Matin glacial

River releva doucement la tête vers Chris. Désespérée, elle l'était. Elle ne voulait plus rester là. Elle voulait partir. Ca serait mieux pour tous ceux qu'elle aimait si elle n'était plus là. Bien mieux pour eux.

"C'est parce qu'ils tiennent à moi que je ne peux pas rester là... Je les encombre, mais il n'osent pas me le dire..." fit-elle à voix basse.

Chris aurait-il pitié d'elle? Pourrait-il la libérer de son entrave? River voulait partir d'ici. Loin, très loin. Elle ne voulait pas envahir plus ceux auxquels elle tenait. Suicidaire? Oui, elle l'était. A n'en pas douter. Elle se jeta aux pieds de Christopher pour l'implorer.

"Aide-moi! Tu es le seul à pouvoir le faire..."

L'anglaise leva vers lui un regard implorant. Il n'aimait pas les chouineuses, alors peut-être accèderait-il à sa requête si elle cessait de pleurer? C'est, du moins, ce qu'elle essaya de faire. Et s'il refusait? Elle partirait. Elle ne supporterait pas de les croiser encore, tous autant qu'ils étaient. Tous, ils avaient un rôle ici. Tous, mais pas elle. Elle, elle n'était rien pour personne. Noémie avait oublié son amitié, Roscart n'était jamais revenu, Lucas se rapprochait d'une autre, Kitty n'avait plus besoin d'elle, Wind ne l'écoutait même plus, même Georgia avait arrêté de lui prendre la tête... Et les Atom'X? Ils n'avaient pas besoin d'elle, non plus... Personne n'avait besoin d'elle. Elle les empêchait juste de passer à autre chose. Elle les retenait en arrière, faute de pouvoir avancer. Elle était un poids. Elle était une gène. Elle ne pouvait pas rester comme ça. Son seul espoir, c'était que Chris accepte de l'aider.

Alixtide n’était pas peu fier d’avoir deviné que ce garçon là venait pour une formation complémentaire en télépathie. Il se rapprocha du gaillard pour poursuivre plus à l’aise la conversation, et pour le simple plaisir de l’englober dans son aura puante. Il enchaîna.

« C’est une purin de chance que vous soyez télépathologue en fait. On en a tous les jours besoin depuis que les nôtres sont tous en mission. »

*Est-ce que les nouveaux en formation complémentaire doivent être chaponnés comme les autres ? C’est un bon chapon, s’il fait tout ce que je veux, je serai très puissant, et je le montrerai à Gorgia.*

Son vis-à-vis ne semblait pas aussi malléable que Diégo ou Barthélémy toutefois. A défaut de l’avoir à sa botte, il serait très utile comme camarade.

« Je n’ai plus de chambre, tu auras qu’à porter ta valise dans le hangar où on a entassé toutes les affaires. Depuis l’illusion massive de Gabrielle, une autre de nos télépathologues en voie de bonne puissance, tout à été détruit ou presque rien. On a tout sauvé dans le hangar. »

Il remarqua au passage l’absence de valise dans les parages. Le jeune mutant reposa ses sacs et la bouteille et sortit un paquet de gâteaux. Pendant cette manœuvre il vit que la main du nouveau le démangeait. Timidité, nervosité, ou bien entraînement du pouvoir ? Le véloce cerveau d’Alixtide prévoyait tout. Un sourire de connivence s’épanouit sur ses lèvres.

*Là par exemple je te dis par la pensée que tu auras la vie très dure si tu n’as pas un portecteur comme moi. J’ai beaucoup d’amoureux ici. Alors si tu me comprends, ton premier exercice est de répéter ma phrase à voix haute.*

Bien content des tests qu’il faisait subir au nouveau, Alixtide se préparait à renvoyer à Camille le résultat d’une enquête en béton. Elle arrêterait ainsi de dire qu’il était stupide. Il poursuivit de son air de renard savant, dégageant une tranche de marbré au chocolat de sa boite pour la tendre au jeune homme, et lui offrant de l'autre main la bouteille de Whiskpomy ouverte pour Moreira.

« Vous n’imaginez pas la puissance illusionne de Gabrielle. Elle fouille ton cerveau et le donne à son imagination. Pour son entraînement, comme tous les pathologues, c’est assez spécial. C’est un entraînement perpéternel. Il y’a tout un choix de cibles à l’Institut ce qui font des pathologues les meilleurs espions, même si pas les seuls. Mais je ne peux pas vous en dire plus, ce serait trop compliqué à ce stade. A savoir que vous avez ici dans notre aboutissement scolaire une formation d’espion pure et utile. »

Sans doute le couple Fleury serait très heureux de savoir qu’Alixtide vendait si bien les cursus de l’Institut.

« Sauf si vous n’êtes pas assez pathologue… vous auriez pas un truc à me répéter par le plus gland des hasards ? Une information carpitale que je viens de vous siffler en pensée ? »

Il décocha un grand sourire victorieux, ignorant les lointains geignements de River.

Conscience... Inconscience... Difficile de se rendre réellement compte de l'état du jeune homme. Pour dire vrai, il stagnait entre les deux. Une seule chose. Chris ne désirait maintenant qu'une seule chose. Etre enfin débarrassé de tous fauteurs de troubles. D'ailleurs, peut-être était-ce la seule solution pour qu'il se retrouva enfin en paix ? Sa conscience avait épargné un type qui en fin de compte ne le méritait pas selon lui. Alors devait-il vraiment l'écouter de nouveau ? Oui, cette dernière revenait hélas encore le hanter, lui intimant qu'il ne devait se laisser perdre ainsi dans cet abîme de ténèbres. Observant maintenant la jeune fille d'un regard maintenant quelque peu incertain alors que diverses émotions parcouraient son visage. La rage, la peur, l'incertitude, la folie... Il n'arrivait même plus à les différencier. Sentant ses mains trembler légèrement, il laissait néanmoins son regard braqué obstinément sur la jeune anglaise. Seulement le sien, empli d'un désespoir presque palpable le renvoyait impitoyablement au sien et cela ajoutait un peu plus à son courroux. Bon sang ! Mais quelle cesse de le regarder ainsi ! Ce regard allait finir par le rendre dingue ! Crispant violemment les mâchoires, le palpitant battant à tout va, le visage du jeune homme se faisait de plus en plus livide de rage contenue et celui-ci semblait embarqué dans une lutte intérieure sans pareille.

Percevant comme dans un songe ses propos, Chris sentit tout à coup son coeur se serrer jusqu'à la douleur alors que son regard se noyait sous l'incrédulité. Ce dernier ne put d'ailleurs réprimer un imperceptible gémissement de douleur tant ses paroles le blessèrent. Oui, il en était blessé au plus profond de lui. Comment osait-elle affirmer cela ? Elle n'en avait pas le droit ! Sans le vouloir, la jeune fille venait de faire revivre au jeune homme une partie de son passé qu'il gardait enfouie et qu'il aurait préféré ne jamais avoir à revivre d'ailleurs. "C'est parcequ'ils tiennent à moi que je ne peux pas rester là". Dire qu'il avait perdu une partie de lui-même lorsqu'il était encore enfant qu'il ne pourrait jamais plus retrouver, il savait le mal que cela pouvait procurer... Et cette garce qui déblatérait le genre de paroles qu'il répugnait à entendre ! Et geindre, geindre... Dieu du ciel, mais quel âge avait-elle ? N'avait-elle jamais connu le malheur jusqu'ici ? Avançant d'un pas, l'on pouvait voir que le jeune homme n'arborait plus aucune expression. Là, ça voulait dire que c'était foutu, il n'avait plus l'intention de reculer. Son corps n'était guidé que par sa rage, son coeur ne battait que par sa rage, son regard était complètement vide. Elle ne méritait de toute évidence, pas la moindre chance selon lui.

"Je vais t'aider ne t'en fais pas..."

Il lui parlait d'une voix atone et le vouvoiement n'avait plus aucune signification. Et même lorsque River se jeta à ses pieds telle une désespérée, le jeune homme ne réagit pas plus que cela, se contentant simplement de l'observer de son regard dénué d'expression. Après quelques secondes, il se décida finalement à se pencher vers elle. Portant la main à sa joue, il la lui caressa avec une froideur déconcertante. Plongeant son regard vide dans le sien, il s'approcha toujours plus près et plaqua son corps contre le sien pour la forçer à s'allonger et ainsi goûter aux morsures de la dame blanche. Il resta ainsi plusieures secondes au-dessus d'elle à la contempler. On aurait pu croire qu'il semblait éprouver quelques hésitations, seulement c'était loin d'être le cas, Chris était simplement en train de faire appel à son pouvoir. De plus, il n'avait pas l'air d'être plus étonné que cela de voir que cette dernière ne semblait pas réagir. Ainsi elle comptait vraiment en finir avec sa misérable existence ? Toutes ces inpeties balançées étaient donc pensées ? Autant dire qu'elle n'aurait pu mieux tomber ! Mais quitte à l'achever, Chris voulait lui faire mal. Ne serait-ce que pour la punir d'avoir proféré de tels propos. Le corps maintenant parcouru d'éléctricité, il emprisonna le cou de l'anglaise de ses mains, le serrant d'une poigne éléctrique légère au départ, puis de plus en plus ferme et dont l'efficacité s'en retrouvait améliorée grâce au manteau de neige qui les entourait. Plusieures secondes s'écoulèrent où il ne fit que s'acharner, ne sâchant l'état de celle-ci. La conscience de Chris n'était plus, il ne se rendait plus compte de rien et qui savait maintenant ce qu'il pourrait advenir de lui...

Cet Alixtide était stupide. Il avait bien marché à son esbrouffe... Les leurs étaient en mission. Les leurs moins une, d'après Renaud. Une pas trop douée, d'ailleurs. Pas du genre de celles qui pouvait faire fondre des cervelles à des milliers de kilomètres de distance.

Ainsi, ils s'étaient installé dans un hangar. En même temps, vu la tête du manoir, il était probable que les chambres n'arrivent plus à remplir leurs fonctions premières. Mais qu'est-ce qu'il pouvait sentir mauvais, c'était une horreur !

Chris se recula de quelques pas, quand Alixtide dégaina son gâteau et sa boisson. Il y avait une certaine Gabrielle en plus, mais elle n'était pas là non plus, ou alors, Renaud n'était pas si doué que ça, mais il en doutait un peu plus.

Il plissa les yeux, essayant de décrypter le discours sans queue ni tête de Simplet, qui semblait parler de ce fameux entraînement télépathique. Il n'y avait toutefois pas grand chose à récupérer là-dedans, mis à part un gateau qui lui fourguerait le botulisme, et une boisson qui avait sans doute de quoi générer une épidémie de peste bubonique.

Un truc à lui répéter... Il le prenait pour une nouille, ou bien essayait de le tester.
Ses bras se raidirent légèrement. En un mouvement très fluide et gracieux, Alixtide vit déferler sur lui un jet de lance à incendie des pompiers qui le renversa en arrière dans la piscine.

Une piscine ? Ce n'était pourtant pas bien profond, mais visiblement, la neige avait drôlement vite fondu. Et elle était plutôt froide.

"Voilà qui devrait me permettre de te parler sans trop retrousser le nez", déclara Chris en lui prenant son sac de courses et le posant sur le côté pour ne pas qu'il soit trempé.

"Je vais être un peu plus direct. Qui est télépathe ici, et comment avez-vous fait pour déclencher une attaque intercontinentale de cette intensité ?"

...Sinon tu vas avoir droit à une bonne douche était, naturellement, sous-entendu.

Malheureusement pour l'hydrokinésique, une odeur de cochon grillé s'émanait du cou de River, qui était également bizarrement contracté. La décharge de Chris stoppée, River avait la gorge sévèrement bruni, et son cerveau avait manqué d'oxygène, elle était inconsciente.

C'est alors qu'une chape de plomb sembla se retirer des épaules de Chris. Un certain apaisement lui revint, même s'il gardait le contrecoup du contrôle empathique. Au moins, ses émotions étaient à peu près les siennes... Du moins, c'est ce qu'il semblait.

Le cœur d’Alixtide fit un bond en même temps que lui-même avant de se retrouver électrochoqué par une masse ignoble d’eau glacée comme des rasoirs, qui le submergea et le noya brièvement. Il se débattit comme il put pour émerger du mètre d’eau qui remplissait la moitié de la piscine jusque là enneigée. Son cœur battait horriblement alors qu’il se mettait avec peine debout, non sans éclaboussures, cherchant dans un réflexe ultime à regagner le bord le plus proche. Sa position lui offrait une magnifique vue en contre-plongée du redoutable pompier farceur. Il lui adressa un regard de totale indignation effarée.

*Pu…rin…*

Torturé par le froid, Alixtide eut d’abord du mal à comprendre les propos riches en sous-entendus du mutant susceptible. Sentant néanmoins que sa survie en dépendait, il se concentra sur l’éventail des réponses possibles. Il essuya d’une main complètement engourdie sa figure tremblante, livide, débarrassée soudain de la poussière et du sang du combat de la veille. Il répondit entre mille claquements de dents en se rapprochant avec lourdeur du bord opposé de la piscine pour avoir le gaillard en vue.

« Heu… Msieur… v…vous m’av…ez menti… d’ab…ord… heu ah… une… minute… aaaaa…. »

Il ouvrit de ses doigts patauds et violets le communicateur.

« V…vous êtes ni… patélé… lo… ah… et ni en pâte… vous êtes… heu… hydro… hydra… heu… Enzo. »

Il se sentait prisonnier de ses vêtements glacés qui pesaient soudain des tonnes. Mais Alixtide mesurait la dangerosité de ce nouveau complètement instable. Il valait mieux lui donner une carotte avant de sortir le bâton pour lui apprendre les bonnes manières. Il tâcha donc de réfléchir à sa question malgré le froid étourdissant.

*Qui est télépathologue ?… heu… la gamine même si elle l’utilise jamais pour voir les blagues que je veux lui faire… ce qui fait qu’elle n’en est pas vraiment une. Madame Cassandre mieux vaut pas en parler… Heu alors une attaque enterre continentale…*

Là Alixtide se demanda à quoi pouvait penser cet impoli impulsif. Il fallait répondre quelque chose sans compromettre les secrets de l’Institut. L'envoyer habilement sur de mauvaises pistes.

Il tâcha de contrôler les claquements de sa mâchoire et répondit avec conviction en saisissant les montants de l’échelle de piscine.

« Heu seule la purin de g…g…gamine est télé…tologue… les autres possibles sont… d…différents. »

La psychologue avait en effet toujours nié pouvoir lire dans les cerveaux, même si tout le monde savait que c’était par pure modestie. Alixtide évita de croiser le regard du barbare tortionnaire et poursuivit plus rapidement.

« Mais elle d… devine jamais rien. Heu… y’a un nouv…veau q..qui s’est p…perdu comme v…vous q..qui est … pat..télé… heu… Y’a… n…non c’est tout. »

Quant à l’autre question, Alixtide entrevoyait deux réponses mais dans son état actuel il décida de seulement les effleurer. Il avait bien le droit d’être éprouvé après ce bain glacé, et avec un peu de chance le brutal hydrokinésiste irait s’en prendre à quelqu’un de moins informé qu’Alix. Il toussa et reprit.

« Nous sommes nuls ne p… peut attaq..q…uer sur l’aut..tre c…con..continent. MAIS. Nous av…vons un av…avion qui p…peut partir loin… et t…rès loin. Et p…our… heu… p… pour de la p…pure surveillance… et voir un peu… heu… on a heu… une femme bizarre, b… bleue, c…concierge. »

Il ajouta en se cramponnant au montant de l’échelle, traînant ses jambes comme deux sacs de sable.

« Rien… q…qui ferait une att… attaque. V…ous avez d…u vous tromper. »

Et il pensa très fort « au revoir » à défaut de pouvoir saluer comme il se devait ce fou de passage.

*Chris, Chris !!*

Percevant comme dans un rêve cette étrange voix qui semblait provenir du plus profond de son inconscient, le regard du jeune homme fut parcouru d'une fugace étincelle de lucidité. Sans qu'il n'en prenne vraiment conscience, son pouvoir s'inhiba de lui-même sans aucun doute contrôlé par cette dernière. Sentant maintenant le violent tambourrinement de son coeur, Chris ravala machinalement sa salive, en proie à une soudaine peur panique. Seulement ce ne fut rien lorsqu'une odeur qu'il qualifierait plus comme une grillade barbecue, vint lui chatouiller les narines et qu'il en découvrit alors la source. Son regard qui jusque-là s'était fait plus que vide, fut maintenant emprûnt d'épouvante. Bon sang ! Il avait les mains autour du cou de River ! Bordel mais qu'avait-il foutu ? Retirant brutalement ces dernières et s'écartant rapidement, Chris observait désormais, atterré, le corps inerte de la jeune qui reposait dans les bras impitoyables de ce manteau de neige qui maintenant lui semblait sinistre et sombre. Pour dire vrai, Chris n'arrivait à le croire. Certes, il avait conscience que la rage pouvait lui faire franchir bien des limites, mais jamais encore elle ne l'avait conduit jusque-là ! Il ne voyait alors qu'une seule possibilité à cette vision d'horreur. Ca n'était pas lui, ca ne pouvait être lui !

*Bien sûr que c'est toi abruti*

Et cette petite voix intérieure qui venait le narguer. Mais merde, elle était passée où cette maudite conscience pendant ce temps-là ? Etrangler une jeune fille innocente... Pour ce dernier, elle était déjà morte et c'est pour cela qu'il ne chercha même pas à voir si c'était réellement le cas. Assis sur les fesses, les jambes repliées sous le menton, le jeune homme se prit brusquement la tête entre les mains, maintenant prisonnier d'un immense désespoir. Tout sentiment de rage l'avait déserté et ne lui restait désormais que ses yeux pour pleurer sur l'acte impardonnable qu'il venait de commettre. Se mordant les lèvres jusqu'au sang, il sentit les larmes perler à ses paupières. Il avait si mal. Une souffrance telle qu'il lui était difficile de garder son souffle. Et c'est finalement hoquetant qu'il se laissa aller à ce torrent de larmes qu'il ne lui était plus possible de réprimer. Etait-il monstrueux au point de se faire peur à lui-même ? Oui, cette part d'ombre tapie tout au fond de lui lui faisait atrocement peur. Chris ne comprenait pas. Etait-il le seul à n'être capable de la dompter ? C'était plus qu'injuste ! Pourquoi sa conscience l'avait-elle stoppé d'en finir avec l'autre salopard mais pas avec une jeune fille qui ne lui avait strictement rien fait ? Rien que cette idée lui donnait envie de hurler à la mort.

Le visage ravagé par les larmes, Chris se décida finalement à se lever. Seulement il fut plusieures fois à deux doigts de se ramasser tant son corps et son coeur étaient meurtris. Par miracle, il réussit tout de même à se redresser, bien que les jambes flageolantes. Plus rien à faire. Il n'en avait plus rien à faire de tout. Chris semblait avoir vieilli de dix ans tout à coup et se trouvait fatigué de tout. Qu'ils trouvent cette Cerebra, il s'en foutait. De plus, c'était quelque part à cause d'elle qu'il vivait ce cauchemar dont il aurait tellement souhaité pouvoir se réveiller. Dire qu'il n'y a pas deux jours il se trouvait dans son bled paumé... Que faisait-il maintenant en enfer ? Le corps voûté, les bras ballants, Chris se dirigea vers la grille, pas prêt à faire de nouveau demi-tour cette fois-ci. Le faire avait coûté la vie à la jeune River. Merde ! Si seulement il s'était écouté en premier lieu ! Mais non, il avait fallu qu'il bataille contre cette indifférence. Simplement c'était cette même indifférence qui l'avait préservé durant toutes ces années. Loin de se douter qu'une autre personne était en train de risquer sa vie, le jeune homme, lui, ne pensait qu'à s'en aller. Même le corps inerte de River menaçé par la neige ne semblait l'interpeler. Et puis à quoi bon ? Elle n'était déjà plus de ce monde pour lui...

Chris fit une moue bizarre le temps de réfléchir. Simplet ne savait-il rien, ou bien est-ce qu'il savait, mais qu'il était trop crétin pour formuler ça de façon claire. Ils avaient un avion... Ca lui faisait une belle jambe tiens. Ce n'est pas avec un avion qu'on lançait des attaques télépathiques.

Il regarda un instant Chris et le "cadavre" de River, sur qui il posa un regard désapprobateur. Charles avait vraiment exagéré sur le coup là. Et il allait encore dire qu'il n'y pouvait rien, qu'il ne contrôlait pas les gens, et que s'il avait des pulsions meurtrières, c'est qu'il en avait toujours eu...

Restait à voir ce que celui-ci disait. Chris étendit le bras vers l'electrokinésiste, qui tomba à son tour dans de la neige fondue, puis il le ramena vivement, créant un courant qui entraîna Chris comme dans un torrent, au pied de l'hydrokinésique.

"Toi là... Comment cet institut a réussi à envoyer une attaque télépathique transcontinentale. Je t'encourage à répondre, sinon tu vas finir dans un glaçon, et ton copain avec."

Ferme et autoritaire, il ne rigolait pas...

Cela faisait depuis combien de temps qu'il n'avait versé de larmes ? Impossible pour lui de se le remémorer. Une chose était certaine, même pour Julia Chris n'avait pleuré ainsi. Et pourtant Dieu qu'il avait souffert lors de leur séparation... Tiens, d'ailleurs pourquoi pensait-il à elle tout à coup ? Etait-ce parcequ'il venait enfin de comprendre cette dernière ? En effet, quand il voyait ce qu'il avait fait, il ne pouvait maintenant que penser qu'il était bel et bien un mutant qu'il fallait à tout prix éviter. Mais bon, en même temps, il avait plutôt l'habitude d'être seul donc cela ne lui importait pas plus que cela au final. Marchant clopin-clopant en direction de la grille d'entrée, Chris, bien que le visage beigné de larmes et le coeur cognant douloureusement, ne cessait de tenter de se convaincre qu'il ne devait se laisser aller, qu'après tout, cette fille ne représentait rien, qu'elle avait bien mérité son sort. Après tout, n'était-ce pas elle qui lui avait supplié d'en finir avec son existence ? Oui, c'était sa faute, lui n'avait fait que lui rendre service. Ayant conscience du chemin que prenaient ses pensées, le jeune homme finit par esquisser un léger sourire emprûnt de tristesse. Décidément, il était bien pire qu'il ne l'aurait pensé...

Se sentant tout à coup attiré vers le sol, Chris fronça légèrement le sourcil avant de se ramasser tel un flan, face contre neige. Pestant de toute son âme contre cette foutue malchance qui ne cessait de le poursuivre, ce dernier, au prix d'un effort surhumain, se redressa lentement. Seulement à peine eut-il le temps de replier les genoux qu'il se figea net, sentant son corps parcouru de douloureuses morsures. Il lui fallut de même bien quelques secondes avant de se rendre compte qu'il noyait dans la flotte. Et plutôt glaciale au passage. Complètement désarçonné, il sentait de même, avec une hébétude sans nom, que son corps se soulevait dangereusement du sol, par la seule force de ce raz-de-marée.

*Hein ?*

C'est dire qu'il n'avait absolument rien compris. Sentant son coeur de plus en plus apeuré, Chris ne put se poser plus longtemps de questions tandis qu'il se sentait happé par une brusque cascade torrentielle. N'ayant eu le temps d'esquisser le moindre geste pour tenter de s'en défaire, bien qu'il douta au fond qu'il soit possible d'échapper à telle lame de fond, le jeune homme, fermant les yeux par réflèxe plus qu'autre chose, se laissa alors traîner par cette dernière tel un vulgaire sac à patates. Pour se vautrer lamentablement sur la neige, qui, sur le coup, lui arracha une légère grimace de douleur tant il sentait son visage légèrement brûlé par le froid glacial. En effet, combinée à une eau aussi froide, la neige pouvait être encore plus redoutable... Lâchant un léger râle de douleur, Chris se redressa maladroitement, se positionnant sur ses genoux. Bon sang ! Il avait l'impression de peser trois tonnes ! Et son corps maintenant qui tremblait violemment. Levant lentement ses mains et les posant sur son visage, il se mit à frictionner vigoureusement celui-ci histoire de booster un peu ses vaisseaux sanguins et de faire disparaître un tantinet cette désagréable sensation de morsure. C'est à ce moment-là qu'il entendit la voix de la personne responsable de cela.

Interrompant brusquement ses petites frictions, Chris finit par baisser les bras, quelque peu décontenançé par cette voix sortant de nulle part. Son regard accrocha tout d'abord les genoux de son vis-à-vis pour remonter petit à petit jusqu'au visage de ce dernier que le jeune homme examina attentivement. Bien qu'il semblait emprûnt de fermeté et d'autoritarisme, Chris n'y prêta pas le moins du monde attention, encore sous le coup de la surprise. En fait, il n'en revenait pas. Comment se faisait-il que l'un des quatre dandys se retrouvait là sans qu'il n'ait eu la moindre conscience de sa présence ? dodelinant doucement la tête de gauche à droite, il esquissa un bref sourire empli de fausse joie. Evidemment, comment aurait-il pu le remarquer après un tel coup de folie ? Mais au moins ne pouvait-on voir qu'il avait chialé... Plaquant ses cheveux désormais mouillés en arrière, et se relevant difficilement, le jeune homme se tenait maintenant debout face au dandy. Certes, il chancelait et tremblait affreusement, mais tenait bon, comme il le pouvait. Pour dire vrai, Chris était plus exténué qu'autre chose et ne donnait plus vraiment cher de sa carcasse. Cela le terrorisait, seulement il se força à arborer l'air le plus détaché possible. Heureusement pour lui, cela ne lui était pas le moins du monde compliqué, ayant vécu ainsi jusqu'à maintenant.

Tournant lentement le regard vers le malodorant ambulant qui lui aussi grelottait en tous sens, trempé des pieds à la tête, Chris avisa par la même occasion la piscine dans laquelle la neige avait fondu et qui se trouvait à simplement quelques centimètres derrière eux. Effectivement, l'autre dandy n'aurait aucun mal à les réduire à l'état de batonnets glaçés... Comme il se sentait las et impuissant tout à coup ! Bien que le coeur battant, le jeune homme reporta finalement son regard qui se voulait empli d'indifférence vers le manipulateur de flotte. Plongeant celui-ci dans ses yeux clairs, il l'observa quelques secondes avant de finalement lui répondre, la voix pleine d'un détachement feint.

"Tout d'abord, l'on a pas élevé les cochons ensemble pour que vous vous permettiez de me tutoyer ainsi. De plus, je comprends strictement rien à votre histoire d'attaque télépathique alors allez voir ailleurs..."

S'interrompant un petit instant, Chris reprit finalement, désignant d'un bref mouvement de tête le mutant empestant à des kilomètres.

"Concernant mon 'copain' comme vous dites, sachez que je me tamponne carrément de ce qui pourrait lui arriver"

Le pire c'était que sur tout ce qu'il venait de dire, rien n'avait été biaisé ! S'approchant lentement du jeune homme, Chris se posta juste à quelques centimètres de celui-ci, le dévisageant toujours d'un oeil inexpressif. C'est d'ailleurs pour cela que rien n'aurait pu prédire ce qui allait se passer. Se reculant subitement, Chris leva le poing et l'envoya en direction du dandy à la belle gueule, lui collant ainsi un parpaing retentissant. C'est dire la force qu'il avait dû puiser dans ses réserves à le voir maintenant à bout de souffle.

"C... Ca c'est pour la douche froide"

Et curieusement c'est sans la moindre trace de colère dans la voix qu'il s'exprimait... Oui, Chris en était déroutant par moments...

Soulagé de voir que son tortionnaire avait trouvé un autre jouet, Alixtide puisa dans sa volonté de survivre les forces nécessaires pour s'extirper de la piscine glacée. En remontant il aperçut, outre les deux protagonistes, le corps de River étendu dans le froid.

*Purin ils veulent tous nous faire geler les nouveaux !*

Effaré par cette sauvagerie digne de l'ère glacière, il se mit péniblement sur ses jambes engourdies et se dirigea non moins pataudement vers le frèle dompteuse.

Alixtide décida que chacune de leurs secondes de vie était comptées. Il ne prit donc pas même le temps d'essayer d'enlever le blouson et l'écharpe trempés pour se soulager de leur poids. Belle cruauté que la morsure du froid.

*Que fait le purin de Bart quand on aurait par le hasard besoin de lui ??*

Il s'accroupit et souleva le buste de River, essayant de déceler les symptômes. Sa figure était très pâle.

"River ? Heu... t'as un pu...purin de drôle de b..bronzage... heu...au c..cou.."

Etourdi par le gel qui lui paralysait les membres, il décida de soulever River et l'emmener à l'Institut, sans plus de cérémonie. Il avisa la baie vitrée éclatée du salon, qui permettrait une entrée discrète. Il espérait surtout y trouver n'importe quoi pour se réchauffer, et River avec lui. La pauvre demoiselle semblait dans un triste état.

Alors qu'Alixtide se traînait péniblement avec son fardeau vers la baie vitrée, il put constater qu'une longue silhouette vêtue de sombre en sortait, et se dirigeait calmement vers lui.



Encore un autre visage inconnu d'Alixtide, vêtu de façon élégante, qui darda son regard sur River pendant quelques secondes avant de se reporter sur le breton lavé qui avait plein d'idées lui affluant en tête.

"Va te réchauffer à l'intérieur. Fais pas attention à Charles. Il ne te fera pas de mal si tu ne viens pas l'embêter. Pour ta copine... y'a malheureusement plus rien à faire pour elle, je suis désolé.

Bizarrement, il avait semblé sincère. Qui était donc ses gens qui venaient limite envahir l'institut, et qui débordaient à côté de ça de politesse.



En tout cas, tout polis qu'ils étaient, ils n'étaient pas non plus des potiches, et Chris s'en rendit compte à ses dépens. L'hydrokinésique effectua un mouvement assez gracieux, semblable à une danse lorsqu'il vit le poing de Chris s'abattre sur lui. Quelques brefs instants plus tard, ses pieds avaient quitté le sol, et son postérieur s'enfonçait dans la neige. Malgré les quelques étoiles qui lui parsemaient le champ de vision, Chris put constater que son adversaire n'avait pas terminé, et produisant le même type de mouvement que ces vieilles dames zen dans les parcs le matin (la puissance en plus), il décolla une lame de neige qui se mua en pointes qui volèrent droit sur lui.

Chris vit alors sa vie défiler sous ses yeux, littéralement. Tous ses souvenirs remontaient à la surface, les uns derrière les autres. Ce qu'on disait était vrai alors ! Sauf qu'il n'allait pas encore mourir. Au lieu de pointes glacées, ce fut un simple jet d'eau qui lui aspergea le visage. Son adversaire regardait au dessus de lui.
Levant le regard, Chris put constater que l'autre mutant, celui qui avait parlé à Alixtide, se tenait debout derrière lui et le surplombait.

"Quoi ?"
- Laisse tomber Chris... Celui là ne sait rien, il est arrivé ce matin ici."

Chou blanc. Et spectaculaire pour ainsi dire. D'ailleurs Chris en resta coi lorsqu'il vit que le jeune manipulateur de flotte esquivait son parpaing avec une grace toute déconcertante. Fichtre ! Avait-il à ce point mésestimé sa rapidité de réaction ? Il était vrai que sur le coup, le jeune homme n'avait pensé à la fatigue cumulée à ses vêtements mouillés qui fraînaient considérablement ses gestes. Ah ! Que d'énergie gaspillée pour du vent ! Et pour ce qu'il lui restait en plus. Ca en était rageant... Encore quelque peu essoufflé, il n'arrivait cependant pas à détacher son regard maintenant empli de consternation de ce type qui maniait son pouvoir à la perfection tant Chris en était sur le cul. D'ailleurs c'était bien la première fois qu'une personne réussissait à le surprendre autant... Cependant, il ne put plus longtemps s'attarder sur ce que lui inspirait ce dernier, sentant de nouveau cette sensation de flottement. Et malheureusement, pour la seconde fois, il ne s'agissait pas simplement d'une sensation. Ses pieds se décollaient dangereusement du sol.

*Punaise... Ca l'amuse tant que ça de faire léviter les gens celui-là ?*

En fait, Chris se retrouvait complètement perdu. Il venait à ne même plus savoir s'il devait en avoir peur ou non. De plus, il semblait se coltiner toutes les situations de crise depuis un certain temps. Si ca continuait, il allait vraiment finir par en être blasé... Mais si seulement. Au lieu de cela, il ressentait cette vive douleur que lui procurait son coeur meurtri par la peine et la frayeur. Semblant reprendre peu à peu ses esprits, le jeune homme crispa légèrement les mâchoires ainsi que les poings. Honnêtement, il s'en voulait atrocement. Oui, de n'être qu'un pantin entre les mains d'un dandy qui affichait honteusement sa supériorité. Il était si facile de s'en prendre à une personne dont le pouvoir n'était qu'infime. Retombant brusquement fesses contre neige, le jeune homme ne put toutefois s'empêcher d'afficher cette grimace de douleur qui attestait du choc trop brutal qu'il ressentit, proche des 36 chandelles. C'est que l'autre malade avait une force de barbare mine de rien... L'immense fatigue oeuvrant dans ce sens, Chris se sentit sur le point de perdre connaissance. Simplement celui-ci se retrouvait à batailler sévère pour ne pas fléchir. Mais peut-être aurait-il dû en fin de compte...

Ouvrant lentement les yeux, son coeur manqua un battement alors que son souffle se faisait bien plus rare. C'était d'ailleurs limite il suffoquait lorsqu'il se rendit compte que l'hydrokinésiste soulevait un large amas de neige pour le muer en grosses épines de glace bien acérées. Ca y était, il était foutu ! Voyant ces dernières fonçer impitoyablement vers lui, Chris ferma les yeux, le corps maintenant parcouru de violents tremblements. Et ceux-ci n'avaient rien à voir avec le froid. Ni son pouvoir d'ailleurs. Il avait tout simplement les pétoches. Etrangement, la première image qui lui vint lorsqu'il eut la sensation de voir sa vie défiler, fut celle de ce père qui les avait lamentablement abandonné lui et Clémence. D'ailleurs pleurerait-il sa mort s'il en avait vent ? Et sa soeur... Il s'était occupé d'elle le coeur débordant d'amour et de fierté lorsque leur mère avait été appelée par la faucheuse. Pouvait-il maintenant la laisser tomber ? Mais il ne voulait pas ! A son insu, quelques larmes venaient maintenant parsemer ses joues dont le teint blafard était plutôt à faire peur. Tout son être se retrouvait figé, son sang s'était figé. Restait plus qu'à attendre l'inéluctable...

Malheureusement, ou heureusement. Il n'aurait pu le dire, ce ne fut qu'un mince filet d'eau qu'il sentait lui mordre le visage. D'ailleurs il lui fallut quelques secondes avant de s'en apercevoir tant il était ancré dans ce monde de néant, entre la vie et la mort... Ouvrant lentement ses mirettes, il les leva vers le visage du manipulateur d'eau, complètement pommé. Constatant avec une déroute flagrante que ce dernier semblait avoir l'attention braquée sur autre chose, Chris n'esquissa toutefois pas le moindre geste. Il n'était plus maître de son corps à ce moment-là. La prise de conscience qu'il venait de frôler la mort le laissait plus amorphe qu'autre chose. Toutefois, cela ne l'empêcha pas de se rendre compte qu'il discutait avec une autre personne. Tournant machinalement le regard vers le nouveau venu, Chris ne broncha toutefois pas lorsqu'il croisa celui d'un autre des dandys. Mof, au point où il était, un de plus ou de moins... D'ailleurs il ne chercha même pas à savoir duquel il s'agissait exactement. De toutes les manières, vu son état, même une personne dépourvue de ce gène bizarre pouvait l'envoyer à trépas.

Le moment où le jeune homme sembla tiquer légèrement fut lorsqu'il entendit le prénom de l'hydrokinésiste. Et bien... Quelle déchéance de savoir que le gars qui était sur le point de vous envoyer dans l'autre monde portait le même prénom que vous ! En même temps, lorsqu'on était malchanceux, c'était jusqu'au bout hein. Comme semblant se souvenir de quelque chose, Chris fronça légèrement les sourcils, le regard scrutant vaguement les alentours. Mais... C'est que le mutant empestant avait disparu. Finalement, il avait bien raison de se méfier de tous. De nos jours, c'était chacun pour sa pomme et heureusement pour lui, il l'avait bien compris. Esgourdant les propos du jeune homme aux yeux bleus que Chris trouvait quelque peu étrange de part sa manière de s'exprimer, ne défiant aucunement les règles de la bienséance, il leva lentement les yeux sur celui-ci et ne put qu'être en partiel accord avec. Effectivement, il ne savait rien de toute cette mouise seulement il était là depuis la veille et non ce matin. Mais bon, ne voyant aucune importance à cela, il ignora cette affirmation.

*Mais comment peut-il savoir que je ne suis au courant de rien ? Serait-ce le dandy télépathe ?*

En fait, peu importait pour Chris. Tout ce qu'il savait, et il venait de le réaliser c'était qu'il devait une fière chandelle à ce type... Certes, ca se trouvait, il pouvait être pire que son comparse ami de la flotte, mais il préférait même pas se l'imaginer en fait...

=> Centre commercial

Chargé comme un mulet, Bart s'en revenait du centre commercial. Il s'attendait a trouver un Institut calme et reposé, sans doute encore un peu stressé par les évenements de la veille. Il s'attendait a voir quelques jeunes gens déblayer les gravats, d'autres préparer de quoi manger, ou encore tout ce que peuvent faire de gentils jeunes gens désoeuvrés et démoralisés. Il ne s'attendait certainement pas a débarquer au milieu d'un nouveau champs de bataille. Il n'y avait malheureusement aucune illusion a se faire, on se battait bien dans le jardin. "Oh non, pas encore", fut la pensée qui simposa alors a Bart'.

Il apercut Alixtide trempé (lavé ?) qui s'éloignait, il semblait porter River inconsciente. Il y avait également trois hommes, deux d'entre eux semblaient tres surs d'eux tandis que le panache du troisieme devait etre sérieusement réduit une culbute dans la neige et la douche qui s'ensuivit. Bart' ne savait pas trop ce qu'il fallait y comprendre, mais ces deux la n'avaient pas franchement l'air de postulants a l'Institut, a vrai dire, il se dégageait d'eux quelque chose qui ressemblait d'avantage aux professeurs, particulierement au professeur Layne déchainé de la veille. Un mélange de force, de confiance et d'obstination.

Arrivant sur ces entrefaits, il pris quelques secondes pour réfléchir a la situation. Il n'avait sans doute aucune chance contre ces deux lascars, ils avaient clairement mis au tapis River juste avant de se faire les dents sur le troisieme _ sans doute un malheureux nouveau. Ils étaient sans doute venus a l'Institut en sachant pertinemment ce qu'ils allaient trouver. Le fait qu'il soit absolument incapable de se souvenir des pouvoirs de River ne l'aidait pas a juger du degré de danger que représentaient ces nouveaux venus. Aussi appliqua t il un vieil adage qui avait souvent fait ses preuves : "Dans le doute, abstiens toi."

Il resta a distance raisonnable, laissant ses sacs tomber dans la neige mais gardant en main sa barre métallisée, d'avantage pour se rassurer lui meme que pour s'affirmer face a ces gens. Il reprit au vol l'apostrophe de l'un des types, autant pour se donner contenance que pour gagner du temps et peut etre éviter un massacre.

"Ouais, laisse tomber Chris, dit il calmement sur un ton neutre. De toute facon, si vous voulez vous adresser a quelqu'un qui en vaut la peine, il faudra repasser. Le directeur et tous les profs sont partis en... hum, disons qu'ils sont en voyage scolaire. Ceux qui restent ici, c'est les punis."

Il espera que ca voix ne trahisse pas trop de doute, tout en n'étant pas trop agressive. Ces types la avaient l'air sur les nerfs, et il était inutile de leur donner un prétexte.

Le télépathe se baissa vers Chris. Sa dernière heure était-elle venue ? Apparamment non... Il se contenta de l'aider à se remettre debout, puis ce dernier sentit que toute l'eau de ses vêtements disparaissait.

"Allez, tire toi d'ici. Essaie de te cacher, et ne te mets pas dans nos pattes. On ne veut de mal à personne."

Il darda son regard sur Bart qui s'armait de son aiguille à tricoter en alu.

"Ce qui n'est manifestement pas le cas de tout le monde ici..."

Chris, l'hydrokinésique, se retourna en s'entendant interpeller de façon aussi familière. Il regarda tout d'abord Bart d'un air blasé, puis son arme de fortune ce qui le fit pouffer de rire.

"Non mais je rêve... Tu espères faire quoi avec ton cure-dents ? Nous faire peur ?"

Les deux mutants se tenaient côte à côte. Il ne serait sans doute pas évident de s'en défaire. Déjà, le télépathe plantait son regard dans celui de Bart.

Alors qu'il avait toujours le regard rivé sur le jeune homme aux yeux bleus qui, selon toute vraisemblance, devait être le dandy télépathe, Chris se figea brusquement lorsqu'il vit ce dernier se pencher vers lui. Son coeur se mit à cogner plus fort alors qu'il sentait tous ses membres trembler de plus en plus tant il appréhendait la réaction du dandy. Certes, celui-ci ne semblait pas animé de mauvaises intentions et le jeune homme ne décelait aucune trace de méchanceté dans son regard, seulement il préférait se méfier. Après tout, pourquoi s'abstiendrait-il d'utiliser son pouvoir contre lui ? L'autre malade n'avait pas hésité une seconde... Bon, ils n'étaient pas la même personne en même temps, mais ils bossaient de concert et cela suffisait à sa méfiance. Pour dire vrai, il lui était extrêmement difficile de se remettre de son flirt avec la mort et n'osait alors bouger le moindre petit doigt. Chris avait depuis le début, compris qu'il était inutile de tenir tête à des types pareils. Ah ! pourquoi avait-il fallu qu'il écoute cette Sibylle ? Il ne serait pas là à l'heure qu'il était mais tranquillement en train de se sustenter ! Surtout, River ne serait certainement pas morte...

Malheureusement, son desespoir ne l'avait quitté et le jeune homme se demandait comment il pourrait continuer à vivre avec la mort de cette jeune fille sur la conscience... D'ailleurs réussirait-il à survivre à cette situation ? Ca, ça n'était pas encore dit. Observant le télépathe de son regard empli de crainte et d'incertitude, celui-ci se mua rapidement en effarement tandis que le dandy télépathe lui offrait ses bras pour l'aider à se relever. Il ne rêvait tout de même pas ! Incompréhensible... La surprise passée, Chris le scruta attentivement, la mine des plus interrogatives. Etait-il simplement en train de le tester pour voir comment il réagirait ? Curieusement, il sentait au fond de lui que celui-ci était sincère. Peut-être l'aura et la prestance qu'il dégageait... Et il fallait voir ! Chris n'avait même pas tiqué sur sa manière de le tutoyer ! Cela ne l'avait même pas dérangé, une première lorsque l'on pensait qu'il lui était totalement étranger... Mais peut-être l'intimidait-il tout simplement. Quelque peu hébété, Chris se décida finalement à agripper la main de ce dernier, le regard plongé dans le sien. S'accrochant au bras du dandy comme à une bouée de sauvetage, Chris, bien qu'avec légère peine, se redressa lentement.

Enfin à la même hauteur que les deux jeunes hommes, il écouta les propos du dandy télépathe avec attention, bien que décontenançé de se sentir à nouveau au sec. Pour en arriver à cela, leurs pouvoirs devaient dépasser l'entendement... Ainsi ils ne voulaient de mal à personne ? Mais alors... Se seraient-ils tous fourvoyés sur leurs intentions ? S'il comprenait bien, ils recherchaient simplement cette fameuse Cerebra... Bon sang ! Pourquoi cette Sibylle tenait-elle tant à protéger cette personne ? Ou cette chose ? Ne se rendait-elle pas compte qu'ils risquaient tous d'y passer à cause de cela ? A ce moment-là, Chris n'avait qu'une envie. Laisser aller ses pensées concernant cette salle des dangers dont la nommée Laura avait parlé ! Simplement il était hors de question que quiconque vienne de nouveau à trinquer par sa faute. Et c'est pour cela qu'il continuait à garder bien sagement ses pensées. En prise avec ces dernières, son attention fut brusquement happée par l'arrivée d'une autre personne. Un gars de couleur constata-t-il. Ce dernier venait de même d'attirer le regard de l'autre Chris par ses propos et le jeune homme ne put s'empêcher de fermer les yeux, l'expression des plus navrées. C'est qu'il ne savait pas ce qui l'attendait... De plus, Chris en viendrait à jurer que l'hydrokinésiste devait être le pire de tous.

Percevant les mouvements du télépathe, Chris reporta le regard sur celui-ci et le vit se diriger vers son comparse pour se poster à ses côtés. Merde... Ils ne comptaient tout de même pas... Apparemment, au vu de leur posture, ils comptaient sans aucun doute, en découdre avec le nouveau venu. En son for intérieur, Chris espérait que le jeune homme de couleur n'irait pas commettre la même bévue que lui. Car effectivement, il n'avait aucunement l'intention de s'interposer. En fait, il préférait de loin écouter le conseil du dandy télépathe et se casser le plus loin possible. Il avait la chance d'être encore sur pattes alors hors de question pour lui de gâcher cela ! Et puis il se devait de rester en vie pour la personne la plus importante à ses yeux. Donc vraiment pas le moment de se soucier de qui que ce soit d'autre. Ressentant un léger pincement au coeur, Chris porta la main vers celui-ci, le sourcil fronçé. Etait-ce un brin de culpabilité que ce dernier nourrissait ? Non ! Il n'en était pas question ! Crispant les mâchoires, le jeune homme serra les poings à s'en faire blanchir les jointures avant de tourner brusquement les talons. Il remarqua l'absence du corps de River au passage mais s'efforça de ne point s'en soucier. Mieux valait qu'il décampe de cet institut en vitesse. C'était terminé pour lui, il ne serait plus jamais le bienvenu en ces lieux... Il prendrait sa valise vitesse grand V et ferait en sorte que personne ne se souvienne de sa présence ici. Bon honnêtement, il crevait de trouille d'affronter le regard de chacun, lui renvoyant l'image du malade assassin qu'il était...

Hangar (après court passage par le hall)

Bart jeta un coup d'oeil a sa barre d'alu lorsque le prénommé Chris s'adressa a lui. Ca un cure dent ? Mon pote, tu dois avoir de sacrés chicots... L'image le fit sourire a peu pres une demi seconde, avant qu'il ne revienne au tragique de la situation. Il avait tapé juste, ces deux zigotos étaient surexcités. Le fait qu'ils fassent une fixation sur la barre que tenait Bart' était d'ailleurs révélateur de leur état d'esprit. Si elle était aussi ridicule qu'ils le disaient, s'en seraient ils sentis aussi vite menacés ?

"J'y crois pas, vous débarquez ici, vous mettez River dans les vapes et l'autre type dans les choux, et c'est vous qui vous sentez agressés ? grogna t il entre ses dents. C'est le monde a l'envers."

Car celui qui avait peur ici, c'était Bart'. Et il avait aussi plein les basques de ce genre d'emmerdements, la fatigue de sa non-nuit lui pesait et il avait encore mal a la tete depuis sa rencontre a forte vélocité avec un arbre du jardin, la veille. Tout cela ne le poussait pas a l'amabilité, mais il fallait absolument revenir aux fondamentaux. Un peu tard pour faire les présentations, un peu tard pour faire montre de politesse, mais peut etre pas trop pour que tout le monde abandonne l'envie d'en découdre.

"Bon, si vous voulez faire de mal a personne, on peut peut etre s'entendre, reprit il en s'efforçant de calmer sa trouille. Dites ce que vous voulez, j'essaierai volontiers de vous aider et vous repartirez tranquillement sans faire de mal a personne." Il était tout a fait sincère et espéra qu'on ne prenne pas cela pour une nouvelle provocation. "Si c'est ca qui vous gene, pas de probleme," ajouta t il en laissant tomber sa barre au sol. Il fallait se montrer raisonnable et esperer que le désarmement serait réciproque.

Un sourire s'afficha sur le visage des deux mutants. Non pas le genre de sourire avenant que prennent les amis ou les gens de bonne volonté, mais plutôt le sourire démoniaque de la personne qui touche au but.

"C'est beaucoup mieux comme ça. Enfin quelqu'un de raisonnale..."

Annonça le mutant hydrokinésique, alors que le télépathe enchaînait.

"C'est très simple. Nous savons que l'institut a été capable de produire une attaque télépathique transcontinentale. Nous voulons savoir comment."

Une grosse masse d'eau s'était décrochée de la neige, et tournait en un mince filet autour de l'hydrokinésique qui semblait réellement vouloir jouer le coup du "mauvais flic"

Les choses semblaient prendre un meilleur tour. Meme si l'expression que ces types avaient adopté n'était pas des plus rassurantes, ils avaient l'air de préférer le dialogue plutot que d'écraser tout sur leur passage. Sans doute considéraient ils avoir suffisamment exercé leur virilité sur River et l'autre type. Sans doute Bart' avait il eu de la chance de n'arriver qu'en troisième.

Il regarda d'un coin de l'oeil, celui qui s'appelait probablement Chris, se donner de l'effet avec quelques tours aquatiques. Il ne fallait pas chercher tres loin, ce type la savait controler l'eau, et si on en croyait la scene que Bart' avait surpris, il était capable de la controler sous ses différentes formes. Quand a l'autre, qui lui adressait a présent la parole, mystere. Il semblait néanmoins plus abordable que l'autre, plus communicatif, plus intellectuel également, mais cela ne signifiait rien. Il était tout autant déterminé, l'expression qui pouvait le mieux le décrire pouvait etre celle ci : une main de fer dans un gant de velours. Bart' n'avait aucune envie de sentir cette main lui serrer la gorge, mais il ne pouvait s'empecher de se sentir proche de cet élégant jeune homme au calme olympien qui respirait la parfaite maitrise de son corps et de sa tete.

"En fait d'attaque, on en a bavé, commenca t il en pointant du doigt les restes de l'aile effondrée. Vous voyez le résultat... Si vous étiez pas aussi surs de vous, je dirais que vous vous trompez de clients, et que c'est nos ennemis que vous devriez aller voir pour parler d'attaque télépathique. Ils ont controlé nos profs avec des télépathes depuis je ne sais quel coin paumé. On a du se battre entre nous. Y'a eu des morts. J'imagine que si nous on avait été capable d'une attaque télépathique transcontinentale, comme tu dis, on aurait pas attendu qu'ils frappent les premiers. On aurait évité tout ce gâchis"

Continue a parler, Bart, continue a leur raconter ta vie. Peut etre qu'ils se lasseront... hum, c'était tres peu probable. Mais tout en parlant, Bart se sentait rassuré. Il était dans son domaine, celui des mots, il était en territoire connu. Il réfléchissait aussi, il réfléchissait a toute allure. Voici ou en étaient ses réflexions : L'attaque sur l'Institut avait eu lieu la veille et ces types étaient déja la, apparemment bien renseignés. Cela signifiait il qu'ils espionnaient l'Institut ? Il avait déja exclu que ces types ne soient pas responsables de l'attaque _ pas les memes méthodes, pas les memes buts. On ne pouvait pas pour autant leur faire confiance, mais la seule facon de s'en débarasser était sans doute de leur donner ce qu'ils voulaient, ou au mieux de leur faire comprendre qu'ils ne le trouveraient pas ici, maintenant. Il reprit, toujours sur le meme ton :

"Apres, j'en sais rien, je suis qu'un malheureux subalterne. Je sais que l'attaque a finit quand des télépathes de chez nous ont réussi a faire une sorte de bouclier contre le controle de nos profs. Je sais aussi que nos télépathes n'étaient pas capables de faire la meme chose depuis l'Institut aux équipes qu'on a envoyé en Europe. Et enfin, je sais que les neufs dixièmes de l'Institut sont allés en personne en Europe pour... hum, faire poids dans les négociations. Je ne suis meme pas sur qu'il reste un prof a l'Institut."

Bart' fit une pause. Il venait de donner pas mal d'informations que ces types savaient sans doute déja, mais qu'ils n'avaient peut etre pas pris en compte. Sinon, ils ne se seraient sans doute pas déplacés, et il se préparait a leur exposer pourquoi. Il énuméra ses idées sur ses doigts :

"Si on est a peine capable de se protéger in extrémis de ces attaques télépathiques intercontinentales, dit il en levant l'index, si on est incapable d'étendre cette protection a nos équipes dans le monde, dit t il en dressant le majeur, et si il faut qu'on aille en personne jusqu'en Europe pour regler nos affaires, ajouta t il en dressant l'anulaire, avec tout le dérangement, les risques et la dépense que ca comporte, ca me surprendrait beaucoup qu'on ait une arme intercontinentale. Et si on l'avait, crois moi que je serais le premier a demander pourquoi on l'a pas utilisé plus tot, bordel," finit il en fermant le poing.

Sa tirade avait redonné confiance en Bart'. Il était toujours certain qu'il ne tiendrait pas plus d'un pet de mouche face a ces types, mais il se sentait a présent capable de leur parler _ seulement leur parler _ d'égal a égal. Il avait repris son assurance et sa voix traduisit ce nouvel état lorsqu'il termina :

"Vous etes surs de ce que vous dites ? En admettant que ce soit vrai, je pense que seul le directeur et peut etre les profs sont au courant. Et encore, les profs, je suis pas sur, parce que Layne avait l'air encore plus chamboulé que nous hier. Si vous voulez plus d'informations, faudra attendre leur retour, mais apres ce que vous avez fait a River, peut etre qu'ils ne voudront pas vous parler. tout dépendra de son état."

Le grand élégant, Renaud, regarda Bart avec un air amusé, alors que Chris jouait avec son eau d'un air distrait et gourmand. À peine Bart eut-il commencé à parler que Renaud murmura à son comparse :

"Chris... Va rejoindre Franklin dans le hall, vous ne serez probablement pas trop de deux. Je vais m'occuper de celui là.", avant de reporter son regard sur Bart alors que Chris tournait les talons et s'en allait, suivi par une grosse masse d'eau.

Au fur et à mesure que celui-ci parlait, son interlocuteur semblait s'intéresser, puis se passionner pour son discours. Avait-il vraiment un auditoire aussi appliqué que cela ?
Quand Bart eut fini, Renaud laissa passer un bref instant de silence, simplement pour permettre au grand orateur de savourer son petit effet.

"Ils ont contrôlé vos profs avec des télépathes branchés à une machine appelée l'overmind, située à Paris, dans le quartier de la Défense. Nous savons déjà tout ceci. Maintenant, vous n'auriez rien évité de tout ceci dans la mesure où vous n'aviez pas la moindre idée de ce qui se tramait outre-atlantique... Sans doute une habitude américaine."

Il se fendit d'un léger sourire.

"Même s'il est vrai que tu viens du Congo. Je ne m'attends toutefois pas à ce que tu te rappelies de moi. Tout traumatisé que tu étais par une jolie fille."

Comment savait-il tout ceci ? Il était plutôt bien renseigné, et Bart commença à sentir que tout son boniment n'avait pas eu l'effet escompté.

"Maintenant, je ne me lasse jamais d'écouter les gens raconter leur vie. C'est fascinant, la vie des gens. Je te rassure aussi, nous n'espionnons pas l'institut. Simplement, nous connaissons les responsables de cette attaque, et crois-moi, ils n'en ont plus pour très longtemps à vivre.

Mais cette histoire de bouclier psychique est assez intéressante. Improbable, mais intéressante. Un bouclier psy ne fait pas fondre les cervelles des autres. C'était une véritable attaque, qui a été lancée."

La suite fut un peu moins agréable. Renaud parlait toujours, mais ses lèvres ne bougeaient plus. Il regardait fixement Bart qui entendait la voix dans sa tête, tout en se sentant cerné, comme s'il ne pouvait plus échapper à son interlocuteur.

*Je suis parfaitement sûr de ce que j'avance, parce que figure toi que je connais deux ou trois trucs en télépathie. Ta copine River est morte, mais je n'y suis absolument pour rien là-dedans. Nous n'avons pas le temps d'attendre les profs, alors je vais me servir directement.*

Une désagréable sensation étreignit la cervelle de Bart, alors que les souvenirs de la veille remontaient à la surface, avec tous les détails qu'il avait pu enregistrer. C'était comme remuer le fond d'une vieille mare : toute la boue remontait, et tout devenait trouble. Avait-il fait exprès de rendre les choses aussi désagréables ? Bart voyait qu'il s'intéressait de près à Kitty. Il reprit finalement la parole, à voix haute, même s'il fallut deux secondes à Bart pour s'en rendre compte.

"Dans les sous-sols hein. La petite Kitty est allée rejoindre Anna dans les sous-sols pour arrêter l'attaque. Anna... Elle doit être partie à Paris, je n'ai pas détecté d'autre télépathe que Kitty ici. Vous avez donc un genre de machine. C'est bien ce que nous pensions."

Il était redoutable. Il lui adressa un dernier sourire malicieux, puis conclut.

"Merci de ta collaboration."

Un jogging qui permet de penser !

Alicia était partie du hangar pour aller courir. L’agitation due à l’attaque avait énormément travaillé la jeune fille. Beaucoup d’élèves avaient quittés l’institut pour partir en mission. Finalement, elle n’avait pas fait partie de ce voyage. Elle rageait un peu de n’avoir pu participer à l’action de représailles envers le groupe qui avait permis d’attaquer l’institut en prenant le contrôle des profs.

Elle espérait que tout le monde reviendrait sain et sauf. Elle courut autour de l’institut mais en dehors de ses murs. Sortir de ce décor de désolation, se dépenser pour évacuer le stress et les frustrations accumulées.

Si ces parents voyaient l’état de l’établissement dans lequel elle vivait depuis plusieurs mois maintenant, la laisserait-il ici ? Cette pensée augmenta encore un peu plus l’angoisse d’être un peu impuissante devant cette situation. L’institut se devait de réagir de la meilleure manière possible. C’était maintenant aux élèves de prouver leur force de caractère et leur détermination.

Ces pensées s’égaraient dans tous les sens. Son avenir incertain lui faisait peur. Elle secoua la tête comme pour chasser ses idées noires. Cela faisait longtemps qu’elle était partie de l’institut, il était temps de revenir.

Sur le retour, elle repensa à Rob. Il était encore partit, ils n’avaient même pas eu le temps de se croiser et d’échanger quelques paroles en tête à tête. La jeune fille espérait le revoir rapidement en pleine forme et indemne. La seule pensée agréable qu’elle avait à l’esprit allait en direction du manteau neigeux. Au moins, une chose qui donnait du baume au cœur à la jeune fille qui n’avait pas trop le moral.

Se rapprochant de l’institut, elle longea le mur en direction de l’entrée principale. Elle ralentit alors le rythme jusqu’à finir par marcher. Elle prenait de longue inspiration pour calmer son rythme cardiaque. Lorsqu’elle tourna pour pénétrer dans le jardin de l’institut par la grille principale, elle découvrit Barthélémy face à un homme inconnu. Les seuls propos que la leader des Atom’X entendit furent la dernière phrase de l’inconnu.

Merci de ta collaboration … Qu’es ce que cela pouvait bien signifier ? De quoi avait il parler ? Que ce passait-il dans l’institut ? Finalement, elle n’aurait peut être pas du aller courir et s’absenter quelques heures.

« Bart, que ce passe-t-il ici ? Qui est cet homme ? Pourquoi te remercie-t-il de ta collaboration ?»

Le ton était sec et assez autoritaire. Les questions de la jeune fille avait fusées très vite. Elle démontrait aussi l’inquiétude de la jeune fille sur la présence d’un inconnu dès le lendemain de la dernière attaque en date de l’institut. Cependant, la manières de poser ses questions relevait d’un vieux réflexe de leader d’équipe, elle s’approcha tout en restant dans le dos de l’inconnu. La méfiance était de rigueur.

Peut-être que cette personne n’était qu’un nouveau mutant qui venait d’arriver ? En ce cas, les doutes de la jeune fille étaient totalement infondés. Dans un coin de sa tête, elle espérait un peu qu’il puisse être un nouveau. Un ennemi impliquerait encore de nouveaux combats ou des pourparlers difficiles. Finalement, la présence de cet inconnu dans ces circonstances n’avait rien d’engageant.

Bart fut choqué tant par l'investigation mentale dont il venait d'etre la victime que par la révélation que venait de lui faire l'inconnu pas si inconnu que ca. Il ne l'avait pas reconnu sur l'instant, sans doute que comme il le disait, la belle illusion en forme de femme avait fait plus de place dans sa mémoire que l'homme en blanc. Comment s'était il appelé alors ? Cela n'avait pas vraiment d'importance, c'était sans doute un pseudonyme parmi d'autres. En quelques fractions de seconde une vague de souvenirs bien plus ancien remontèrent a la surface de la conscience de Bart' et il se revit plus de six mois auparavant, a l'autre bout du monde. L'homme, déja, l'avait captivé, et aujourd'hui, malgré ce qu'il avait vécu a l'Institut, malgré ce qu'il y avait appris, rien n'avait vraiment changé.

Il resta ainsi interdit, entendant a peine les mots d'Alicia qui venait d'arriver. En remuant la vase de ses souvenirs, l'homme avait brouillé pour longtemps les pensées de Bart'. L'humeur qui était la sienne il y avait a peine quelques secondes, lorsqu'il prenait ces gens pour des intrus dangereux, cette humeur était déja loin et il se sentait a présent confus, incapable de faire la part des choses : que devait il a l'Institut ? Etait de sa responsabilité de tenter quoi que ce soit pour défendre ce qui se trouvait dans les sous sols ? Allait il s'opposer a cet homme qui, par un curieux pied de nez du sort, l'avait amené a rejoindre l'Institut ? A vrai dire, il se sentait absolument incapable de tenter la moindre chose contre cet homme. La fatigue de la veille lui tomba alors comme un marteau pilon sur les épaules et écrasa tout forme de volonté de sa personne.

Curieusement libéré par la tension, apaisé, il répondit finalement a l'homme :

"Je ne pensais pas vous revoir. Hum, vous etes plus class en blanc. Qu'est ce que va se passer, maintenant ? Je ne sais pas ce que je dois faire par rapport a vous, a l'Institut, aux autres. Est ce que je dois vous aider, ou est ce que je dois m'opposer a vous ? Je n'aurais aucune chance, n'est ce pas ?"

Le sort de River, déclarée morte, n'avait absolument plus la moindre once d'importance aux yeux de Bart'. C'est a peine s'il se souvenait l'avoir vu, quelques minutes plus tot, emportée inanimée par Alixtide. Cependant Alicia, qui revenait d'on ne sait ou, rappela a sa conscience qu'en dehors de cet homme, il y avait un monde et qu'il avait des comptes a lui rendre. Cela l'agaça et il répondit d'une voix acide :

"Cet homme c'est... une connaissance. Il vaut mieux que tu rentres, Alicia."

Lui meme n'avait toujours aucune idée de ce qu'il allait faire.

À nouveau, Renaud sourit à Bart, ravi de voir qu'il se souvenait de lui, et que ce souvenir avait de quoi le perturber au plus haut point. Pourtant, il avait été particulièrement soft à Kinshasa. Impressionnant de voir à quel point il pouvait être traumatisé à présent.

Par contre, sa copine derrière ne semblait pas aussi impressionnée. Peut-être un peu fleur bleue avec la neige, mais après tout... il ne connaissait pas grand monde qui n'appréciait pas à sa juste valeur un paysage enneigé.

Le télépathe se déporta sur le côté et se tourna, de sorte qu'il puisse voir les deux élèves de l'institut. Il se tourna vers Alicia, et se présenta poliment.

"Je m'appelle Renaud. Moi et des amis sommes venus ici pour trouver la machine qui vous a permis de mener une attaque télépathique, hier. D'après ce que votre ami Bart m'a appris, elle se trouve au sous-sol. Comme vous vous en doutez, nous avons l'intention de nous en servir, mais rassurez-vous, aucun mal ne vous sera fait."

Il tourna subitement la tête vers le hall, fronçant les sourcils, puis se reporta sur Alicia, à qui il adressa un sourire engageant, alors que celle-ci sentait son esprit s'embrumer.

"Vous n'avez pas grand chose à m'apprendre de plus on dirait. C'est dommage. Je me permets toutefois de vous encourager à ne pas trop songer à être agressive. La violence n'arrange jamais rien."

Alicia et Bart purent alors constater avec stupeur qu'une longue tranchée de neige s'était muée en eau, et s'était précipitée vers l'intérieur. Ca devait chauffer dans le hall...

Alicia avait surpris la conversation entre les deux hommes. Bart avait l’air un peu perturbé. Il fit mine de ne pas remarquer sa présence et conclut quelques paroles qui n’avait aucun sens aux yeux de la jeune fille. Cependant, elle comprit qu’ils se connaissaient, ou tout du moins, ils s’étaient déjà rencontrés. Bart répondit à ses interrogations, d’une manière assez étrange, lui demandant de rentrer dans l’institut.

La jeune fille fut surprise de cette réponse. Elle resta cependant le plus de marbre possible. L’homme qui faisait face à son camarade finit par bouger pour avoir les deux élèves dans son champ de vision. Il prit la parole, et présenta aussi bien sa personne que les projets qui l’amenait ici et ses comparses. Alicia sentit alors son esprit s’embrumer. Une étrange sensation, elle ferma les yeux jusqu’à ce que la voix de l’homme reprenne la parole. Que venait-il de se passer ?

La phrase et l’avertissement de Renaud alertèrent la jeune fille. Avait-il lu dans son esprit ? Ses pensées ? Ses souvenirs ? Elle n’avait aucune pensée agressive à ce moment là, juste de la méfiance. Cette personne devait donc être elle aussi un mutant. Et il devait être assez puissant. S’il pouvait entrer dans l’esprit des gens pour y fouiller son contenu, que pouvait-il faire d’autre ? Rendre fou ? Tuer par l’esprit ou quelque chose du genre ? Ou forcer les gens à commettre des actes pour son compte ?

Un frisson parcourut l’échine du leader des Atom’X. Pas à cause du froid mais à cause de la personne qui était devant elle. Ce genre de personne et ce genre de pouvoir …. Elle remarqua alors la tranchée dans la neige, qu’es ce qui était passé par là ? Elle regarda une dernière fois Renaud. Certaines apparences semblaient en contradiction avec ce qu’il prétendait. Même s’il n voulait pas leur faire de mal, lui et ses collègues semblaient quand même prêt à tout pour parvenir à leur fin.

Avec le manque d’élève dans l’institut, celui-ci était plus une proie facile et en l’absence des professeurs, cette vérité était d’autant plus flagrante. Combien étaient-ils ? Renaud n’était pas le plus gênant à l’heure actuelle. Il se trouvait dehors et vu ce qu’il venait de réaliser, ce serait surement à lui d’utiliser Cérébra. Alicia réalisa alors que ces acolytes étaient surement à la recherche de ce secret de l’institut.

Elle regarda Bart, avec un regard profond et avança pour se rapprocher de lui et de l’entrée principale de l’institut.

« Je vais écouter ton conseil, je retourne à l’intérieur. Soit prudent avec lui »

Puis elle rajouta à voix basse pour que seul Bart puisse entendre.

« Si jamais ça tourne mal avec lui, n’hésite pas à appeler »

La jeune fille commença à reculer gardant Renaud en visuel. Après quelques pas, elle se retourna et partit en direction du hall. Elle était intriguée par la tranchée d’eau qui s’était engouffrée dans le hall.


Hall de l’institut

Les pas de Spade claquèrent dans l'allée qui menait vers l'institut Xavier. Il serrait dans sa main gantée de blanc la carte de valet de carreau sur laquelle l'adresse de l'institut était écrite de la main de MacKenzie. Il passa les grilles transis par le froid qui régnait ici. Il revois encore ce lever de soleil sur le désert du Névada dans le car qui empruntait la route 88 du nord.

Il avait quitté précipitemment Las Vegas laissant derrière lui son espoir de remporter un jour le tournoi de poker le plus prisé du monde. S'il rentrait chez lui, ses réflexions le menèrent à envisager la honte et la ruine de ses parents. Il était donc décidé à venir rencontrer les gens de l'institut Xavier, mais ... il remarqua rapidement que quelque-chose était anormal. La verrière d'un pièce était éventrée et donnait directement sur le jardin.

la neige s'engouffrait dans ses chaussures et il resserra autour de lui sa veste de cuir qui lui tenait un peu plus chaud. Il calla le journal de Salem sous son bras, il l'avait acheté un peu plus tôt sur le chemin pour se renseigner sur sa nouvelle destination. Il jeta son sac sur son épaule et s'avança un peu plus dans le jardin. Il était un peu perdu, il faut l'avouer, petit arrivant dans un établissement qui manifestement accueillait beaucoup de monde, il était impatient de rencontrer les autochtones de la région. Cela ne fut pas long. Il arriva au bout de l'allée qui prenait un virage et donnait sur une petite courre où l'on voyait les grandes portes de l'entrée du bâtiment. Il y avait là deux garçons qui semblaient en grande conversation mais aussi une jeune-fille.

Soudain, cette dernière se mit à rebrousser chemin, mais d'une manière peu orthodoxe. Elle semblait sur la défensive, comme acculée par un prédateur. L'air lui-même semblait si oppressant dans leur alentour qu'on eut put le couper au couteau. Spade resserra son sac et s'approcha des garçons avec calme et réserve, il s'attendait à beaucoup de choses, mais il préféra jouer un peu les arrivants perdus pour détecter le fond du problème et pouvoir réagir vite le cas échéant. Son regard se porta sur Renaud, il se mit à côté de Barthélémy et lui adressa un regard de salutations puis il s'adressa à celui qui avait effrayé la jeune fille.

- Excusez ma demande, mais je voudrait m'adresser à un responsable de l'établissement. Je viens juste d'arriver et je désire en savoir plus sur l'institut.

Il sentit que son discours n'intéressait ni l'un ni l'autre et presque même qu'il tombait comme un cheveux sur la soupe.

- Si vous êtes du coin, vous pourriez me renseigner...

Il acheva ses balbutiements et fixa son regard derrière ses lunettes noires droit sur Renaud s'attendant au pire.

Renaud laissa partir Alicia sans réagir outre mesure. Il y avait Chris dans le hall, et ça lui ferait sans doute plaisir d'avoir une adversaire un peu plus efficace. Même si... Il ne tarderait sans doute plus trop à rejoindre le hall ou Franklin. Chris était sans doute le meilleur au corps-à-corps d'eux quatre, mais un contre cinq, ça commençait à faire beaucoup.

Il se tourna d'un air amusé vers Spade. Un nouveau. L'institut commençait à faire sa petite renommée pour qu'il y ait des candidatures spontanées. Et ce n'était pas le premier aujourd'hui... Il avait déjà vu deux esprits au moins qui ne connaissaient rien à l'endroit.

"Bonjour Spade. Je m'appelle Renaud, et je te présente Bart. Il n'y a actuellement pas de responsable à l'institut, mais rassure toi, tu n'es pas le seul nouveau ici. Deux autres personnes viennent d'arriver, mais elles sont... occupées, actuellement."

Se présenter comme faisant -presque- partie de la maison avait quelque chose de follement amusant. Il avait toujours adoré les faux-semblants et les double-jeux. Se faire passer pour ce qu'il n'était pas, et donner le change en lisant dans les esprits ce que les gens voulaient entendre...

"Je serais toi, j'éviterais le hall... Il est innondé actuellement. Quelques petits problèmes. Essaie le salon."

Il hocha la tête en guise de salut à l'intention de Spade, puis renouvela sa politesse pour Bart, et s'en fut vers le hall.

Renaud semblait être quelqu'un de sympathique et d'abordable à première vue. Il semblait même un tantinet courtois. Spade lui rendit son salut et le regarda s'éloigner. Bart était planté sur ses pieds comme un glaçon ne répondant pas, restant de glace un simple spectateur. Spade réfléchit un moment. Il y avait quelque-chose qui ne collait pas...

"Je serais toi, j'éviterais le hall... Il est innondé actuellement. Quelques petits problèmes. Essaie le salon."

A peine arrivait-il à l'institut qu'il y avait des soucis avec la plomberie? Le salon semblait être une bonne alternative. Il commença à esquisser un mouvement vers la verrière éclatée quand soudain son geste se stoppa net. Son sang se gela dans ses veines. Il figea sur une expression d'incompréhension et de peur. Certaines paroles venaient de résonner à ses oreilles.

"Bonjour Spade. Je m'appelle Renaud..."

Spade tourna vers le jeune homme un regard effaré alors que ce dernier s'engouffrait dans le hall de l'établissement. Incompréhensible. Il fixa un moment ce garçon puis la bouche de Spade remonta un peu. Il l'avait laissée ouverte pendant ce temps là.

- Je ne lui ai pas donné mon nom...

Il était effaré. Personne à l'institut ne savait qu'il arrivait et même si Mackenzie avait passé un coup de téléphone préalable, il ne pouvait pas en avoir parlé à un élève. Si toute fois ce gars en était un. Il n'était sûrement pas non plus le plombier et de toute évidence, dans le hall il se passait des choses.

* Reculer .... toujours reculer. Déjà Las Vegas m'a laissé sur le carreau, je ne vais pas reculer une fois de plus. Je veux savoir ce qu'il se tramme ce gars me mène en bateau.*

Soudain mut par une volonté innébranlable Spade se précipita à la suite de Renaud pour savoir ce qui se trammait. Il avait sentit une atmosphère tendue entre ces deux chiens de faillance. Il fallait qu'il en ait le coeur net.


Le hall.