Village de Pikogan, nord du Québec

L'aînée de Nan venait de lui dire que le sorcier voulait le voir «pour un commerce avec le village voisin». Comme son père et ses oncles étaient partis à la chasse, il était le plus vieux et il lui revenait le devoir de faire le troc à la place de son père. Ce devoir ne l'enchantait pas, mais il ne s'était jamais plaint. Depuis des siècles, ses ancêtres vivaient dans la tradition algonquine. Ils n'avaient pas, comme d'autres descendants de son peuple, abandonné leur mode de vie pour vivre à la manière des visages-pâles. Nan était très fier de cette caractéristique et c'était aussi la raison pour laquelle il trouvait si étrange le village où il allait troqué. Il laissa donc ce qu'il était en train de faire et se dirigea vers le petit bosquet à l'écart du village, où le sorcier avait pour habitude de s'entretenir.

Nan resta debout, bien droit devant le sorcier et attendit ses instructions. Pour prouver que ses parents l'avaient bien élevé, il ne parlerait que quand son aîné le lui demanderait. Il hocha la tête et regarda le vieillard dans les yeux, pour démontrer qu'il avait toute son attention.

*Pas trop de marchandage, je vous prie, je suis nul là-dedans...*

Ce serait la première fois que Nan allait au village seul. Bien sûr, il y était déjà allé et son père l'avait aussi laissé troqué, pour le pratiqué, mais il se sentait un peu stressé.

*Éloigne les sentiments négatifs, relaxe*

Le vieux sorcier a la longue barbe regarda Nan dans les yeux. Il semblait lire dans son esprit.

" Nan, je t'ai choisi pour une mission bien particulière. Le voyage que tu vas entamer va t'emmener plus loin que tu ne le penses. Comme tu le sais, "Naga" est enceinte mais sa grossesse se complique. Malheureusement vu l'état avancé, nous ne pouvons nous permettre de la déplacer. Aussi je te serais reconnaissant d'aller trouver "Wika ", il vit dans la grande ville a New york. c'est un ancien médecin de la tribu, il nous doit une dette de sang. Trouve-le et informe-le, il viendra."

Le sorcier regarda encore plus profondément dans les yeux de Nan comme pour s'assurer que sa requête avait été saisie.
" Tu pars tout de suite. Voici ton itinéraire, prépare tes bagages. Va, maintenant et reviens avec "Wika" ".

Nouvel hochement de tête du jeune algonquin. Il ne s'attendait pas à celà du tout, mais ne laissa rien paraître. De toute manière, ça lui plaisait bien, au moins il n'avait pas de troc à faire. Il aimait bien Naga et ce fut donc avec plaisir et honneur qu'il acceptait sa mission. Il avait un vague souvenir de Wika, qui devait être parti il y avait dix chasses à l'oie (été). Il ne connaissait pas New York, mais il ne craignait pas de s'y rendre. Ce ne pouvait pas être bien plus gros que Val d'or, la ville légendaire, capitale du grand Nord. Il regarda et mémorisa l'itinéraire.

Ses bagages ne seraient pas longues à préparer, mais il devait dire au revoir à sa famille en même temps.

Il s'inclina donc pour demander son congé, en tendant légèrement sa main gauche vers le sorcier, pour prendre l'itinéraire.

*Ils vont me manquer, j'espère que ça ne sera pas trop long, comme voyage*

Dans son tipi, il ramassa le strict minimum : un couteau, un arc, quelques vêtements et des réserves de nourriture. Il embrassa ses 3 soeurs, puis se tourna vers les garçons, qui jouaient par terre, et leur passa la main dans les cheveux, sans un mot.

Finalement il se tourna vers sa mère, le visage toujours aussi impassible. Il espérait qu'elle lui parle et qu'elle transmette ses salutations à son père.

Elle le considéra gravement.

" Alors ça y est. Il est temps pour toi d'affronter ton destin. Va avec l'amour et le courage de ta famille et de ceux qui t'aiment. Ne nous oublies pas."
Ses yeux commençaient a briller mais elle se retint et se retourna vivement. Elle se dirigea vers le fond du tipi et en sortit en petit carré de tissu qu'elle déplia devant Nan.

" Ton père était au courant de ta future quête. Il a conçut ceci pour te guider sur le chemin de ton destin. Il sera fier de toi. "

Elle lui tendit un pendentif au bout duquel avait été taillé une flèche de pierre.

" Va, maintenant. En parfait Amour et en parfaite confiance. "

Puis elle l'embrassa.

Nan vit les larmes de sa mère lui venir aux yeux. Ça le bouleversa. Il prit le précieux pendentif et le porta dès lors. Il la remercia d'un signe de la main et lui sourit. Lorsqu'elle l'embrassa, il la serra contre lui, mais ne dit rien. Son neveu le regardait à présent et ne semblait pas comprendre.

Nan se déprit de l'étreinte maternelle et se dirigea vers l'entrée du tipi. Avant de sortir, il cogna sur son coeur et murmura «Je me souviendrai». Il sortit ensuite et se dirigea vers la forêt, en direction du village. Il marchait rapidement, courant presque entre les branches. Ces adieux, il les détestait. Combien de lunes passeraient avant qu'il ne revoit les seules personnes qu'il ait jamais connues et aimées?

Il chassa rapidement ces sombres pensées de son esprit, se concentrant sur sa mission. Il devait d'abord se rendre dans le village voisin, puis à Val d'Or. Il entendit un étrange bruissement quelque part dans la forêt. Il s'arrêta et écouta pour entendre de nouveau.

*Ce n'est pas le temps qu'un lynx attaque le village...*

Il ferma les yeux et leva la tête vers le ciel afin de percevoir le moindre son...

L'oreille de Nan ne décela rien dans un premier temps. Mais alors qu'il allait reprendre son chemin, il entendit a nouveau un bruissement qui provenait d'un des buissons derrière lui.

Il s'en approcha doucement et le contourna pour surprendre son potentiel ennemi par derrière.
Alors qu'il allait se jeter dessus. Un de ces plus jeunes frères en sortie tout en arborant un large sourire.

" Bouh! Ze t'ai fait peur grand frère? Tu pars ou comme ça? "

Les yeux grands ouverts et pleins de malices de Nakyga attendaient une réponse.

" Maman dit que tu t'en vas loin. C'est vrai? Tu veux bein m'emmener avec toi. Ze t'embattrais pas! Promis! En plus ze pourrais combattre les vilains zours avec toi. Tu sais je suis kré fort! "
Sur ce, il lui fit un démonstration en tournant sur lui même tout en criant " GRRRR GRRRR".

Après deux ou trois pirouettes il finit par tomber les fesses en premières sur le sol levant un léger voile de poussières.

Il rigola et observa son grand frère.

Malheureusement Nan savait qu'il devrait causer de la peine à son petit frère.

Nan fut surpris de voir Naky. Il se demandait comment cela se faisait que sa mère l'aie laissé le suivre aussi loin, mais ça ne le regardait pas. En fait, Naky était probablement parti sans le dire à leur mère, comme Nan l'avait aussi déjà fait. En pensant à celà il sourit. Il ramassa son cadet, qui était tombé sur les fesses et le tint devant lui, dans les airs.

"Oui, petit monstre, tu m'as fait peur! Tu peux être fier de toi, je me demandais quel genre de bête rodait"

Il rit un peu. Naky avait toujours eu un peu trop d'énergie et c'était pourquoi ses aînés l'appelaient «petit monstre». Il repose le petit algonquien par terre, en se penchant pour rester à sa hauteur.

*Qu'est-ce que je lui dit? Est-il trop jeune pour que je lui dise toute la vérité?*

"Je pars loin, en effet... Plus loin même que Val d'Or, la grande ville. Une autre ville qui s'appelle New York. C'est très loin."

En effet, sur l'itinéraire, il avait remarqué qu'une distance énorme le séparait du médecin, et il ne savait comment il pourrait s'y rendr vite. Nan fermit les yeux avant de dire un secret à son frère. Au moins, ainsi, ils se manqueraient moins, liés par un secret.

"Je sais que tu es très fort, mais je ne peux pas t'amener avec moi... il faut que tu protège maman! Sinon, la pauvre, elle sera toute seule!

Mais je vais te confier un secret : Le grand Pin rouge, près du lac Pitikan, c'était là que j'allais quand je voulais me recueillir en paix. Maintenant ce peut devenir ton lieu de recueillement à toi."

Ils se dirigeaient vers le village. Arrivés à l'orée de la clairière, Nan embrassa son frère sur le front, pour lui donner du courage, puis il lui conseilla de retourner jouer avec les autres. Il resta à l'ombre des arbres un instant et le regarda partir en lui faisant un signe de la main, son visage étant de marbre.

*J'espère que le voyage ne sera pas trop long... je ne veux pas qu'ils s'ennuient trop. Ni moi.*

Et il repartit vers la ville, espérant que personne ne l'aie vu et s'en voulant d'avoir perdu tout ce temps

Nan ne le savait pas encore, mais il n'aurait pas le temps de s'ennuyer.

Plusieurs jours passèrent durant lesquels il parcourait les différents paysages qui s'offraient à lui.
La nuit, en général, il trouvait un coin plutôt calme et repartait dès le levé du soleil. Sa quête était importante et limité en temps. Ça, il le savait.

Par une après-midi, il la vit enfin : Val d'Or, le grande ville.

Il lui fallait maintenant trouver un moyen de se rendre au plus vite a New york.

Le paysage était à présent plus montagneux, la végétation était plus haute et dense. Quelques bouleaux perçaient même parfois au centre d'une sapinière. C'est là qu'il arriva à Val d'Or. Il se reposa et mangea un peu avant de s'y aventurer. Il venait de capturer un lièvre et le faisait cuire sur des braises : ça produisait moins de fumée et chauffait un peu plus vite.

Il réfléchissait à ce qu'il ferait, une fois en ville. Il ne connaissait que la cabane de troc et décida de s'y rendre pour commencer. Au moins, il pourrait reconnaître un des commerçant et celui-ci pourrait lui indiquer comment se rendre à new York.

Il descendit donc en ville. Il y avait des entrées minières abandonnées depuis 150 ans, à l'entrée de la ville. L'ancienne capitale minière avait complètement exploité son potentiel et vivait maintenant de la coupe de bois, dans des réserves spéciales. Il arriva dans la cabane où il avait d'abord cru se rendre pour marchander. Il entra et reconnu un gros homme portant une chemise rouge à carreau et une forte barbe. Il se planta devant lui, droit comme un piquet et toujours aussi inexpressif. Il força son anglais, qu'il n'avait pas pratiqué depuis belle lurette.

"Bonjour"

*Pourquoi j'ai l'impression qu'on m'observe?*

"Comment je peux me rendre à New York?"

Il avait dit tout celà tout à fait innocement, en homme de 15 ans qu'il était. Il gardait les yeux fixés sur le bûcheron, ne se doutant pas que les regards qu'il sentait étaient tournés sur lui en raison de son étrange accoutrement.

Les habitants de Val d'Or, bien qu'un peu en retard au niveau des dernières avancées technologiques, ne faisaient plus que très peu d'affaires avec le peuple Algonquiens.

Aussi l'arrivée de Nan ne passa pas inaperçu. Par son accoutrement et les quelques "armes" qu'ils portaient, il attira toutes les attentions sur lui.
Les enfants le montraient du doigt, les adultes restaient perplexes et les plus anciens, se souvenant de leur jeunesse a la vue de cet "individu", rigolaient.

Le bûcheron le regarda de haut en bas.

" Je ne t'ai jamais vu toi encore. C'est la première fois que tu viens? En tout cas, en voilà une requête bien étrange. Je croyais que vous viviez loin des grandes villes. Pourquoi veux-tu te rendre a New York? "

Si Nan s'était retourné a ce moment il aurait pu remarquer qu'un groupe de 3 enfants s'était agglutiné dans l'ouverture de la porte pour mieux l'observer.

Nan était désarçonné. Il était venu pas plus tard que l'année précédente.

*Alors là je suis mal tombé... S'il ne se souvient plus de moi...*

Peut-être qu'il voyait passer trop de gens en une année pour se rappeler de tous les visages. Nan était un peu perturbé par le silence qui régnait. Non pas qu'il ne soit pas habitué au silence, mais celui-ci semblait très artificiel et assez tendu. Il se doutait que tout le monde attendait sa réponse. Il ne céda pas à la tentation de regarder autour de lui les têtes qui étaient tournées et répondit à l'homme face à lui en des termes vagues. Il ne voulait pas que les histoires de son clan ne s'ébruitent.

"Je suis déjà venu quelquefois. Je me souviens de toi. Peux-tu m'indiquer comment aller à New-York, je dois y retrouver un ancien du village."

Nan se tenait droit, la tête haute Un autochtone face à un visage pâle, comme les vieilles statues que l'on retrouve à Ottawa, Québec et Montréal et qu'il ne verra jamais. Il attendait patiemment une réponse, tout en tentant d'écouter ce qui se disait à présent à voix basse, tout autour de lui.

Le Bûcheron rigola.

" As-tu de l'argent mon jeune homme pour voyager? Parce que à par prendre le bus et l'avion je ne vois pas bien comment tu vas pouvoir t'y rendre. En tout cas certainement pas à pied. Et si tu n'as pas d'argent, je cherche un apprenti tu pourras toujours travailler pour moi le temps d'avoir assez d'argent pour acheter ton billet. "

L'un des enfants tira sur le pantalon de Nan.

" Dis monsieur, pourquoi tu es habillé comme ça? "

Nan n'avait pas de temps à perdre. Il voulait bien être apprenti pour quelque temps, si c'était obligatoire, mais il ne pouvait pas se permettre de le rester bien longtemps. Comme il allait répondre au bûcheron, un gamin tira sur son pantalon

*Mais qui l'a élevé, lui? Chez moi, les enfants ne s'adressent pas ainsi aux étrangers.*

Il l'ignora donc et fixa encore un instant le bûcheron face à lui. il pensait à toute vitesse. Finalement, il décida qu'il pouvait réellement rester à Val d'Or quelques temps.

"Je n'ai pas d'argent. Combien de temps serait-il nécessaire que je travaille pour vous, avant de pouvoir acheter mon billet?"

N'ayant aucune idée de la nature du travail qui lui était offert, ni de la nature d'un billet, il savait qu'il risquait de se faire avoir, mais il comptait sur l'honnêteté des gens pour l'aider.

" Hé bien vu le travail pour lequel j'aurais besoin, je dirais que d'ici 10 ou 11 mois tu auras l'argent nécessaire. Maintenant, je te laisse le temps de réfléchir, j'ai du travail qui m'attend. Viens me donner ta réponse ce soir."

Sur ce, le bûcheron le poussa lui et les 3 enfants dehors.

Nan était seul, dans une ville ou il ne connaissait personne et ou personne ne semblait pouvoir l'aider.

Une homme d'une quarantaine d'années s'approcha cependant de lui.

" Tu fais partie du peuple Algonquien, non? J'ai autrefois troquer avec eux. Nous avions nos rendez vous annuel avant l'arrivée de toutes ces technologies. J'ai entendu ton histoire. J'ai peut-être quelque chose pour toi. "

Il sortit un billet de sa poche.

" Peut-être que si tu me montrais ce que tu as dans ton sac on pourrait trouver un marché. "

L'homme souriait et fit un clin d'œil a Nan.

Presque un an? C'était impossible... Mais il devait tout de même y réfléchir : s'il n'avait pas d'autres solutions... Mais Naga aurait le temps d'accoucher. Décidément, il devait trouver une autre solution...
Il fut mis dehors en même temps que les enfants, auxquels il sourit, mais sans plus, avant qu'ils partent jouer ailleurs.

Il commençait à se demander sérieusement comment il parviendrait à réussir sa mission, sans encore désespéré, quand un homme de l'âge de son père s'approcha de lui. Nan l'écouta en silence et attendit qu'il ait terminé avant de prendre la parole. Il réfléchit un moment. L'homme semblait digne de confiance, aussi il lui déclara, tout en ouvrant son sac.

"Naga est enceinte et seul ce médecin peut l'aider. Comme je dois le retrouver, je n'ai rien amené pour marchander. J'ai toutefois ceci..."

Dans une couverture, il avait enveloppé ses vivres. Il possédait aussi quelques fourrures et ses précieuses «armes». Il laissa l'homme face à lui regarder un moment puis reprit.

"Quel genre de marché voulez-vous conclure?"

*Alors là je suis mort. Je ne sais pas très bien marchander, et je ne sais même pas si le billet qu'il m'a montré va réellement me mener à New York. En plus, j'ai parlé sans son autorisation... quel déshonneur pour les miens!*

Son visage exprima alors une certaine anxiété. Il ne pouvait pas conserver une expression neutre en de pareilles conditions. L'homme devant lui était probablement sa seule aide possible, dans un monde inconnue. Il surveillait les gestes de son interlocuteur : son père lui avait appris à se méfier des voleurs.

" Au, je m'appelle Terry. "

Puis il lui tendit la main sans trop savoir si Nan répondrait a son invitation.

" Tu as l'air anxieux, ne t'inquiete pas. Ça va aller. "

L'homme avait remarqué l'angoisse qui était apparu sur le visage du jeune Algonquien et se voulait rassurant. Il rangea le billet dans sa poche et posa une main sur l'épaule de Nan.

" Ecoute, tu as l'air fatigué. Si tu veux je te propose de rester au moins pour cette nuit chez moi, j'habite derrière ce lotissement. Ton peuple a beaucoup fait pour moi et mes ancêtres et je tiens a t'en remercier. Accepte l'hospitalité et demain nous verrons ce que l'on peut faire au niveau de l'échange. Je t'aiderais a rejoindre new York le plus rapidement. "

Il sourit a Nan et l'invita a le suivre.

Par réflexe, Nan avait mis son poing droit sur son coeur, lorsque Terry s'était présenté. Il vit ensuite celui-ci lui tendre la main et décida de faire de même. Autant essayer de s'intégrer un minimum... Terry avait l'air sincère et Nan lui accorda, peut-être un peu trop rapidement, sa confiance. Il regarda l'homme ranger son billet, et il fit de même avec le contenu de son sac. Il écouta l'homme lui parler et acquiesça à ses paroles, en souriant. Il était réellement heureux de trouver une âme charitable prête à l'aider. Il se présenta à son tour, levant le menton, les bras à présent le long du corps.

"Nanikana Adawe"

Il trouvait étrange, mais surtout sympathique que Terry le remercie ainsi, alors que lui-même n'avait réellement rien fait.

*Ce doit être ce genre d'attitude bienveillante et juste qui a permis le marché pendant toutes ces années. Dommage que ça ait cessé.*

Pour toute réponse à l'offre de Terry, il lui emboîta le pas. Comme lui répétait souvent sa mère : «Ne parle que quand tu es certain que c'est indispensable!» En repensant à elle, il se sentit légèrement triste, mais continua d'arborer un sourire légèrement teinté de fierté.

Devant l'habitation, il s'arrêta et fit une petite prière : il demandait aux esprits d'être calmes cette nuit et de protéger les habitants de la maison, pour leur hospitalité. À ce moment, une légère brise souffla dans la rue.

*Ils m'ont entendu.*

Il entra alors, certain qu'il était en sécurit dans la maison. Habitué de vivre dans un tipi, il fut très surpris dès son entrée...

La maison était décoré simplement mais pour une personne comme Nan, le choc fût quelque peu brutal.

" Ce n'est qu'une simple demeure, rien de particulier, mais tu y trouveras de quoi dormir et manger le temps que tu repartes. "

Il présenta la chambre a Nan et le prévint que le dîner serait prêt dans 30 minutes, temps pendant lequel Nan découvrit le reste de la demeure.

L'heure du dîner arriva et il prit place a table avec Terry.

" Bon j'espere que u as faim parce que je crois que j'en ai fais un peu trop. "

Il posa une marmite sur le table. Elle contenait une plâtré de pâtes à la bolognaise. Il servit Nan ainsi que lui et s'attabla.

" Parle moi un peu de ton peuple. Vos visites commencent a se faire de plus en plus rares. "

Bien que la maison fût modeste, Nan la trouva vaste. Mais ce qui le surpris le plus était la division de la cabane en pièces. Il ne comprenait pas à quoi celà servait, mais il ne passa aucun commentaire. Il regarda les quelques peintures au mur et trouva un manteau probablement acheté à son peuple.

Au dîner, Nan s'assit face à Terry. Il ne répondit pas, mais était affamé. Les événements de la journée lui avait creusé l'appétit. Inhabitué à cette façon de manger, il attendit que son hôte mange pour l'imiter, ;a la façon d'un miroir. Il était maladroit avec les ustensiles et les échappait fréquemment dans un bruit métallique. Il mangea tranquilement une énorme quantité de pâtes. Au début, il était suspicieux. Il ne pouvait pas voir de quel oprganisme cette nourriture provenait...
Il dû toutefois s'avouer que le repas était très bon, quoique différent de se qu'il mangeait habituellement.
Nan parvint à entretenir la conversation.

"Je n'aime pas marchander. Je ne suis donc pas venu souvent, mais mon père dit que les gens n'ont plus d'intérêt en nos produits, et que vos nouvelles ... inventions (il ne connaissait pas le terme exact) y sont pour quelque chose. Sinon, nous vivons comme nous avons toujours vécu. Ma soeur est morte l'été dernier, mais Naga attend un enfant. Les vivants remplaceront bientôt les morts, comme nous disons. Cependant, Naga est malade."

Comme à son habitude, il avait été directement à l'essentiel, en gardant un visage fermé, mais souriant. Il aurait bien aimé confier son inquiétude face à sa «mission», et la tristesse qu'il ressentait lorsqu'il pensait à sa famille, mais on lui avait appris à maîtriser, et surtout à ne pas exprimer, de tels sentiments négatifs.

Après le souper, il retourna dans sa chambre, où se trouvait son sac, et s'installa pour dormir sur le sol.

Alors qu'il préparait son coin pour dormir, Nan fut pris de violents vertiges. Il s'écroula au sol et commença a sentir une douleur au niveau du ventre.
La dernière chose qu'il vît avant de sombrer dans un profond sommeil fut le sourire de Terry qui semblait se transformer en rictus.

" Bonne nuit. "

Nan venait d'être drogué.

Il se réveilla au milieu d'une salle sombre attaché sur une chaise par des fermoirs mécaniques.

Une porte s'ouvrit face à lui et un homme visiblement obèse habillé d'un costume blanc s'approcha de lui. Il portait un chapeau blanc également et plusieurs diamants ornaient la quasi totalité de ses doigts.

" Alors le petit Indien, on a fait un bon gros dodo? Je me présente Billy Boy. Bienvenue dans mon humble demeure. Fais ici comme chez toi, enfin vu que t'es attaché ça va pas être facile. "

Puis il rigola jusqu'à manquer de s'étouffer.

Nan s'était endormi sans trop comprendre se qui se passait. Il s'était réveillé dans la même confusion, sachant désormais qu'il avait réellement fait trop rapidement confiance à Terry. Malgré sa crainte et les questions qui traversaient son esprit, il était décidé à ne rien exprimé sur son visage et à ne rien dire.

*Où est-ce que je suis? Qu'est-ce qu'il me veut, ce gros? Qu'est-ce qui s'est passé? Mais il va arrêter de rire? Ne m'appelle plus «l'indien», j'ai un nom!*

La colère et la confusion finirent par se dissiper et laissèrent leur place à une totale anxiété, à peine soulignée par les sourcils froncés de Nan.

*Pourquoi il me garde ici? Je ne sais même pas combien de temps j'ai dormi... Il faut que je m'enfuis, pour trouver ce médecin qui guérira Naga. Je dois accomplir cette mission*

Le rire du gros homme se calma. Nan ne l'appelerait autrement que lorsque celui-ci daignerait le nommer par son nom. Nan conserva son mutisme, les deux mains étirés sur les accoudoirs. Il avait résisté à la tentation de fermé les poings, ce qui aurait trahi ses émotions. Il attendait que la riche personnalité face à lui ne reprenne parole. Les yeux de Nan étaient rivés dans les siens.

Visiblement Billy Boy était un marrant. Enfin, avec un certain humour douteux. Il observa Nan et semblait agacer que le jeune homme ne rit pas a ses blagues.

" Hector ! "

Un homme, visiblement maître de maison, entra alors dans la pièce avec un plateau sur lequel il y avait un verre de champagne.

Billy Boy saisit le verre et poussa le dénomme Hector hors de la pièce a coup de pieds au fesses. Il revint ensuite a Nan.

" Ecoute moi bien l'indien, tu dois te demander pourquoi t'es là et tout le tintouin…"
Il but une gorgée
" .. Et bien c'est très simple, c'est moi qui t'ais fait venir…"
Il but une nouvelle gorgée
"…Au fait tu veux peut-être un verre? Tu as les mains attachées mais si on te met une paille ça devrait le faire. HECTOOOOR. Un verre de champ' pour Naga Wika! "
Il but une nouvelle gorgée.
" Qu'est-ce que je disais déjà ? Ah oui! Je t'ai fais venir et tu vas me rapporter un paquet de pognon et tu sais pourquoi tu vas être obligé de le faire? Parce que t'as pas le choix."

Puis il partit en fou rire. Il en profita pour sortir une télécommande et appuya sur le bouton rouge. Un écran s'alluma face a Nan et il put reconnaître une image satellite de son village.

Nan angoissait de plus en plus. Un deuxième homme était arrivé et avait servi un verre à Billy Boy, qui en offrait à présent un à Nan. Mais Nan était loin d'avoir confiance en le breuvage. Il s'était déjà promis de ne plus faire confiance aux gens, et la situation exigeait d'elle-même une totale méfiance. Le deuxième homme revint rapidement avec un second verre et une paille.

*Le gros m'a appelé Naga Wika? Terry lui a donc tout répété mes aveux... Que Naga est malade et que je dois retrouver Wika...Mais qu'est-ce qui m'a pris?*

"Je n'ai pas soif"

Ça lui avait tout coûté de parler, car il s'imaginait la joie de l'autre homme à l'entendre parler. Mais malgré sa réponse, on lui servait le champagne. Nan fit un imperceptible non de la tête et ferma la bouche à l'approche du verre, tout en reculant la tête. Ça se bousculait dans sa tête. Il ne pouvait pas se libérer, n'avait aucune idée de pourquoi il était là et on l'obligeait à boire quelquechose qu'il ne connaissait pas. Il reconnut un peu de l'odeur de l'alcool qu'ils produisaient au village, mais ce n'était pas de la bière algonquine... Il fusilla Billy de ses yeux gris, le reste de son visage restant sans expression.

Le gros bonhomme avait recommencé à parler entre temps. Il voulait que Nan lui rapporte de l'argent. L'amérindien rit mentalement. Comment pouvait-il en rapporter, il ne savais pas même ce que s'était réellement... Son rire s'interrompit lorsqu'il vit l'image à l'écran. Il se demanda un instant ce que c'était, mais il aperçu les formes rondes des tipis, l'érable au centre du village, le buisson de baie, le lieu où le sorcier était encore et toujours assis, parlant à la mère de Nan. Plus loin, son père était revenu de chasse et jouait avec ses fils et son petit-fils. Nan ne put se contenir plus longtemps.

"QU'ALLEZ-VOUS LEUR FAIRE? JE VOUS INTERDIT DE VOUS EN PRENDRE À EUX!"

*Ce ne sont sûrement que des menaces en l'air, mais je n'ai aucune idée de ses moyens... par pitié qu'il ne leur fasse pas de mal*

"Amaki lava sé dudémana nakina ruhanna bé inguti!"

La dernière phrase était une prière aux esprits. Il l'avait dite dans un excès de rage et pouvait aussi bien faire passé celà pour un incantation magique. Nan s'était raidi sur sa chaise, toujours attaché, mais le torse propulsé vers l'avant, la tête penchée, les yeux violents d'une bête en cage. Jamais il n'avait ressenti une telle fureur, et pourtant il ne savait pas même si son peuple allait réellement subir quelques souffrances. Dans son mouvement de rage, le verre de champagne s'envola et se brisa en milles morceaux. Hector se recula, visiblement pris de peur.
Il ne s’aperçut pas immédiatement de ce qui causait la peur du majordome, mais les éclats de verre, aux pieds de sa chaise s’étaient envolé dans une brise qui tourbillonnait dans la pièce. Ils s’envolaient quelques seconde, puis retombaient, puis remontaient dans le courant d’air qui repassait les prendre. Quand Nan s’aperçut de cela, il resta surpris un instant mais se ressaisit rapidement… Il menaça à son tour, toujours enragé, tirant sur ses poignets ligotés qui lui faisaient affreusement mal.

"J'ai invoqué les exprits de mon village pour qu'ils me protègent. Voyez ce dont ils sont capables"

Lui-même n'avait jamais vu une telle manifestation des esprits. Il n'exprima cependant pas son étonnement. Il fixait toujours Billy Boy, à présent Nan était assis seulement sur les deux pattes avant de la chaise, se maintenant en équilibre sur ses pieds.

Billy Boy sentit d'abord une légère brise, mais très vite il se rendit compte qu'il n'y avait aucune possibilité de courant d'air dans cette pièce étant donné qu'elle était hermétique.

Il posa son regard sur Nan et vit que la chaise sur laquelle était posé le jeune homme était en équilibre sur les deux pieds arrières.

"J'ai invoqué les esprits de mon village pour qu'ils me protègent. Voyez ce dont ils sont capables"

Les paroles de Nan auraient fait sourire Billy Boy si il n'avait pas devant lui la preuve que des esprits se manifestaient.

" C'est pas vrai. Qu'est-ce que Terry m'a ramené? Il va en entendre parler! "

Sans attendre plus longtemps, Billy Boy s'approcha de Nan et lui décocha une claque du revers de la main. La claque était déjà bien violente mais les quelques diamants qui ornaient deux de es doigts griffèrent la joue de nan en deux griffures peu profondes. Le sang coula le long de sa joue.

" T'es un saleté de quoi toi? Une espèce de sorcier vaudou? "

Il réajusta son costume puis dit plus calmement

" Essaye de ne pas refaire ça s'il te plait. Ça m'énerve et après je deviens désagréable avec toi. "

il se tourna vers l'écran.

" Tu vois ça? C'est ton village je peux le raser de la carte comme je veux. Alors si tu ne veux pas voir tout tes amis indiens se faire lapider va falloir que tu fasses quelque choses pour moi."

Il jeta son regard au fond des yeux de Nan comme celui ci l'avait fait quelque minutes plus tôt.

" Tu vas combattre jusqu'à la mort dans une arène. "

Nan était encore enragé, les yeux exorbités, les nerfs du cou tendus et le visage rougit par la colère. Il reçu une claque qui le ramena sur terre. En elle-même, elle n'était pas très souffrante, mais les griffures des diamants lui picotaient la joue, et il sentait un peu de sang couler, chaud et épais. Mais encore, cette souffrance n'était rien par rapport à celle de ses poignets, qui étaient presque au sang à force d'avoir tiré sur les sangles. Il se rassit sur sa chaise, sans baisser la tête, gardant quelquechose d'animal dans le regard. La brise aussi s'était calmée, tranquilement, au fur et à mesure que Nan' décompressait.

*Même les ours ne sont pas aussi sauvages*

"J'suis pas une saleté.

Et je vois pas comment vous pourriez être agréable envers moi, alors que vous m'avez attaché"

Nan' n'arrivait plus à se contrôler. Il avait perdu son calme Olympien, ses instincts reprennant le dessus. Il sentit alors quelque chose de froid retombé sur son torse. C'était le cadeau de ses parents. Ils étaient près de lui. En quelques secondes, il se calma suffisament pour redonner à son visage cette expression neutre qu'il avait toujours, mais dans sa tête, c'était un cyclone qui avait pris place.
Il serra les lèvres, avant de dire un autre commentaire qui lui vaudrait une gifle. Pour un adolescent tel que Nan', habitué au grand air et à la liberté, être enchaîné entre quatre murs n'était certainement pas une définition adéquate de «agréable»... Mais il avait déjà trop parlé.
Lorsque le gros homme aux diamants lui expliqua ses projets, leurs yeux rivés les uns dans les autres, Nan' ne sut quoi penser. Chez lui, la violence était très mal vue. Bien sûr il s'était chamailler avec ses frères et ses cousins, mais jamais battu. Comment ferait-il pour savoir? Peut-être pourrait-il compter sur l'esprit de survie? Mais il ne pouvait sûrement pas refuser... C'était lui ou sa famille qui devait périr. Et s'il périssait, Naga aussi périrait... Il devait donc accepter et gagner, ou s'enfuir...
À moins qu'il réussisse à s'en sortir autrement... Tout en disant la vérité. Nan' croyait avoir peu de chances que son plan fonctionne, mais il était tout de même prêt à tenter. Il se raidit et pointa le menton vers le haut, dans une attitude qui aurait été fière s'il n'avait pas été attaché, puis répondit, d'un ton très calme et posé, contrastant avec sa rage précédente.

"J'accepte de combattre pour vous dans une arène. C'est pour donner un spectacle, j'imagine? Si c'est le cas, sachez que je ne sais pas me battre et que le spectacle risque de déplaire."

*Merci, Ô esprits, de m'être venus en aide, mais ne m'abandonnez pas, je vous en prie*

Il avait fait cette prière mentale en algonquin, fixant toujours Billy Boy. Il y eu un silence, glacé, durant lequel Nan' aperçut du coin de l'oeil, toujours en fixant son torsionnaire, Hector, qui balayait les restants de verre brisé