Milan, Italie

La nuit venait juste de tomber sur Milan. La ville se faisait plus calme à mesure que l'horizon prenait une teinte plus sombre. Quelques étoiles étaient venu parsemé le ciel, qui était dégagé, offrant une ambiance que Celso appréciait tout particulièrement.

Le jeune italien était d'ailleurs couché sur un banc, dans l'un des parcs de la ville. Ses mains posées sous sa tête, il regardait avec curiosité les étoiles qui apparaissaient un peu plus à chaque seconde. A vrai dire, il avait toujours eu un penchant pour tout ce qui touchait de près ou de loin aux étoiles. Il inspira profondément et se replongea dans sa lecture. Un livre de science fiction.

Il avait bravé l'autorité parentale juste pour un besoin de solitude. Un besoin qui se faisait de plus en plus présent depuis qu'il se savait différent des autres. Cette différence, Celso l'appréciait plus ou moins. Alors que ses parents exprimaient son pouvoir comme un don, le jeune italien avait, quant à lui, du mal à se faire à l'idée. Être seul, lui permettait de réfléchir à tout ça. En bien ou mal peut importe. Des questions inutiles étaient venus lui brouillé l'esprit alors qu'il semblait s'échapper dans ses pensées.

Celso secoua la tête, essayant de chasser ses songes. Puis, c'est avec une certaine fébrilité, qu'il déposa ses yeux sur les lignes de son livre, reprenant une fois de plus, le fil de sa lecture.

Un bruit de verre brisé tira Celso de son livre. Cherchant des yeux l'origine du son, il repéra une forme assez louche à une dizaine de mètres, penchées sur une poubelle. Le lampadaire ne l'éclairait pas suffisamment pour que le jeune mutant ne distingue ses traits. La personne, homme ou femme, portait un imperméable défraîchi et troué par endroits.
La personne tira ce qui semblait être un journal et l'enfourna dans sa poche avec un grognement, puis continua sa besogne sordide.

A cette heure et en plein hiver, les visiteurs du parc étaient assez peu nombreux. La plupart des passants rentraient chez eux après une journée de travail, ou sortaient rapidement le chien pour rentrer se mettre au chaud.

Levant les yeux de son livre, Celso chercha la provenance du bruit. Il le repéra à quelques mètres devant lui. Une forme humaine était penchée sur une poubelle, cherchant sans doute de quoi subvenir à ses besoins. Le jeune mutant soupira, accablé par ce que l'espèce humaine pouvait arriver à faire. Fouiller dans les poubelles pour se nourrir ? C'était presque pitoyable.

Celso reprit alors une position convenable et ferma son livre, qu'il plaqua ensuite contre lui, tout en regardant la personne penchée sur la poubelle. Fronçant les sourcils, il s'aperçut que la personne en question avait ramassé quelque chose pour le fourré dans son imperméable. Encore un voleur ? Les vêtements qu'il portait faisait plutôt penser à un vagabond.

Le jeune mutant se leva du banc pour aller dans la direction de la personne, en l'interpellant.

« Hey ! »

Hésitant un moment, Celso s'avança de nouveau. Les yeux braqués sur ce qui semblait être un sans abri, il ne loupait pas un de ces mouvements. Suffisamment prêt pour définir si c'était un homme ou une femme, Celso se stoppa net. Puis, il lui lança, curieux :

« Qu'es que vous faites ? »

La forme penchée sur la poubelle sursauta. Il s'agissait d'un homme d'âge mur, crasseux, dont le nez rougeaud trahissait les écarts de boisson.

"Gna !" lâcha-t-il, après un coup d'oeil torve au jeune mutant.

"Qu'est-ce que tu m'veux, gamin ?" répondit le clochard avec humeur.

Assez proche maintenant, il s'aperçut que la personne en question était un homme d'un âge plutôt respectable. Les yeux de Celso le dévisagèrent et il s'attarda un instant sur le nez rouge de l'inconnu. Encore un qui abusait de la boisson. A vrai dire, le jeune italien n'en fut pas plus choqué que ça. Vu son état, l'alcool était sans doute le seul remède qu'il avait trouvé contre la solitude. C'était bien triste.

Le voyant sursauté, surpris, Celso recula d'un pas. Son coeur se mit à battre plus vite que la normal, traduisant la peur qui l'avait envahi quelques secondes. Il inspira discrètement pour tenter de se calmer et reposa ses yeux sur l'homme.

« Euh .. Rien .. » Lâcha-t-il, hésitant.

« Je me demandais juste ce que vous faisiez. »

Puis Celso fit demi tour pour aller s'asseoir de nouveau sur le banc. Jetant un coup d'oeil à l'inconnu, il se permit d'ajouter, faisant preuve pour une fois de bonne volonté.

« Vous savez qu'il y a des gens qui aident les personnes comme vous ?! »

"Occupe-toi de tes oignons..." maugréa l'homme en continuant son manège autour de la poubelle. Son ton patibulaire laissait percer une vie difficile et un homme blessé par la vie.
Les dernières paroles de Celso cependant, semblèrent définitivement le tirer de sa besogne. Le clochard se redressa et tourna la tête vers le mutant.

"Qu'est-ce que tu crois savoir, le môme, sur les "gens comme moi" ?! Tu m'connais pas, alors garde tes boniments de gosse sans histoire pour toi !" lança-t-il avec colère. Il eut une quinte de toux suite à cet éclat, cracha par terre, puis lorsqu'il eut reprit sa respiration, marmonna quelques paroles inaudibles pour Celso de là où il était.
Le clochard ramassa une cannette posée sur un muret du parc, puis sortit le journal qu'il avait empoché quelques secondes plus tôt et s'installa dans l'herbe sans cérémonie, non loin de Celso, comme par défiance.

De là où il était, Celso put lire le nom du journal froissé en question : il s'agissait de la Sentinelle, journal maintenant réputé dans le monde pour ses articles sur les mutants.