[15 / 05/ 2109] Terrasse et café viennois

En sortant de la fac, à la fin de ses partiels, Amy avait décidé de s'arrêter chez Valérie. Le repère des jeunes gens en ville. Elle n'avait aucune idée de si elle serait rejointe ou pas par d'autres qui passeraient par là. Et, à dire vrai, elle s'en moquait quelque peu. Ce dernier mois, la jeune femme avait énormément changé. Plus que depuis le nouvel an. Ses tatouages, qu'elle cachait auparavant était désormais à nouveau visibles. A nouveau assumés. Elle était devenue plus froide, plus distante, et, même, plus colérique. Ce jour-là, pourtant, elle portait une chemise d'homme blanche nouée à la taille par dessus un haut noir type brassière de sport, ainsi qu'un pantalon taille basse en cuir noir. Résolument plus sexy, résolument plus provocante, elle assumait ce qu'elle était. C'était même de moins en moins rare de la voir fumer. Elle ne se cachait plus. Ces changements n'étaient pas du goût de tout le monde, elle le savait bien, mais elle n'avait cure de ce que les autres pouvaient penser. Et, si on lui faisait des reproches, soit elle s'emportait, soit elle se barrait tout simplement. C'était un peu pour ça qu'elle n'avait pas envie de revenir à l'Institut immédiatement. Elle sortit son téléphone portable et son ordinateur de son sac et démarra ce dernier avant d'envoyer un petit sms.

>> on n'a pas eu le temps de finir la séance album-photo le mois dernier. Si ça te dit, fais-moi signe. Suis chez Valérie en centre ville <<

Après avoir envoyé le sms, elle se connecta sur la toile en attendant que la serveuse vienne prendre sa commande. Il faisait beau, la température était agréable. Que demander de plus? Ah... Si... Réussir ses exams. Mais pour l'instant, encore fallait-il qu'elle termine de les passer...

Elle ne savait pas s'il répondrait, ou même s'il viendrait. Elle eut donc une bonne surprise en le voyant passer la porte du salon de thé. Les lèvres au rouge à lèvre brun presque noir de la jeune femme dévoilèrent un sourire. Ses yeux, maquillés de brun foncé augmentaient encore la profondeur de ses prunelles noisettes.

"Merci Alex" répondit-elle en plaçant sa tasse entre son ordinateur et elle.

Tous deux avaient changé ces derniers temps. Ils n'étaient plus aussi insouciants qu'avant. C'était un fait. Mais comment ne pas changer après les événements qu'ils avaient vécu sur Genosha? Amarenna avait été la cause de la mort d'un bébé innocent. Elle était à l'origine de la mort d'un homme qui avait brûlé vif et était mort de ses blessures. Pourtant, de cette mort, elle n'en tirait que froideur et détachement. La mort du bébé l'avait traumatisée, causant une brisure en elle. Elle se demandait, parfois, si l'humanité parviendrait à changer. Si les mutants d'aujourd'hui et les humains d'aujourd'hui parviendraient à ne pas répéter les erreurs de leurs ancêtres. Mais elle en doutait de plus en plus. Pourtant, elle continuait à vivre.

"J'ai tenté au pif. Tu aurais très bien pu être pris ailleurs." répondit-elle en haussant les épaules.

*Mais j'espérais que tu serais tenté, j'avoue...* acheva-t-elle dans sa tête, un petit sourire en coin, ses prunelles fixées sur le X-Rays.

Entendrait-il ses pensées? Difficile à dire. Elle ne l'avait pas prévenu. Mais c'était à tenter. Elle ne le quitta pas des yeux alors qu'elle reprenait:

"Ton tatouage... Tu vas le refaire, finalement? Ou pas?"

Quelques mois seulement auparavant, Amarenna aurait, sans doute, légèrement rougi à la réponse d'Alex. Mais plus aujourd'hui. Aujourd'hui, si ce n'était une petite lueur amusée dans son regard, rien ne faisait acte que la réponse du jeune homme lui avait fait plaisir. Pas plus qu'elle n'avait sursauté à la réponse non verbale du jeune homme. Tout juste hocha-t-elle la tête. Voilà qui était clair, au moins. Elle ne pouvait pas verrouiller ses pensées. Elle ne disposait d'aucun bouclier psychique, à son grand regret du moins. Il fallait reconnaître que, parfois, c'était bien pratique. Mais non. Ombre elle était, ombre elle restait. Et ses pensées étaient un livre ouvert pour le X-Rays. Cela comportait autant des aspects plaisants que désagréables, il fallait bien le reconnaître. Mais après tout, c'était elle qui avait joué avec le feu en le mettant à l'épreuve.

Elle ne détourna pas le regard, continuant à le fixer lorsque le sien se posa sur son bras et, à nouveau, hocha la tête. Elle-même songeait à s'en faire faire un autre. Pourquoi pas. Cela ne manquerait pas de faire criser dans les chaumières, mais après tout, elle avait 20 ans, à présent. Dans quelques mois, elle aurait 21 ans. La majorité absolue. L'entière liberté d'acheter et de boire de l'alcool si elle le désirait.

"Ca te va bien, cette barbe naissante." dit-elle changeant complètement de sujet. "Ca te murit."

Voilà une conversation qui pouvait sembler des plus banale à quiconque autour d'eux. Et c'était aussi bien comme ça. Ainsi, ils n'attiraient pas l'attention. Finalement, la jeune femme baissa les yeux vers sa tasse et plongea sa cuillère dans la chantilly avant de porter celle-ci à ses lèvres. Elle interrompit cependant son mouvement pour revenir sur les derniers propos d'Alex.

"Etre ce que l'on est... Si l'on pouvait nous accepter ainsi, ce serait une bonne chose, il est vrai. Mais je crois que ce n'est pas pour tout de suite. Il ne nous reste qu'à être nous-mêmes pour nous-mêmes..."

Sortie de son contexte, cette phrase pouvait être étrange. Mais, pour deux mutants, elle était au contraire assez claire. Assez limpide. Amarenna replongea ses yeux bruns dans ceux, verts, de Mastermind.

"Quel endroit serait le plus approprié, tu penses, si je m'en faisais faire un deuxième?"

Plaçant la cuillère entre ses lèvres, un léger sourire au coin des lèvres, elle se leva et tourna sur elle-même, montrant son ventre plat et nu, ainsi que tout le bas de son dos et se rassit en croisant les jambes, et balançant celle qui se trouvait sur le dessus, frôlant de temps en temps celles du X-Rays.

"J'en avais assez d'être la fille sage que j'ai toujours été. Je suis plus que cela. Les derniers événements me l'ont prouvé. Je suis capable de beaucoup de choses sans sourciller. Alors pourquoi rester sage... Trop de sagesse tue la sagesse."

Elle n'ajouta pas à voix haute, bien que ce soit audible pour le télépathe s'il écoutait, qu'elle avait la sensation d'étouffer, avant. Qu'être la fille sage et posée qu'elle était à l'Institut avant son arrivée, ce n'était pas elle. Pas complètement.

"Il y a un truc qui me manque énormément de ma vie d'avant... Ce sont les décharges d'adrénaline des sports extrêmes... Saut en parachute, à l'élastique, escalade, ce genre de choses. Certes, on a l'adrénaline d'une autre façon. Mais ça me manque..."

Voilà qui était clair. Elle avait envie de danger. Mais pas un danger où elle risquait de se prendre une balle. Un sourcil levé, elle tenta de transmettre un souvenir au télépathe qui se trouvait face à elle. Celui d'un saut à l'élastique qu'elle avait fait quelques années auparavant du haut d'un gigantesque viaduc, au dessus d'un cours d'eau assez profond. Lorsqu'ils avaient fini de rebondir, il leur fallait se lâcher pour achever par un saut de l'ange. Autant dire qu'il ne fallait pas se rater... Un large sourire se dessina sur le visage de la jeune femme.

"Moi, c'est dans le paradoxe ombre et lumière que je m'épanouis." répondit-elle.

Elle semblait débordante d'énergie, assez étonnamment. Oui, elle assumait ce qu'elle était. Une mutante, une femme. Une femme plutôt sexy, même, il fallait le reconnaître. Oubliée, envolée la jeune fille sage et en couple. Elle avait envie de briser les règles. Toutes les règles. Elle sourit lorsque le jeune homme déclara que le mieux serait le bas du dos. Un endroit particulièrement sensuel si le tatouage était bien fait. Elle était d'accord sur le côté sobre. Un signe tribal, comme sur le bras, c'était ce qu'il y avait de mieux, de toute façon. Aux pensées d'Alex, elle répondit du tac au tac:

"Tu sais quoi? On a qu'à y aller tout à l'heure. Après le café. Comme ça, tu seras aux premières loges. Ca te dit?"

La jambe d'Amarenna stoppa son petit balancement un instant, le temps qu'elle croise ses jambes dans l'autre sens, et le manège recommença. Sous le regarde de plus en plus pénétrant de la maîtresse des ombres.

"N'est-ce pas?" répondit-elle laissant le flou sur le thème de sa réponse.

S'agissait-il du saut à l'élastique? De son paradoxe? Impossible à dire, et elle ne le précisa pas. Toujours était-il que la jeune femme prenait du bon côté la télépathie de son vis à vis, s'en servant pour lui faire passer certaines choses autrement qu'en parlant. Mine de rien, c'était bien pratique, il fallait le reconnaître. Pour le reste...

Elle abaissa l'écran de son ordinateur pour permettre à Alex de pouvoir se pencher plus facilement par dessus la table et, elle-même, faire plus ou moins de même puis qu'elle posa son menton sur ses paumes de main. Il ne lui restait plus qu'à attendre la réponse du concerné, maintenant. Et qui sait... Peut-être feraient-ils d'une pierre deux coups?

"Tu pourras faire avancer le tien, de rendez-vous aussi... Et s'il est récalcitrant..."

Un large sourire pas très sage dévoila les dents blanches de la jeune femme. Elle n'avait pas oublié les propos du mois précédent d'Alex, qui avait manipulé un tatoueur pour se faire son premier. Les pensées de la jeune femme à ce sujet étaient claires et limpides comme de l'eau de roche. Ce soir, elle aurait son deuxième tatouage. C'était indubitable. Elle aurait peut-être même plus que ça, qui sait.

Oui, elle jouait à un jeu dangereux. Et elle ne comptait pas s'arrêter là. Elle se sentait vivante, pour la première fois depuis longtemps. Elle se sentait le corps en feu, emplis d'une énergie qui lui faisait du bien. Et elle n'avait aucune envie de laisser cet instant au passé. Alors oui, elle jouait un jeu dangereux. Son regard, ses gestes, tentateurs, calculateurs. Mieux valait que personne de l'Institut ne passe devant le salon de thé en cet instant. Surtout pas un certain Justix. Sinon, il ne serait pas déçu du voyage. Mais cela, Amarenna n'y pensait pas le moins du monde. Elle semblait avoir mis de côté tout son aspect raisonnable.

"Ca marche pour la pommade. Accompagnée d'un massage, ça serait même encore mieux..."

La jeune femme avait dans le regard une lueur prédatrice. Elle avait l'air de celle qui avait trouvé sa proie et ne comptait pas la lâcher. En même temps, il était clair qu'il en était de même pour Alex. Lequel cèderait le premier? Difficile à le dire. Et quelle serait la façon de céder? Encore plus difficile à dire... Ce qui était sûr, c'était que la distance était de plus en plus réduite, et les balancements de jambe ne cessaient pas. Au contraire.

En cet instant, Amarenna aurait aimé être dans la tête d'Alex. Savoir ce qu'il s'y passait. Savoir ce qu'il pensait. Ce dont il avait envie. Ce petit jeu auquel ils s'adonnaient tous les deux, Amarenna devait bien avouer qu'il ne la laissait pas sans effets. Qu'elle avait envie de plonger davantage encore dans ce manège. De se laisser complètement emporter par celui-ci. Elle n'avait jamais eu de relation stable ou longue avant Robin. Et elle était entrain de tout gâcher. Une petite partie d'elle s'en rendait compte. Mais une grande partie d'elle appelait à la liberté. A ne pas penser aux conséquences. Et le fait était que les conséquences, elles lui passaient loin au dessus de la tête. Alex était celui qui avait la possibilité d'en savoir le plus sur elle. Elle aurait dû fuir cela comme la peste, elle qui gardait tout jalousement pour elle. Mais non. Ca l'émoustillait, au contraire. Et ce petit jeu entre eux deux ne lassait pas de lui plaire.

Le point de non retour était atteint depuis un moment maintenant. Amarenna lui avait proposé de la rejoindre pour finir le visionnage des photos, mais il semblait de plus en plus évident que ça n'avait dû être, inconsciemment, qu'un prétexte. Le simple fait que les deux jeunes gens avaient eu envie de se retrouver là, c'était déjà avoir dépassé le point de non retour. En cet instant, Amarenna comprenait mieux Georgia qu'elle ne l'avait jamais comprise auparavant. Mais c'était, là encore, parfaitement inconscient.

La main du télépathe s'approcha de la sienne avant qu'il ne la laisse glisser le long de son bras. Le chemin parcouru la fit frémir. Si Amarenna n'aimait pas les démonstrations en public, c'était qu'elle était particulièrement tactile dans le privé. Et les légers picotements qui la parcourait sous les doigts d'Alexander n'étaient pas sans le prouver. Elle poussa un léger soupir d'aise avant de lâcher d'une voix légèrement rauque:

"Ma foi... Ca m'a l'air bien tentant, tout ça..."

L'impatience la gagnait. Elle ne dégagea pas son bras en contact avec Alexander. Elle ne décrocha pas son regard du sien. Pour autant, elle se redressa légèrement. Non pas en fuite, mais pour boire son café avant qu'il ne soit froid. Sa position dévoilait son décolleté, mis en valeur par l'échancrure de la brassière. Elle se repencha dès qu'elle eut reposé la tasse.

"Par quoi commence-t-on? Un massage, ou un tatouage?"

Ils étaient simplement eux-mêmes: deux jeunes gens qui s'appréciaient et qui étaient attirés l'un par l'autre, deux jeunes gens qui en oubliaient tout des conséquences de leurs actes. Et c'était aussi bien comme ça. La jeune femme ne bougea pas lorsqu'il se déplaça légèrement. Elle attendait d'avoir son avis. La seule chose qui bougea, ce fut le bras sur lequel la main d'Alex était toujours posée. Pas pour perdre le contact, mais pour glisser sa main dans la sienne. Il était clairement trop tard pour faire demi-tour. Et quand bien même cela aurait été possible, Amarenna n'en avait pas la moindre envie. Un jour ou l'autre, ça devait bien arriver.

Un instant, elle repensa à l'arrivéee du jeune homme à l'Institut. Ce jour là, elle était en maillot de bain et sortait de la piscine et se trouvait en compagnie de Georgia et Kanata. Elle n'était pas encore en couple, à l'époque, pas plus que les deux autres membres de l'Institut. Peu après l'arrivée d'Alex, une question s'était posée: qui des trois autres attirait le plus la jeune femme. La réponse avait été rapide: lui, Alex. La Lex esquissa un sourire à ce souvenir.

Elle relibéra sa main et commença à caresser la paume d'Alex avant de répondre à sa suggestion:

"Après l'aiguille le réconfort?"

Le visage d'Alex s'approcha encore du sien. Elle sourit en se reculant très légèrement pour l'observer à nouveau, pour voir jusqu'où il viendrait, puis elle se pencha joignant ses lèvres à celles du jeune homme. Un instant, le visage de Robin s'afficha dans son esprit, mais il ne resta guère plus longtemps qu'une fraction de secondes. La culpabilité? C'était quoi, ce sentiment? Elle ne connaissait pas. Elle ne connaissait plus. Ca n'existait plus dans sa vie. Les remords? Le seul qu'elle avait, c'était d'avoir causé la mort de ce bébé sur Genosha. Si elle avait laissé la furie l'emporter, peut-être serait-il en vie aujourd'hui. Quant aux regrets? Elle en avait. Mais aucun sur l'instant présent qu'elle voulait vivre et à fond. Sur quoi déboucherait-il? Impossible à savoir. Mais elle avait envie de tenter cette aventure et de voir jusqu'où elle pourrait la mener.

Ils étaient simplement deux adultes. Deux adultes qui faisaient face à une attirance. Deux adultes qui oubliaient les réalités de leur monde. Deux adultes qui avaient beaucoup de choses en commun. Deux adultes qui ne voulaient pas passer à côté d'un instant de bonheur. Oui, c'était ce qu'ils étaient.

Et Amarenna profitait de cet instant, de ce baiser à fond. Complètement. C'était le genre de choses dont elle avait besoin depuis longtemps, mais elle ne s'en rendait compte que maintenant. La folie, cela faisait aussi partie de la vie. Elle donnait autant qu'elle recevait en cet instant. Et ce, jusqu'à ce qu'Alex s'écarte légèrement pour parler.

Aller chez le tatoueur. La jeune femme revint un instant à la réalité et ses yeux papillonnèrent le temps qu'elle reprenne ses marques. La séance souvenirs était déjà loin dans le passé. L'heure était au présent. A l'avenir? Peut-être. Sûrement. Elle acquiesça rapidement, sans prendre le temps de réfléchir.

"Oui..."

Pourtant, en cet instant, en elle-même, c'était d'autre chose dont elle avait envie. Sa perte de contrôle sur elle-même était quasiment totale. Elle se repencha par dessus la table, volant un autre baiser à Alex et se recula pour ranger son ordinateur dans son sac. Elle prit même le parti de couper son téléphone portable. Quiconque voudrait la joindre arriverait sur le répondeur. Elle ne lirait, écouterait les potentiels messages que plus tard, une fois de retour à l'Institut. Elle ne voulait penser à rien d'autre. Elle ne laissa que son communicateur d'allumé, pour le cas où il y aurait une urgence. Mais c'était tout. Définitivement déraisonnable, elle ne voulait pas que quelqu'un puisse la faire culpabiliser. La culpabilité, elle avait vécu avec. Pas le même genre toutefois. Et celle de tromper son petit ami en titre lui paraissait bien faible en comparaison à la mort du bébé sur Genosha.

Amy se leva rapidement et reprit la main d'Alex pour l'emmener vers la sortie.

"Go! Je te suis..."

*Où tu veux...* ajouta-t-elle en pensées au cas où il écouterait.

[ ailleurs...]

L'électrokinésiste n'hésita pas une seconde et l'homme au pistolet n'eut pas le temps de réagir. De l'autre côté, Marcelle se jeta sur celui au couteau. Minh n'avait rien compris du plan proposé par Miyabi, mais elle n'eut de toute façon pas le temps de réagir qu'un espèce de flash lumineux la laissa aveugle quelques temps. Une fille lui parla, expliquant qu'elle était arrivée à temps pour les sauver, mentionnant Six et sa coéquipière dont elle ignorait si Thanh-Van était finalement le vrai nom comme elle l'avait dupée. En sécurité ? Comment pouvait-elle être en sécurité alors qu'elle ne voyait plus rien et qu'elle faisait face à des groupes venus pour les tuer dans un sous-sol glauque. Découragée, elle sentit les larmes lui monter aux yeux quand la jeune fille poursuivit son laïus.

L'institut... Celui dont Roy lui avait parlé. C'était là qu'elle voulait aller, pour fuir cette Asie qui ne voulait plus d'elle. Mais elle ignorait quelle était la destination pour laquelle la fille voulait qu'elle parte. Tout ce qu'elle savait, c'était que New-York la rapprocherait de l'institut.

Lorsqu'elle retrouva la vue, elle était sur une plage. Eberluée, elle s'accroupit et se saisit d'une poignée de sable qu'elle laissa couler entre ses doigts. Où était-elle exactement ? Elle n'en avait pas la moindre idée. Et peu lui importait. Elle était avec la jeune fille en serviette, elle avait bel et bien un sac à ses pieds, avec un billet d'avion pour New York et un peu d'argent. Elle ne savait quoi penser, à part qu'elle partirait bel et bien pour New York et que tant qu'à voyager avec quelqu'un, autant faire les présentations tout de suite.

- Euh... Je suis Do Thi Minh, hésita-t-elle à l'attention de sa camarade d'infortune. Mais tu peux m'appeler Minh ou Minka, après avoir failli mourir ensemble, on peut peut-être se tutoyer...

Elle aussi se demandait ce qu'il était advenu de Marcelle et de l'électrokinésiste. Elle se demandait également qui était la voix qu'elles avaient entendu avant de se retrouver sur la place. Elle se demandait encore pourquoi Tran avait été tué par Six, qui était le collège invisible et ce qu'était cette drôle de main dont la carte à jouer avait fait frissonner aussi bien Six que Tran. Elle ne comprenait rien, il y avait beaucoup trop de questions dans son cerveau et trop peu de réponses. Elle aurait aimé pouvoir tout oublier, ne pas y penser, mais elle ne pouvait pas : chaque fois qu'elle posait les yeux sur Miyabi, tout lui revenait en mémoire, et comme elles faisaient route ensemble, c'était plus que souvent.

Un taxi les avait effectivement attendues à l'aéroport qu'elles avaient rejointes en tenues plus décentes qu'une serviette et un ensemble de sport crasseux et Minh avait été tentée de demander au chauffeur de changer sa destination, mais quand il s'arrêta devant un café, et dans ce pays qu'elle ne connaissait que trop peu, elle hésita à faire route seule et préféra s'en tenir à suivre Miyabi. A travers la devanture du café, une demoiselle leur souriait mais l'hydrokinésiste n'osa pas faire un geste. Alors Minh attrapa le petit sac qui contenait tout ce qu'il lui restait de possession à savoir le contenu laissé par la mystérieuse inconnue au flash lumineux et prit la main de Miyabi.

- Viens, on va voir. Au pire, on repartira, si on n'a rien à faire là-dedans.

La main de Miyabi dans la sienne, elle poussa de l'autre la porte de l'établissement et s'approcha de la jeune femme qui leur avait souri.

- Pardonnez-moi de vous déranger, commença-t-elle avec un accent asiatique imparable, je vous ai vue nous sourire à travers la vitre... A moins que ça ne soit une coïncidence ?

Elle avisa alors les cinq verres sur la table et la bouteille contenant un liquide doré.

- Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-elle, la curiosité ayant effacé toute prudence. Vous attendiez deux autres personnes ou...

C'était trop bizarre, et elle n'osait pas terminer sa phrase. Ou vous nous attendiez peut-être. Après tout, des bizarreries, elles en avaient vu d'autres, à présent...