[OryX 6.1] Home... Alone

Sahari avait convoqué Charis, Keyah, Jason et Kalalli dans la salle de conférence. Une fois que la petite équipe avait toute été réunie, l'africaine prit la parole pour exposer les faits.

"Bonjour. Comme vous le savez, des disparitions ont dernièrement eu lieu sur Génosha. Je ne sais pas si on peut faire le rapprochement avec celles que Keyah a connues, en Afrique, mais elles ont ce point en commun que dans les deux cas des mutants sont ciblés. En supposant que les deux affaires soient liés, on pourrait donc conclure que les disparitions sont en fait des enlèvements."

Elle laissa un court silence s'installer, pour s'assurer que l'information rentrait par les deux oreilles et n'en ressortait pas, puis reprit.

"Or donc, comme vous devez vous en douter, nous retournerons sur Génosha demain soir, avant le X-Jet n'est pas libre, et interrogerons la population locale. Par contre, je vous demanderai de vous montrer très discret, car qui dit possibilité d'enlèvements dit ravisseurs. Le mieux serait, bien entendu, d'interroger des gens que nous connaissons déjà et en qui nous savons que nous pouvons avoir confiance. Toutefois, comme vous le savez, la population Génoshéenne est assez importante et ne cesse de croître donc il est probable que nous ne croisions que des inconnus. Dans ce cas, il faudra faire attention à ne pas attirer l'attention sur nous, je vous le répète."

Prenant une gorgée de son éternel verre d'eau, Sahari conclut :

"Comment préférez-vous fonctionner : en équipes de deux ou chacun pour soi? Aussi, si vous avez des questions, c'est le temps!"

Elle resta debout, les mains croisées dans le dos, et plongea son sombre regard dans celui de chacun des quatre élèves assis faces à elle.

Kalalli avait été appelé comme les autres OryX à rejoindre la salle de conférence où Sahari commença à leur expliquer les raison de leur prochaine visite de Génosha. Elle parla du lien avec les enlèvements connus de la jeune Africaine, Keyah. La femme expliqua ensuite qu'il fallait y poser des questions sur ces enlèvements sans porter l'attention des gens sur eux. Rester discret donc. Chose qu'on leur avait reproché de ne pas être lorsqu'il était KozaX.

Le départ serait le lendemain. Kitty, elle, serait en France avec Carrie. La journée lui semblerait bien longue sans la jeune fille. Il se sentait constamment déprimé dès qu'il se trouvait loin d'elle. L'Inuit espérait que tout le monde prendrait soin d'elle. Sahari but une gorgée de son verre d'eau et demanda aux élèves s'ils voulaient interroger les gens sur Génosha seuls ou par groupe de deux.

Assurément, il n'avait aucune envie d'être tout seul ! Et puis...

" S'il y a des enlèvements, ce serait peut être mieux qu'on se retrouve pas seuls non ? "

C'était sans doute un mélange de lâcheté et de bon sens. Et puis tout ça paraitrait moins long s'ils étaient en équipe. Poser des questions et rester discret. Kalalli avait du mal à saisir comment faire. Poser des questions sur ce genre d'évènement était toujours bizarre. Il s'aventura à en poser une :

" Concrètement, on doit demander si les gens savent des choses ? Ou on a quelque chose de plus précis à demander ? Et puis ça va être difficile de rester discret si on pose des questions. Si on tombe sur quelqu'un qui sait des choses parce qu'il fait parti du groupe qui enlève des mutants, il va forcément se souvenir de nous. Et les gens qu'on connait sur l'île ne sont pas nombreux... "

Il n'y avait sans doute pas de question précise à poser ou de façon d'être discret, mais dans le doute, il pouvait toujours demander. Au moins il sera fixé même s'il passait pour un idiot avec ses questions.

Charis s'était évidemment rendue au briefing. D'ailleurs, elle avait pris un soin tout particulier à choisir la chaise la plus éloignée possible de la porte, afin de limiter les mauvaises sensations de Keyah. Dans la journée, la suissesse avait tâché de tourner et retourner mentalement les possibilités qui pourraient justifier la disparitions de mutants. Une secte? Auquel cas, s'ils étaient partis volontairement, ils auraient pris la peine de prévenir leurs connaissances. Des accidents? A répétitions, ça se rapprochait nettement plus d'une agression. Keyah avait donc déjà été exposée à ce phénomène. Le fait était que ça ne se limitait pas à Génosha. Alors pourquoi les disparitions se concentraient-elles sur l'île actuellement? Parce qu'on y trouvait le plus haut nombre de porteurs du gène X au kilomètre carré? Logique en un sens. Et si d'autres mutants disparaissaient ailleurs dans le monde, ce n'était même pas dit que l'information soit considérée comme suffisamment intéressantes par les autorités pour en faire part à des organismes plus spécialisés dans le domaine. La conclusion de Sahari sur le fait qu'il s'agissait effectivement d'enlèvement parut donc logique.

Le départ était donc prévu pour le lendemain. Bon... Mais une fois sur place? Le professeur aborda immédiatement le sujet. Donc c'était discrétion en enquête. Heureusement, Charis était du genre discrète en temps normal. Voire même franchement effacée lorsqu'elle s'y mettait. Le problème allait être plutôt de trouver les bonnes personnes à qui s'adresser. Charis ne connaissait pas grand monde à Génosha. Du moins, pas grand monde qu'elle puisse vraiment qualifier de digne de confiance. Après tout, ce n'était pas en quelques semaines que l'on pouvait décemment prétendre connaître qui que ce soit. Ils allaient tous s'éclater sur un terrain dangereux. Croiser des inconnus était bien sûr au programme. Surtout que ces derniers temps, Génosha ayant été "reconnue", bon nombre de mutants s'y sont rendus.

Et la question de la méthode vint d'elle-même. Elle ne voyait en aucun cas la perspective de travailler par deux comme de la lâcheté, bien au contraire. C'était une stratégie d'approche comme une autre.

"Je rejoins l'avis de Kalalli. Par deux, c'est quand même plus sûr. Sans compter qu'il est dès lors possible que un parte en quête de réponse et que l'autre se contente de suivre à distance pour surveiller et protéger les arrières du premier. Tant qu'on ne connais pas les causes exactes des enlèvements, on peut tous devenir des cibles."

Après. pour savoir quoi demander et surtout comment... Avec des personnes de confiance, c'était nettement moins compliqué qu'avec de parfaits inconnus.

"A tout hasard, on a l'identité de tous les mutants disparus? Ou en tout cas des points communs entre eux? Tous la même tranche d'âge? Les mêmes origines? Des pouvoirs similaires? Ou des pouvoirs complémentaires peut-être? S'il s'agissait juste d'enlèvement par vengeance ou par des groupes qui veulent du mal aux mutants, il y aurait déjà eu des revendications il me semble."

Mais en même temps, d'après ce qu'elle avait compris, ils n'avaient quasiment aucune infirmations. Mais peut-être que Keyah en savait plus, puisqu'elle avait probablement plus de détails sur les personnes enlevées en Afrique. D'ailleurs, Charis porta sur la malienne un regard interrogateur.

*Rien à craindre. Elle est sympa, elle te l'a dit en personne, et répété avec ça. En plus, il y'aura des témoins, dont Madame Fouba. Donc on se détend, tout va bien se passer, inutile de se cacher dans un coin de la salle.*

Keyah était entrée les yeux fermés, ses lèvres remuant légèrement au rythme de ses pensées zen censées la détendre au maximum, et lui faire relativiser la présence de Charis dans la même salle. Elle ne put retenir un tressaillement après avoir rouvert ses mirettes, mais resta relativement calme, écoutant attentivement les paroles de son professeur référent, puis celles de Kalalli, puis de Celle-Dont-Il-Ne-Fallait-Pas-Avoir-Peur.

Zen.

Aller sur Genosha ne la dérangeait pas, pas plus que le voyage. Elle était moins rassurée de devoir poser des questions aux passants, d'autant qu'il n'y avait pas exactement douze habitants sur l'île. Mais s'ils fonctionnaient par binômes, alors...

- Par deux, faudrait pas faire n'importe quelles paires. Par exemple, je pourrais difficilement dire que Jason c'est mon cousin.

Or si elle prendrait grand plaisir à revoir ses camarades africains, Keyah n'avait pas la moindre intention de laisser un souvenir indélébile aux Genoshéens, surtout si leurs intentions étaient mauvaises.

- Mais chacun pour soi, on aurait plus de chances de tomber sur des gens qui savent. Si on se débrouille pour pouvoir se prévenir en cas de problème, c'est peut-être mieux, non ? Parce que un qui surveille et un qui questionne, on va jamais s'en sortir si on a toute l'île à interroger.

Elle ouvrit la bouche pour ajouter des remarques, mais Charis avait déjà tout dit, et elle ne voulait surtout pas provoquer sa colère en la plagiant ou en laissant penser qu'elle la singeait. Elle se tint donc coite en attente des instructions, avec tout de même une petite angoisse quant à l'éventuelle composition des binômes.

Jason, contrairement à ses habitudes, était arrivé le dernier sur les lieux du briefing. Un peut honteux d'avoir fait attendre ses camarades, il lacha un timide "scusez moi pour le retard" avant de prendre place.

Ecouttant ce qu'avait à dire Maame Fouba, il prit quelques notes, faisant une moue alors qu'il réfléchissait.. En équipe ? seul ?

"ça serait effectivement plus rassurant à deux, mais ça va aussi être le meilleur moyen de se faire repérer, surtout si, comme le dit Keyah, l'un questionne et l'autre surveille. On a nos communicateurs, on doit pouvoir réagir si problème. Je vais pas aller jusqu'a dire qu'il faut faire la chèvre, mais ... sinon je veux bien jouer le ptit ami de keyah, charis, ou le frère de kalalli" fit il en adressant un clin d'oeil à ce dernier.

"je comptait retrouver rainbow, ou en tout cas continuer pour les travaux d'embelissement.. la déco, tout ça... ça me fournirait une excuse pour mieux m'integrer, et les gens, en travaillant, parlent.. j'imagine que même si les travaux sont finis, il doit rester beaucoup à faire en déco, peinture et autres trucs plus... superficiel, en quelque sorte."

Il regarda ses camarades, ça lui faisait bizarre cette nouvelle équipe, mais il était adaptable aux changements, donc il s'y ferait.. comme le reste.

Lorsque Kalalli exprima ses doutes quand à travailler seule, l’Africaine le gratifia d’un sourire et lui répondit du tac au tac :

"Tout le monde sait qu’un homme avertit en vaut deux! Une femme également! Cependant, je ne vous oblige définitivement à rien. Si vous préférez les duos, duos ce sera! À vous de choisir ensemble!" conclut-elle en se tournant vers Keyah, qui ne semblait pas très à l’aise. C’était probablement normal : c’était sa toute première mission!

Par contre, devant le négativisme de l’inuit, elle ne put s’empêcher de montrer son étonnement.

"Allons! Ne te décourage pas tout de suite, il existe toujours des solutions alternatives. Quant à poser directement la question, pourquoi ne pas dire que vous travaillez pour ce journal que Camille et ses amis ont voulu lancer sur l’île? Ou alors vous discutez de tout et de rien, ou je ne sais trop. Il n’en tient qu’à vous de vous montrer subtil! À vous de vous montrer imaginatifs."

Elle se tourna ensuite vers Charis, une moue désappointée sur le visage.

"Je n’ai de réponse à aucune de tes questions, malheureusement. Il n’y a simplement pas eu de revendications. Dive n’a pas pu nous donner plus d’informations. Pour le reste, j’espère que nous trouverons les réponses à tes autres interrogations par nous-même!"

Et devant les propositions de parenté que lui faisaient ses élèves, la référente des Oryx leva les sourcils.

"Niveau fraternité, mis à part Charis et Jason, ça ne risque pas de le faire, en effet. Par contre, il existe aussi une relation bien spéciale qu’on appelle amitié, si vous ne voulez pas trop vous compliquer la vie!"

Finalement, elle se retourna vers Tatoo en se posant de réelles questions quant à ses motivations à l’accompagner sur Genosha. Allait-ce mal avec Luther? Si mal qu’il préférait retourner sur Genosha et y rester? Elle savait son élève sentimental –un vrai cœur d’ornithorynque-, mais à ce point?

"Tu sais que nous allons sur Genosha en mission ; en civil, mais en mission… et que nous rentrons dès que nous avons suffisamment d’informations? Tu n’auras probablement pas le temps de te rendre bien utile… À moins que tu comptais également… y rester à notre retour?

Il avait été évident dans le ton du professeur qu’elle craignait cette éventualité.

Charis était de son avis pour la sécurité de chacun. A deux c'était toujours mieux. Mais l'Inuit avait plutôt pensé à ce que chacun pose des questions de son côté relativement près de l'autre en gardant un oeil averti sur l'environnement. Si l'un ne faisait que surveiller l'autre, ce serait une perte de temps comme le souligna Keyah.

Vint ensuite la question de qui serait le frère de qui, ou le cousin. Comme Sahari le mit en avant, certaines combinaisons paraissaient compliquées à part le couple Charis/Jason. Ce dernier lui fit d'ailleurs un clin d'oeil en lui proposant d'être son frère. En réponse, Kali lui sourit timidement. Il avait dit la veille qu'il le trouvait mignon. Aussi était-il un peu gêné quand le garçon lui montrait de la gentillesse. La prof leur lança alors une idée qui ne semblait avoir traversé la tête de personne. Juste être des amis. C'était tellement évident qu'ils n'y avaient pas pensé !

Jason semblait se faire à l'idée d'un plan un peu plus long que Sahari interpréta comme une façon de dire qu'il resterait sur l'île. Kalalli jeta un regard surpris vers le jeune homme, se demandant si c'était réellement ce qu'il voulait. L'illusionniste lui ne savait qu'il ne voudrait jamais vivre sur l'île. Déjà qu'y retourner l'angoissait énormément depuis ce qu'il y avait vu.

Des dizaines de cadavres qui pendaient aux arbres. L'étrange machine qui tirait sur les badauds. Le Shoggoth, terrible créature cauchemardesque ressemblant à un tas visqueux mangeur d'homme. Dwyer, femme scorpion qui empalait des hommes. La tête de l'otage qui explosait suite au coup de revolver. Non. Il ne devait pas y penser. Il fallait qu'il pense à autre chose... Mais ces images restaient gravées. Sans s'en rendre compte, ses mains commencèrent à trembler et il les resserra contre lui à cause d'une soudaine sensation de froid, le coeur tambourinant.

Fermant les yeux un instant en baissant la tête, il essaya de faire le vide. De penser à Kitty. De penser à leur début d'après midi tendre passé l'un contre l'autre tranquillement. Il surmonterait les épreuves jusqu'au prochain moment avec elle. Il n'y avait plus que ça pour avancer sereinement dans la vie. Supporter le présent jusqu'à leurs prochaines retrouvailles. Il ne fallait pas regarder derrière dans le passé. Ca ne le ferait que sombrer dans une lente folie.

L'Inuit releva doucement la tête. Il tenta de se replacer rapidement dans le sujet en se rappelant ce que Sahari avait dit. Se faire passer pour des gens du journal de Camille, ça serait une bonne idée ! Mais il continuait à penser qu'à deux ce serait plus sécuritaire. Aussi préféra-t-il le confier à ses camarades, ou collègues comme Vadim avait semblé vouloir leur faire comprendre ce lien. Bizarrement, il avait le souffle coupé à chaque parole :

" Il vaut peut être mieux quand même... faire le travail à deux, chacun interroge pas trop loin... de l'autre pour garder un oeil sur son... coéquipier. Si on se fait assommer, on ne pourra jamais... appeler de l'aide, et il vaut .. mieux assurer ses arrières... quitte à poser moins de questions plutôt que l'un de nous.. disparaisse. "

Kalalli prit une grande respiration et conclue, sans comprendre que l'angoisse lui coupait la respiration :

" La priorité, c'est la sécurité pour une fois... qu'elle peut être assurée. Enfin... je pense. " acheva-t-il sur une plus petite voix. Il ne voulait rien imposer à personne et craignait qu'on le traite de froussard, mais il avait véritablement peur de se retrouver seul là-bas. Il devait probablement avoir des traits inquiets. On le prendrait pour un lâche, mais il ne s'était jamais prétendu courageux de toute façon. Il avait toujours l'excuse de l'âge, pensa-t-il.

Il n'y avait décidément pas plus d'informations. Ils allaient enquêter sans la moindre petite idée de ce qui pourrait les attendre. Des fous kidnappeurs de mutants, Charis en avait déjà eu un affreux aperçu non loin de sa ville natale. Heureusement ces chasseurs sans morale qui tiraient sur des enfants comme on le ferait sur du gibier n'était plus de ce monde. Enfin il n'étaient plus censés être de ce monde. Charis préférait y croire, plutôt que de se demander si elle allait pouvoir encaisser une autre chasse en jouant la proie. Elle e le souhaitait à personne, et surtout pas à des mutants. Comme s'ils n'avaient pas tous à souffrir constamment du regard du monde sur eux! Elle n'y pensait plus, comme elle s'efforçait de ne plus penser à Liam qu'en garçon bien portant et souriant, au lieu d'un corps qui retombe mollement sur le sol, criblé d'écrous métalliques.

Deux, c'était une excellente solution. personne ne devrait être seul. La séparation illusoire n'avait pour but, selon elle, que de permettre à des personnes d'être moins méfiantes, et de laisser un allié qui pourrait saisir d'autres bribes de conversation l'air de rien. Mais effectivement, c'était très certainement peu adapté. Ils risquaient de perdre du temps. Peut-être que Charis avait quelques tendances un peu trop paranoïaques sans doute. Le seul bémol majeur qu'elle voyait dans la perspective de faire des duos, c'était que Keyah risquait de faire une crise cardiaque en plein Hammer Bay si elle se retrouvait seule (certes entourée d'un tas d'inconnus, mais seule quand même) avec l'hydrokinésiste. Charis préférait éviter d'avoir la mort involontaire d'une jeune fille sur les bras, surtout s'il s'agissait d'une camarade d'école et d'équipe.

Le concept des duos semblait en plus faire la majorité. Enfin il lui semblait. Et en cas de mission solo, Jason avait même une couverture toute désignée. A croire qu'il pensait passer plus de temps qu'une mission standard sur Génosha. D'ailleurs, Sahari pensait même qu'il comptait y rester. Enfin il lui semblait. Charis fronça les sourccils d'un ait anxieux en se reportant sur Jason. Il comptait vraiment rester là-bas comme le supposait Sahari? Mieux valait attendre la réponse de Jason avant de se faire des idées. Par contre la façon de Kalalli était nettement plus inquiétante tout à coup.

"Deux c'est plus sûr quand même... ça va?"

Charis jeta un regard vers la porte. Fallait-il emmener Kalalli à l'infirmerie? Elle avait l'impression qu'il frôlait le malaise.

Keyah écoutait calmement, dans son coin. Penser à la mission réduisait notablement l'angoisse consistant à se trouver dans la même pièce que Charis, et un instant elle espéra que la promiscuité forcée aurait raison de sa phobie. C'était peut-être vrai. Mais la Malienne serait alors dans la situation exacte de l'ancien alcoolique : quelques gouttes, et elle retomberait dans ses travers, en pire.

A priori, l'angoisse de se faire assaillir prévalait. Il fallait peut-être qu'elle intègre la prudence comme un élément essentiel lorsqu'elle élaborait un plan. Ses camarades africains étaient là pour lui rappeler que même de grands adultes pouvaient se faire enlever. Alors des ados esseulés...

- Bon, d'accord. Par deux. Mais pas deux collés.

Keyah jouait à l'amiable : des concessions, pour que ses idées à elle soient plus facilement adoptées. Dans le commerce, ça fonctionnait souvent. En politique, elle n'en savait rien, mais ça valait le coup de tenter.

- On a des milliers de personnes à interroger. Peut-être qu'on va mettre des heures à entendre un témoignage intéressant ! Autant réduire le nombre d'heures par deux.

Elle s'arrêta, et réfléchit. Kalalli avait presque l'air de pleurer en pleine salle de briefing. Elle s'imagina en binôme avec lui : comment réagirait-il si elle se faisait attaquer ? Malgré son imagination, elle avait du mal à jauger ses capacités de sauvetage comme supérieures à celles d'un ornithorynque paraplégique. Il cachait sans doute bien son jeu.
De toute façon, s'ils se faisaient attaquer, ce serait sans doute soit par surprise, soit par une bande bien plus nombreuse qu'eux. Dans tous les cas, ils ne devaient pas compter sur leurs duos pour faire des ravages stratégiques. C'était une sécurité, mais le temps de prévenir le reste de l'équipe.

- Ou alors, on alterne. Parce que si on se présente à chaque fois de la même manière, genre "J'm'appelle Keyah, et ça c'est Jason, mon cousin au onzième degré", on va laisser des traces dans les esprits, même si on trouve rien, juste par le téléphone arabe. Et on pourra pas enquêter de nouveau ensuite.

De toute façon, il y'avait du bon et du mauvais dans chaque disposition. Autant que la cheffe tranche, pour que personne ne regrette rien.

Comme toujours, le flegme professionnel de Sahari impressionna jason alors qu'elle synthétisait les informations ou propositions données par ses camarades et lui même.
Visiblement ils allaient avancer en terrain totalement inconnu. Il allait falloir faire preuve de vigilence et discernement.

"bon en tout cas, si jamais vous en doutiez, je suis fier de faire équipe avec vous. J'ai pas eut le temps de vraiment prouver mon attachement à l'ancienne équipe, alors je prend ça comme une chance de, en quelque sorte, partir à zero." fit il à la cantonade, regardant chacun avec un franc sourire.

"maama fouba... vous inquiétez pas pour ça. Je dis juste que ça peut me fournir un alibi relativement convaincant. Le fait que je reste ou non ne sera pas de notoriété publique." baissant le regard, il ajouta. "je suis paumé avec lut... avec mes relations... jveux dire.. chepa... ça va pas fort, c'est sur... mais j'ai pas survécu à ma vie de merde d'avant pour baisser les bras sur quelque sujet que ce soit maintenant. Donc je reviens avec vous, même si ça doit être douloureux, même si je passe pour un ornithorynque extraterrestre en rentrant. Je veux nous donner une chance, à moi et à lui, de construire un truc... bref..."

Bon... en plantant bien fort ses ongles dans ses poings serrés, ça empêchait de partir en live façon romantico nunuche depressif.. voila.. un peu de douleur pour moins d'epanchement lacrymal... Bien... Sauf que l'inuit avait l'air de partir en live dans son coin...

"kal ? ça va pas ? hey ? ptit frère ?" lui demanda t il, s'approchant de lui et se penchant un peu pour le regarder dans les yeux, le prenant par les épaules pour lui procurer une sensation de stabilité.

"Parfait, Jason. Je ne m'attendais pas à moins de ta part. Évite seulement de me faire encore de telles frayeurs dorénavant, je t'en serais gré!" réprimanda-t-elle faussement, avec un sourire.

Constatant ensuite que les discussions n'avanceraient plus que pour tourner plus ou moins en rond, et que Kalalli se sentait mal, elle libéra les élèves. Keyah semblant toujours aussi nerveuse, Sahari songea qu'elle quitterait la pièce au triple galop dès que possible.

"Je crois que ce sera tout pour aujourd'hui. Vous pouvez retourner à vos occupations si vous le voulez."

Elle se leva elle-même, contourna la table pour aller ouvrir la porte, puis vint s'accroupir auprès de l'inuit qui, sur sa chaise, était déjà entouré de Jason et Charis. Au moins, ils avaient un début d'équipe soudée.

"Tu n'as pas de raisons d'être inquiet, Razgriz. Je serai avec vous et tu verras que tout ira bien. Les Génoshéens sont nos amis, tu sais!"

Ne sachant pas trop si ses paroles étaient réconfortantes, Sahari se demanda avec une légère crainte pourquoi Vadim ne lui avait pas dit que Kalalli ne faisait pas de crises d'angoisse. Était-ce parce qu'il n'en faisait qu'avec elle?

Charis aussi semblait penser qu'à deux la mission pourrait peut être présenter moins de risques même s'ils paraissaient dans une première approche faibles. Mais c'était Génosha. Alors tout était potentiellement plus dangereux qu'ailleurs pour l'Inuit. La question de la fille ne percuta pas dans l'esprit du jeune garçon, songeant qu'elle demandait confirmation pour la mission en double duo.

Keyah accepta également cette formation même si elle pensait à interroger des milliers de personnes. Ca faisait quand même beaucoup ! Il n'avait pas réellement songé à un nombre de cette taille. Jason précisa qu'il ne comptait pas rester sur Génosha puis avoua qu'en ce moment ça n'allait pas fort pour lui avec ses "relations". C'était facile de comprendre qu'il parlait de Luther. Malgré tout, il espérait que ça irait mieux plus tard et pour que ce plus tard ait lieu, il devait rentrer avec eux de l'île.

Les bras toujours ramenés vers ses coudes opposés pour se tenir chaud, Kalalli observa discrètement Jason serrer les poings. Il songea qu'il ne pouvait que comprendre le désespoir de son camarade. Chacun devait se rattacher à ce qui lui plaisait le plus à l'Institut pour compenser les mauvais moments en mission. Et pour eux deux, leur phare était l'autre personne de leur couple. Alors quand leur seule occasion de se libérer l'esprit semblait s'éloigner d'eux à cause de disputes, il fallait se dire que c'était relativement puérile et essayer de continuer si chacun en avait toujours envie malgré tout.

Kala rabaissa le regard devant lui. Ses pensées alternaient entre Génosha et Kitty. Il ferma les yeux pour essayer de se débarrasser des pensées néfastes et inutiles qui ne faisaient que l'angoisser. La pression sur la cage thoracique continuait de gêner un peu sa respiration et il se sentait transpirant dans une soudaine bouffée de chaleur contradictoire avec la sensation de froid. Ses ongles se plantèrent de la même façon que Tatoo mais dans ses bras. Il aurait fait n'importe quoi pour disparaitre tant il se sentait mal.

L'Inuit entendit la voix de Jason et sentit ses mains se poser sur ses épaules pour le retenir. A l'entente de "ptit frère", il réouvrit les yeux, un peu surpris et observa Jason dans les yeux. On le rattachait à un membre de famille qu'il n'était pas réellement, du moins sur le plan génétique. Sur le plan affectif par contre, ils étaient tous un peu liés, même si les professeurs semblaient vouloir gommer au maximum ces relations surtout lors des missions. Si Vadim avait été leur référent, il se serait sans doute mis en colère devant cet épanchement affectueux qui n'avait pas lieu d'être en tant que "collègues soldats".

Sahari annonça la fin du briefing et vint s'accroupir près de lui pour essayer de le réconforter. L'annonce de son nom de code, Razgriz, lui vrilla les oreilles comme des ongles sur un tableau noir. Razgriz. Les profs les voyaient-ils uniquement par des noms de code et un pouvoir associé ? L'inuit avait pensé que c'était juste le professeur Volkov qui appelait son équipe par leur nom de code respectif car il le faisait même hors contexte.

Mais Sahari aussi le faisait. Les profs étaient-ils tous les mêmes ? Une vague de déception parcouru la poitrine du garçon. Il pensait qu'il pourrait recommencer à zéro avec une nouvelle équipe mais il se rendait compte que finalement, tout n'était qu'une suite et que rien n'était réellement différent.

Le professeur l'était mais se comportait dans le fond de la même façon. Il avait une nouvelle équipe mais les membres étaient aussi gentils que les anciens. Mais il ne fallait probablement pas s'attacher. Pas comme avec les KozaX pour se le voir finalement reprocher.

Au moins, la prof serait avec eux. Elle pourrait peut être les défendre si quelque chose arrivait. Sa dernière phrase ne convaincu pas davantage que ça le garçon. Il voyait plutôt Génosha comme un espèce d'endroit truffé de mines qui explosaient au moindre faux pas même si on marchait dans le chemin. De façon plus globale, c'était le monde qui était ainsi. On ne pouvait faire confiance à personne. Il y avait tellement de groupes parallèles qui jouaient un jeu et cachaient leurs véritables intentions. Tellement de traîtres. Autant mutant qu'humain, autant sur Génosha qu'ailleurs. Même à l'Institut il arrivait que certaines personnes changent de camps. Sans l'avoir connu personnellement, il était au courant pour Vayne. La différence avec le monde, c'est que c'était à Génosha qu'il avait vu l'étendue du malheur qui pouvait s'abattre sur eux. Pour ne pas vexer son professeur, il se contenta d'un simple :

" J'espère... " avant de reporter son regard sur Jason.

Relâchant la pression de ses doigts sur ses coudes, il sourit doucement à son camarade et l'enlaça simplement. Il n'avait pas été rassuré réellement, mais il savait maintenant qu'il ne serait pas seul comme l'avait souligné Sahari. Il soupira en plaçant sa tête dans le cou du garçon. Il voulait juste un câlin pour ne pas se sentir seul.

La mission s'annonçait d'office colossale. Il était clair de toute manière qu'ils ne pourraient jamais interroger chaque personne de l'île sur ce qui se tramait sur place. Il allait falloir user de stratégie et surtout de bon sens pour remonter une piste utile. De toute manière, aucun d'entre eux ne pouvait réellement être préparé à quoi que ce soit pour la simple raison qu'ils ne savaient pas du tout sur quoi ils allaient tomber. ça et les tensions politiques, sans compter les tensions sociales. Les mutants avaient beau être réunis tous sous le signe de la différence génétique, Charis doutait qu'ils puissent tous se prendre la main simplement pour cette unique raison. Il y aurait toujours des différences. Après tout, elle en avait la preuve sous les yeux avec Keyah qui, malgré ses efforts pour la rassurer, n'était toujours pas tranquille en sa présence. Et de toutes les émotions, la peur était aux yeux de Charis celle qui provoquait le plus de dégâts. Ils devront faire face à de la méfiance,d es ragots, peut-être de l'agressivité, voire des menaces directes su ce n'est de la violence. Et là-dedans, il y avait déjà des problèmes à assumer. Pour tous, retourner sur le lieu où ils avaient perdu des êtres chers et avaient été témoins d'horreurs n'était de loin pas une sinécure. Sans compter sur les problèmes personnels de chacun. Keyah et son appréhension de l'eau (sur une île en plus...), Jason et ses problèmes de coeur qui dépassaient Charis, Kalalli et son vécu passablement affreux à Génosha...

L'hydrokinésiste secoua la tête pour chasser tous les mauvais pressentiments qui l'assaillaient pour se concentrer sur les points positifs. Kalalli n'avait pas encore tourné de l'oeil, Jason n'allait pas quitter l'Institut, et Keyah n'avait pas encore quitté la salle en courant. Elle osa même un sourire attendri en voyant l'Inuit se rassurer d'une certaine manière en enlaçant Jason. Bah, peu importe les problèmes, il semblait bien que les OryX actuels allaient pouvoir se soutenir pour faire face. Il ne restait qu'un problème que Charis ne voyait pas comment résoudre pour le moment et qui l'inquiétait sérieusement. Si Keyah ne pouvait pas lui faire confiance, comment pourraient-ils se soutenir dans l'adversité? Un faux pas pourrait leur coûter la vie à tous. Elle jeta un regard soucieux en direction de la malienne puis se reporta sur Sahari.

"Madame? Si nous avons fini, me serait-il possible de vous parler en privé s'il vous plait?"

Non, elle ne voulait pas faire étalage de ses problèmes, juste éviter d'en provoquer par mégarde en mission. Et pour ça, il fallait qu'elle demande à Sahari de l'aider à faire en sorte que Keyah soit le moins possible au à son contact, pour éviter les dérapages.