New York, aéroport international

Un voile pudique fut baissé sur la scène qui suivit.

Alixtide ressortit quelques heures plus tard, tout courbaturé. Il avait fallu qu'il nettoie l'intégralité du restaurant, et il s'en était probablement fallu de peu pour que les clients du restaurant ne le lapident à coups de frites.

Le soir approchait, et Alixtide était à nouveau à la rue, et bien loin de son objectif initial !

Ayant payé cher son insolence envers la faune du fast food, Alixtide reprit misérablement son chemin hasardeux dans les rues de Washington. Il avait mal partout, était épuisé, affamé. Et par-dessus tout il avait laissé dans ce minable établissement sa dignité et son amour propre. Il se revoyait faire le ménage de plus de dix ans de négligence, au bas mot. Sans compter les coups qu'il avait pris au passage, les insultes et autres joyeusetés.

*La honte du siècle.*

Il fit une pause, essayant de comprendre ce qui n'avait pas tourné rond.

*Je suis un manche à balai, voilà la réponse. J'me suis bien carrément planté. Ces gens sont encore bien plus barges que je pouvais imaginer.*

Il changea son sac d'épaule, gémissant de ses contusions.

*Même si je trouve l'Institut Xavier dans le Salmen Center, j'vais me faire jeter, c'est sûr. Raaaah pourvu que personne dans ce fastfood miteux n'en fasse partie. Sinon je suis grillé à vie. A moins qu'il y ait une somme de bourdes à avoir faites pour pouvoir entrer ? Hé mais si j'avais des ailes moi aussi, ce serait autrement plus la classe. Pffff ... purin... J'suis dans la confiture jusqu'au cou.*

Alixtide songea à cette mutante qui avait sauvé un type, et à ce gang de mutants qui se cachait dans un complexe industriel oublié, et qui écumait la région. Il se souvenait vaguement des articles lus en diagonale dans la Sentinelle.

*Faut que j'achète un autre journal, celui-là porte la poisse. Non non pas les poubelles !*

Il détourna les yeux d'un grand grillage qui protégeait une belle ligne de bennes. Alixtide s'arma de patience et alla taper sur l'épaule d'un clochard réveillé. Portant lui même des vêtements passablement sales et déchirés, ainsi qu'une figure cabossée, il espérait établir plus facilement le contact.

"Pardon, bonsoir, heu ... Vous avez... heu ... Que voulait la police ?"

Le clochard, imbibé de vinasse, d'alcool et de donuts, râla et pesta un borborygme inintélligible à l'encontre d'Alixtide le temps qu'il s'assoit correctement sur son séans.

"C'qu'ils voulaient j'vais te l'dire moi... Il y a encore un crétin qui s'est retrouvé scotché sur la grille. Comme une mouche sur du papier collant, crac ! Attirés par l'appât, ils essaient de s'approcher, et paf, ils se font chopper par les flics..."

Le clochard cracha un glaviot verdâtre par terre, l'étala par terre avec sa chaussure, puis repris.

"Ils font toujours ça depuis qu'ils essiaent de remonter le standing... Mais là, ils l'ont pas choppé... Va savoir... Quelqu'un l'a décroché. Y'a encore un bon dieu faut croire."

Alixtide regardait le pied du clochard et la tache qu’il venait de faire d’un air ahuri. Il était révulsé par ses révélations.

« Oh purin … C’est une vraie bande de purin de … »

Il n’avait pas d’insulte assez dure sur le coup à propos des flics. Il se remémora le choc sur la grille, son cœur s’arrêtant de battre, son corps paralysé, et cette chute en arrière. Salutaire. Un frisson glacé lui parcourut l'échine.

« C’est qui alors ? Qui voudrait prendre un risque pareil, de sauver une mouche ? Tu le sais toi ? »

Il observa les passants tout autour de lui, mesurant la difficulté de l’entreprise. Il n’avait aucun indice. Tout en massant d’une main son épaule endolorie, il réfléchit. Ce quelqu’un qui était intervenu devait avoir une certaine pitié des clochards ou de toute personne assez démunie pour chercher sa nourriture dans la poubelle. C’était quelqu’un de forcément rapide, assez costaud quand même. Un homme, plutôt qu’une femme donc. C’était quelqu’un de discret, qui veut éviter qu’on le reconnaisse plus tard. Quelqu’un avec des responsabilités donc. Ou quelqu’un de révolté contre la police, de révolté contre les fast-foods, de révolté contre la société américaine. Le profil n’était pas facile à établir.

*Ouais, c’est sûrement un employé d’une grosse boite, ou d’une banque ou quelque chose comme ça … qui est pas fier de son boulot en tout cas ... et qui se baladait dans le coin et qui m’a surpris en train de me faire électrocuter par ces purins de barbelés … Bâtards … et ce type s’est retroussé les manches et m’a tiré de là. Comme ça le faisait pas pour sa réputation, à cause des flics, il a filé bien vite, content de sa bonne action envers un pauvre type pas très au courant des méthodes policières locales. Purin de chiens de bâtards de flics …*

Il posa son sac à côté du mendiant, s’assurant d’avoir son portefeuille dans la poche. La haine couvait dans ses tripes. Il se tourna à nouveau vers le clochard et le prit à témoin.

« Alors c’est un crime ici de fouiller les poubelles ? Allez j’peux pas l’croire ! Tu sais vous êtes fous dans ce pays, et je m’y connais. Dis-moi, dans le coin est-ce qu’il y a des bureaux de grandes sociétés ? Un genre d’endroit classe, avec des gens soignés et friqués. Voilà oui, quel est le bâtiment le plus « standing » du coin ? »

Il ajouta, non sans réticence.

« Aide-moi, et je t’aiderai aussi. Tu auras qu’à me dire ce que tu veux. »

*Un ou deux dollars ... pas plus ...*

Le clochard s'assit en tailleur et bougonna.

"kessjencé moi... Un bon samaritain, c'est tout... Quelqu'un a du avoir pitié de te voir, et t'a décroché. C'est pas dur. On t'attrape par le colbac, et on te laisse par terre. N'importe qui qui passait par là..."

Le clochard alla tirer son sac à trésors, et en sortit une bouteille de vinasse qu'il déboucha avec les dents avant d'en prendre une grosse rasade.

"C'est la règle dans les fast-food. Les invendus doivent être détruits... Quand tu penses que y'a des gens qui crèvent la fin, et ils les balancent. Ils ont fait chier le maire jusqu'à ce qu'il prenene un arrêté autorisant de vérouiller les poubelles... C'est comme ça. La propriété privée. Quelle belle connerie !"

Une rasade supplémentaire, et la bouteille était vide. Il la rangea toutefois dans son sac à trésors.

"Maintenant, si tu veux du standing, t'as le quartier des affaires. Et puis tout le tralala autour de la maison blanche et du congrès... C'est très chicos. Pas de place pour moi là-bas. Mais je veux pas aider. Fous moi la paix, et fous la paix aux autres. c'est la règle de base de la survie."

Alixtide bouillait de plus en plus.

« Alors si tu dis vrai, ces gens sont pas des samaritains, ils valent pas mieux que les flics ou autres. Parce que si c’était le cas, ils les laisseraient crever, les mouches. On décroche pas quelqu’un d’un mur de foudre sans vérifier après qu’il est toujours vivant non ? Pfff … purin vous me dégouttez. Ah si seulement … »

Il était dépité par tant d’hypocrisie, de bêtise et de cruauté gratuites. Et subitement il n’avait plus aucune envie de retrouver son bienfaiteur, sauf pour lui envoyer son poing dans la figure. Il regarda le mendiant avec mépris.

"La survie ça m’intéresse pas : moi je veux vivre et avec mon train de vie à moi. Et j’ai bien compris que je te dérange. Purin de merde j’ai jamais été traité comme ça ! Quelle confiture de journée ! Vous méritez tous la peste, et si j’étais pas la moitié d’un rat ben … "

Il s’assit sur son sac, épuisé et désorienté.

« Aïe … pu… aaagh… conn… aaah … mon dos … »

Son œil poché le grattait, sa lèvre fendue le tiraillait et tous les hématomes glanés au fast-food brûlaient de douleur à chaque contact. Alixtide s’adossa précautionneusement au mur.

« Aaahaa… je suis mort, j’abandonne. Soit je reste là, ici, à pas te foutre la paix, soit tu m’indiques le poste de police le plus proche. Qui d’autre peut m’aider ? Aucun de vous. Vous me chassez comme un moustique. Les flics devront bien m’aider, c’est leur boulot. Tout ce que je veux, à la base, c’est trouver cette purin de clinique, au Salmen Center … »

Parlant pour lui-même plus que pour le clochard, Alixtide entreprit d’ouvrir la poche de côté de son sac, pour en sortir des mouchoirs en papier. Il cracha dedans à plusieurs reprises pour les humidifier et se nettoyer sommairement la figure.

Le clochard le regarda un instant comme une créature étrange, diabolique, beurrante et malveillante, faisant toutefois preuve d'une étrange curiosité à son égard.

"Les keufs ?" Il éclata d'un rire qui se transforma bientôt en une toux bien grasse. Puis il cracha trois fois par terre. "Je te conseille d'aller voir les keufs uniquement si tu t'es fait violer, et encore... Si tu y vas juste pour te plaindre que la vie est trop dure, ils vont te foutre à la porte avec un rapport, et un coup de pied au cul."

Il cracha encore une fois, et reprit une gorgée de villageoise.

"Moi j'dis. C'est pas que je veux pas t'aider, mais t'as trop des idées de grandeur ! Je sais pas où c'est ton Salmen Center là... Mais j'ai vu un truc qui ressemble là... Attends..."

Il alla fouiller dans son sac à trésors, et en sortit un journal qui avait été manifestement détourné de son usage initial tant il était crade et froissé.

"Regarde... Là... Salem Center... Une bande de freakos. C'est là que tu veux aller ? Ils servent du vin gratos ?"

« Oui Salem Center, c’est ça, j’me suis gourré. »

Il prit des mains du clochard le journal et le lut avec empressement, trébuchant sur certains mots qui l’interpellaient.

« Talents paranormaux … magie … mouais mouais … tarés congénitaux plutôt, ou tarés tout c… Aaaah ! Voilà ! Le Docteur Olivier Fleury et le Salem Center ! Mais c’est pas très clair si c’est une école ou un hosto. Blablabla … et l’adresse ! New York ?? J’en viens purin ! »

Il relut quatre ou cinq fois les dernières lignes, éperdu de soulagement. Il serra contre lui le journal défraîchi comme une étoffe précieuse. Puis il se tourna vers le clochard, avec un sourire béat mille fois reconnaissant.

« Du vin, je t’en ammè… enverrai quand tu veux. Purin j’en sais rien si ils vont vouloir de moi dans leur benne à ordure, mais au moins je suis sur une vraie piste là. Pfiouu … »

Il s’autorisa à fermer les yeux et se détendre quelques minutes. Maintenant sa route était claire, il fallait reprendre le monorail pour New York. Le seul problème c’est qu’en partant le soir même, il arriverait sans doute tard, et la nuit. Dans une école pleine de monstres, c’était sûrement dangereux … et le secrétariat ne serait pas ouvert. Alixtide rigola intérieurement. Puis son ventre lui rappela qu’il avait faim, entre autres.

Cela faisait un petit moment qu’il entendait le vieux tousser et cracher, et ça le titillait. Une flamme s’alluma dans son regard quand il se tourna à nouveau vers lui. Sa respiration se fit plus lente, contrôlée. Il s’immobilisa, scrutant son voisin comme si c’était l’objet de son plus ardent désir. Un sourire un peu dément se peignit sur son visage sale et cabossé. Quelque chose l’appelait et faisait battre son cœur, là, dans le mendiant puant.

« J’ai bien dit que je voulais pas qu’on me vole cette soirée, tu t’en rappelles ? Ben j’ai trouvé une poubelle qui n’est pas encore en cage. »

D’un seul mouvement vif et précis, il se renversa sur son voisin, lui attrapant à deux mains le col de sa veste en loques. Comptant sur les réflexes inhibés de son vis-à-vis, il se pencha sur lui dans l'intention apparemment évidente de l'embrasser ou de le mordre.

HJ. Ok édité chef ^^ rah j'aurai essayé ^^

A peine le clochard fut-il attrapé qu'il poussa un hurlement de surprise. Comprenant ce qui se passait, se débattant il attrapa son sac à trésor et le fracassa sur la tête d'Alixtide. Il y eut un bruit de verre brisé, un très fort goût de vinasse, et tout devint noir.

Le clochard se releva en jurant, réarranga ses habits alors qu'un autre le rejoignait.

"Rien de cassé ?
- Si ! Et le principal en plus !" jura-t-il en montrant le cadavre de la bouteille de vin qui avait succombé au crâne d'Alixtide.

Ils crachèrent tous les deux par terre, et s'en furent en maugréant que même en essayant d'être aimable avec les gens, il fallait qu'ils se fassent violer par des pervers, que le monde était bien cruel, et qu'ils allaient boire un coup pour oublier ça.

Alixtide se réveilla au beau milieu de la nuit, après ces évènements, du sang coagulé dans les cheveux, et le morceau de journal dans la main.

HJ. Raaaah pourquoi ?? C'est trop injuste ^^

Pendant un trop fugace instant Alixtide avait cru qu'enfin la Providence se penchait sur lui et lui offrait le bonheur à l'état brut. Tout lui semblait si facile, si léger. Son ascension au septième ciel fut pourtant de courte durée, et c'est plutôt une enclume que le bon dieu lui envoya perforer son crane.

Un mal de tête terrible le paralysait. Il entendait des gongs retentir tout autour. Il avait froid. Ses doigts passés maladroitement sur ses cheveux rencontrèrent une magistrale bosse avec une belle plaie et du sang coagulé. Ce bref contact le foudroya de douleur.

"AaAaaa ..."

Il se redressa et jeta un regard morne autour de lui. Il faisait nuit noire et le mendiant avait malheureusement disparu. Il se traîna pour poser la tête sur son sac. Dans sa main crispée il y avait toujours le salvateur morceau de journal, qu'il fourra machinalement dans le fond de sa poche. Cela lui rappela la bonne nouvelle qu'il avait apprise, et qui l'avait rendu si heureux. Un vague sentiment de frustration dominait néanmoins son esprit.

*Pourquoi on m'a encore cogné ? Purin ... aaaahr... faut vraiment que ... je me fasse soigner.*

Cette sage pensée lui rendit courage et détermination. Pensant qu'il ne devait être que dix heures du soir au grand maximum, il envisagea de se lever pour aller vite chercher le dernier monorail. Mais cela resta à l'état de pensée car Alixtide était encore bien sonné. Alors que son bras se piquait sur des débris de verre, une angoisse traversa son cerveau comme une flêche.

*Oh purin si j'ai des bouts de verre dans le crane ? Faut que j'y aille ... que je trouve ... heu ... une pharmacie. Sur le chemin... de la station ... *

Alixtide se leva péniblement et tâcha de voir si le sol sous lui était stable.

Le sol était, fort heureusement, parfaitement stable. Malheureusement, pas autant que ses pieds, et c'est non sans un certain labeur, amplifié par le fait qu'il faisait nuit, qu'Alixtide arriva finalement à la station de monorail, déserte, toutefois bien éclairée.

Sur le grand panneau, de nombreuses destinations étaient affichées, parfois des villes très lointaines, d'autres plus proches. Le train qui intéressait Alixtide, le paratlantique direction Nord, était annoncé pour 5h30 du matin. Ce qui ne lui laissait qu'une grosse heure.

Alixtide bloqua plusieurs secondes sur l’horloge, qui indiquait une heure parfaitement anormale.

*J’ai voyagé dans le temps … ça explique tout …*

Son regard glissa sur le nom de la destination, le numéro du monorail, et l’heure. Il compara cette information avec celle qu’il venait de lire sur l’horloge. Il lui semblait extrêmement pénible de réfléchir.

« Quatre heure trente deux moins cinq heures trente … pfff … oula … une heure … vaut mieux … que je reste bien sage … devant. »

Il posa son fardeau de sac et s’affala douloureusement sur un des sièges en plastique qui faisait face au panneau. Il était trempé de sueur et à bout de souffle. Décidé à ne rien entreprendre qui pourrait encore se retourner contre lui, il se borna à fixer alternativement l’horloge et le panneau. Son cerveau embrumé marchait au ralenti.

*Je crois que je deviens fou … je dois me frapper tout seul. Le journal !*

Il se rassura au contact du bout de papier froissé qu’il sortit de sa poche. Les lettres vacillaient. Il plissa les yeux et se concentra pour relire la précieuse adresse. Il finit par renoncer, happé par une grosse migraine. Il rangea le journal, se força à rester concentré sur les aiguilles de l’horloge.

*Quatre heure trente huit … quatre … heure … trente … trente … tre...ente neuf ...*

Fort heureusement pour lui, il eut assez de forces pour ne pas oublier d'acheter son billet, et c'est au terme d'un voyage relativement éprouvant ou un bon samaritain l'emmena au passage voir un pharmacien, qui dit qu'il n'avait qu'une égratignure et lui conseilla de prendre un bon bain, qu'il arriva finalement à l'institut Xavier devant lequel était stationné une grosse voiture noire...



Tu peux poster dans les jardins. Et ajouter également 1pt à ton barème.