[NeXus 4.1]Vermont : classe verte

Dépaysement à deux heures de voiture de l'Institut, c'était possible.



Le Vermont, état voisin de l'état de New York, était réputé pour la fraîcheur de son paysage préservé, et on pouvait dire que cette réputation n'était pas surfaite.



Avec Georgia au volant, le van de l'Institut s'était rapidement éloigné des zones massivement urbanisées, pour aborder des paysages naturels plus ruraux et moins habités. Le voyage avait duré environ deux heures, de sorte qu'il était aux alentours de 16 h lorsque le véhicule s'arrêta après une vingtaine de minutes d'ascension le long d'une route sinueuse.

Cassandre avait choisi un site de randonnée et de camping bordant le lac Champlain, frontière naturelle entre les USA et le Québec.

Abordant l'entrée du site, la gardienne, une femme d'environ quarante ans vêtue comme une garde chasse, s'approcha du van pour relever leur inscription et leur donner les renseignements dont ils auraient besoin.

"Avec un peu de chance, vous apercevrez Champie !" leur dit-elle avec un clin d'oeil, avant de les laisser poursuivre leur route.
Cassandre resta silencieuse quelques instants, puis crut bon de préciser, le visage tourné vers la fenêtre comme si elle regardait dehors :

"Nessy made in Vermont. Le folklore régional veut qu'un monstre aquatique vive dans le lac." expliqua-t-elle, avec un certain détachement. Ce n'était pas comme si une harpie était assise à l'arrière du van.

Leur emplacement était situé dans les bois qui bordaient le lac, à un endroit où les arbres étaient suffisamment espacés pour permettre l'installation de tentes, mais encore assez fournies pour préserver l'intimité du campement. Un cercle de cailloux délimitait le foyer d'un feu de camp. A une dizaine de mètres le long du rivage se trouvait un vieux ponton, auquel était amaré deux barques. Un silence religieux planait sur les lieux, seulement brisé de temps à autre par le clapoti d'un poisson dans l'eau, le bruissement des feuilles, ou le cri d'un oiseau.

La non-voyante descendit de voiture et commença à tourner pensivement en rond, tâtant le terrain de sa canne tout en remuant les lèvres comme si elle se parlait à elle-même. Elle arriva ainsi au bord de l'eau en comptant ses pas. Revenir aux bonnes vieilles habitudes de repérage spatial. Elle écouta le bruit des portes claquer et des élèves s'ébrouer pour mesurer la distance qui les séparait. Elle inspira profondément l'air pur. Elle était contente, de pouvoir enfin proposer une vraie sortie aux élèves. Pas de mission, pas d'entraînement, pas de corvée. Une sortie qui était une finalité en soi, où chacun pourrait être soi-même, car c'était le but : apprendre à connaître les autres, à se connaître soi-même.

"Nous devrions nous occuper des tentes maintenant que la lumière est encore vive... ce sera plus pratique pour vous. Ensuite vous avez quartier libre, mais si vous le voulez bien, nous nous retrouverons tous ici pour préparer le dîner vers 19h. Gardez vos communicateurs pour ne pas vous perdre." leur conseilla-t-elle en revenant vers eux, sans s'aider de sa canne.

Georgia huma l'air pur de ses petits poumons en étendant ses bras en direction du ciel ! Elle rayonnait de joie !

Enfin un séjour plan plan, pas de tueries massives, pas de visites d'égouts moisis infestés de mutants clochards ! Personne à sauver, pas de responsabilité sinon ramener les fringues de Snorki dans un état de saleté non avancé... La journée allait être belle !

Elle observa, un peu claquée de la route, Dame Cassandre qui faisait son petit manège de voyante aveugle... Elle l'aimait bien Dame Cassandre. C'était l'une des rares à ne pas montrer à Georgia qu'elle était... un peu bizarre.

C'était sympa de sa part en fait !

La New Yorkaise jeta son paquet d'affaires à même le sol. Puis fourrageant dans le van, elle entreprit de dégager le matériel des tentes...

"Cassandre, tu veux pas qu'on monte une tente à deux... Histoire qu'on se tiennent chaud la nuit et qu'on puisse reprendre mon analyse psy... J'ai plein de trucs à raconter depuis la dernière fois ! Et je suis sûre que tu seras fière de moi ! J'ai progressé depuis !"

Elle avait cassé un violon. S'était tapée la tête volontairement contre un mur lors d'un cours. Et puis dit beaucoup de bêtises. Son cas s'était en fait juste alourdi.

Le matériel descendu en vrac du camion, elle entreprit de chercher l'ordre pour monter tout ça.

"Et sinon, ce soir, ça vous dit que je vous chante quelques petites chansons que j'ai écrites avec mes mains et ma tête ? Je suis sûre que ça va vous plaire !"

Elle avait l'œil mauvais des grands jours. Non, elle était tellement contente qu'elle en avait oubliée d'être acerbe... Peut être que c'était l'Institut qui la rendait barge ?

"Mais Mina devrait faire attention aux chasseurs ! En fait, on devrait tous faire attention aux chasseurs ! Surtout quand ils ont bu !"

Le voyage fut éprouvant! Georgia, la blonde suicidaire au volant, ce n'était pas pour plaire au jeune français qui craignait pour sa vie.
Prenant sur lui en songeant qu'il fallait souder l'équipe en faisant confiance à ses partenaires, il fit un sourire crispé à ses camarades puis il se tourna vers les paysages qui défilaient à vitesse folle, en priant pour que Georgia n'ait pas la terrible idée de les envoyer dans le fossé...

Fort heureusement, tout se passa bien. Ils arrivèrent tous, sains et saufs, après avoir rencontré une dame qui parlait d'un Champie, alias le Nessy des Amériques d'après Cassandre.
Quand ils descendirent de la voiture un sourire de ravissement, s'épanouit sur les lèvres de Jareld, face au cadre idyllique: ça lui rappelait bien des souvenirs de France.
Ils se trouvaient près d'un lac ou peut-être se terrait Champie... Avec autour, d'immenses forêts. Les rayons du soleil se reflétaient sur le lac illuminant magiquement le paysage alentour.
Ça faisait beaucoup de bien, de quitter l'Institut après toutes ces aventures. Penser à autres choses que la dernière mission, ou ne plus supporter des élèves qui geignent tout le temps en se plaignant de leurs sort, c'était très agréable.
Cassandre fit quelques pas, peut-être pour se dégourdir les jambes mais la façon dont elle le faisait, ne laissait pas penser que c'était dans ce but.
Mlle Denoes proposa quand tout le monde fut dehors, de s'occuper des tentes tout de suite tant qu'il faisait encore jour, pour qu'il puissent avoir après cette corvée, quartier libre jusqu'à 19 heures, où ils devraient préparer le dîner. Elle préconisa aussi à l'équipe de garder sous la main les communicateurs pour ne pas se perdre.
Jareld qui l'avait enlevé pour le voyage plongea sa main dans sa poche et le sentit: contact rassurant qui le reliait aux autres et qui en cas de danger pourrait bien le sauver.
Puis Georgia qui était tout sourire depuis son arrivée ici, proposa à Cassandre de partager sa tente avec elle.
Un doute assaillit Jareld, les tentes, une place ou deux places? Bonne question qui angoissa soudainement le jeune mutant.
Si c'était le cas comme le disait Georgia en proposant de partager sa tente, Jareld craignait de n'avoir que d'autres choix que de partager la sienne avec le seul garçon de l'équipe: Iacobo.
Remettant ce problème à plus tard, Jareld écouta amusé, Georgia. Ce nouveau cadre, rendait le jeune français propice à se moquer. Alors qu'un peu plus tôt à l'Institut ces petites gamineries l'avaient énervés, là elles l’amuseraient beaucoup.
La blonde proposa ses talents de compositrice-interprète pour la soirée...
Jareld sourit en imaginant Georgia chanté faux, une guitare à la main. Se ravisant d'en faire la remarque à la blonde, il répondit:

" Ouais ça promet! Si tu veux, je t'accompagnerais, j'ai fais pas mal de solfège avant, il doit bien me rester encore quelques bases de percu' pour jouer avec toi."

En effet, en France dans ses cours de solfège il jouait régulièrement du wood-block pour s'entraîner au rythme.
Dommage qu'il n'ait pas ramené sa basse ça aurait été sympa, mais l'instrument n'aurait pas pu faire le voyage: faute de place.
Puis la mesquinerie de Georgia qui semblait s'être volatilisée avec le voyage revint lorsqu'elle préconisa la prudence à Mina à cause des chasseurs en référence à ses ailes, précisant même qu'ils pourraient être saouls.
Puis se rattrapant, elle précisa que ce conseil valait pour tout le monde.
Georgia se sentait décidément, jamais en sécurité, peut-être avait-elle quelques antécédents où elle était fréquemment en dangers surtout avec l'Institut: c'était fort possible.
Jareld s'adressant à Georgia proposa:

"Avec un peu de chance, le site est protégé des chasseurs..."

Jareld aurait voulu se renseigner sur la région avant de partir, mais il n'avait pas pu le faire, ils étaient partis si vite...
Il n'avait même pas eut le temps de consulter sa boite mail, voir si ces parents lui avaient répondus...
Jareld se dirigea vers une des tentes, à monter, il l'avait fait régulièrement en France, ça ne devrait pas poser trop de problèmes... Il s'empara de l'équipement et entreprit de le monter. Il avait hâte de pouvoir profiter de la nature et de se promener dans ses immenses forêts, alors plus vite la tente serait monté, plus vite il pourrait se promener.
C'est donc avec entrain que le jeune homme commença à monter la tente, puis se tournant vers Iacobo et prenant sur lui même pour lui sourire, il annonça:

"Je crois qu'on va devoir partager la tente."dit Jareld en jetant des regards à toutes les filles de l'équipe."J'aurais besoin d'un coup de main, je crois que j'ai compris comment faire pour la monter"poursuivit-il en désignant la tente. Puis n'étant pas trop sur que Iacobo lui réponde ou propose son aide de lui même, il lui demanda:"Tu veux bien m'aider à la monter?"

Jareld n'aimait pas trop demander de l'aide à quelqu'un qui, bien que le français n'en ait pas la certitude, n'était pas disposer à fournir de l'aide. Surtout après la remarque acerbe et froide qu'il lui avait envoyée tout à l'heure dans le salon...

Durant tout le voyage, Fabiola n'avait rien dit. Non pas qu'elle n'avait pas envie de faire connaissance avec son équipe, ni par timidité. Mais elle estimait qu'elle aurait amplement le temps de s'y adonner pendant le séjour. Elle avait préféré observer le paysage bien différent de son pays natal. Elle n'avait pas assez de ses yeux pour tout voir. Le chemin lui paru bien long, mais le lieu, disons enchanteur, où on les avait ammenés, compensait bien toute cette route.

Descendue du van, elle scruta tout autour d'un coup d'oeil rapide. Son regard s'arrêta sur le lac, dans lequel, dit-on, y vivrait une légende. *Hey bien* pensa-t-elle *chaque nation a besoin de s'inventer de petits frissons*.

Comme on les laisserait visiter les alentours jusqu'au dîner, Faby mit la main à la tâche pour monter les tentes, profitant ainsi des derniers moments de la clarté du jour. Visiblement, il fallait co-habiter dans une des tentes pour le coucher. Ne connaissant pas encore ses co-équipiers, elle n'avait pas d'idées avec qui partager l'abris. Elle commença donc spontanément à établir le campement avec les autres et le moment venu, les équipes se formeront.

Jareld, ayant manifesté un besoin d'aide, elle l'assista donc, en lui adressant un sourire, toujours silencieusement, à monter une des tentes.

Iacobo s'était résigné à retrouver toute l'équipe au hangar pour rejoindre un van conduit par Georgia.

Le séjour commençait donc mal : laisser Georgia conduire conduisit le serbe à penser que l'aveugle souhaitait tous les éliminer discrètement. Il avait soupiré, s'était assis sur la deuxième banquette arrière, observant avec dégôut les ailes repliées de Mina devant ses yeux. Le voyage se fit dans le silence, ce qui n'était pas plus mal.

Côté bagages, il avait emmené des affaires assez classiques ainsi que quelques essais politiques fouinés dans la bibiliothèque de l'Institut et un carnet dans lequel était déjà inscrit de nombreuses notes.

Son voyage consista à alterner des regards nerveux à l'encontre de Mina et l'écriture mystérieuse sur son cahier.

Arrivée dans le Vermount, une sorte de réserve naturelle, un lac et une créature légendaire. Le monstre, il l'avait déjà dans leur équipe, pas de quoi s'exciter.

Lorsque le serbe sortit du véhicule et huma l'air ambiant, il ressentit une étrange sensation. Quelle était-elle ? Certes le paysage était plutôt agréable et aurait pu pleinement le satisfaire s'il s'était s'agit d'un voyage seul, voire avec une certaine anglaise, il n'en était pas sûr. Mais ca n'était pas cela, il finit par trouver : c'était la première excursion non guerrière qu'il faisait dans le cadre de l'Institut. Pas d'ennemis, du moins si Mina ne décidait pas de le croquer pendant la nuit.

Il écouta le planning de Cassandre, les cris de joie de Georgia et son excitation à l'idée de chanter ce soir (lui était peu excité), Fabiola faire du bricolage.

Mina leur avoua que c'était sa première sortie entre amis. Le serbe ne répondit même pas. Sa conception de l'équipe était tout autre : c'était une équipe paramilitaire, la réunion d'individus exceptionnels dans le cadre d'une mission. Leur cohésion était seulement nécéssaire à leur survie. Et puis il n'était pas étonnant que ses amis se faisaient rares.

Jareld lui avait demandé de l'aide. Fabiola avait commencé à l'aider. Encore moins réjouissant, il allait partager sa tente à ses côtés.

L'envie lui prit presque de l'insulter et rebrousser chemin. Il regarda Cassandre qui tatonnait sur les pierres. C'était un séjour de cohésion : il ne soutenait pas le principe mais son maintien dans l'équipe se jouait ici, il ne pouvait pas se permettre de saboter son avenir simplement pour l'envie d'assouvrir ses pulsions cruelles.

Il fixa froidement Jareld. Au moins ce type ne l'ouvrait pas. Il se fit pousser des os les long des doigts.

"Faisons" dit-il blasé.

A l'aide de son pouvoir il perca des trous dans le sol et enfonça les maillets. Le tout dans le silence le plus absolu, l'air absent.

Une fois la tâche terminée, il quitta la petite troupe et s'approcha du lac au bord duquel il s'assit. Il alluma une cigarette, regarda à nouveau Cassandre qui semblait avoir étrangement perdu son aura autoritaire puis sortit son petit cahier. Sur la couverture était écrit d'une écriture longiligne : "De l'homo superior et ses conséquences"

Cassandre arbora une expression embarrassée à la proposition de Georgia. Les tentes comprenaient deux places chacune, mais la psychologue ne s'était pas attendue à ce qu'un élève lui propose de partager la sienne... C'était une proposition suffisamment personnelle pour gêner la jeune femme réservée. Et puis... on ne pouvait pas dire que son sommeil était agréable pour ceux qui avaient le malheur de partager sa chambre. Les élèves n'en parlaient généralement pas devant elle, mais sa dernière crise de somnambulisme était encore vivace dans leurs mémoires.
Ce n'est que lorsque Georgia ramena cette proposition à une sorte de "consultation privée" que Cassandre reprit une contenance. La jeune fille souhaitait en réalité lui parler... Le terrain redevenait professionnel.

"... j'espère que tu as un sommeil de plomb, Georgia... j'ai disons... des nuits particulièrement agitées ces derniers temps..." finit-elle par expliquer avec une certaine gêne. Cela avait empiré depuis qu'elle n'utilisait plus son pouvoir, comme si son don tentait à tout prix de s'exfiltrer de la boîte de Pandore de son esprit.

Posant sa canne sur le toit de la voiture, elle se rapprocha de la voix de Georgia, puis se contenta de défaire le paquetage de la tente, et de tendre les différents éléments à la jeune fille, faute de pouvoir être plus utile.

"Effectivement Jareld, le site est protégé, vous ne trouverez ni chasseur ni pêcheur dans les environs. Et puis, nous sommes en pleine semaine avant la saison haute, nous ne devrions pas rencontrer grand monde dans le coin." répondit Cassandre avec un petit sourire pour Mina. La mutante allait pouvoir se détendre sans se soucier du regard des passants.
Tentant pensivement un morceau non identifié de tente à Georgia, la non-voyante ne put s'empêcher de penser qu'ils faisaient partie intégrante des espèces menacées du site... C'était un peu ça l'Institut : une réserve.
A cette pensée, un frisson la parcourut.

"D'ailleurs, je compte sur vous pour respecter cet environnement. Ca inclut tes mégots, Iacobo." dit-elle après quelques moments de silence, avec ce qu'on aurait presque pu identifier chez elle comme une pointe de taquinerie.

"... Ma dernière sortie... remonte au concert des divas." répondit-elle à Mina. Concert qui avait été donné des mois plus tôt. D'autant qu'elle se souvienne, il s'agissait là de sa dernière véritable sortie de loisir. Et depuis le départ d'Olivier, la charge qui reposait sur ses épaules et celles d'Adam était encore plus lourde. Le directeur s'était graduellement éloigné de ses deux amis ces derniers temps. Que tentait-il de fuire à travers sa tournée mondiale ?
Ses pensées dérivèrent un instant sur Olivier. A son arrivée à l'Institut, elle était restée pour lui rendre service... puis la nostalgie de leurs études ajoutée à la présence de Jessica l'avaient convaincue de rester pour de bon. Aujourd'hui, elle ne savait plus bien ce qui la liait encore à l'Institut, d'autant qu'une précognitive n'utilisant pas ses pouvoirs n'avait aucune utilité en soi.
Pourtant, l'entrain qu'elle lisait dans les vois des élèves, à l'exception de Iacobo, lui mettait un peu de baume au coeur.

Elle s'avança vers le Serbe une fois la tente montée et s'accroupit près de lui, le regard tourné vers l'eau.

"Cette sortie avec nous t'est fastidieuse, n'est-ce pas ?" s'enquit-elle à mi-voix, sur le ton de la conversation. Elle aurait été étonnée que Iacobo lui réponde le contraire.

"Tu as jusqu'ici toujours été franc avec moi, chose que j'apprécie. Tu as accepté de nous accompagner alors que tu avais le choix, aussi... j'aimerais que tu joues le jeu jusqu'au bout. Tu n'as rien à y perdre, après tout, non ?"

Un jour ou l'autre, Iacobo devrait bien accepter de donner une chance aux autres. Et si l'équipe de base leur était imposée, elle leur donnait le choix de décider eux-mêmes de leur adhésion. Quelque part, ses paroles s'appliquaient également à elle-même. Elle devait s'efforcer de mettre de côté ses propres problèmes pour les élèves, en particulier durant leur petite escapade. Le bruissement des pages du cahier qu'il tenait lui amena une pensée :

"Nous n'avons jamais eu l'occasion d'en discuter, mais j'ai trouvé tes analyses pour le journal très pertinentes. Quels sont tes projets pour la suite ?" demanda-t-elle ; elle commençait à s'habituer aux vraies questions, aux questions de fond auxquelles elle avait de moins en moins le réflexe de chercher une réponse par elle-même. Iacobo avait beau se complaire dans cette image de son passé, il n'en restait pas moins quelqu'un de très doué. Il avait suivi un cheminement intérieur depuis son arrivée à l'Institut, non sans quelques mots échangés avec elle à certains moments-clés, mais une chose était sûre : quelques changements s'étaient opérés en lui. Le potentiel "humain" qu'il taisait aux regards n'échappait pas à celui de la non-voyante, qui ne l'avait jamais condamné.

"... Comment vois-tu ton avenir ?"

Georgia, affairée à commencer à monter la tente répliqua à Jareld qui semblait enthousiaste à l'idée de l'entendre chanter...

"Oh c'est gentil, Jareld ! Je ne chante peut être pas très bien mais avec de la musique derrière ça devrait être mieux... Et puis mes chansons sur l'amour, les filles et la mort et les trois à la fois ça devrait permettre de passer le temps..."

Ou pas. La New Yorkaise se demandait bien comment les autres réagiraient à ses étonnantes compos : "Stayin' dead" et "How dead is your love ?", sans oublier "Cemetery Night Furor"...

Elle se retourna pour adresser un large sourire à Mina :

"Ta première sortie entre amis ? Waouh, je suis flattée Mina... En tout cas, je suis bien contente d'être ici avec vous... C'est vraiment sympa Cassandre de nous avoir amenés ici, c'est exactement ce dont on avait besoin je pense... Et puis, si je peux me permettre cette familiarité, pour moi en plus d'être une prof, t'es aussi une amie... Juste que t'es plus vieille que nous, mais ça, pour moi c'est pas grave..."

Entendant les ronchonneries de sa référente, elle laissa tomber les sardines pour s'approcher doucement de Cassandre et lui chuchoter à l'oreille.

"Et puis je t'aime... bien, moi. Et si t'as des cauchemars, je te raconterai des histoires"

Réaction inappropriée vis à vis d'une enseignante. Mais c'était pas aujourd'hui qu'elle se laisserait institutionnaliser ! Par ailleurs, partagée entre sa haine de l'autorité et son respect pour Cassandre, Georgia ne pouvait l'imaginer autrement que comme une amie, sous peine de déluge cérébral imminent... Et les amies, ça se serrent les coudes ! Un prêté pour un rendu quoi...

Ce ne fut pas Iacobo qui aida le premier Jareld mais Fabiola, charmante attention que Jareld appréciait à sa juste valeur.
Il sourit à la jeune femme et commença:

"Merci c'est sympa de m'aider... Cassandre nous a dis que tu étais nouvelle, je sais ce que c'est, je suis passé par là y'a quelques mois. Ça n'a pas été facile et ça l'est pas tous les jours, mais on s'y fait! L'Amérique est un pays qui possède pas mal d'avantages et puis l'Institut, on s'y sent un peu comme chez soi au bout d'un moment. Ça été ton départ pour l'Institut? Tu viens d'où? T'as quitté de la famille, là d'où tu viens? "

Rougissant légèrement Jareld s'étonnait un peu de son audace envers la jolie brune, ce n'était pas son genre de poser autant de questions alors qu'il venait de la rencontrer.
Puis Mina annonça que ce fut sa première sortie, le français laissa les autres réagirent tandis que le serbe toujours aussi serviable braqua un regard froid sur Jareld avant d'accepter avec ennui la proposition du français.
Il planta les piques en faisant sortir des os le long de ses doigts. Jareld regarda quelques peu intrigué sa façon de faire puis alors qu'il s'en allait, il prit la décision de lui parler dans la soirée, histoire de savoir si le serbe comptait se montrer aussi distant le reste du week-end.
Cassandre indiqua que le site était en effet protégé et fit une remarque à Iacobo qui était partit fumer un peu plus loin à propos d'éventuels mégots. Elle souhaitait que l'on préserve ce lieu.
Elle partit ensuite vers lui, discuter un peu plus...
Georgia quand à elle toujours aussi ravie remercia le français de sa proposition.
Jareld se releva, la tente étant dressée désormais. Puis avec un sourire pour Georgia, il lui proposa:

"Ça te dirait de te promener un peu, on pourrait parler du répertoire que tu vas interprété ce soir, et puis, comment je t'accompagnerais... Si ça te dit bien sur..."Annonça précipitamment Jareld, espérant ne pas se faire rabrouer. Puis se tournant vers Mina et Fabiola il leurs dit:"Si vous voulez vous joindre à nous pour ma part ce sera avec plaisir..."

Jareld voulait profiter du cadre, avant le repas. Cette sortie était une opportunité en or, et comme tout se passait bien pour le moment, il fallait en profiter! Et rien de mieux qu'une promenade pour faire connaissance...

La main du serbe si figea un instant lorsque Cassandre lui priait de ne pas jeter son mégot comme il souhaitait le faire. Il soupira, tira à nouveau une bouffée tout en acquiesçant dans le silence.

Il devait l'admettre : la vue du lac était terriblement apaisante. Ses excursions dans le cadre de l'Institut lui avait fait découvrir des paysages nouveaux. Lui qui n'était habitué qu'aux grandes villes tentaculaires et aux stations balnéaires déshumanisées, un voyage sur Genosha puis ici dans le Vermont avait quelque chose d'exotique.

Cassandre s'approcha de lui. Il la toisa du regard, se demandant où elle allait s'arrêter. Il était étrange d'avoir une discussion avec son professeur-psychologue voire même tuteur hors des murs exigus de l'Institut.

Elle s'était accroupie auprès de lui : le serbe se redressa dignement par réflexe tout en regardant l'eau, gêné.

Elle lui demanda si le voyage avait été fastidieux. Il la regarda rapidement puis tira une nouvelle bouffée.

"Fastidieux n'est pas le terme. Je rentre à peine d'une mission où nous avons failli nous faire fusiller. Je ne suis pas un grand amateur d'excursion sociabilisante mais je peux comprendre votre intérêt à l'organiser"

Jouer le jeu jusqu'au bout, rien à perdre... Cassandre allait à l'essentiel et choisissait des mots clefs. C'est aussi en ce sens qu'il la trouvait intelligente : jamais trop de paroles, elle était brève et peu concernée par l'affect.

"C'est une bonne analyse. La connaissance de chacun des membres de l'équipe me semble effectivement nécessaire : il est évident que nous en verrons les résultats en mission. Je ferai ce qu'il faut"

Façon froide et iacobienne de dire à l'aveugle qu'il acceptait son marché. Elle bénéficiait auprès de lui d'une relation privilégiée. Il ne la considérait ni comme une psychologue (ne croyant pas aux vertus de l'étude psychologie), ni vraiment comme un professeur. Elle était pour lui une mutante parfaitement assumée, intelligente, consciente du monde qui l'entourait. Elle dégageait une autorité naturelle et son pouvoir le fascinait.


Elle alla encore plus loin et lui fit un compliment. Il s'immobilisa nerveusement lorsqu'elle lui fit part de son opinion sur ses réflexions dans le journal. Le serbe se demandait toujours pourquoi il avait écrit à plusieurs reprises dans le journal et constatait avec un certain cynisme que quasiment personne à l'institut n'avait lu ses articles relativement pointus sur des des points de droit ou de philosophie à propos de l'Académie. Cassandre l'avait fait.

"Je devais être ivre quand j'ai écris ces inepties tout à fait improductives et non lues" répondit-il du tac au tac un peu agressif.

Puis il se reprit en la regardant les yeux un peu plus plissés.

"Néanmoins je vous remercie. Vous avez fait l'effort de lire ce à quoi personne ne s'intéresse. Un tel potentiel à l'intérieur de cette académie et pourtant un niveau intellectuel si bas, c'est désolant. Des Niko et des Robin risquent de jouer malheureusement un rôle de premier plan demain et n'ont aucune réflexion..."


Nouvelle immobilisation. Elle lui demanda comment il envisageait son futur. Elle avait rarement été aussi personnelle. Il se tourna légèrement et la scruta comme si elle pouvait le voir aussi.

"Je crois avoir deux dimensions. En tant qu'humain, je suis terminé, je suis une loque dépressive et nerveuse qui pourrait mourir demain (Iacobo se sentait alors mentir, les récents évènements concernant une certaine anglaise avaient sans doute bouleversé quelques unes de ses convictions mais le serbe n'avait pas encore pris de recul sur la chose). En tant que mutant, j'ai décidé pour le moment de développer à la fois mon expérience du monde et développer une réflexion intellectuelle sur ma condition. Je réfléchis par curiosité et par provocation aux interactions entre le pouvoir public et la communauté mutante.

Le paramètre mutant va surement provoquer à maturité un gigantesque chaos en cas bas monde, et cette idée est intéressante, voire même amusante. Je me demande comment tout cela va tourner. Je réfléchis autant que mon cerveau décimé me le permet"

Il se tourna encore à nouveau et éteignit sa cigarette dont il conserva le mégot au creux de sa main. Il sentait alors son odeur.

"Et vous ? Vous êtres l'oracle de Delphes, vous avez une capacité pouvant impressionner le plus cynique de tous les prostitués serbes, vous êtes potentiellement et sans exagération une des personnalités les plus puissantes ici bas et pourtant vous vous déplacez dans un van avec quelques élèves et vous exercez la profession de petite psychologue dans un lycée.

Je me pose donc deux questions à votre sujet : n'allez vous pas vous laisser porter par l'ambition et œuvrer à une bien plus grande échelle ? Ensuite, si vous ne le faites pas, pensez vous pouvoir vivre tranquillement sans attiser les convoitises ? "

L'ombre furtive d'un sourire éclaira une seconde le visage pâle de la psychologue aux paroles de Georgia. L'exubérante mutante était parfois difficile à suivre, mais attachante, comme la plupart des élèves de l'école, lorsque l'on savait déchiffrer leur mode d'emploi. Etrangement depuis ce matin, l'hostilité qu'elle avait eu la sensation de subir depuis deux mois semblait s'être dissipée. Jade... Maintenant Georgia qui la considérait comme une amie...
Peut-être cette hostilité n'était-elle que le reflet de sa propre culpabilité ? Peut-être pas totalement non plus si l'on en croyait les reproches encore vivaces qui lui avaient été faits au sous-sol ce jour là... Toujours était-il que depuis qu'ils avaient quitté l'Institut en début d'après-midi, Cassandre s'était sentie légèrement plus sereine que depuis la mort de River. Georgia la confortait dans son ressenti : s'évader un peu de l'école était ce qu'il leur fallait, comme si le chaleureux manoir censé les protéger exerçait sur eux une forme d'oppression invisible.

Tout ce qu'elle espérait, c'est que la New Yorkaise n'ait pas à regretter l'invitation qu'elle venait de lui faire après avoir passé une nuit affreuse dans la même tente qu'elle. Jareld et elle continuèrent de parler de la veillée du soir tout en s'activant. Fabiola et Mina restaient silencieuses pour le moment, intimidées peut-être, par les caractères si différents de l'équipe avec lesquels elles devraient composer.

Iacobo quant à lui, venait de faire un pas un avant vers elle, et le reste de l'équipe, malgré les réticences qu'il montrait d'ordinaire. Il prétextait l'intérêt fonctionnel des NeXus comme justification à sa participation. Cassandre ne doutait pas de sa sincérité en cet instant ; le Serbe avait la particularité de pouvoir mêler des considérations très pratiques à des envolées philosophiques comme celles qu'elle avait eu l'agréable surprise de lire dans le journal. Quelque part, elle nourrissait l'espoir qu'il commençait à s'attacher à la vie qu'il menait à l'Institut plutôt qu'à si résigner, et qu'une curiosité inconsciente envers autrui l'entraînait à participer activement à leur escapade.

"Merci, Iacobo." répondit-elle doucement en se détendant un peu. Elle nota cependant une certaine amertume dans ses propos concernant le journal.

"Tu seras plus lu que tu ne le crois." répondit-elle calmement, le visage tourné vers les flots. "Tu as raison, notre existence même est un choc civilisationnel. En ce sens, tout ce qui a, est et aura été écrit sur la mutanité écrit l'Histoire." explicita-t-elle avec une courte pause une fois qu'il eut répondu à ses questions.
Elle se garda de relever les commentaires fait à l'encontre de ses camarades coureurs ; elle connaissait suffisamment le mutant pour savoir qu'il ne servait à rien de tenter de les défendre. Une situation ou une autre se chargerait bien d'éclairer une facette moins obtue de son avis sur la question, un jour ou l'autre.
Iacobo était plus prolixe qu'à l'accoutumée et les traits de Cassandre se détendirent légèrement. Son âme d'écorché vif semblait apaisée, du moins pour le moment présent, et il parlait avec un franchise qui toucha autant la non-voyante que son élévation au rang d'amie de Georgia.
Elle se souvenait de l'arrivée du Serbe à l'Institut... à la bagarre qu'il avait provoquée et de sa blessure qu'elle avait soignée à l'infirmerie... De cette autre rencontre à l'infirmerie alors que Iacobo était en pleine crise de manque. Des situations conflictuelles durant lesquelles, comme avec la plupart des autres élèves, une relation tacite s'était établie entre eux. C'est l'une des raisons pour lesquelles elle avait choisi Iacobo dans son équipe, avec un zeste de prétention coupable.
Cassandre fut néanmoins prise de cours lorsqu'il lui renvoya la question. L'image de l'oracle de Delphes, somme toute aisée à utiliser lorsqu'on avait la culture adéquate, était certainement bien plus véridique que Iacobo devait le penser. Toutes ces années depuis la découverte de ses pouvoirs... Le chemin le plus rapide n'avait pas été la ligne droite. N'avait pas été une ligne du tout en réalité. Mais aujourd'hui, le prochain pas lui semblait aussi incertain que de descendre un escalier sans sa canne.
Pourtant que trop consciente de la portée de son pouvoir, la description qu'en faisait Iacobo lui paraissait exagérée. Elle avait toujours été faible, et s'était simplement efforcée de ne pas être un poids mort pour son entourage. Et si les mésaventures des JustiX le jour de la mise en marche de l'Overmind contre l'Institut avaient de quoi faire réfléchir, elle ne s'était jamais considérée comme une mutante "puissante".

Cassandre resta muette quelques instants.

"Peut-être qu'oeuvrer à grande échelle pour les mutants, c'est n'être qu'une petite psychologue sans nom ? Je ne suis pas attachée aux choses matérielles." expliqua la Grecque, qui avait toujours préféré observer dans l'ombre. La sobriété de son bureau, de sa chambre, et de comportement étaient là pour attester ses dires.

"... Que ferais-je de Fort Knox ? De plus... je crois que le meilleur service que je puisse rendre au monde est de rester anonyme."

Son pouvoir avait de nombreuses façon de lui offrir la terre sur un plateau. Elle avait bien réfléchi au danger que sa seule existence pouvait générer pour le monde, sans oser utiliser son don pour en avoir le coeur net. Si elle en avait eu la force et la conscience morale, elle se serait sûrement donné la mort à la fin de son adolescence. Pour se racheter de sa lâcheté, elle servait les autres.

"... J'évite toujours d'utiliser mon pouvoir pour connaître mon propre avenir, je n'ai pas de réponse à cette question." répondit-elle, avec un étrange sourire de soulagement à ces derniers mots.

"... Le moment venu, il faudra peut-être..."

Elle s'interrompit et avala sa salive, se reprenant subitement devant l'énormité de ce qu'elle avait été sur le point de penser tout haut devant un de ses élèves. La jeune femme baissa un instant le visage avec gêne, puis se releva lentement, puis de retourner auprès des autres mutants.



Une fois le campement paré, les élèves avaient eu quartier libre jusqu'au dîner. Vers 19h, les mutants se réunirent autour d'un feu de camp pour préparer le repas qu'ils allaient partager. Au menu, la panoplie habituelle du bon campeur américain : baked beans, saucisses, et bien sûr marshmallows à rôtir pour le dessert. Cassandre ne raffolait pas particulièrement de ce type de nourriture, mais à Rome, fais comme les Romains.

La nuit était tombée sur les rives du lac Champlain. Le feu crépitant diffusait une chaleur bienvenue sur le campement et faisait danser les ombres sur leurs visages. Une fois qu'ils furent tous installés, et que les saucisses et la casserole de haricots chauffaient sur les braises, Cassandre prit la parole :

"J'imagine que vous avez eu un peu plus de temps pour discuter durant la fin de l'après-midi, ainsi que visiter les lieux... J'aurais voulu vous proposer un petit jeu afin de mieux nous connaître les uns les autres. Vous devez tous avoir des questions à vous poser. Que chacun de vous pose une question à une personne différente et ainsi de suite. Vous n'êtes pas forcés de répondre si ça vous gêne trop, bien sûr." proposa la jeune femme en retirant ses lunettes avec des gestes lents, pour les ranger dans la poche de sa veste. A visage découvert, c'était l'idéal pour ce genre d'expérience.

Georgia en tailleur à côté du feu s'occupant à carboniser une pauvre saucisse qui n'en avait pas demandé tant buvait les paroles de la psychologue... Elle afficha un large sourire quand elle comprit la nature du jeu !

"Un action / vérité ! J'adore ! On pourrait faire le jeu de la bouteille après, j'ai toujours rêvé de jouer à ça..."

Puis elle se ravisa, après tout Cassandre n'avait peut être pas cette idée en tête... Juste instaurer un groupe de parole pour que tout le monde se connaisse un peu mieux. Rien à voir avec des gages stupides ou des échanges de salive adolescente surement...

Elle se gratta la tête, comme pour mieux réfléchir à la question qu'elle pourrait poser.

"Hum... Ma question sera pour..."

Georgia dévisagea Iacobo. Le serbe était un vrai mystère. Un dandy sorti du caniveau. Sous ses dehors de type abominable se cachait surement quelqu'un de bien... Les rares moments où il n'était ni dans le conflit ni dans la provocation en étaient d'autant plus précieux. Mais Iacobo était déjà en quelque sorte son copain. En plus Camille lui avait interdit de s'en approcher de trop près lors de l'excursion, ce qui incluait, elle supposait, les confidences au coin du feu...

Sa question devait donc être mieux utilisée. Pour quelqu'un qu'elle connaissait moins. Quelqu'un comme...

"Jareld !" commença t'elle triomphale.

"J'aimerai savoir ce que tu comptes faire à l'avenir... Je m'explique : aujourd'hui j'ai réfléchi à ce que j'aurai fait si j'avais pas eu mes pouvoirs... Que j'utilise pas trop, d'ailleurs, mais ça c'est un autre problème. Et puis ça a fait tilt dans ma tête : pourquoi je ne le ferai pas quand même ? On est mutants, mais ça veut pas dire qu'il faut tout foutre par terre... Alors, Jareld, quand tu seras grand, tu veux faire quoi ? Tu vois ta vie comment ? En rapport ou non avec tes pouvoirs, j'veux dire... En général en fait..."

Et puis elle se tut, ayant déjà l'impression d'avoir trop parlé...

Jareld avait passé une bonne fin d'après-midi, à marcher dans les bois. Cela avait été très divertissant, tout en permettant de faire plus amples connaissances avec son équipe.
Mais l'heure du repas approchant, ils avaient du rentrer au camp.
Le dîner allait être semble t-il frugal mais néanmoins de bonne qualité. Et Cassandre proposa une sorte d'action/vérité tandis que les saucisses cuisaient sur le feu de camp. La nuit était tombée et Jareld appréciait cette ambiance, il avait hâte de récolter les confidences de chacun...
Le français sourit à l'idée de ce jeu et Georgia proposa d'enchaîner avec le jeu de la bouteille. Le jeune homme sourit plus largement encore, appréciant de plus en plus l'humour salace de la blonde.
Puis elle commença, et sa question fut pour Jareld... Que comptait-il faire dans la vie, s'il n'avait pas ses pouvoirs... Bonne question! Jareld répondit:

"Étant passionné d'histoire, je crois que j'aurais fait prof d'Histoire et de géographie tant que j'y suis. Je trouve ça absolument fascinant, et puis je pense que l'Histoire apporte beaucoup aux hommes, comme tirer profit des erreurs du passé... Et aussi de mieux comprendre les hommes, je ne saurais sinon pas trop l'expliquer: mais j'aime l'Histoire... Et puis enseigner m'a toujours été plaisant, alors j'aurais fait prof d'Histoire."

Jareld avait joué avec ses mains tandis qu'il avait répondu à Georgia tout en la regardant. Il avait sourit aussi comme un enfant devant ses cadeaux de Noël, il aimait beaucoup parler de sa passion pour l'Histoire...
Puis il braqua son regard sur chacune des personnes de l'équipe. Et avec un sourire, il annonça:

"Mina! J'aimerais savoir quelque chose... Si tu avais à choisir entre garder tes ailes, et y renoncer... Que ferais-tu? Pour quels choix opterais-tu?"

Jareld la regarda attendant qu'elle veuille bien répondre en espérant que ça ne soit pas trop personnel pour elle...

A chaque conversation l'aveugle et l'écorché s'approchaient irrémédiablement. De la défiance, Iacobo était passé à un réel intérêt pour cette femme qui une fois encore minimisait l'impact de son pouvoir et retournait habilement sa question sans toutefois totalement convaincre le serbe : pour lui, le pouvoir s'exerçait en haut et sur tout le monde, de façon verticale.


Iacobo n'aimait pas la psychologue lorsqu'elle s'exprimait à de nombreux élèves dans le cadre de l'Institut : elle était alors distante, mystérieuse (ce qui irritait instantanément le serbe) et évasive. Il y avait alors trop d'arrières pensées.

Ici, au bord du lac, il avait le sentiment qu'elle était plus sincère. Sentiment confirmé lorsqu'elle estima elle-même qu'elle allait trop loin à propos d'elle et de son pouvoir. Elle sous-entendit qu'elle était tentée de lire son propre avenir... fascinant. A sa place Iacobo l'aurait fait dès qu'il en aurait la possibilité mais comprenait (oui comprenait) les subtilités qui l'avaient poussé à ne pas le faire.

Elle s'en alla. Il médita quelques minutes au bord du lac avec une soudaine impression de vide et de profond recul sur sa petite personne. Le monde tourbillonnait et une fois de plus il ne saisissait pas où était sa place. Il repensa aux paroles de la psychologue, se leva et s'approcha du groupe.

Il n'avait alors plus dit un mot mais avait suivi les autres élèves dans leur ballade dans la forêt. Sans parler, juste en enchainant des cigarettes dont les mégots terminèrent dans sa poche. Il observait juste son équipe, essayait difficilement ne pas les confondre avec des meubles, des végétaux, des êtres non vivants.

Il n'était pas qu'amour ni paix mais il lui fallait obtenir une relative confiance de la part de ses pairs pour travailler sereinement.


De retour au camp le soir, il ne put déroger au fameux feu et la réunion intimiste qui s'y déroulait. Il fallait s'y attendre : un camping dans le Vermount n'avait évidemment vocation qu'à leur faire partager des moments de proximité autour d'un bon feu à l'ancienne, machmallows en bouche et langues déliées, voire même une topinambour party.

Suite logique : l'inévitable jeu des questions, dérivé de l'action/vérité universellement connu des adolescents pour tripoter son et sa camarade en fin de soirée mais adapté pour les jeunes adultes qui se devaient de conserver une certaine contenance que Georgia ébranla dès qu'elle ouvrit sa bouche.

Il voulait quitter le cercle, il appréhendait ce genre de réunion. Le lourd regard de Cassandre ne put que le faire changer d'avis : il fallait jouer le jeu. Il eut un frisson : la seule façon correcte de tenir ce genre d'évènement était sous une ivresse vodkaïque.

Pas d'alcool. Il commençait à sérieusement angoisser. Il tapotait nerveusement son paquet de cigarette bientôt terminé. Son visage était toujours autant de marbre mais sa main frottait bientôt l'intérieur de sa poche, vieux tic d'enfance qui était ressurgi depuis peu.

Georgia demanda à l'aumônier Jareld ce qu'il souhaitait faire. Le professeur d'histoire-géographie Jareld demanda à Mina Quasimodo si elle souhaitait conserver ses ailes. La gargouille lui posa alors une question qui le prit tout à fait de court.

Il ne put soutenir son regard : il était encore trop dégouté. Il avait pourtant essayé dans la forêt, observer fixement cette créature qui était maintenant un membre de son équipe mais sa peau, ses ailes, ses griffes le repoussaient physiquement.

Toutefois il s'agissait d'imposer son autorité, toujours. Bref regard sur son public, cigarette allumée et réponse vive.

"Je vais commencer par un raisonnement inverse : pourquoi tu es gentille ? Je suppose que dans ton cas tu n'as pas le choix, c'est ton moyen obligatoire d'intégration à l'académie pour passer outre ta mutation. On est gentil pour obtenir certaines choses : des amis, de l'affection, de l'amour, des récompenses, de la reconnaissance... je ne sais pas quoi d'autre.

Tu adoptes une forme de gentillesse pour obtenir ce qui te semble utile ou agréable dans ta vie. Finalement, c'est donc très subjectif et contrairement aux idées reçues si tout le monde n'était pas "gentil", le monde n'exploserait pas.

Ta vision est très manichéenne mais on peut dire que je suis méchant. Je suis un vampire, ok ? Je me nourris de passions. J'étais prostitué, je me nourrissais des sensations de mes clientes, des passions violentes, désespérées, voire honteuses. Ici je me nourris de haine, celle de mes camarades. Globalement ils sont très susceptibles et pas encore mûrs : ils s'emportent rapidement, sans mesure, c'est un délice.

En fait la passion brutale, violente, triste est pleine de goût. C'est ma façon de voir ce qui m'est agréable ou utile dans la vie.

Au delà de ce vice, je suis extrêmement rationnel : j'ai besoin de m'entendre avec vous pour que nous puissions travailler efficacement. Voilà"

Il se tourna alors vers Georgia, puisqu'il fallait jouer le jeu.

"Aimes-tu vraiment les femmes ou c'est le prolongement logique de ta rébellion contre la société et la profonde timidité qui t'emporte, toi jeune extravertie, lorsque tu es avec des hommes ? "

Georgia serra un peu plus fort ses petits poings quand elle entendit Mina parler de "son Seigneur" qui n'était point le sien...

Au delà de Jareld qui voulait finir professeur avec une vieille veste élimée et rapiécée aux coudes, voilà que Mina faisait son coming-out religieux !

La vie était triste, si triste...

Heureusement que Iacobo, en bon disciple de Loki, venait mettre du chaos, de la gaieté et de la vie dans leurs mornes existences ! La New Yorkaise sourit, se détendant quelque peu...

Puis arriva LA question.

Elle parut d'abord un peu surprise. Puis confuse, bégayant quelques bribes inaudibles. Puis, plus rien du tout, sauf une moue réflexive au visage...

"Ben euh..."

Elle se gratta la tête. La question était un peu trop sérieuse pour l'heure. Ce fourbe de serbe l'avait acculée au mur. Pas question de se défiler, ce ne serait que s'exposer un peu plus aux railleries et aux quolibets...

Elle prit une grande inspiration et se lança, d'une voix hésitante et faible, dans un petit discours improvisé :

"Je ne pense pas que ma sexualité ait à voir avec mes convictions politiques... C'est un peu trop personnel pour mêler ça à des idéologies ou à des prises de posture. Non, si tu veux tout savoir..."

Elle se mordit la lèvre. Hésitante comme jamais, elle poursuivit malgré tout. Il fallait répondre coute que coute. Que ça sorte ! Ne pas flancher ! C'était sa chance... de leur dire... et de leur montrer. Pour qu'ils cessent de poser des questions qui n'ont pas à être posées.

"Ben, en fait si je suis comme ça... C'est surement parce que Papa buvait. Beaucoup. Tout le temps"

Elle se passa la main dans les cheveux. Dieu, que c'était difficile !

"Maman buvait aussi. Mais c'était pour oublier que Papa la frappait quand il était saoul... Et il l'était tout le temps"

Il fallait qu'elle se contrôle. Ne pas se laisser submerger par l'émotion.

"Dès fois aussi, il me mettait des roustes. Parce que j'étais là. Et que je lui rappelais Maman quand elle était à l'hôpital parce qu'elle "était tombée dans l'escalier"... Ce qui arrivait une semaine sur deux"

Georgia se cacha le visage entre ses mains.

"Et puis, un jour Papa a attrapé mon p'tit violon et l'a flanqué à travers la fenêtre, comme ça... Gratuitement ! Et je crois que c'est pour ça que j'ai choisi les filles... Pour pas être comme Maman avec Papa, pour ne plus être une victime, pour oublier les coups de ceinturons et les calins à la barre à mine..."

Elle marqua une LONGUE pause... imaginant les mines de ses auditeurs.

Puis montrant à nouveau son visage, elle arbora un large sourire :

"Non mais Iacobo t'en as d'autres comme ça des questions ridicules ? Déjà, je suis même pas sure d'aimer LES filles. J'en aime une et c'est déjà pas si mal. En plus, j'sais pas, pourquoi faudrait avoir à se justifier de ses choix ? Est ce que je demande à Ken pourquoi il aime les filles ? Non, c'est comme ça et pis c'est tout !"

Rigolarde, elle termina :

"Je vais avoir besoin d'une chimiothérapie au prozac si je commence à me poser des questions de ce genre. Dès fois, faut aussi se laisser aller !"

Regardant Fabiola d'un air mauvais, elle ajouta :

"Bon assez parlé de moi ! Et posons un peu de vraies questions... Fabiola ! A qui tu préférerai rouler une pelle ici ? Et "Personne" n'est pas une réponse... Il faut choisir !"

Remettre les questions / réponses dans les rails du jeu de la bouteille, ça c'était une meilleure idée !

"Merci c'est sympa de m'aider... Cassandre nous a dis que tu étais nouvelle, je sais ce que c'est, je suis passé par là y'a quelques mois. Ça n'a pas été facile et ça l'est pas tous les jours, mais on s'y fait! L'Amérique est un pays qui possède pas mal d'avantages et puis l'Institut, on s'y sent un peu comme chez soi au bout d'un moment. Ça été ton départ pour l'Institut? Tu viens d'où? T'as quitté de la famille, là d'où tu viens? "

Fabiola lui adressa un sourire. Elle fut très brève dans sa réponse.

- Oui j'ai quitté ma famille, en Argentine, pour la première fois. J'avoue que l'intégration est un peu difficile mais c'est moi qui ait du mal à m'y faire. C'est dépaysant. Mais bon, je me donne le temps. -

Jareld proposa une promenade à laquelle Faby participa.

Au retour, toute la bande s'est mise au repas. Après quoi Cassandre proposa un jeu de connaissance.

Fabiola écoutait les réponses et anticipait nerveusement le moment où elle allait avoir à répondre. Le moment n'a pas tardé ... et quelle question ! Elle s'attendait à toute sorte de chose sauf à ça. Fabiola arca un sourcil et jettant un regard perplexe à Georgia. Était-ce une vengence de sa part pour la question de Iacobo ? Dans ce cas, pourquoi se retourner vers elle ?

Après un certain moment de silence, Faby jetta un regard bien arrêté à chacun de ses coéquipiers, puis remit son regard dans celui de Georgia. Elle poussa un soupir, se leva en se dirigeant vers elle. Elle lui passa la main derrière la tête et l'embrassa, pour ensuite la fixer dans les yeux. Elle lui lança sèchement :

- Ça te va cette réponse ? -

Elle retourna s'asseoir en tailleur et posa sa question à son tour. C'est à Cassandre qu'elle s'adressa.

-D'où est venu le nom des Nexus ?-

Les élèves semblaient se prêter au jeu, peut-être même trop si l'on en croyait la réaction de Fabiola, à la question certes osée de Georgia. La psychologue eut un sourire perdu entre la gêne et l'amusement en comprenant ce qui se passait autour du feu. Fabiola semblait réservée mais ne se démontait pas facilement, ce fut la principale conclusion que put tirer la non-voyante de la question de Georgia, qui pour le coup, récupérait la monnaie de sa pièce.

Les questions posées avaient été dans l'ensemble plutôt personnelles, chose qu'elle apprécia particulièrement, et surtout, ils avaient tous accepté de répondre avec sincérité. Gardant les diverses pensées que chaque réponse lui évoquait pour elle, elle prit finalement la parole pour répondre à Fabiola :

"Un nexus est une sorte de noyau dur, un point de rencontre où des éléments très distincts s'harmonisent pour former un tout homogène et complexe. Je voulais que le nom de l'équipe reflette ce lien intangible. C'est une métaphore de l'équipe, mais à plus grande échelle, elle pourrait également s'appliquer à l'Institut, ou encore à l'humanité elle-même." expliqua Cassandre d'une voix douce.

"... on peut aussi le voir comme une sorte de rendez-vous cosmique. Il y a encore quelques jours, tu étais en Argentine, Fabiola. Rien ne nous destinait à camper ensemble au bord de ce lac. Tu aurais pu vivre des milliers de vie où tu ne nous aurais pas rencontrés. Mais nous sommes ici ce soir, et pendant un certain temps, nos lignes temporelles seront au diapason."

En définitive, le nom de l'équipe reposait sur les mêmes fondements que son pouvoir lorsqu'elle y réfléchissait, qui n'était que la capacité de décrypter les diverses conjonctions de choses vis-à-vis des autres. Quelque part, elle voyait une forme d'élection dans leur réunion autour de ce feu de camp, comme si leur seule présence justifit qu'ils soient à leur place. Ce sentiment emplit la non-voyante d'un sentiment étrange qui s'apparentait à celui qu'on éprouve en rentrant chez soi après une longue errance.

Sur ces entrefaits, le groupe termina le repas que les volontaires eurent le choix de clore sur une note musicale. Chacun put ensuite de nouveau vaquer à ses occupations jusqu'à ce que le sommeil soit le plus fort.
Comme ils se l'étaient douté, Iacobo et Jareld partageaient la même tente, de même que Fabiola et Mina, puisque Georgia avait émis le souhait de partager celle de Cassandre.





Cassandre n'avait pas menti en prévenant Georgia de son agitation nocturne. Une fois que Georgia l'eut laissée s'endormir, elle avait ponctué leur nuit de sursauts et de coups de pied, heureusement amortis par l'épaisseur de leurs sacs de couchage. De temps à autre, elle avait même marmonné des phrases sans queue ni tête dans son sommeil.

Ce n'est qu'à une heure avancée de la nuit qu'elle se réveilla en sursaut. En position assise, la jeune femme se frotta le visage, sans parvenir à se souvenir de ce qui l'avait ainsi tirée des songes.
Elle resta ainsi quelques minutes, perdue dans ses pensées, jusqu'à ce qu'un léger bruit à l'extérieur n'attire son attention, sûrement trop ténu d'ailleurs, pour être perçu par quelqu'un d'autre.
Elle fronça les sourcils : elle espérait qu'aucun des autres élèves ne s'amusait à veiller tout seul dehors, car il ou elle n'aurait pas droit à une grasse matinée le lendemain matin.
Essayant de faire le moins de bruit possible pour ne pas troubler plus le sommeil de Georgia, elle sortit de son sac de couchage, puis de la tente elle-même.

L'air de la nuit était frais. Elle avait emporté un vieux pantalon de jogging et un simple haut pour faire office de pyjama, aussi se frotta-t-elle les bras après avoir enfilé ses chaussures. Elle fit un pas, puis deux, prêtant l'oreille aux bruits du lac et de la forêt.
Mina était peut-être sortie chasser malgré la protection du parc.

"Mina ? Tu es là ?" demanda-t-elle à mi-voix.

"Loupé." lui répondit froidement une voix d'homme. L'instant d'après, quelque chose heurtait l'arrière de ses jambes, faisant tomber la psychologue par terre, non sans lui arracher un cri de surprise.

Tout autour d'elle, elle entendait maintenant des bruissements et mouvements assourdis, ressemblant fortement au déplacement discret de personnes dans la végétation ambiante.
La panique se referma sur Cassandre comme un piège, et elle lutta presque physiquement, pour ne pas ouvrir son esprit à son pouvoir, poussée qu'elle était par l'adrénaline et l'instinct de survie.

Les élèves furent réveillés par l'agitation freutrée à l'extérieur des tentes.

[Hrp : eh oui, vous êtes maintenant en mode jeu ! Pour le moment, postez dans l'ordre que vous voulez. 1 post par personne par tour, 1 utilisation de pouvoir max par post, 1 tour dure une semaine maximum. Utilisez les deux types de résolution avec discernement et réfléchissez avant de poster. Amusez-vous bien !]

Georgia prit une drôle de teinte après l'action de bravoure de Fabiola... Elle ne savait que dire ni que faire. Après tout c'était elle qui avait provoqué la nouvelle. Inutile de se plaindre donc. En plus elle était plutôt charmante, ce qui était un bon point. Autre bon point, elle pourrait certainement ajouter un pays sur son tableau de chasse !

Et une lettre aussi ? La New Yorkaise le temps de retrouver une contenance s'imagina composer un alphabet de filles : C comme Camille, G comme Gabrielle, I comme Ivy, R comme River et maintenant F comme Fabiola... Mais pourquoi pas aussi A comme Amarenna, K comme Kitty, S comme Snorki, P comme Pigloo...

Elle ferma les yeux pour savourer ce petit plaisir mental et pensa aux mots qu'elle pourrait délicieusement composer à l'aide de sa langue et de quelques assistantes de charme...

Mais elle se dit aussi qu'elle avait mal agi en étant passive ! Elle s'était laissée embrasser et... Camille allait interroger Iacobo... Damned ! Peut être devrait elle demander à Dame Cassandre d'effacer le cerveau du serbe ? Ou alors une p'tite danse limousine ?

Enfin, bref... les histoires sentimentales de Georgia n'allaient pas s'améliorer avec ça.

La soirée se passa en revanche de manière sympathique en compagnie des tubes gothiques discos de la New Yorkaise... N'écoutant que son courage, elle chanta tout son répertoire et s'étonna elle même de la beauté de sa voix grave qu'elle prenait soit pour chanter soit pour imiter les dames des standards téléphoniques payants...



Georgia était si gentille quand elle dormait. En plus Dame Cassandre veillait sur son sommeil de plomb. Serrant son doudou affectueusement, la New Yorkaise rêvait de très belles choses... Quand du bruit la réveilla.

Elle ouvrit un oeil s'attendant à voir Dame Cassandre à ses côtés, elle fut plutôt déçue pour le coup. Personne. Georgia avait elle tentée... ? Ou alors c'était son bavardage incessant qui l'avait faite déguerpir ?

Mais tout ça c'était très suspect quand même. Georgia attrapa le couteau que Snorki lui avait filé en même temps que son matos de camping et sans prendre la peine de se vêtir, se glissa hors de son sac de couchage et jeta un coup d'oeil à l'extérieur. Si la nuit et l'ombre générée par les arbres ne permettait que de discerner les silhouettes, et quelques vagues traits distinctifs lorsqu'on connaissait une personne, Miracle se rendit rapidement compte que la silhouette massive qui lui tournait le dos, entièrement vêtue de noir dans ce qui ressemblait fortement à un uniforme militaire, n'appartenait à aucun de ses camarades. L'homme se tenait entre Cassandre et la tente de Georgia, et la psychologue était à terre, sur le dos. Diverses formes se déplaçaient en provenance des arbres, c'est tout ce que Georgia eut le temps de voir, avant que la tente ne lui tombe littéralement dessus, comme si les attaches avaient cédé. Elle était maintenant empétrée dans la tente.

Le moment fut intense, Fabiola embrassant sans vergogne la pauvre Georgia prise au dépourvu: c'était pour le moins comique. Georgia était l'arroseur arrosé...
Jareld ne put s'empêcher de regarder avec stupeur le baiser, puis de rire ensuite. L'audace de Fabiola lui plut beaucoup...
Puis le jeu se poursuivit et la soirée se termina avec les chants de Georgia. Jareld l'avait accompagné tout du long, comme il le pouvait en se rappelant de ses cours de solfège et puis à l'oreille.
Ce fut un moment très convivial que Jareld apprécia beaucoup.
Mais ce fut bientôt l'heure de se coucher, le français partageait bien évidemment, sa tente avec Iacobo.
Le français se coucha et soupira d'aise, son sweat sentait le feu de bois et le jeune homme s'endormit tout en souriant avec cette odeur.
Les songes du jeune homme furent doux, ou presque...




Jareld avait le sommeil léger généralement. Il avait renoncé à une sortie astral pour cette nuit préférant se reposer pour être en forme demain.
Malheureusement, on ne lui accorda pas de repos car un bruit le réveilla. Il entrouvrit les yeux sans pour autant bouger. Il fixa la toile de la tente toujours allongé, tout en tendant l'oreille aux bruits extérieurs.
Dehors, il y avait du monde, Jareld ne pouvait pas savoir combien de personnes étaient présentes sans user de son pouvoir mais il y avait des personnes étrangères au camp.
Il ne savait pas si c'était la formation de l'Institut ou un quelconque instinct mais il sut qu'il ne devait pas bouger ou tout du moins pas tout de suite, mieux valait savoir ce qui se passait avant toute chose.
Le français secoua légèrement le serbe et plaqua sa main sur sa bouche pour l'inciter à ne faire aucun bruit.
Puis en chuchotant, il lui indiqua:

"Ça bouge dehors, y'a quelque chose de pas net... Je tiens à ma peau alors si tu veux bien, je vais voir mentalement ce qui se passe, et je reviens te prévenir. Si ce sont des ennemis, et bien j'espère que tu as de quoi nous défendre... Mais toi, surtout ne bouge pas, faisons comme ci nous dormions... Je reviens au plus vite, vaux mieux savoir à qui on à a faire avant d'agir..."

Jareld se rallongea et ferma les yeux. Il regrettait que cette nuit, ne soit pas celle qu'il avait espéré: douce et sans problèmes...
Il tremblait, il n'arrivait pas à savoir si c'était à cause du froid nocturne ou de la peur qui commençait à lui nouer les entrailles.

Jareld projeta son esprit. Tumos sortit en mode astral de la tente et observa les alentours tout en sondant avec son pouvoir le nombre de personnes qui se trouvaient dans les alentours. Une fois que ce serait fait, il irait immédiatement en avertir Iacobo pour qu'il puisse savoir à quoi s'attendre, si jamais il devait se battre.
Jareld doutait de pouvoir lui être d'une quelconque aide en matière de combat...
Laissant son corps inerte dans son sac de couchage, l'esprit de Jareld sortit sans effort de la tente, où il put rapidement se rendre compte de la situation. En plus de l'homme qui maîtrisait Cassandre, un autre se tenait derrière la tente de Georgia. Il dénombra dix personnes dans leur secteur direct, huit hommes, et deux femmes, ces deux dernières étant localisées sous la couverture des arbres. Georgia, Fabiola et Iacobo étaient toujours dans les tentes.
Deux hommes sortirent de la couverture des arbres au pas de course en direction de Mina sous son filet, l'un transportant ce qui ressemblait vaguement à un bazooka, ou une quelconque arme de jet.
Un autre homme se dirigeait vers la tente de Iacobo et Jareld.

Iacobo était totalement blasé lorsque Fabiola roula une bonne pelle assurée et latino à Georgia.

Voilà, s'il fallait faire une étude sociologique sérieuse de l'Institut, il aurait fallu conclure que la mutation chez la femme provoquait fréquemment une bisexualité agressive.

Il sourit tout de même : il était normal que Fabiola ne se risque pas à embrasser un type aussi flippant que pouvait l'être Iacobo mais c'était par la même occasion esquiver magnifiquement Jareld.

Pas sexy le petit.

S'en était suivi une séance de chants prolétariens interprétés par Georgia, accompagnée par l'aumônier Jareld.

Il était resté à leurs côtés, toujours aussi silencieux. Il avait regardé tous les autres, reconnut quelques morceaux sans partager son avis.

De temps en temps il jetait un regard à Cassandre qui ne parlait pas beaucoup non plus, laissant Georgia, Fabiola, Jareld et même Mina s'exprimer comme ils le souhaitaient. Un regard d'adulte, un regard d'un garçon qui retournait à des activités véritablement de son âge. C'était d'ailleurs son premier camping. Jusque là tout n'avait été que boites de nuit, chambres d'hôtel, champagne et marijuana.


Il finit dans la tente de Jareld. Ils sentaient tous les deux le feu de bois : sexy et viril. Il se contenta de se mettre en marcel et s'allongea. La présence d'un prêtre à quelques centimètres de sa personne le gênait beaucoup mais il fallait faire avec.

"Tu n'as pas intérêt à bouger" s'était-il contenter de lui dire le dos tourné avant de s'endormir et se plonger dans des rêves troublés où apparaissait régulièrement Wind.


...

Une main goût feu de bois sur sa bouche en guise de réveil. C'était le bordel dehors, Jareld partait se faire un trip astral.

Il se fit pousser les os directement : on ne rigolait pas avec un serbe au réveil. D'ailleurs il faisait toujours nuit.

Il ouvrit discrètement sa toile : des gens à terre, une ombre qui s'approchait, plusieurs individus s'attaquaient au camp. Ils avaient l'air professionnels, voyaient à priori dans le noir, n'étaient pas là pour les tuer sinon ce serait déjà fait.

Finir dans un Guantanamo pour mutant et partager sa cellule avec Mina et Jareld pour les trente ans à venir ne le branchait que très moyennement.

Il était à priori dans une situation de déséquilibre des forces assez brutale. Tout le reste de son équipe était foutu si ce n'est Fabiola qui devait déjà s'être rendue.




Il prit son sac de rechange et celui de Jareld puis sortit discrètement. Il sortit son briquet et mit le feu au premier sac de rechange qu'il lança le plus loin possible en direction des arbres.


Il se tenait à présent derrière sa tente et cria :

"Ça fait un feu de forêt ! Dans quelques minutes la sécurité du parc va se pointer avec du monde. Vous vous sentez plus rapides qu'eux ou pas ?"

S'ils lui balançaient un filet, il essayerait de le couper à l'aide de ses os.

La soirée avait été conviviale. La musique avait détendu l'atmosphère et Fabiola avait apprécié. Puis vint l'heure d'aller sous la tente. Faby partageait son espace avec Mina. Bien que celle-ci se préocuppa de ses ailes, la mutante n'en voyait pas d'inconvénient.

Au beau milieu du sommeil, tous fut réveillés par des bruits bizarres. Mina avait quitté la tente après l'avoir déchirée d'un coup de griffe. Tout se bousculait à l'extérieur. Faby, n'étant pas habituée à ce genre d'évènement tremblait de tout son être. Certains semblaient pris par des attaquants, des cris, des voix, rien de rassurant pour l'adolescente. Inhibée par la scène, elle ne bougea pas de son sac de couchage. Tout roulait vite dans son cerveau. Que faire ? Se rendre ? Restée cachée ? Se sauver ? Aucune réponse ne venait.

Fabiola empoigna ses chaussettes et ses chaussures discrètement au cas où il faudrait fuir. Les enfilants prestement quand même.

Elle tenta de sonder les intentions des attaquants à l'extérieur.

Elle restait là sans bouger, aux aguets prête à faire face aux éventualités. Elle n'allait pas sortir qu'on on pourrait le faire un soir de fête d'une superbe pièce montée ...

La personne qui avait surpris Georgia en lui faisant tomber la tente sur la tête entailla le tissu d'un geste vif et expert semblable à celui des chasseurs éviscérant leur proie, et attrapa la New Yorkaise par le collet, avant de la pousser en avant vers l'endroit où, quelques heures plus tôt, les adolescents étaient encore là à chanter en choeur autour du feu de camp. La jeune fille tomba à genoux, non loin de Cassandre, qui après une dernière tentative, cessa de se débattre ; tout le monde le savait à l'Institut, elle était loin d'avoir l'endurance et la forme physique de ses collègues.

Pendant ce temps, Jareld avait réintégré son corps après son tour d'horizon astral. Iacobo l'avait quitté à peine quelques instants plus tard, se mettant à découvert après avoir enflammé leurs deux baluchons. Chose aussi surréaliste que déstabilisante, un rayon glacé fusa instantanément sur les deux sacs, les éteignants sans difficulté, en provenance des formes encore à couvert des arbres. Seul un cliquetis métallique vint réfuter la thèse d'un cryokinésiste aux réflexes d'une fulgurance inquiétante.

"Y a des chances, petit." susurra une voix d'homme dans le dos de Iacobo : il se trouva nez à nez avec l'homme qui s'était approché de l'arrière de sa tente. D'un mouvement habile, ce dernier saisit son bras gauche et effectuant une clé - passablement douloureuse - dans le dos de Iacobo.

Mina était toujours bloquée sous son filet. Le premier homme qui s'était approché d'elle la fixait, sans qu'elle put mettre d'expression sur son visage cagoulé. Le second semblait recharger, ou du moins manipuler son lance-filet.
Quant à Fabiola, elle sonda l'assemblée. Une sorte d'osmose de groupe se dégageait des assaillants. Elle détecta chez eux une belle assurance, ainsi qu'une forme de dégoût sans qu'elle parvint à mettre le doigt sur son objet.

"Qu'est-ce que vous nous voulez ?" finit par demander vivement Cassandre, dont le visage blême reflettait une émotion qui lui était presque devenue inconnue : la peur.

L'homme dans son dos prit alors à nouveau la parole :

"Où est le dernier ?" dit-il simplement, d'une voix hargneuse.

"Le dernier quoi ?" rétorqua Cassandre après un nouveau soubresaut pour se dégager, en vain.

"Ne faites pas semblant de ne pas comprendre. Le sixième."

Cassandre semblait perdue... et l'était d'autant plus qu'elle s'était promis de ne plus utiliser son pouvoir. Elle se sentait à présent démunie, et pire, impuissante pour protéger les élèves. Le matin même, elle se complaisait dans l'ignorance procurée par sa décision, à présent, elle goûtait le fruit amer de sa contre-partie.

"Ca ne peut pourtant être que vous..." ajouta l'homme, tout en déscratchant la poche de son gilet pour y chercher un objet.