[Oryx 4.6] Du nouveau sous la Nouvelle-Orléans

Chouette !

Une visite touristique dans les égouts. La grande classe… la promesse d’une villégiature de rêve dans les entrailles de la Nouvelle Orléans, un p’tit coin de paradis sous la ville mais avec l’odeur du bon fumier de campagne. Des milliers de mètres carrés en labyrinthe offrant un espace de jeux et de randonnées inestimable, avec à la clef, découverte de la faune locale. Pension complète et attention… buffet à volonté ! Un peu obscur mais assurément la perspective de vacances originales.

Impossible de ne pas avoir une pensée pour le porcher breton quand l’odeur infecte vint lui chatouiller les narines. A mesure que l’équipe s’enterrait dans les sous-sols, l’image et même le parfum d’Alixtide s’imposaient naturellement. Il aurait aimé cette mission, c’est certain et Kate aurait volontiers échangé sa place là tout de suite.

Et dire qu’un voyage en Australie avait été évoqué au briefing…
Et dire qu’elle se retrouvait les pieds dans la merde.

*Super… faudra penser à passer ça au napalm en rentrant*

Elle monta rapidement sur le petit espace surélevé le long des murs, où ses pieds furent au sec et saisit en la remerciant la lampe torche tendue par Sahari. Elle écouta en silence les directives en grimaçant à la vue offerte par son faisceau qui se baladait un peu partout autour d’eux.

En route ! Camille ouvrait la marche, bon point.
Si un monstre à quatre têtes tout droit sorti d’un des jeux de Jeremiah venait à surgir devant le groupe, sa tête ne serait pas la première à voler. Il ne fallait pas pour autant occuper la dernière place, tout simplement parce que le monstre en question pouvait attaquer en traitre.

Elle suivit ainsi Jason, de près, de très près. Toujours se positionner derrière un grand baraqué. Kate avait accueilli la nomination du jeune homme chez les Oryx comme une bonne nouvelle : d’une, il était sympa, de deux, il était musclé. Potentiel de bon bouclier.

Tandis qu’elle marchait avec précaution le long du passage étroit, sa main droite vint doucement se poser sur l’épaule de l’irlandais, sans y prendre appui pour autant, plus pour se rassurer et maintenir son lien dans la file. Elle n’y voyait pas grand-chose devant et faisait confiance au guide. Sa main gauche elle, serrée autour de sa lampe torche, en dirigeait la lumière sur le faible niveau opaque d’eaux usées, juste à côté.

Elle y jetait de temps en temps des coups d’œil peu rassurés… au cas où. Après tout, la menace pouvait venir d’en bas.

Chouette, vraiment !

Horror, hell and damnation ! Sous ses doigts crispés par l’atmosphère pesante, elle pouvait sentir les larges épaules de l’Irlandais, seul rempart devant l’éventualité d’un danger imminent. Dans ce cloaque où le petit groupe oryxien s’enfonçait peu à peu, sa poitrine s’oppressait à chaque fois que le couinement d’un rongeur trouvait écho dans la galerie, même le clapotis régulier de l’eau lui semblait suspect.

Un pied posé prudemment devant l’autre comme si elle s’attendait à ce que les dalles se dérobassent sous ses pas, ses yeux fixaient l’obscure ligne d’horizon, lorgnant de temps en temps vers le sol. A ses oreilles, le bourdonnement sourd et harmonieux d’une chute d’eau mettait l’équipe sur la piste.

Cible en approche. On s’détend… le cauchemar était bientôt fini. Au bout du tunnel, les Unders sauraient les accueillir, café chaud et pâtisserie française à volonté. C’est pas parce qu’on vivait dans les égouts qu’on ne savait pas recevoir le touriste.

Arrivée à l’intersection. A gauche, jacuzzi sponsorisé par l’usine de traitement voisine. A droite, une troupe de marginaux mutants pas adeptes de la déco maison… faites votre choix. Tribord toute ! Devant eux s’ouvrit une grande salle hachurée de tuyaux aux formes et dimensions diverses, qui méritait bien une pause photos pour le coup. La file indienne marqua un temps d’arrêt afin d’admirer le paysage et Kate leva machinalement sa lampe torche, hochant du menton comme pour convenir de la beauté du site. Au loin, son faisceau semblait se perdre dans l’obscurité.

Elle inclina légèrement sa tête en avant et prit soin de murmurer, au cas où un garde entende sa voix et lance l’alerte chez les Unders…

« Bah on peut pas toujours être poisseux hein… déjà qu’mes pompes sont mortes… »

Sa lumière pointée vers ses chaussures, elle fronça les sourcils, l’air penaud avant de reprendre à l’attention de Camille…

« Bien joué Haste ! T’assures comme éclaireuse et… ahahahaahaaaaa !! »

Oups. On était monté un chouilla dans les aigus.

La peur soudaine mit à l’épreuve son rythme cardiaque et son cri à peine étouffé ses cordes vocales. Son cœur se serra si fort qu’il dut atteindre la taille d’une noisette et ses doigts se raidirent tant que la torche lui glissa des mains. Il y avait quelque chose d’indescriptible, de vivant et de non identifié qui venait de lui caresser le mollet. Horrifiée, les yeux révulsés, sa main passa frénétiquement sur sa jambe à plusieurs reprises pour se débarrasser d’une chose déjà partie mais encore trop présente à son souvenir.

Déclenchement du mode survie.
Ses jambes fléchirent pour prendre de l’élan et bondissant telle la gazelle en fuite, elle tenta de grimper la montagne de muscles devant elle. Ses bras enlacèrent le torse de Jason et ses cuisses pliées et remontées enserrèrent ses hanches. Plaquée contre le dos du jeune homme tel le koala à son arbre, l’Australienne respirait de façon saccadée, pointant les eaux usées de l’index. Elle faisait manifestement des efforts pour essayer de chuchoter, mais quelques syllabes stridentes échappaient à son contrôle…

« LA !! Lààà…. Vous avez VU ?! Y’a quelque chose qui m’a TOUCHEE… c’était horrible… et énormeuh… vraiment ENORME ! Ca… ça avait plein de poils et de pattes aussi… et j’crois même qu’ça avait PLUS de deux yeux… c’est un truc des égouts… c’est sûr… génétiquement modifié par toute cette CRASSE ! P’tain mais c’était aussi gros qu’le CUISSEAU de Jason… au moins hein… sans déconner ! »

Non, elle n’aimait vraiment pas ça, les p’tites bêtes.

Plus qu’une arbitraire addition d’ados mutants, les Oryx composaient un ensemble soudé qui d’un seul homme, fit front devant la menace. Agrippée de toutes ses forces à Jason, l’australienne se tortillait dans tous les sens, menaçant son équilibre déjà précaire, pour pister du doigt l’ombre qui mouvait dans les eaux usées.

« Ouais ! C’est ça Fiain… défonce cette chose… il est là… non il a bougé… LA !... ah ouais mais nan, pas comme ça… eurk »

Grimaçante de dégoût, elle essuya les quelques gouttes venues souiller son visage suite aux éclaboussures de l’irlandaise. Mais ce n’était rien face aux dégâts générés par le toutou de Jess. Son chien n’avait plus rien de l’animal de compagnie, c’était plutôt un colosse sorti de nulle part qui vint s’aplatir lourdement dans le faible niveau d’eau. Elle en avait partout sur elle à présent, au moins, ça faisait couleur locale. Quand elle vit Avatar sortir victorieux d’un combat truqué, elle gesticula de plus belle, s’exclamant :

« Yes ! Brave bête ! Tu l’as eu et… et… tiens c’est marrant… ça parait plus aussi gros maintenant qu’il l’a entre ses dents… ahem »

Elle détourna rapidement ses yeux de dépit, gênée par son excès de zèle et se laissa consoler par sa monture qui lui promettait une belle balade. Elle était plutôt bien installée là, c’était tout confort et elle voyait au loin, mais Sahari lui fit redescendre la tête comme les pieds sur terre.

« Euh… oui m’dame ! Tout d’suite » Tant pis, elle atterrit en douceur, avec l’aide de Jason à qui elle adressa un sourire complice... « Merci, une prochaine fois peut-être »

Un dernier regard contrarié jeté aux eaux usées où sa lampe torche s’était perdue et éteinte et elle se mit à nouveau en marche, suivant Jason qui suivait Camille. Arrivée au fond de la salle, l’équipe marqua une halte. C’était l’heure de vérité : mur en brique super solide ou illusion donnant accès au niveau suivant. Prudente, Camille opta pour le tâtonnement, sa main parcourait le mur de droite à gauche, de haut en bas et soudain, bingo ! Les yeux écarquillés, Kate resta bouche bée, respiration retenue devant ce qu’elle voyait : une Camille manchote ! Les jambes étaient là, le tronc était là, la tête aussi mais son bras… un de ses bras s’était littéralement enfoncé, bonne pioche.

Kate se retourna vers sa prof et ses coéquipières, le visage rempli d’excitation, elle trépignait sur place, puis s’enquit de la Bretonne :

« Waouh ! C’est énorme… qu’est-ce que ça te fait Haste ? C’est comm… Haste ? Hey ! Merde, elle est passée entièrement ! Haste, t’es où nom didju !? »

Dans sa voix, se mêlaient maintenant l’exaltation et la crainte d’avoir vu Camille disparaître. Il n’était pas question de la laisser seule, quoi qu’il y ait derrière. Devançant Jason, elle s’approcha du mur, caressant Avatar au passage pour le calmer puis se tourna vers l’Irlandais à qui elle adressa un clin d’œil :

« Allez mon grand, il est temps de plonger ! »

Elle lui tendit sa main pour qu’il l’attrape et la suive puis s’avança vers le mur, à l’endroit même que Camille avait emprunté. Quelques instants plus tard, l'australienne et l'irlandais avaient passé à travers l'illusion et avaient rejoint leur amie.

Problème à vue ! Risque de collisions avec cure dents géants et décharge électrique au menu… les présentations commençaient bien. Les Oryx n’avaient pas même eu droit à un bonjour de politesse, ni aux banalités d’usage, pour le thé, on repassera. Ils avaient plutôt goûté à l’offensive frontale et sans détour, ça promettait d’être sympa.

Et Kate n’avait rien venir. Bien trop contente de profiter d’un air plus respirable et encore excitée de son passage à travers le mur, elle fut surprise de la façon dont la situation dégénéra aussi vite qu’elle eût avalé un pancake au sirop d’érable après une heure de footing intense.

Sous ses yeux ébahis, elle vit ce maudit Avatar se précipiter sur ses hôtes qui lui rendirent la pareille. La pauvre bête qui, elle tenta de s’en convaincre, ne cherchait qu’à montrer son affection en sautant joyeusement sur le nouveau venu, retomba lourdement au sol comme un poids mort. Ca lui apprendra la familiarité avec des inconnus tiens. Les pics connurent le même destin grâce à l’intervention de Jason et les attaquants étaient devenus si lents sous l’effet le guernien qu’ils semblaient faire un mauvais trip d’acide.

Kate se demanda combien de temps Camille pourrait les maintenir en l’état, ils avaient l’air nettement plus abordable en tous cas, presque aussi inoffensif que le clebs de Jess. Qu’avait dit Sahari au briefing déjà ? Ah oui ! Mettre les Unders en confiance… c’est cela oui. Le cœur à mille à l’heure, l’australienne se recula de quelques pas, stupéfaite par un Pax grandissant, quand une boule projetée par Jade obscurcit un peu plus la place.

C’est exactement dans ce genre de situation qu’elle rêvait de posséder un pouvoir différent du sien… un tas de trucs aurait été pile poil utile à ce moment, comme se téléporter hors de ces immondes égouts sur une île paradisiaque. Plus les choses empiraient et plus elle se convainquait que Philip était en parfaite santé et se dorait probablement la pilule au soleil de Sidney.

Vu que personne n’avait encore été blessé, elle se décida à utiliser le seul moyen qu’il lui restait après son don : sa langue, enfin ses mots, il n’était pas question de rouler une pelle à qui que ce fût. Tout d’abord, choisir sa cible. Pax semblait tout désigné alors malgré la menace potentielle qui se dégageait de lui à vue d’œil.

Elle jeta un coup d’œil à Jason et Camille, espérant que le premier était prêt au cas où et que la seconde puisse maintenir son action le temps de négocier, puis s’avança vers Pax en levant ses deux mains de manière défensive, paumes en l’air. « Elle a raison. » Lança-t-elle en indiquant d’un signe de menton la zone d’ombre derrière laquelle Jade avait trouvé refuge.

« Nous sommes là pour Philip. C’est votre ami, nan ? Il a des problèmes et... son père est mort, on veut juste l’aider. »

Elle s’arrêta à distance raisonnable du mutant, ne sachant pas trop à quoi s’attendre de sa part et le fixa des yeux, un air aussi inquiet que désolé sur le visage.

« Jess… elle a été surprise, c’est pour ça que son chien… a mal réagi. Nous ne sommes pas là pour nous battre, tout ce qu’on veut, c’est discuter avec vous. »

Elle essayait de contrôler son débit et de parler d’une voix calme, bien que son timbre trahît sa nervosité. Sa poitrine se soulevait à chacune de ses bruyantes inspirations.