[Mission Roberta]Sénécaville, chasse aux sorcières

Après un rapide voyage en monorail tout confort, Amarenna, Grégoire, Alban et Adam eurent la surprise de se faire accueillir par... une carriole. Une sorte de grosse boîte en bois, avec des sièges en velours, tirée par deux chevaux bais. La ville avait l'air d'être un trou paumé, c'était certain, mais pour le coup, le dépaysement était garanti.

Durant un voyage bringuebalé par des amortisseurs trop approximatifs, le cocher expliqua que Senecaville était à environ une demi heure, et que le manoir des von Baeckendorf était encore plus loin à l'extérieur de la ville.

C'est donc avec tout le temps nécessaire que la petite équipe d'investigation de l'institut put observer les paysages sauvages de l'Ohio, les grandes prairies plus ou moins cultivées, et en tout cas, bien loin du tumulte d'une ville, fut-elle aussi petite que Salem Center. La route était de terre battue, sinuant au gré de quelque fantaisie du génie civil, franchissant une rivière écumante sur un pont de bois, et donnant à l'ensemble un aspect de nature préservée.

Le manoir se présenta à eux comme une imposante bâtisse de pierre grise, au toit d'ardoises. Fut un temps, il était sans doute imposant et majestueux, mais il était manifeste qu'il manquait un peu d'entretien. Le parc boisé était mal entretenu, un reste de mur d'enceinte était rongé par les plantes grimpantes... Le manoir lui-même faisait plus pâle figure : par endroits, les murs avaient besoin de rafraîchissements, des volets manquaient... Un coup de vent lugubre finit de les mettre dans l'ambiance.

Une fois ses passagers débarqués, le cocher fila sans demander son reste, arguant d'une part que l'endroit était maudit, et d'autre part, qu'une tempête se préparait. Laissés là sur le perron, ils eurent la surprise d'entendre une voix derrière eux. Une voix grave et guindée, quoique féminine.

"Vous devez être mes jeunes invités. Bienvenue au manoir. Je suis Anastasia von Baeckendorf. La maîtresse de ces lieux.", se présenta la propriétaire de façon très formelle.

Elle était vêtue d'une robe sans teinte, au haut col, et ne portait aucun bijou. Affichant la cinquantaine, elle arborait un carré strict de couleur rousse, et posait des yeux verts perçants sur les jeunes enquêteurs, qui ne manquaient pas de trahir un excès de fatigue, probablement dû à un excès d'épreuves...

Le voyage avait été épuisant. Tellement épuisant que Grégoire avait dormi dans le monorail ainsi que dans la carriole-charrette qui les avait amené. Chose peu aisée lorsque l’on est secoué tout le long de la route bosselée et non aménagée. Lorsque Grégoire ouvrit les yeux, ils n’étaient plus très loin de la maison des von Baeckendorf. En descendant de leur sublime moyen de locomotion, Grégoire tenta de se déraidir les jambes et sa nuque endolorie par une position peu confortable durant les dernières heures. Il regarda autour de lui pour admirer la demeure et son parc. Quel dommage de ne pas entretenir un si bel endroit ! Grégoire allait faire une boutade lorsqu’une voix résonna derrière lui et la glaça sur place : le moment n’était plus à la plaisanterie. La mission avait débuté.

Alban fut le premier à répondre à la femme qui les accueilli, visiblement la maitresse de la maison. Avec un aplomb non dissimulé, il fit les présentations, ce qui ne manqua pas de faire intérieurement son compagnon de chambrée.

Grégoire frotta son complet gris, histoire de s’épousseter avant d’être officiellement en contact avec la haute société des environs. Grégoire fit un pas en avant pour se placer à hauteur d’Alban.

« Bonjour, Madame von Baeckendorf. Enchanté de vous rencontrer. » Dit Grégoire en esquissant un très léger sourire. « Vous vivez dans une charmante région. »

Autant amorcer la discussion au plus tôt.

"Mme von Baeckendorf", corrigea-t-elle à l'intention d'Alban, avant d'inviter les quatre jeunes à entrer.

Le manoir était tout de pierre et de boiseries. Tapis, tentures, mobilier ancien. Cela respirait l'élégance et le bon goût, mais également la poussière, et le manque d'entretien.

"Une région bien charmante, en effet. Bien loin du tumulte de la ville et du monde moderne. Une vie saine, proche de la nature, empreinte de paix et de spiritualité.", répondit-elle à Grégoire d'un air satisfait, tout en leur montrant le rez-de-chaussée : un salon, une bibliothèque, une salle de billard, une cuisine somme toute moderne, et une grande salle à manger. Tout dans un style aristocrate légèrement guindé. Et tout malheureusement assez défraîchi.

"Vous êtes bien aimables de venir m'aider ici à tenir la maison. Je n'habite plus que dans le corps de bâtiment principal. Nous avons déménagé ce que nous avons pu des ailes latérales et des dépendances, et ces parties sont, depuis, à l'abandon. D'un autre côté, ce n'est pas comme si..."

Elle fut interrompu par un grincement sinistre. Sans doute un escalier. Puis des bruits de pas rapides. La maîtresse de maison regarda un instant vers l'entrée, puis repris son discours comme si de rien était.

"... Si nous étions très nombreux à habiter l'endroit. Il n'y a plus que moi et ma fille, Léontine. Ainsi que Gidéon, le jardinier, qui fait ce qu'il peut également."

Mme von Baeckendorf les installa dans le salon, mais ne leur proposa rien à boire. Les sièges anciens étaient confortables, mais sentaient vaguement la poussière. Au mur, on pouvait voir des portraits peints, ou des photos. Une photo de mariage. On reconnaissait Anastasia, ainsi que son mari, qui était plutôt bel homme dans sa jeunesse. Ils semblaient très heureux et souriants.

Sur d'autres photos, on voyait des enfants, grandir. Une assez grande famille était visible sur une grande photo au dessus de la cheminée. On reconnaissait bien sûr le couple von Baeckendorf, ainsi qu'un autre adulte, et onze jeunes gens d'âges variés. Sans doute les enfants...

"Je ne sais pas trop que vous dire de faire... Il y a tellement de travail. Je pense que vous devriez essayer de faire au mieux, dans le temps qui vous est imparti. Toute intervention positive sera bonne à prendre."

(hj : dsl, j'ai raté le sujet lors du post initial...argh...)

Adam avait apprécié moyennement la première partie du trajet, en réalité, le fait même d'avoir posé le pied dans le monorail avait été une gageure...et une calèche...un voyage dans le temps au beau milieu du dix-neuvième siècle, qui aurait pu passer si il ne lui avait pas pris l'idée ridicule de s'habiller comme un bon petit garçon avant de partir...

au final, il avait fini par singer les habits d'alban, peut être le plus habitué à ce genre d'ambiance (il venait d'Irlande, après tout...) et se retrouvait coincé dans une ambiance d'un glauque profond...une tempête à venir dans une maison prête à s'effondrer...habillé comme un sac ou un premier de la classe du siècle dernier...en gilet et en faux col...mèche de cheveux plaquée façon gras...

c'est avec de grande difficultés, une fois passé le choc initial, qu'il tenta de parler en souriant...difficilement...

"c'est tout naturel madame Won Ba-E-Ken-Dorf..."

il avait tenté d'articuler sans buter sur les syllabes germaniques, mais il n'y arrivait pas encore...

"Nous sommes particulièrement heureux de pouvoir vous aider, madame...et quand aurons nous l'honneur de rencontrer votre fille et votre jardinier?"

il voulait lui laisser un instant de répit mais posa une autre question presque aussitôt...

"c'est toute votre famille sur cette splendide photo?"

en regardant vers la photo au dessus de l'âtre...

"Léontine doit être quelque part en haut. Elle passe beaucoup de temps dans sa chambre...", répondit-elle pensivement.

"Quant à Gidéon, il est quelque part dans le parc, ou autour de la maison. Vous le rencontrerez très probablement si vous travaillez en extérieur.", continua-t-elle tout aussi pensivement.

Un bruit répétitif se fit entendre. Il commençait à pleuvoir. À pleuvoir assez dru. Ce qui arracha un petit commentaire à Anastasia

"Mais je doute que ce soit le meilleur moment pour aller visiter les jardins. Avec une pluie comme ça...

En tout cas, oui, c'est ma famille. Là, c'est moi, et cette jeune fille est Léontine", dit-elle en montrant une petite fille brune riant aux éclats, non sans une certaine nostalgie. Le côté désert du grand manoir contrastait sauvagement avec la photo pleine de vie et de gens. Il n'y avait malheureusement que peu de doutes sur ce qui était advenu du reste de sa grande famille.

Une série de flash lumineux et de coups de tonnerre se firent entendre. Anastasia s'absenta pour aller préparer du café, laissant les jeunes enquêteurs à leurs pensées. La pluie tombait de plus en plus fort. C'était un bel orage...

Alors qu'Anastasia revenait, un homme plutôt petit, mais manifestement très trapu, aux yeux noirs perçant fit irruption dans le manoir.

"La digue du lac ne tient plus, et a été pour partie été rompue, et la passerelle a été emportée madame. Je vais devoir contacter le village pour qu'ils nous dépannent."

Ils étaient coincés ici...

Le dîner se passa calmement, échangeant de simples banalités, mais Léontine n'était toujours pas là. Anastasia leur montra leurs chambres, toutes bien séparées et individuelles, et ils purent profiter d'une nuit à peu près tranquille, uniquement perturbée par le bruit de la pluie qui cessa peu avant le matin.

Le lendemain matin, la journée était radieuse.

Grégoire se réveilla encore bien fatigué. Il n'était pas rassuré de passer la nuit dans un manoir aussi lugubre et qui plus est, coupé à toute communication extérieure. Il n'avait cessé de faire des cauchemars et d'entendre, dans son sommeil, Roberta Shenzie leur raconter encore et encore l'histoire qu'elle leur avait narrée dans son bureau au premier brief de cette mission.

Grégoire s'habilla, ne sachant pas si un endroit leur était réservé pour leur toilette. Profitant de cette idée, il attrapa une serviette qu'il avait apporté et décida de partir en reconnaissance dans la maison. Il partit à l'opposé du chemin par lequel il était monté hier au soir. Peut-être tomberait-il sur Léontine ou sur des informations dont ils pourraient avoir besoin un peu plus tard. Il ne savait pas où en était les autres, mais il se lançait dans l'aventure. Un frisson lui parcouru l'échine.

*Je ne suis pas un froussard, je ne suis pas un froussard.*

Il ouvrit la porte de sa chambre et partit à la découverte de la partie inexplorée de la maison.

[i]Alban se réveilla aussi le lendemain matin après un sommeil un peu difficile, les bruits de la ville semblaient lui manquer plus qu'il ne l'aurait cru. Il fit sa toilette puis, enfila des habits propre toujours dans un style très sage et surtout, surtout il refit cette coiffure d'enfant sage. Il fallait souffrir, même pour être ringard.

Grégoire venait de partir explorer la maison et il semblait qu'ils mourraient tous les deux d'envie de rencontrer Léontine, la fille mystère. Pas forcément avec le même ordre de priorités dans la mesure où l'interrogation principale d'Alban était de savoir si, oui ou non, elle avait un joli minois. Il verrait après pour les questions importantes, bien sûr. Quand il ouvrit la porte de la chambre pour partir, lui aussi, il fut toujours aussi gêné par le manoir. Le fait de ne pas savoir à quoi s'attendre combiné à l’archaïsme des installations et au fait qu'un psychopathe habitait dans le coin n'était vraiment pas pour le rassurer. En tous cas, s'il croisait quelqu'un, il cherchait la chapelle !

C'est donc, tel un spiderman moderne, en essayant de se rassurer par des idioties et jeux de mots naze, qu'il quitta la sécurité de la chambre pour s'aventurer, lui aussi dans la partie inconnue de la maisonnée.