Mémorial de l'institut

Le corps de brindille d'Ivy se contracta lorsque la pensée d'Anna résonna dans son esprit. Si elle avait été un chat, son poil aurait sûrement été hérissé. Si y avait bien une chose que la rouquine n'aimait pas (parmi tant d'autres bien sûr), c'était quand les télépathes prenaient ce genre de libertés.
Il lui fallut donc quelques secondes pour comprendre qu'Anna lui disait des mots gentils. Ce qu'elle ne comprit pas vraiment, c'était la raison de ces remerciements. La tension qui traînait entre elles perdurait depuis la mise en place des New GenèsiX, une équipe qu'Ivy avait reniée en bloc à la mémoire des GenèsiX. Et même si elle sentait qu'elles s'aimaient toujours autant, aucune des deux n'avait fait le premier pas vers la réconciliation. C'était une chose acquise pour Ivy, bien que leur proximité d'antan lui manquât.
Comme d'habitude, Ivy ne savait pas quelle attitude adopter, un truc qu'elle aurait bien aimé que sa grand-mère lui apprenne avant de mourir. L'Irlandaise renvoya son regard à Anna sans rien dire... mais surtout, sans râler contre cette intrusion dans son esprit, avant de tourner les talons et de partir en courant dans le jardin.

Jardin

Camille vit que Georgia était plus venue pour s'excuser que pour l'enfoncer un peu plus, encore heureux, pensa-t-elle. Elle ne savait pas quoi répondre, ni comment réagir. Fallait-il qu'elle saute dans ses bras en pleurant pour s'excuser de ses malheurs ? Qu'elle lui réponde avec autant d'aménité qu'elle venait de parler à Laura ? Qu'elle continue à feindre l'indifférence pour l'amener à poursuivre son repentir ?

Elle en était là de ses réflexions quand son communicateur se déclencha. Le message la soulagea énormément - depuis...depuis LE jour, aucun professeur ne l'avait appelée pour une raison importante. Ca regonflait son ego.

Elle commença à partir, hésita, renonça, et dit simplement.

Ma réponse après que j'ai vu Sahari. Promis.

Puis elle partit à toute vitesse. Elle avait bien précisé immédiatement, inutile de la faire patienter. Si elle se dépêchait, en quatre-cinq secondes elle serait à l'entrée du bureau.

Bureau de Sahari

Georgia voulut ajouter quelque chose, protester, lui dire que Sahari ne lui faisait pas de bisous et du coup que P'tite Copine Georgia devait passer avant... Mais rien ne sortit.

la New-Yorkaise avait elle perdue de son punch et de sa gouaille ? Ou est ce que le départ en trombe de sa douce l'avait laissée sans voix ?

Ou bien, Camille était plus fâchée que prévu... Georgia était perplexe. Et perdue. Parce qu'elle ne savait plus que faire, ni où aller. Rester plantée là à l'attendre ? Se receuillir sur la tombe de son amante tombée au champ d'honneur ? Aller taquiner Kitty ? Pleurer sur l'épaule d'Ivy ?

Aussi séduisantes que pouvaient être toutes ces propositions, la New Yorkaise se dit qu'il valait mieux, une fois n'était pas coutume, se l'écraser un peu et rentrer se changer les idées...

Georgia tourna donc les talons et se mit en direction de l'Institut.

A l'intérieur de l'Institut

Le communicateur d'Anna fit alors entendre la voix d'Adam

Communicateur d'Anna a écrit:"Anna, je pense qu'il faut que nous discutions de quelques petites choses avec Jen. Je me rends à sa chambre. Veux-tu bien s'il te plaît nous y rejoindre ?"

Finalement, Camille et Georgia filèrent aussi rapidement qu'elles étaient venues du jardin pour elle ne savait quels autres endroits. Elles étaient toujours à droite et à gauche de toute manière. Et après réflexion, elle ne savait pas si demander un coup de main de la part de deux esprits aussi tordus était réellement malin.
Anna se contenta de hausser les épaules en regardant Angel. Tant pis, il n'aura qu'à trouver d'autres têtes pensantes pour son projet diabolique !

La télépathe frissonna en sentant le froid traverser le simple pull qu'elle portait. Ou bien était-ce l'état d'esprit des deux jeunes hommes qui se faisaient face depuis quelques minutes près de la piscine ? Si l'un avait voulu que les tensions s'apaisent, l'autre n'avait fait que les accentuer. Anna coupa sa connection au moment où ils se quittèrent. Ils n'en étaient finalement pas venu aux mains. Peut être que cela aurait été préférable après tout ... Se mettre sur la tronche une bonne fois pour toute et ne plus en reparler après ... La violence ne résout rien, mais elle peut parfois faire du bien, non ?

C'est le coup de com' d'Adam qui la décida à rentrer. Avec la question classique qui lui vint à l'esprit. Mais enfin, qu'est ce qu'on lui voulait ?

"Je vous laisse a vos complots. Dites moi quand vous serez prêt, que je rigole un peu ..."

Tout était bon pour que cette envie de sourire franchement revienne. Même les trucs absurdes, elle était preneuse. Son regard s'attarda quelques instants sur les premières pierres tombales. Si seulement elle avait le pouvoir de capter l'esprit des morts ... Elle tourna les talons, retournant vers l'institut.

Chambres

Finalement tout le monde partait. Bientôt, il ne resta plus qu'Angel et Ephram.
Le jeune homme se tourna vers son camarade muet.

"J'crois qu'ils sont pas trop chaud pour cette blague."

Il eut un sourire amical en sa direction et reposa son regard sur les photos. Finalement, c'était un peu morbide.Il passa sa main dans les cheveux, les ebourrifant un peu au passage, réfléchissant à ce qui s'était passé ces derniers mois et à l'entrevue entre Lucas et le tueur de sa fiancé. Il ne diposait plus d'Anna pour savoir si tout se déroulait bien.
Il eut un frisson et jetta un regard envieux vers l'Institut qui lui semblait être un divin cocon de chaleur.
"Bon, je rentre moi. Au plaisir de te revoir."

Il salua le jeune homme et partit à grandes enjambées vers l'Institut.

Tout le monde partait et l’air décontracté d’Angel le fit sourire. Anna s’en alla aussi et il lui fit un signe de la main. Il avait « discuter » avec deux de ses nouveaux coéquipiers. C’était une bonne chose, et même s’il ne les connaissait que de vue, il lui tardait de faire plus ample connaissance. De nouvelles perspectives s’offraient à lui avec la permission de pouvoir donner quelques petits cours de langue des signes, Ephram aurait tôt fait d’avoir un autre moyen de communication que l’écriture. Cela le soulager quelque peu et s’il avait pu parler il aurait lancé un fabuleux cri d’espoir. Pour que se perpétue la mémoire de ceux et celles qui étaient morts pour eux. Pour l’Institut.

L’australien sourit à Angel et lui fit un signe de la main pour lui dire au revoir alors qu’il s’éloignait à grands pas vers l’Institut. Une personnalité originale, comme la plupart des étudiants ici. Ephram avait voulut signer son accord à propos de ce qu’il venait de dire, mais trop tard. Vraiment il avait hâte de vivre de nouvelles aventures. Il se demandait si le projet farfelu d’Angel allait porter ses fruits, en tout cas se serait une bonne partie de rigolade. Portant son regard sur la tombe de River, puis sur les autres, un léger sourire planant sur son visage encore enfantin, il se détourna pourtant et resserrant sa veste autour de lui il regagna la chaleur ambiante de l’Institut. La journée n’était pas finie.

Institut

[ Jardin]

Tenant la main de Wind, Kitty arriva devant le mémorial de l'Institut. Elle marchait doucement afin de faire attention à ne pas tomber. Mais elle ne vit pas la flaque d'eau et son pied glissa. La petite fille se retrouva assise par terre. Mais ses fesses rencontrèrent un petit caillou. La fillette se releva instantanément et se gratta la fesse gauche. C'est que ça faisait un peu mal quand même et elle se retrouvait avec de la terre sur son jean propre. Kitty finit de s'épousseter en regardant Wind. Elle se sentait un peu bête d'être tomber comme cela. Puis après lui avoir fait un sourire gêné, elle se dirigea vers la tombe de Gabriel. La petite fille regrettait de ne pas avoir demander à Ivy de lui faire apparaitre des fleurs. Kitty s'accroupit devant la tombe et la regarda d'un air triste. Elle ne comprenait pas pourquoi le sort s'acharnait ainsi sur elle. Après avoir perdu ses parents adoptifs, c'était le tour de son tuteur. La fillette ne put s'empêcher de verser une larme. Elle regarda la tombe de River qui se trouvait juste à côté. La petite télépathe se tourna vers Wind et lui demanda alors :

"Wind, pourquoi ils ont remplacé parrain si vite ? Maintenant tout le monde va l'oublier vu qu'il y a de nouveau professeurs. Et moi je ne veux pas l'oublier. Je ne veux pas qu'il soit remplacé."

Kitty baissa les yeux sur la tombe de Gabriel et garda le silence pendant quelques minutes puis elle murmura :

"Parrain, tu me manques beaucoup. Aujourd'hui on a eu la réunion de rentrée et j'ai intégré une nouvelle équipe. La vie reprend peu à peu, mais moi je veux pas oublier ce qu'il s'est passé. Je suis désolée de pas avoir été là pour te protéger comme pour River aussi. Je te jure que ça arrivera plus. Je ne veux plus perdre personne."

La petite JustiX était persuadée que son tuteur l'entendait de là où il était. Une larme roula sur la joue droite de la fillette. Accroupi devant la tombe, Kitty attendait la réponse de Wind. Elle avait toujours les yeux rivé sur la pierre tombale grise.

[ Jardin]

Wind avait voulu retenir la petite fille quand elle glissa, mais manifestement, l'étreinte qu'elle avait eue jusque-là sur sa main n'était pas suffisante, et Kitty se retrouva à terre. Rien de bien grave, mais une légère douleur au postérieur, et de la terre sur des vêtements jusque-là propre... et sans doute une petite blessure à l'égo aussi, en témoignaient le regard et le sourire embarrassé qu'elle lui adressa. L'anglaise lui sourit en retour tâchant de se montrer rassurante, avant que sa protégée ne se dirige vers la tombe de son défunt parrain.

Elle-même s'approcha de celle de sa cadette, avoisinante, et s'assit à même la stèle. Elle avait été soulagée de voir l'endroit désert. Il y avait d'autres personnes qui venaient encore régulièrement, et elle n'avait pas vraiment envie de croiser leurs regards, ni de devoir leur parler. Ces moments-là n'appartenaient qu'à elle. Pas même à Kitty, pourtant accroupie non loin d'elle. La main de la londonienne se posa sur la pierre froide, son visage tout aussi attristé que celui de la petite fille à côté.

Kitty lui posa une question quelque peu délicate, et elle tourna la tête vers elle, le reste de son corps ne semblant plus vouloir se mouvoir.

- Kitty...

Elle inspira et expira profondément. C'était difficile à expliquer à l'enfant, et elle comprenait qu'elle en arrive à cette conclusion. Mais à ses yeux, s'il était nécessaire de combler les effectifs du corps professoral, il était évident qu'il ne s'agissait pas d'oublier le tuteur de la petite JustiX.

- Pourquoi ils ont remplacé le Professeur Layne si vite... Tu sais... Pour nous tous, il était important. Pour toi, pour les AtomiX, pour tous ceux qui l'ont connu. Simplement... Ils ne pouvaient pas rester en sous-effectif, avec le Docteur Fleury en vadrouille de surcroît, et avec toutes les nouvelles arrivées. Ca n'est pas qu'ils n'ont pas voulu faire le deuil de ton parrain. C'est qu'ils n'ont pas trop eu le choix. Ca n'est pas parce qu'il y a de nouveau professeurs que nous allons l'oublier...

Il n'y avait pas grand chose à ajouter, et elle n'était pas sûre d'avoir eu l'effet escompté sur la petite télépathe. Celle-ci s'adressait à son défunt parrain, à voix basse, et l'anglaise vit une larme rouler sur sa joue. Elle tendit la main et sécha les pleurs de sa colocataire. Il n'y avait rien à dire, rien en tout cas qui lui vint à l'esprit.

Elle reposa finalement le regard sur la stèle, puis ferma les yeux. Sans doute qu'on l'avait déjà vue ainsi, comme il ne se passait pas une journée sans qu'elle vienne ainsi, une demie heure, une heure, plus, moins, auprès de ce qu'il restait de sa cadette : une pierre froide et parfois quelques fleurs. Elle ne parlait pas, gardait presque toujours les yeux clos. Elle restait juste là. A se répéter mentalement les mêmes mots, si tant est qu'elle eût pu les partager en pensée avec sa cadette. Même de ça, elle doutait fortement à présent. Est-ce qu'il y avait vraiment un après ? Elle n'en était absolument pas certaine... Mais elle avait besoin de ces moments-là.

*Riv... Je suis désolée... De n'avoir pas pu retenir Wood, de n'avoir pas pu te protéger. J'aurais sans doute dû vous ramener tous les deux à la maison, comme j'étais censée le faire à l'origine... Je ne peux pas revenir en arrière... Le pire... Le pire c'est qu'aujourd'hui, même si je le pouvais, je ne sais pas si je reviendrai jusque-là, si je nous empêcherai de venir ici. Si je pouvais, je ferai tout pour que tu ne subisses pas ce que tu as subi... Mais je ne voudrais pas effacer ma rencontre avec Iacobo. Où que tu sois, à présent, tu dois m'en vouloir, n'est-ce pas ? Je t'imagine me demander avec force cris si j'ai perdu la tête... Peut-être bien que c'est le cas... Peut-être que je suis folle.*

Elle rouvrit les yeux, remarquant seulement les graines qui jonchaient la pierre, vestiges du passage d'Ivy le matin-même, bien qu'elle l'ignorât. Son regard erra sur les autres stèles, sur les autres noms.

*Enzo... C'est étrange comme quelqu'un qu'on ne connaît que peu peut tant nous manquer, hein ? C'est dans ces cas-là qu'on se dit qu'on aurait dû prendre plus le temps de se parler... Ciao Stallone.*

Un sourire nostalgique effleura ses lèvres. L'étalon. C'était comme ça qu'il s'était présenté la première fois qu'elle l'avait vu. Leur arrivée à l'institut lui semblait à des milliers d'années lumière, et pourtant seuls six petits mois s'étaient écoulés. Elle les revoyait, tous, dans la cuisine. Ceux qui étaient partis, comme Wood et Tim, et Pablo, ceux qui étaient morts, comme lui et sa cadette...

*Une éternité...*

Son regard suivi la rangée de tombe, et elle passa le plus rapidement possible sur celles de Luna, Alexander et Louis, avant de s'arrêter sur celles fraîchement fleuries.

*Ivy ?*

Evidemment. Qui aurait pu faire pousser autant de lierre en une nuit ? Sans le savoir, elle eut la même pensée que la fillette à côté d'elle : elle aurait dû amener des fleurs. Pas une fois, elle n'avait fait cette démarche. Parce qu'à la base, elle ne pensait pas avoir besoin d'une telle "offrande" pour avoir le droit de venir se recueillir sur la tombe de sa cadette. Mais à voir la pierre nue, elle songea à son tour que quelques fleurs atténueraient sans doute un peu la morosité des lieux.

*Je t'en ramènerai. Du fleuriste du centre commercial ou made by Ivy, ça sera selon, mais je te le promets.*

- Tu viendras avec moi ? demanda-t-elle alors à Kitty, avant de réaliser qu'à moins d'avoir lu dans ses passées (ce qu'elle espérait bien qu'elle n'ait pas fait), elle ne pouvait pas savoir de quoi elle parlait. Je pensais qu'on pourrait ramener quelques fleurs pour River... et le professeur Layne.

Bon, son hésitation avait dû s'entendre. Elle songeait en premier lieu à sa cadette, mais en définitive, songea que la plupart des tombes, en fait, auraient peut-être besoin d'un peu d'ornement.

- Et pour tous en fait... Pour Enzo, et Luna, et Louis, et Lyu, et Alexander, et Myou, et même ceux que je n'ai pas ou peu connus...

Pour les autres, elle ne savait pas encore quelles fleurs elle choisirait... elles choisiraient, si la petite fille acceptait de l'accompagner. Mais elle savait d'ores et déjà pour lesquelles opter pour celle de River...

Kitty n'avait pas cesser de fixer la tombe de Gabriel alors que Wind lui répondait. Elle comprenait ce que la jeune femme lui disait mais la petite fille avait du mal à l'accepter. Pourtant il allait falloir l'accepter. Sa grande essuya les larmes qui avaient commencer à rouler sur ses joues. Ce geste eut pour effet que la fillette reporta son attention sur elle. Le silence s'était imposé de lui-même dans ce lieu de recueillement. Voyant son ainée fermer les yeux, la petite JustiX regarda le mémorial. Elle ne comprenait pas qu'il y ait tous ces morts. C'était injuste que les autres les détestent autant. C'était comme cette loi que ses parents avaient créé et qui avait été voté.

Maintenant cette loi existait vraiment. Quelques mois plus tôt, Kitty avait espéré que cela ne serait pas le cas, qu'ils allaient changé d'avis. Mais cette loi était bien réelle et avec elle, la petite fille avait compris que rien de redeviendrait comme avant. Elle ne voulait pas que d'autres enfants connaissent la douleur qu'elle avait ressenti quand ses parents adoptifs l'ont abandonné. Tout ça parce qu'elle était différente. C'était injuste de faire ça à des enfants. Mais elle ne pouvait rien faire contre ça. La voix de Wind la tira de ses sombres pensées. La fillette se tourna vers sa grande soeur. Elle lui proposait d'aller acheter des fleurs pour mettre sur toutes les tombes. La petite fille répondit à son ainée :

"Oui, je veux bien t'accompagner. On leur prendra des belles fleurs. Je suis sûre que ça leur ferait plaisir."

La fillette regarda les différentes tombes. C'est vrai que cela donnerait un peu plus de couleur et que ça ferait joli. Kitty ne savait pas encore quelle type de fleurs elle prendrait pour son parrain. Elle choisirait une fois sur place et Wind l'aiderait surement à faire le bon choix. La petite télépathe se rappela qu'elle avait une question à poser à sa grande soeur. Vu qu'elles étaient toutes seules alors autant en profiter. Après quelques minutes de silence, la fillette reprit :

"Wind j'ai une question. C'est quoi un droit de cuissage ? C'est Georgia qui a demandé à Hjördis si elle avait exercé son droit de cuissage sur elle."

Kitty s'assit par terre et attendit la réponse de la jeune femme. De toute façon son jean était déjà tout sale donc un peu plus de terre n'allait pas aggraver la chose. Fixant Wind de ses grands yeux gris curieux, la petite télépathe attendit sagement.

Wind hocha la tête quand la petite fille accepta de l'accompagner pour fleurir les tombes. Elle n'était pas tout à fait certaines que les résidents éternels de ces pierres puissent encore émettre un jugement sur leur action, même si elle ne pouvait s'empêcher de 'parler' à sa manière à sa cadette défunte, mais elle n'en soufflât mot. Chacun ses croyances, et quelque part, elle enviait presque la petite fille à ses côtés : ça avait quelque chose de rassurant que de croire à un après. Elle, elle n'avait plus que des doutes... Et pourtant, les habitudes avaient bel et bien la vie dure, puisqu'elle ne pouvait s'empêcher de revenir 'voir' River et qu'elle lui avait promis de lui ramener ses fleurs...

Elle sursauta cependant bien malgré elle quand Kitty lui posa sa question. Evidemment, ça venait de Georgia, il n'y avait bien que la yankee loufoque pour utiliser une expression pareille... Mais comment allait-elle expliquer ça à la petite JustiX maintenant ? Elle cligna une fois, deux fois, trois fois des yeux comme pour se convaincre qu'elle avait bien entendu 'ça', puis inspira profondément.

- J'avoue que si on m'avait dit que je devrais t'expliquer ça aujourd'hui, je n'y aurais pas cru... C'est une expression assez ancienne, et on n'est même pas certain de son fondement historique... Georgia a dit ça à Hjordis ?

L'anglaise ne put réprimer un léger sourire... Décidément, la yankee n'en loupait pas une. Et puis elle songea qu'elle avait fini par remplacer River, trouver une autre tête de turc à embêter, et son sourire s'effaça. Elle secoua légèrement la tête pour chasser cette idée, et chercha un instant les mots qu'elle pourrait employer pour donner une telle explication à une enfant de douze ans...

- Et bien... C'est censé être le droit qui permettait à un seigneur, un roi, de... passer la première nuit de noces avec la femme d'un vassal ou d'un serf... euh... d'un chevalier sous ses ordres ou d'un esclave... On n'est pas sûr que ça ait vraiment existé, toutefois. Et en ce qui concerne Georgia, j'imagine qu'elle pensait surtout aux baisers qu'elle a l'habitude de voler aux filles de l'institut...

*River particulièrement... avant...*

Visiblement, elle n'était pas très à l'aise avec le sujet, même si elle avait tâché de l'expliquer simplement et calmement à la petite fille, comme elle l'avait toujours fait en fait. Ca ne servait à rien les phrases toutes faites du genre 'c'est pas de ton âge', à son avis. Mais ce qui l'embarrassait davantage, c'était de se rendre compte que finalement, Georgia, elle, avait réussi à tourner la page, à aller de l'avant. Ce que, malgré cette journée riche en rebondissements - et loin d'être terminée - elle n'arrivait pas à faire, elle...

Nora Winter se rapprochait des pierres tombales. Elle parcourut tous les noms avant de se rapprocher de Wind et de Kitty. Nora avait besoin de prier pour Greg dont les images de mort l'obsédaient et aussi de présences vivantes. Nora murmura un "'jour" timide et leur offrit un sourire de compassion. Une larme coula pour accompagner leur tristesse.

Comment un lieu si paisible et d'une beauté décalée à celle de la vie des hommes pouvait être remplie de tant d'émotions que seules les personnes sensible étaient capable de détecter.


Elle perçut quelques mots de leur conversation sans désir d'écouter par politesse. Peut-être que ce n'était pas le moment de saluer. Décidément, Nora était vraiment perturbée. La mort d'un petit ami qu'elle voulait quitter, sa rencontre avec un garçon très gentil qui ne dura guère longtemps et son arrivée ici, parmi les mutant. Allait-elle vraiment développer son don ? Et son futur ? Et ce tueur. Elle parut absente quelque secondes et apeurée. Elle sursauta soudainement en cherchant Juan et les deux filles du regard, ayant l'impression de gêner et de ne pas être à sa place.

Kitty comprenait ce que lui répondait Wind. Mais elle trouvait cette expression pas vraiment jolie. De plus, la fillette ne comprenait pas vraiment comment une fille pouvait aimer une autre fille. Dans sa famille adoptive ce n'était pas vraiment un sujet que l'on abordait. Satisfaite de cette réponse, la petite télapthe se leva et regarda une dernière fois les tombes. C'est vrai que cela manquait de fleur et elle était persuadée qu'en avoir ferait plaisir à leurs anciens camarade et à son parrain. Et oui, elle croyait qu'il y avait quelque chose après la mort et que de là-haut Gabriel la regardait. Ainsi que les anciens élèves de l'Institut. Puis Kitty reprit doucement :

"Parrain je vais devoir y aller. Je reviendrais dès que je peux."

Puis la petite JustiX se tourna vers sa grande soeur et lui dit :

"On va y aller maintenant acheter les fleurs ?"

A ce moment là, la fillette vit Nora qui se trouvait pas loin d'elle. Elle pensait que la jeune fille serait rester avec Juan. Mais apparemment ce n'était pas le cas. Kitty regarda Wind et lui fit un petit sourire. Puis elle se tourna vers Nora et lui dit :

"T'es pas avec Juan ? Viens on va te conduire à ta chambre. T'es d'accord Wind ? On ira au centre commercial après."

La petite fille avait repris un peu de sa joie de vivre. Parler avec Wind de son ressentit envers les nouveau professeurs lui avait fais du bien. Après avoir eu la réponse de sa grande soeur, la fillette s'avança vers Nora et rajouta :

"Aller viens, on va te montre les chambres et l'Institut.

Sans attendre vraiment la réponse de la jeune fille, Kitty lui prit la main et l'entraina à l'intérieur de l'Institut. Elle ferait tout pour que son parrain soit fière d'elle de la où il était. Elle ne voulait pas tourner la page, mais elle se demandait si être triste aller servir à quelque chose. C'était vraiment dur de grandir, mais avait-elle le choix ? Pas vraiment apparemment. Jetant un regard pour vérifier si Wind les suivait, la petite télépathe se dirigea vers le bâtiment.

[ Institut saut temporel]

Manifestement, Kitty était satisfaite de sa réponse, ce qui soulagea l'anglaise... Difficile de répondre "facilement" à ce type de question, et à toutes celles qu'elle pouvait soulever. Rien que la présence du couple Georgia/Camille pouvait en faire émerger un certain nombre, et elle hocha seulement la tête quand la petite fille se tourna de nouveau vers la tombe de son parrain, laissant de côté ce sujet pour le moins épineux. Elle s'adressait à lui comme s'il avait pu l'entendre, et quelque part, elle l'enviait : elle pensait visiblement qu'il se trouvait quelque part, dans un ailleurs avec les autres. Et sans doute qu'un jour, elle irait les rejoindre. Si cet ailleurs existait vraiment. Ce dont la londonienne doutait, bien qu'elle ne l'évoquât pas.

Elle allait répondre oui à sa protégée quant à se mettre dès à présent en quête de fleurs, quand celle-ci attira son attention sur une jeune fille brune, non loin d'elles. La blonde n'appréciait pas trop la compagnie dans ces moments-là, mais elle n'en montra rien : la nouvelle n'était pas censée savoir ce qui s'était passé, ni son mode de fonctionnement et son besoin de solitude, dont elle ne faisait exception que pour la fillette à ses côtés.

- Bien sûr, fit-elle avec un léger sourire, avant de se lever à son tour pour joindre le geste à la parole. Rien que pour l'enthousiaste de la petite JustiX, elle pouvait laisser de côté quelques temps l'idée de fleurir les tombes des défunts. Allons-y...

Et elle suivit la brunette, entraînée par Kitty, vers l'Institut, ignorant encore que leur projet floral serait remis à... bien plus tard.

[ Institut Briefing impromptu Chambre de Chris ellipse temporelle...]

Hall

Elle… Oui, elle était la seule à réellement pouvoir comprendre la peine de Lucas, sa détresse actuelle. Ils avaient subi des tensions, dans leur couple, à cause de l’amour inconditionnel qu’il portait pour Cassandre, cette passion dévorante qui étreignait ses pensées et son affect lorsqu’il croisait la charismatique aveugle de l’institut. Elle était la seule à pouvoir entendre ces mots… River, cette très chère petite anglaise blonde au sourire ravageur. Même défunte, elle était toujours présente, pour Lucas, toujours active dans une petite part de son cerveau et de son cœur. Il ne pouvait pas tirer un trait sur ce qu’ils avaient vécu, tous les deux, et à leur brutale séparation.

Sous l’orage et la pluie, sans veste ni manteau, il se rendit donc au mémorial de l’institut, auprès de la sépulture glacée de River Smith. Détrempé, les larmes aux yeux, il s’agenouilla sur la pierre tombale et resta prostré un instant, dans un silence pesant et douloureux. Quels mos choisir ? Cela faisait longtemps qu’il avait cessé ses visites quotidiennes sur la tombe de la demoiselle, et ressentait un certain malaise à s’y retrouver de nouveau. Cette journée était un peu…hors du temps, hors de sa vie, trop étrange pour être considérée comme normale…

Puis il rouvrit ses yeux gris et caressa le marbre du revers de la main, avant de parler d’une voix tendre, basse, lente…

« Elle sait. J’ai finalement eu le courage de lui annoncer. J’ignore encore comment prendre sa réaction, je ne savais pas à quoi m’attendre en lui rendant cette visite. Je… je crois qu’elle pourra comprendre, même si ça n’est peut-être pas encore le cas actuellement. »

Que devait-il dire d’autre ? Il n’en savait trop rien, River était comme omnisciente, et il fut heureux de retrouver ce lien perdu. Il sourit un peu en poursuivant, toujours aussi tendrement.

« Jade aussi comprendra. Je ne sais pas si je dois lui dire, ou si le temps fera qu’elle comprendra… Comme toi… Et je sais que ça ne gâchera en rien nos moments à deux, notre relation. Elle saura faire la part des choses. Je… je crois bien que je suis amoureux, même si je ne lui ai pas encore dit. Et c’est merveilleux de pouvoir t’en parler aussi naturellement. Jade mérite beaucoup d’attention, c’est une fille bien, elle est adorable… Je crois sérieusement qu’on peut construire quelque chose, elle et moi. C’est là que j’ai trouvé la force d’aller voir Cassandre, aujourd’hui. Sans que cela ne disparaisse, je voulais que ça s’arrange… »

Sourire encore plus présent, et encore plus emprunt de tendresse. Il n’était pas seul, River était avec lui. Et Jade aussi. Et il eut soudainement envie de la voir, de lui parler, de l’embrasser… Il sortit son communicateur et se brancha sur la fréquence de Jade :

« Jade ? Tu pourrais me rejoindre, là maintenant ? Je suis au mémorial… »

Il ne savait pas si elle allait venir ou non. Il ne voulait pas la déranger, même s’il espérait ardemment son arrivée. Parler à River lui avait fait un bien fou, et il se sentait rassuré, rasséréné, apaisé…

Sous la pluie, il se redressa pour épier la porte d’entrée de l’institut, au cas où Jade sortirait…

Salon Chambre

Jade était passée dans sa chambre récupérer en vitesse un manteau et un parapluie. Sa tendance à la paranoïa s’accrue à mesure qu’elle marchait. Elle s’énuméra les raisons qui faisaient que Lucas avait besoin de la voir dans un endroit si triste, cherchant à se rassurer, mais une part d’elle paniquait totalement à l’idée qu’il lui annonce la fin de leur histoire. C’était certes très poussé, mais Jade avait cette manie de penser toujours au pire en se fiant aux impressions que lui donnaient, une voix, un regard ou un texte écrit. Aussi étrange qu’il avait pu paraître cette dernière heure, il avait été tout à fait charmant avant cela, et n’avait pas donné d’impression de vouloir prendre de la distance ou quoi que ce soit de ce type. Ceci empêcha Jade de craquer complètement et de fondre en larmes. Pourtant, on ne pouvait pas dire non plus qu’elle se sentait bien.

Ouvrant la porte de sortie de l’Institut, Jade sortit sur le palier tentant d’apercevoir quelque chose à travers l’horizon bariolé de trainées pluvieuses. On ne voyait pas très bien, et le temps n’était vraiment pas rassurant. Quelle folie avait eut Lucas de vouloir sortir par un temps pareil? Il fallait vite qu’elle le trouve pour le ramener à l’intérieur. Quoi qu’il ait à dire, elle préférait éviter de se faire foudroyer. Un éclair sillonna le ciel, et c’est après lui que Jade décida de s’engager à travers le jardin. Elle ferma bien son manteau, ouvrit son parapluie et démarra à marche rapide. Se rapprochant du mémorial, elle lança des regards nerveux tout autour d’elle. Le bruit des gouttes de pluie sur son parapluie était assourdissant, et on ne voyait pas à 2 mètres. Le mémorial était finalement assez grand car les pertes avaient été nombreuses. Jade décida logiquement de se diriger vers la tombe de River, passant devant celle de Lyu, devant laquelle elle ralenti la cadence, s’arrêtant presque un instant, les yeux fixés dessus. Cela faisait un certain temps qu’elle n’y était pas venu, et quelque chose lui disait qu’elle aurait à le faire dans peu de temps…

Et enfin, elle le vit! Devant la tombe de River, seul, complètement trempé et sans aucune protection. Les yeux de la jeune fille s’exorbitèrent et sa bouche forma un O. Une fois la stupeur passée, elle couru presque pour le rejoindre le plus vite possible. Elle passa son parapluie au dessus de la tête du jeune homme afin qu’ils soient tous les deux protégés et passa sa main sur son visage, essuyant la pluie qui y ruisselait.

"Mon chéri! T’es fou de sortir comme ca!" Son ton n’était pas vraiment moralisateur, et elle ne le grondait pas non plus. Elle était plutôt inquiétée par ce comportement de plus en plus étrange. Elle embrassa Lucas avant qu’il n’ait pu lui répondre quoi que ce soit. Puis elle repassa une main dans ses cheveux mouillés et frotta sa main dans son dos, comme pour le réchauffer. Un dernier bisou sur la joue pour la route, puis elle le regarda fixement dans les yeux, fronçant les sourcils.

"Il faut rentrer se mettre à l’abri! Ca va pas? Tu me fais peur…"

Lucas paraissait être dans un état second. Un sourire béat ne quittait pas son visage. Mais au lieu de rassurer Jade, cela avait plutôt pour effet de l’inquiéter d’avantage. Quelque temps plus tôt, il l’avait rejointe dans le salon et son comportement était tout ce qu’il y avait de plus normal, jusqu’au moment où il quitta la pièce et que pour une raison toujours indéterminée, il avait changé depuis. Elle ne l’avait pour ainsi dire jamais vu comme cela. Il paraissait perdu, au milieu du mémorial, comme si on l’avait déposé là et qu’il ne cherchait pas non plus son chemin plus que cela, tellement l’endroit avait été bien choisi. Jade n’obtint pas vraiment de réaction de sa part lorsqu’elle le questionna. Son sourire, si persistant fut quasiment la seule réponse qu’elle obtint… plus trois mots, simplement. Pourtant cela suffit à la jeune fille pour que son stress diminue considérablement. Mais que voulait il finalement, il semblait tellement… ne rien vouloir, en fin de compte… Sa présence?

Soudain, la main de Lucas écarta celle de Jade qui tenait son parapluie. Jade était plongée dans le regard de son petit ami et ne prêta pas attention à la chose. Il avait cette façon de l’hypnotiser parfois, elle était juste captivée par ses yeux gris, les plus beaux qu’elle n’avait jamais vus. C’est alors qu’une goutte d’eau vicieuse vint se coller juste dans le coup de la jeune Française, qui dut revenir à la réalité. Dans un réflexe, son cou se recroquevilla dans le col de son manteau, qui n’avait plus rien de sec et réconfortant. Elle resta figée dans une expression de stupeur pendant un moment, les yeux exorbités et la bouche grande ouverte. Mais pendant ce temps, le visage de Lucas se rapprocha dangereusement de celui de Jade, qui eut juste le temps de façon à accueillir le doux baiser de son cher et tendre. Et à cet instant, la foudre tomba à nouveau à l’horizon et le cœur de Jade battit la chamade. Ici, à quelques pas de leurs amours perdus, Jade et Lucas construisaient quelque chose qui semblait de plus en plus fort. Pour Jade, il n’avait jamais été aussi peu question que tout ceci s’arrête. Elle était mouillée mais heureuse de l’être en de si bonne compagnie.

De nouvelles paroles de Lucas vinrent étayer le son de la pluie et du tonnerre. Ses paroles restaient simples et en même temps très clair. Un frisson parcourut le dos de la jeune fille quand Lucas la rapprocha contre lui. D’un geste doux, mais qui ne laissait aucune alternative, Jade laissa tomber son parapluie au sol et accepta sans aucune retenue, l’étreinte de son petit ami. Elle était désormais également trempée. Elle qui avait peur pour la santé de Lucas, se retrouvait maintenant à armes égales avec lui. De plus, elle avait sur le visage le même sourire étrange que lui… C’était simple, elle venait d’atteindre le même niveau émotionnel que lui et ils étaient exactement sur la même longueur d’onde. C’était simplement grisant. Pourquoi s’embarrasser d’un parapluie, alors que l’occasion était si unique. Le contexte n’était pas si dénué de romantisme. Après tout, qui avait décrété que la pluie et les éclairs étaient désagréables… Elle, entre autre… Quelques minutes plus tôt…

Et puis, ce furent les mots fatidiques. Ceux voulaient tout dire et rien à la fois. Ceux que certains attendaient sans jamais les entendre et que d’autre redoutaient pour tout ce qu’ils signifiaient. Jade les avaient déjà entendus, d’autres bouches, mais pas de cette manière. Elle réalisait d’ailleurs à peine que c’était la première fois que Lucas le lui disait. Ses gestes et ses attitudes envers elle avaient largement compensés les mots à tel point qu’ils étaient devenus inutiles. Cependant, ils venaient d’atteindre leur pleine puissance en un instant, comme une révélation. Collée contre son petit ami, elle se détacha doucement jusqu’à être le visage à quelque centimètres du sien. L’eau coulait sur son front emportant son eye-liner au détour des yeux. Le jeune fille le regarda sans rien dire, elle ne souriait plus. Elle passa sa main dans ses cheveux et tenta tant bien que mal d’essuyer son visage d’un revers de main. Elle n’avait pas sorti un mot depuis un moment, et ne comptait pas rompre cet état de fait, aussi laissa t-elle parler son corps. D’un coup elle se leva légèrement sur les pieds de manière à s’embarquer dans un nouveau long baiser fougueux pendant de longues secondes durant lesquelles le parapluie au sol était maltraité par le vent et la pluie et se déplaçait à travers le mémorial.

Incapable de former des mots, elle venait de lui répondre, à sa manière. Elle savait qu’elle avait par le passé trop abusé de ces mots magiques, qui avaient perdus de la valeur de sa bouche. Une vague de chaleur l’envahit et elle regarda à nouveau son compagnon. Pour le moment, ni cache-cache, ni chasse au trésor n’avait cours, car son trésor, elle l’avait déjà trouvé…C’était lui, c’était le bon, tout était clair à présent. A cet instant, plus rien d’autre n’avait d’importance. Elle prit Lucas par la main et l’emmena en direction du bâtiment, sans le quitter des yeux. C’était l’homme de sa vie, elle le voulait entièrement, et être entièrement à lui. Elle lui avait déjà donné son cœur, il lui restait encore une chose à lui offrir…


Saut Temporel

[15 Main 2109]

Les évènements du procès de Génosha avait complètement traumatisé le lupin. Il avait été pris a parti avec son camarade de chambre pour leur différence physique, roué de coup, jeté dans une arrière-boutique dont il s'était échappé alors que les humains en colère projetaient d'y mettre le feu. Il avait eu peur comme jamais pour sa vie et en portait les séquelles. Le lendemain, il avait passé la journée dans sa chambre sans aller en cours, recroquevillé et tout tremblant sur son lit, dans le noir complet. Il n'avait rien avalé non plus depuis son retour. Ses nuits avaient été ponctué de cauchemars dans lesquels il se retrouvait pourchassé par une dizaine de clones du comte armés de fusils de chasse et dont les chiens ressemblaient comme deux gouttes d'eau a son double bestial. Il se réveillait en sursaut une fois qu'il se sentait mourir criblé de balles.

Il n'alla pas non plus aux cours du matin du second jour. Puis les journées passèrent. Il s'alimenta très peu, entreprit de revenir en cours, mais ne sortit pas de sa chambre l'après-midi pour autant. Il apprit par la suite qu'il était attribué ce mercredi a la corvée de jardinage. Josh jeta un regard furtif a la fenêtre, ouvrit légèrement les volets et observa le temps qu'il faisait a travers la petite ouverture. Il faisait grand beau... Le lupin soupira. Il n'avait pas du tout envie de sortir dehors, mais il fallait qu'il se change un peu les idées. Après un long moment d'hésitation, il se décida enfin a mettre le museau dehors. Il s'habilla simplement de son traditionnel bermuda marron, préféra ne pas mettre de t-shirt et partit.

Josh sortit de sa chambre en regardant de tous les côtés, comme s'il s'attendait a se faire attaquer a tout moment, puis descendit silencieusement l'escalier pour rejoindre le jardin. Dans un petit cabanon, il récupéra tous les outils nécessaires a l'entretien du jardin, a commencer par un râteau pour ramasser les feuilles mortes de la saison précédente. Puis il commença a ratisser le grand jardin. Même pendant le travail, ses gestes semblaient mous, sans aucune conviction, et son regard paraissait vague. Le lupin était perdu dans ses pensées et n'arrivait pas a s'empêcher de ressasser cette journée tragique.

Il arrosa négligemment les plantes qui en avaient besoin, puis se dirigea, râteau en main, vers le mémorial. Josh s'approcha suffisamment pour y lire les noms gravés dessus. Dire qu'il aurait pu y figurer il y avait un mois de cela. De sombres pensées firent leur bout de chemin pendant qu'il posait son outils. Il cracha sur la stèle et l'essuya d'un revers de bras pour en chasser la poussière et la crasse. Josh soupira longuement, plus mélancolique que jamais.

Saut Temporel.

Dès son retour à l'Institut, il fut facile pour la muette de deviner que les évènements entourant le procès avaient touchés beaucoup plus certaines personnes que d'autre. Et, sans vouloir être égoïste ou sans coeur, Claire n'était pas triste que cette fameuse journée se soit, somme toute, pas si mal passée. Certes, rien n'était parfait. Certainement pas le monde. Mais elle avait de loin préféré sauvé quelques personnes dans un centre commercial que ce que des gens avaient vécu, essentiellement sur Génosha.

Génosha... Elle n'y avait pas remis les pieds, et elle n'était pas pressée de le faire. Si ce n'était pas le mois dernier qu'elle avait eu sa dose d'émotions, c'était lors du triste évènement qui avait tout commencé. Inutile d'entrer dans les détails... La moindre pensée de cette journée la faisait frissonner de la tête aux pieds, et lui laissait un arrière-goût désagréable. Elle avait passé combien de temps à ne plus vouloir dormir de peur d'entendre le cri ignoble du Shoggoth dans sa tête... Et lorsqu'elle succombait au sommeil et que ses paupières se fermaient, Claire avait constamment l'impression que la nuit de sommeil ne durait qu'une seconde et que le cauchemars était éternel. Et encore, elle n'était pas télépathe... Pauvre Anna... La muette n'osait même pas y penser.
Mais les jours passaient, et les blessures pansaient. Et même si elle était certaine que jamais elle n'oublierait, peut être qu'un jour elle les acceptera.

Pour l'instant, Claire voulait profiter d'une belle journée. Il y avait tellement longtemps qu'elle ne s'était pas plongé dans une bonne vieille tragédie cornélienne. Elle avait eu trop de choses à l'esprit, et depuis le retour de chez ses parents elle avait du retomber dans la routine de l'Institut. Et donc, avec le Cid sous le bras et une paire de lunette fumée pour ne pas trop s'aveugler, la jeune femme sortit à l'extérieur dans l'espoir de se trouver un petit coin tranquille. L'été arrivait enfin, et elle pouvait envie enfiler qu'un short kaki et t-shirt des Divas sans risquer d'avoir froid. Elle avait à peine ouvert son livre qu'elle vit Josh sortir avec un râteau à feuilles. Hmmm... C'était pas une mauvaise idée pour s'oxygéner le cerveau un peu. Claire nota dans un coin de son esprit qu'elle irait lui donner un coup de main lorsqu'elle voudra prendre une pause.

Mais, même par dessus les lignes enchanteresses de ce classique, les yeux de la muette déviaient vers le jeune homme qui s'affairait non loin. Il avait l'air complètement ailleurs, comme s'il avait été forcé de sortir à l'extérieur. Si son corps travaillait, son esprit n'était pas dans les environs. Après quelques pages à lui jeter des coups d'oeil, Claire se désintéressa - étrangement! - de son livre pour se concentrer entièrement sur Josh. Puis, lorsqu'il se dirigea vers le mémorial comme une âme en peine, la jeune femme troqua son livre pour son carnet de note qui ne traînait jamais bien loin d'elle.

Claire savait trop ce que c'était de ruminer dans son coin en ayant l'impression que, même si nous étions sauf, le gouffre n'était jamais loin. Et on n'avait pas besoin d'être seul quand cela arrivait. Sautant rapidement sur ses pieds, Claire s'approcha du mémorial, les feuilles craquant sous ses sandales annonçait son arrivée. Comme cela, il n'allait pas trop avoir de surprise. Arrivant à la hauteur du jeune homme, Claire lui lança un petit sourire en levant la main en signe de salutation. Poussant du bout du doigt son minuscule crayon coincé dans la spirale de son carnet, la muette s'en servit pour griffonner rapidement;

Claire, sur le papier, a écrit:J'ai vu que tu travaillais dans le jardin. Je voulais te proposer mon aide.

Les yeux de Claire baissèrent vers les noms gravés dans la pierre, et elle ne put retenir un soupir lorsqu'elle en reconnu quelques uns. Juste en dessous de ses derniers mots, elle ajouta;

Claire, sur le papier, a écrit:C'est pas toujours facile d'être un mutant.. Mais au moins, nous ne sommes pas seuls.

Lentement, la jeune femme étira le bras pour prendre le râteau à feuilles et commença plutôt malhabilement à racler à son tour. Elle n'avait jamais réellement parlé à Josh (façon de parler.) mais il n'était jamais trop tard pour une première. Et la présence calme de Claire aidait souvent à se sentir à l'aise... sauf lorsque son handicap causait à lui-seul une situation délicate. Mais pour le moment, elle n'avait pas vraiment besoin de communiquer. Elle voulait juste lui montrer qu'elle était là, et qu'aussi seul il pouvait se sentir, ce n'était pas le cas.
Dans un coup plutôt raté en essayant de manier l'outil en même temps que de tenir son carnet, ce dernier tomba par terre. Coinçant le râteau entre ses jambes, Claire se pencha pour le ramasser et en profita pour écrire;

Claire, sur le papier, a écrit:Il parait que je suis d'une bonne écoute au dépend d'autre chose. Peu de personnes se rendent ici de gaieté de coeur.