[Londres] Une nouvelle péripétie

… Plip ... Plop ...

Deux gouttes de pluies tombèrent successivement sur le visage livide de Natasha qui se tenait assise entre deux bouts de carton, en plein centre de Londres, dans une ruelle presque déserte, puante (on aurait dit un mélange affreux d’essence, de viande putréfiée et de jus de chaussette) et malsaine (des prostituées se vendaient devant toutes les vitrines des boutiques de la rue).

Quelle heure pouvait-il bien être ? Le soleil ne se montrait pas depuis un moment à Londres, en fait , depuis le jour du décès de Julia, la meilleure amie que Nate n’ait jamais eue … Cela faisait donc, à peu de choses près, 3 semaines … Quel terrible jour funeste … Notre jeune amie ne cessait de se remémorer la scène sans arrêt, se reprochant de n’avoir pas pu sauver celle qui l’avait comprise, aidée et hébergée depuis sa fugue.

…VRRRRRrrrrr… VRrrrrrrr…

Un camion publicitaire essayait de se faufiler tant bien que mal dans la ruelle étroite…
Le chauffeur, un moustachu enveloppé au visage peu sympathique, semblait s’énerver sur les passants qui ne daignaient pas se bouger pour le laisser passer. Deux vieilles femmes, sous leurs parapluies, jacassaient sans se soucier de l’engin qui klaxonnait dans leurs dos, tandis que deux filles de joies, en jupes très courtes, continuaient à courtiser les mâles attirés par leur pulsion sauvage . D’une terrasse, en haut d’un immeuble, deux jeunes londoniens crachaient sur le pare-brise du camion, se moquant à cœur joie.

Sur le camion on pouvait lire, en grande lettre stylisées, rouges et dorées : « A.S.G.P.T -AIDES SOCIALES GRATUITES POUR TOUS. Farmerstreet, 22, London. »

Sans savoir trop pourquoi, Nate se releva et se jeta discrètement derrière le camion, momentanément à l’arrêt, puis se glissa dans la benne, après l’avoir ouverte juste assez pour se faufiler à l’intérieur et la refermer rapidement. C’était l’obscurité complète à l’intérieur. Ca sentait le renfermé. Elle tâtonna de la paume des mains ce qu’elle pouvait et s’aperçu que le camion était entièrement rempli de grandes caisses en bois…

Soudain , Nate sentit le camion redémarrer, continuer tout droit puis tourner à gauche … puis à droite … puis à gauche, non à droite … elle se savait plus en fait … son sens de l’orientation était complètement déréglé...

*Nate, se dit elle, tu t’es encore fourrée dans un drôle de pétrin … Tu ne sais même pas où tu vas ...*

Ballotée dans le camion comme un sac à patate, Natasha avait perdu toute notion de sa situation géographique. Enfermée qu'elle était dans le camion, dans le noire complet, elle eut l'impression d'être enfermée dans un camion frigorifique : ces caisses de bois contenaient peut-être des cadavres ?

Pendant une durée indéterminée, le camion poursuivit sa route, il finirait bien par s'arrêter, mais où ? Peut-être pouvait-elle tenter de fuir avant d'être découverte par le chauffeur... ? Ou attendre qu'il s'arrête et lui rouvre la porte. Quoi qu'il en fut, elle risquait de pas passer inaperçue...

Le chauffeur avait vraiment la tête de l'emploi : ventripotent et chauve, une casquette élimée sur un crâne probablement dégarni.
La lumière du jour aveugla un instant Natasha, qui avait été plongée dans l'obscurité pour une durée indéterminée.

"Oh là ! Je savais pas que j'avais une passagère clandestine moi !" s'écria-t-il devant l'apparence défaite de la vagabonde.

"Descends de là, gamine, je suis pas un passeur !" dit-il sans malveillance en se gratant le menton.

Défaite, Natasha regarda l'allure du camioneur d'encore plus près...
Il avait en effet la tête de l'emploi : ventripotent et chauve, une casquette élimée sur un crâne probablement dégarni. Sa bouche était à moitié cachée derrière une longue moustache touffue. Un nez en trompête rendait le visage de l'inconnu encore plus spécial... Il portait un jeans bleu et un pull-over rouge. On voyait qu'il avait négligé ses chaussures, des baskets de la marque ADIDAS. Elles semblaient avoir été blanches au départ...

- "Descends de là, gamine, je suis pas un passeur !" dit le chauffeur d'un ton ni sympathique, ni malveillant.

Nate s'exécuta et desendit du camion sans broncher ... Elle scrupta les alentours, histoire de voir où elle pouvait bien être...

L'endroit, bien que toujours en ville, paraissait beaucoup moins fréquenté et beaucoup plus agréable à vivre. En effet, quelques arbres ci et là dansaient au grès du vent, des oiseaux chantaient gaiement et surtout, les passants souriaient.

Elle se tourna alors vers "son" chauffeur.

- "Excusez-moi de m'être glissée dans votre camion ... Je ne sais pas ce qui m'a pris... J'ai lu l'insigne sur la benne et j'ai cru que vous me conduiriez vers un endroit où on aurait pu régler mes ... problèmes... A ce que je peux être idiote ! Mais ... dites moi , où sommes-nous exactement ?"

[hrp : si besoin est, c'est au courtier temporel de planter le décor et réagir les pnj ]

Quelques passants jetèrent un regard suspicieux sur la jeune fille et son accoutrement. Elle détonnait dans ce décor de banlieue tranquille.
Le chauffeur retira sa casquette et se gratta l'arrière du crâne, légèrement décontenancé par les paroles de l'adolescente.

"Oh ben tu sais, moi je me charge que des livraisons, mais... Tu as besoin d'aide ?" demanda-t-il en tirant un carton de son véhicule, avant de refermer la portière.

"Là on vient juste de sortir de Londres. J'avais une livraison pour une vieille dame qui ne peut pas se déplacer." expliqua-t-il en désignant son carton du menton.

[ hrp : ah j'ai fait une bourde ... J'ai supposé que comme tu n'avais rien décrit dans ton message précédent, tu me laissais la liberté de le faire ... Je me suis trompé désolé ]

Nate ne savait pas trop quoi dire à cet homme qui, d'un coté semblait sympathique, mais de l'autre, avait tout pour faire peur ... Devait-elle lui avouer qu'elle était différente, qu'elle était une mutante ou pas !?

Elle regarda à nouveaux les gens... Elle remarqua bien évidement qu'elle était elle-même regardée d'un drôle d'oeil mais cela ne la choqua pas... Elle trouvait ca normale, surtout qu'elle descendait d'une benne d'un camion avec écrit dessus en grande lettre dorées et rouges "aides sociales" ... Ca prétait à rire même ...

Ses yeux s'arreterent sur deux pigeons, sur le trottoir d'en face, qui roucoullaient joyeusement. Elle fit mine de les regarder et réfléchit quelques secondes... Elle devait se décider ... Son silence devenait trop lourd !

Elle préféra attendre un peu avant de lui parler de quoi que ce soit et elle changea de sujet...

- "Heu ... Auriez-vous besoin d'aide ? Ca serait la moindre des choses de me faire pardonner... Si je pouvais vous aider, ca me soulagerait d'une certaine gêne à votre égard ..." dit-elle le plus poliment possible, histoire de jouer la gentille fifille et sympathiser avec le gros bonhomme...

Le gros bonhomme sembla réfléchir. Il jeta un regard pensif sur Natasha, comme s'il jaugeait son utilité. Il n'était lui-même que simple livreur, mais il pourrait peut-être orienter l'adolescente vers un service adapté à... ses problèmes. Et puis un peu de compagnie, ça le changerait.

"Hum... D'accord, tu vas m'assister." finit-il par répondre.

"Va me chercher le listing qui est posé sur le siège passager, on doit faire signer la livraison. Mais au fait, tu devrais pas être à l'école à cette heure-ci ?" demanda-t-il en calant son carton contre la paroi du camion pour se soulager du poids.

Nate s'était activée à aller chercher ce listing. Elle voulait se rendre utile... Lorsque elle eu la tête plongée dans l'habitacle, elle entendit le livreur lui demander si elle ne devait pas être à l'école... Elle trouva cette question un peu bizarre : pourquoi cet homme ne lui demandait pas d'abord qui était-elle, ou bien où est ce qu'elle habitait, où encore si ces parents savait ce qu'elle faisait ...

-"Hmmmm... Non ! Aujourd'hui c'est ... jour de fête ... heu ... non ... mmm... c'est congé parce que ... les professeurs sont en formation !" répondit-elle avec beaucoup d'hésitation.

Elle sortit de l'habitacle le listing à la main ... Elle y jeta un oeil furtif sans trop vraiment y regarder de très près...
Elle le tendit au moustachu en lui faisant un grand et beau sourire :

-" Voici !"

Elle regarda l'homme ... Il semblait vraiment gentil ... Il n'y avait pas de raison pour qu'elle ne lui explique pas son "problème"...

-" Je vous ai menti ! Je ne suis pas à l'école parce ..."

Elle commenca à lui raconter son histoire, depuis le soir de sa fugue , en passant par sa rencontre avec Julia qui devint sa meilleure amie, pour finir par le drame et la mort de celle-ci même et enfin par son errance et son entrée dans le camion ...

Elle s'attendait à une réaction soit de peur, soit de répulasion de la part de son nouvel "ami" ... Tout ceux qu'elle avait entendue parler au sujet des mutants semblait effrayés ou en colère ...

Qu'allait-il en être pour lui ?

Le gros monsieur posa le listing au sommet du carton, mais ce fut bien inutile : le récit de la jeune fille le sidéra tellement qu'il en lâcha sa charge. Le carton tomba avec un bruit sourd.
Il dévisagea un instant Natasha, bouchée bée, dans une expression partagée entre la stupeur, l'incrédulité et la compassion.

"Nom d'un petit cheval... Si je m'attendais à ça..." finit-il par balbutier et grattant le peu de cheveux qu'il avait sur le crâne.

"Maintenant je comprends ce que tu faisais dans mon camion... Mais dis-moi, tu te fiches pas de moi par hasard ? Parce que des zigottos dans le genre, j'en vois beaucoup dans mon métier... Avec toutes ces choses qu'on raconte à la télé et dans les journaux sur eux... ces gens." dit-il. Natasha, malgré son look, avait l'air d'une adolescente ordinaire. Deux yeux, un nez, une bouche, deux mains et deux jambes...

Nate se sentit dévisagée pendant un instant ... Etait-ce si terrible que ca d'entendre une telle chose ?

Mais contre toute attente, le bonhomme ne s'embla ni affolé , ni en colère... Pas de réactions violentes à l'horizon ...
*Cool !* se dit-elle en considérant cette attitude comme un grand pas pour l'humanité et l'avenir mutant.

Mais l'homme chauve (ou presque ) ne semblait pas la croire tout à fait et il la questionna sur la vraissemblabité de son aveux...
Elle se sentit irritée mais elle se devait de rester polie si elle voulait qu'on l'aide. Elle se forca donc de repondre poliment. On entendait parfois une petite pointe d'enervement dans ces paroles :

"Si j'aurais voulu vous mentir pour vous ennuyer ou me moquer de vous, je l'aurais fait avant ! Et puis ... Je ne me serais pas cachée dans le camion si je n'avais pas une bonne raison ! Je vous demande de me croire monsieur ! Je suis perdue , je vous dis la vérité mais je ne peux vous pas vous le prouver .... Pour cela , il vaudrait quelque chose qui me mette en colère , ce que je ne souhaite pas ! Ni pour moi ... ni pour vous !"

Elle sentait qu'elle s'enervait et elle reprit un ton plus posé, plus modéré, plus calme.

"J'ai besoin de votre aide !"

Le chauffeur finit par hocher doucement sa tête chauve. La réponse de Natasha avait dû être suffisament convaincante. L'homme n'était pas un mauvais bougre, aussi répondit-il.

"Voilà ce qu'on va faire : je livre mon paquet et je te ramène au QG des aides sociales. Ils sauront sûrement quoi faire pour toi."

Il reprit son paquet, qui était tombé au sol, et se dirigea vers la porte de la maison devant laquelle il était stationné. Il sonna, remit le paquet à la vieille femme qui lui ouvrit, et lui fit signer le registre.
Le bonhomme revint ensuite vers la camionnette.

"Au fait, je m'appelle Owen Bedford, à ton service ma petite !" lui dit-il avant d'ouvrir la porte passager de son véhicule.

"Allez grimpe, à moins que tu préfères reprendre la soute !" lança-t-il avant de reprendre sa place au volant.

L'homme sympathique consentit à aider Nate qui croyait qu'elle allait vraiment finir par s'enerver contre ce bon homme. La réponse qu'il lui donna la rassura et elle se calma ...

Elle prit ensuite un air décontracté pendant qu'il faisait sa comission pour la vieille dame. Il livra sa boite, se retourna vers elle et se présenta fort gentillement :

"Au fait, je m'appelle Owen Bedford, à ton service ma petite !" lui dit-il avant d'ouvrir la porte passager de son véhicule.

"Allez grimpe, à moins que tu préfères reprendre la soute !" lança-t-il avant de reprendre sa place au volant.

"Je m'appelle Natasha Marox ! Mais ... appellez moi Nate !" dit-elle en prenant place coté passager de l'habitacle...

"Votre soute était très acceuillante dit-elle en souriant mais je préfère de loin etre assise confortablement que recroquevillée entre de la tole et des caisses en bois ... Dites-moi , je ne risque rien avec votre QG des aides sociales ? Je veux dire ... acceptent-ils d'aider les personnes dans mon cas ? ... c'est que nous sommes assez mal vus par la société ... et je ne voudrais pas vous causer de problèmes ..."

Le chauffeur mit le contact et s'inséra sans difficulté dans la circulation.

"Oh bah tu sais, ils en voient des choses tu sais... Tu seras sûrement pas la première dans ton cas qu'ils rencontreront, et à mon avis, ils ont vu pire... Les aides sociales sont universelles, elles aident tout ceux dans le besoin, c'est le principe !" expliqua le bonhomme sans quitter la route des yeux.

"Je pense qu'ils préfèrent voir une fille de ton âge s'en tirer, mutante ou pas, plutôt que de la voir faire l'école buissonnière." ajouta-t-il sur le ton de la plaisanterie. Le QG n'était pas très éloigné, ils y furent en quelques minutes.

"Voilà, ma grande. Je vais t'escorter en personne si ça peut te rassurer." dit-il en se garant. Le centre d'aide sociale était localisé dans un petit complexe médical de quartier. Le logo affichait une main tendue. Owen entra dans le centre, où diverses personnes semblaient patienter ou s'affairer sur des dossiers. Beaucoup de monde pour une petite pièce. un brouahah impressionnant assailli leurs oreilles à leur entrée. Tout le monde parlait si fort ! Il y avait de tout dans la salle d'attente, des sans abris, des femmes fardées à outrance qui devaient sûrement occuper un emploi peu avouable, des adolescentes enceintes jusqu'au cou, et même, à la grande surprise de Natasha, un homme en costume noir en larmes et serrant son attaché-case comme si sa vie en dépendait.

Par chance, la présence d'Owen permit à la jeune fille d'être prise en charge rapidement.

"Eh bien, Owie, qu'est-ce que tu nous ramènes là ?" demanda une femme d'âge mur.

"Ton bureau serait impeccable pour ça, Averil." dit-il simplement en bousculant un peu la femme jusqu'à une porte sur le côté.

"A toi de jouer, petite !" souffla-t-il à Natasha une fois qu'ils furent tous les trois dans le bureau.