi d'aller en ville. J'ai choisi ce que j'y ai fait sans être contraint ou enfermé. "

Ce qui l'avait le plus marqué était finalement le fait d'être enfermé dans une illusion, lui, l'illusionniste. Être prisonnier dans une illusion. C'était déstabilisant. A force on pouvait vraiment perdre pied avec la réalité.

" Si ça se trouve je suis encore dans l'illusion. " continua-t-il plus pour lui que pour continuer son raisonnement.

Finalement il releva son regard vers elle et termina en prenant Chason sur ses cuisses pour profiter du contact agréablement doux.

" Puis je voulais pas être seul. Ici tout le monde était en cours et j'étais sensé aussi y être. Alors je suis allé dans un petit bar tranquille puis j'ai pas fait grand chose... Juste regardé la télé. "

Une vraie matinée inutile en somme. Il accumulait déjà des difficultés en cours à cause du peu de sérieux qu'il mettait dans ses révisions. Ca n'allait pas l'aider à reprendre pour avoir de bonnes notes. Ca le démotivait encore plus. Il n'avait plus envie de faire d'efforts pour tout ça. Si ça se trouvait, il allait mourir avant même de pouvoir mettre en application ce qu'il apprenait. Alors autant profiter un peu de ses moments de calme apparents.

" Mais ça va. " conclue-t-il de façon à rassurer Charis.

Il avait déjà vécu pire. Kala caressa doucement la tête de Chason puis tenta un petit sourire pour étayer ses dernières paroles.

" T'avais pas besoin de prendre.. de... faire autre chose ce matin toi ? Ca t'a pas plus marqué que ça... ? "

Il était curieux de savoir comment elle faisait pour toujours paraître si bien. Elle s'occupait toujours de lui quand il semblait ne pas aller bien... Alors comment faisait-elle pour s'occuper d'elle-même et décompresser ? C'était peut être Abaigh... Ca aidait surement beaucoup...