Arrivée, aéroport de New-York

Relena était à bout. Déjà qu'elle n'avait pas fermé l'oeil de la nuit, maintenant le décalage horaire s'en mêlait ! Elle avait quitté Parme, il faisait presque jour et voilà qu'elle était de nouveau plongée dans l'obscurité, s'approchant lentement de l'immense aéroport qu'était celui de New-York. Relena sentait que tous ses muscles se raidissaient de plus en plus sous la fatigue et ne cessait alors de gigoter. Dire qu'ils avaient certifié que les sièges étaient extrêmement confortables lorsqu'elle avait pris son billet sur ce vol ! Publicité mensongère oui ! C'est dans ce moment-là que la jeune fille se demandait ce qu'elle fichait dans cet avion. Elle ne pût s'empêcher de repenser à ce que lui avait dit son père avant son départ...

"Tu es en danger si tu restes ici, tu dois partir !"

Relena se souvint aussi du regard de son père à ce moment-là. Il était si triste ! C'était bien la première fois qu'elle le voyait aussi anéanti et ça lui faisait mal, très mal. La jeune fille en était même venue à se maudire elle-même pour ce qu'elle était. Reprenant contacte avec le monde réel, Relena se rendit compte que ses mains étaient crispées sur les accoudoirs de son siège. Sûrement la nervosité. Tournant le regard côté hublot, elle entendit tout à coup retentir la voix de l'hôtesse. Ils n'allaient pas tarder à atterrir apparemment. S'étirant une ultime fois sur son siège, Relena attacha rapidement sa ceinture alors qu'elle sentait déjà l'avion perdre de l'altitude...

C'est ainsi que celui-ci se posa lentement sur la piste d'attérissage, provoquant quelques légères secousses. Une fois immobilisé, tous les passagers furent conviés à descendre. Quand ce fut son tour, la jeune fille hésita quelques secondes, des tas de questions se bousculant dans sa tête. Que devait-elle faire maintenant ? Où devait-elle se rendre ? C'était bien de pouvoir voyager, mais c'était tout autre chose de ne savoir quoi faire dans le pays en question ! Sentant un petit vent de panique s'emparer d'elle, Relena inspira profondément. Allez, il fallait se ressaisir ! Après quelques secondes, elle quitta finalement l'appareil alors qu'elle sentait en même temps une énorme bourrasque de vent glacial lui fouetter le visage...

Bizarre, il ne faisait pas vraiment froid pourtant ! Et c'est en avançant un peu plus vers le hall de l'aéroport qu'elle s'aperçut qu'il pleuvait à fines gouttes. Par contre, la pluie, elle, la gelait jusqu'aux os. Et bien ! Heureusement qu'elle avait tout prévu sinon elle aurait sans doute fini en batônnet glaçé. Déjà qu'elle était extrêmement frileuse... Sûr que ça n'était pas son son pouvoir qui pourrait la protéger ! En effet, la jeune fille portait à ce momen-là le polaire et l'écharpe que lui avait donné sa mère. Enfin bref, Relena finit par gagner le hall où régnait une chaleur bienfaisante qui lui fit un bien fou. Balayant l'assemblée de son regard noisette, elle engouffra ses deux mains dans les poches de son jean et chercha du regard le tapis roulant pour pouvoir récupérer sa valise...

Suivant les panneaux, Relena tomba rapidement sur le carroussel. Par le temps qu'elle passe l'immigration, le tapis s'était déjà mis en marche. Elle put récupérer ses valises sans encombres. Il ne lui restait plus qu'à trouver quoi faire.

Une fois ses valises récupérées, Relena rangea tous les papiers qu'elle avait dû sortir pour le contrôle douanier. Et dire qu'elle les avait oublié ceux-là ! Ceci fait, la jeune fille erra quelques minutes dans le hall à la recherche du coin taxi. Le mieux pour elle était de se rendre dans l'hôtel le plus proche. Passer la nuit dehors ne l'enchantait pas le moins du monde. Ce qu'elle ferait ensuite ? Elle verrait sur le tas ! Relena trouva finalement ce qu'elle cherchait et s'y rendit sans plus attendre. Voyant un taxi en stationnement, attendant un client, la jeune fille accéléra le pas de peur de se faire souffler la place. Manque de chance, une vieille femme s'y précipitait de même et réussit à le choper avant à la grande décéption de Relena...

Manquait plus pour elle d'attendre le prochain. Qui arriva assez rapidement d'ailleurs. Quelle veine ! La jeune fille se dirigea vers le véhicule, tout sourire. Au moins ici c'était du rapide ! Pas comme dans sa ville natale où il passait des taxis tous les trente-six du mois. Relena attendit patiamment alors que le chauffeur contournait sa voiture pour venir la débarrasser de son bagage. Elle lui souria en guise de remerciement et ce dernier en fit de même montrant ainsi que cela ne le dérangeait pas le moins du monde. Il engouffra la valise dans le coffre de la voiture et fit signe à Relena qu'elle pouvait embarquer. Ce que fit cette dernière, son sourire ne l'ayant pas quitté une seconde...

Ils se mirent finalement en route après les directives de la jeune fille. Le début du trajet se fit dans le silence absolu. Il faut dire que Relena n'était pas vraiment du genre à entamer une conversation lorsqu'elle ne connaîssait son interlocuteur ni d'Eve ni d'Adam. Elle n'était pas timide pour autant, bien au contraire. Seulement fallait-il seulement quoi dire pour rompre ce silence qui se faisait de plus en plus pesant. Supirant légèrement, Relena se mit en quête de retirer son polaire, commençant à bouillir sous la chaleur du radiateur enclenché. Après quelques secondes, la jeune fille tourna finalement son regard vers le chauffeur et lui dit ce qu'il lui passait par la tête au moment même :

"Ca fait longtemps que vous faites ce métier ?"

Elle lui souriait gentiment. Attendant patiamment la réponse du chauffeur, la jeune fille tourna le regard au-dehors. La pluie tombait de plus en plus drûe. De quoi faire tomber dans la déprime n'importe quel amoureux du soleil. Et dire qu'il y avait soleil lorsque Relena avait quitté l'Italie ! Son pays lui manquait déjà à vrai dire. Mais sa sécurité passait bien avant tout. D'ailleurs elle se demandait ce que pouvaient bien faire et penser ses parents au moment où elle, se trouvait dans cette voiture en compagnie d'un inconnu...

[Désolée, je n'y avais pas fait attention]

Le chauffeur était un afro-américain aux cheveux tressés, d’environ une trentaine d'années. Après avoir débarrassé Relena de ses bagages, il s’installa lentement au volant. Apparemment, ce n’était pas l’empressement qui l’étouffait. Il mit le contact et s’inséra dans la circulation. Il baissa le son de son autoradio pour entendre sa cliente :

"Quelques années maintenant, mais ça me plaît bien. Musique et nouvelles têtes tous les jours !" répondit-t-il en hochant la tête avec zen attitude.

"Vous créchez à l'hôtel, vous êtes dans notre belle ville pour affaires ou pour le plaisir ?" demanda-t-il. Il avait l'air d'avoir l'habitude de faire la conversation.

Alors que la jeune fille était plongée dans ses pensées, elle fut lentement ramenée à la réalité en entendant la voix du chauffeur. Elle reporta alors son attention sur ce dernier. A première vue, ce chauffeur afro-américain semblait avoir l'habitude de faire la conversation avec ses clients. En tout cas, il savait mettre à l'aise car Relena se détendit perceptiblement. Elle ne put s'empêcher de lui sourire amicalement. La jeune fille aimait beaucoup ce genre de personnes, ouvertes et sympathiques. Le scrutant un peu plus attentivement, elle finit par lui répondre, la voix emprûnte de sympathie et de douceur :

"Je suppose que vous avez déjà croisé pas mal de personnalités aussi... Je me trompe ?"

Il était vrai aussi que Relena se demandait elle-même si certaines personnalités se trouvaient dans cette ville. Mais bon, franchement ça n'était vraiment pas le plus important pour le moment ! La jeune fille se laissa aller à la décontraction, écoutant attentivement chaque note égrenée par l'auto-radio. D'ailleurs, en ce qui concernait la musique, Relena n'était pas difficile du tout, elle aimait de tout ! La chaleur et la musique combinée, elle commençait, petit à petit, à se sentir flotter. Au même moment, elle entendit de nouveau la voix du chauffeur s'élever. Que répondre ? Elle se trouvait ici ni pour les affaires, ni pour le plaisir... Se raclant doucement la gorge, elle répondit tout de même, non sans une légère hésitation :

"Hum... Disons que je suis ici plus par obligation qu'autre chose... Et effectivement, je me vois contrainte de passer quelques nuits à l'hôtel"

La mine grave, Relena fixait maintenant la route. Mentir n'était pas chose aisée pour elle qui privilégiait la franchise, mais franchement il valait mieux un petit mensonge que cette affreuse vérité qu'elle-même n'arrivait pas à supporter. De plus, il s'agissait là plus d'une ommission. Seulement cela ne l'empêchait pas de ressentir ce petit sentiment de culpabilité qui ne cessait, depuis toute petite déjà, de lui gâcher son existence. Cela pouvait d'ailleurs paraître étrange vu qu'elle ne connaîssait pas la personne avec laquelle elle conversait, mais Relena était ainsi, elle n'y pouvait rien...

Le chauffeur agita la main dans un geste évasif.

"Oh vous savez, tout dépend de ce que vous entendez par personnalité, mais ça m’est arrivé de conduire des gens assez connus, ça oui. Tenez, pas plus tard qu'hier, j'ai conduit le sénateur Marshall à Manhattan !" expliqua le chauffeur.

"D’ailleurs, tout à fait entre nous, il est pas très ouvert musicalement parlant..." plaisanta-t-il. La carte de taxi du chauffeur qui pendouillait au rétroviseur se balança quelques instants alors que le véhicule tournait à l’angle d’une rue. Apparemment, le chauffeur rasta s’appelait "Daryl Turner".

"Vous n’avez pas l’air du coin et apparemment vous voyagez seule. Je vais vous donner un bon conseil, ma petite demoiselle. Moi j'ai toujours vécu ici, dans le Bronx. New York quand on connaît pas, ça peut être traître surtout le soir. Le quartier de l'hôtel que vous m'avez indiqué est pas trop miteux, mais on ne sait jamais. Ouvrez l'oeil, je voudrais pas lire dans le canard qu'il est arrivé quelque chose à une de mes clientes !"

Ainsi elle ne s'était pas trompée. Ce chauffeur de taxi avait déjà cotoyé d'importantes personnes ! Relena trouvait le métier de plus en plus intéressant. Et puis rien de mieux pour le piston au cas où l'on rechercherait un job ! D'ailleurs il fallait qu'elle trouve un moyen de gagner sa vie par-ici. Certes, ses parents subvenaient toujours à ses besoins, mais en fait, cela gênait beaucoup Relena. Comme s'ils n'avaient que cela à faire ! Non, il fallait qu'elle apprenne à se débrouiller toute seule ! Elle avait tout de même... Le visage de Relena se figea. Son anniversaire ! C'était avant-hier ! Et elle l'avait complètement oublié ! Il faut dire que c'était bien la première fois qu'elle se retrouvait seule le jour de son anniversaire, ça devait être pour cela qu'elle avait zappé...

Enfin bref, qu'importait après tout ? Relena tourna le regard vers l'homme qui se tenait à ses côtés. Il lui parlait de ce sénateur Marshall dont Relena avait si souvent entendu parler au journal télévisé du soir là-bas, en Italie. Ce qu'il en disait amusait de même la jeune fille qui avait toujours trouvé les politiciens trop coinçés. Elle se mit doucement à rire, se sentant étrangement bien en compagnie du chauffeur. En effet, toute méfiance avait disparu de ses traits. Alors que ce dernier abordait l'angle d'une rue, l'attention de Relena fut attirée par la carte taxi qui valdinguait dans tous les sens. Elle put alors y voir l'identité du chauffeur. Daryl Turner. Relena souria lentement et lui dit alors amicalement :

"Alors vous vous appelez Daryl ? Enchantée de faire votre connaissance, moi c'est Relena..."

La jeune fille trouvait normal de se présenter maintenant qu'elle connaîssait l'identité du chauffeur. Elle n'eut d'ailleurs pas le temps de rajouter quoi que ce soit car le Daryl en question avait reprit la parole. Relena l'écouta attentivement et finit par sentir quelques petits frissons lui parcourir le corps et son palpitant s'accélérer. S'il avait eu dans l'idée de la rassurer à un moment ou à un autre, il s'y prenait vraiment mal ! Relena commençait à regretter son escapade. Certes, elle savait se battre, mais était loin d'être immortelle ! Après quelques secondes, elle se décida finalement à lui répondre, tentant de cacher sa soudaine nervosité :

"Oh, ne vous en faites pas pour moi ! Je sais me défendre !"

Relena avait pondu cette phrase avec une assurance qu'elle était bien loin de ressentir mais ne voulait que l'on puisse déceler quelconque faiblesse chez elle...

"Ah ah, ça je veux bien vous croire, mademoiselle !" répondit le chauffeur après un éclat de rire. Il s'arrêta à un feu rouge, et en profita pour se tourner vers sa cliente.

"Bingo, miss, moi c'est Daryl, Daryl Turner à votre service !" répondit-il avec un sourire. Relena remarqua qu'une de ses incisives avaient été remplacée par prothèse métallique.

"Relena... C'est pas très américain, dites-moi !" dit-il en se retournant vers la route. Il redémarra tranquillement.

Relena regarda Daryl avec surprise tout d'abord lorsqu'elle le vit rire aux éclats. Elle se demandait aussi s'il l'avait prise au sérieux. Son attitude lui faisait penser que non mais bon, ne savait-on jamais. Seulement la jeune fille finit bien vite par sourire de nouveau et se détendre. Après tout, cela ne servait à rien de s'inquiéter ! Ceci dit, elle ne pouvait tout de même s'empêcher de penser au fond d'elle à ce qu'elle ferait réellement si elle se retrouvait dans une inconfortable situation. Néant. Relena émergea de sa réflexion lorsqu'elle prit conscience que la voiture n'avançait plus. Feu rouge. Elle regarda à son tour le chauffeur alors qu'il lui parlait et lui souria en répondant, remarquant au passage la prothèse qu'il portait en guise de dent :

"Merci ! Oui, c'est italien. Je suis italienne de moitié. Avez-vous déjà eu l'occasion d'y séjourner ?"

Parler de son pays de naissance remettait du beaume au coeur de la jeune fille. L'idée que Daryl n'ait pas envie de l'écouter une seconde ne lui effleura même pas l'esprit. D'ailleurs si elle avait eu le choix, elle ne serait pas dans cette ville à cette heure-ci mais avec ses amis, à arpenter les rues de Parme sous le soleil qui n'allait pas tarder à laisser place à l'hiver d'ailleurs. La jeune fille ne remarquait même pas le sourire rêveur qu'elle arborait. Quelques secondes s'écoulèrent avant que la mine de Relena se fasse tout à coup distante. Elle avait toujours gardé cela pour elle, mais là, elle n'en pouvait plus, elle voulait savoir comment étaient les personnes ici. Elle se lança finalement, le coeur battant et la voix rauque :

"Dites-moi Daryl... Avez-vous déjà entendu parler d'êtres assez étranges dans cette ville ?"

Relena n'osait pas prononçer le mot "mutant" mais savait qu'il comprendrait et espérait de tout coeur qu'il n'aille pas la cataloguer comme l'un d'eux juste parcequ'elle en avait parlé. Qui savait ce que les gens faisaient aux mutants ici. Déjà qu'en Italie c'était la guerre déclarée contre eux, manquerait plus que ce soit la même à New-York. Alors là, elle serait complètement perdue ! Seulement elle n'arrivait à concevoir que Daryl puisse être une personne capable de vouloir la trucider juste pour qu'il puisse penser qu'il a accompli une bonne chose pour l'humanité ! Elle priait intérieurement pour que ça ne soit pas le cas en tout cas...

"Ahh, l’Italie..." répondit Daryl sur un ton rêveur.

"La seule Italie que je connaisse, c'est le quartier de Little Italy !" ajouta-t-il sur un ton désabusé mais toujours humoristique.

"Des êtres étranges ? Oh ça j’en ai vu des drôles de zèbres, vous êtes à New York, la grosse pomme, tout le monde est dingue ici, tenez, regardez-moi ça !" répondit le chauffeur en pilant pour éviter une queue de poisson de la part d’un autre taxi.

"Pff... Non mais je vous jure..."

Le taxi reprit sa route, tourna une nouvelle fois puis s’arrêta sur le bas côté. Daryl se retourna vers Relena.

"Et voilà, mademoiselle, vous êtes arrivée ! C’est l'hôtel juste en face." indiqua-t-il en désignant un immeuble assez moderne dont l'entrée vitrée laissait apercevoir un comptoir de réception.

"Ca vous fera 8 dollars 80, miss."

Alors qu'elle se trouvait dans un état quasi second, Relena manqua de s'étouffer alors qu'elle tentait de réprimer un grand éclat de rire. Ainsi, il n'avait pas pensé une seconde à ce qu'elle-même pensait ? Soulagée, la jeune fille se laissa aller au rire alors que le chauffeur reprenait la parole. Au même moment, il pila et Relena se sentit un peu secouée. D'après Daryl, tout le monde dans cette ville était dingue. Et bien elle qui avait quitté l'Italie pour plus de sécurité ! Relena était vraiment mal tombée ! Enfin bon tant qu'elle se ferait discrète ça devrait aller. Du moins l'espérait-elle...

De toute évidence, Daryl appréciait l'Italie et cela ravissait la jeune fille qui ne put s'empêcher de sourire au ton rêveur qu'il avait emprûnté. Toute la tension accumulée par la nervosité disparut finalement et Relena se sentit de nouveau en paix. Portant le regard à l'extérieur, elle finit par remarquer que la circulation était plus dense et que certains grands bâtiments avaient fait leur apparition. C'est d'ailleurs à ce moment-là que la chauffeur arrêta la voiture. Relena était finalement arrivée à bon port. En regardant de la voiture, l'hôtel ne semblait pas trop mal, moderne et juste ce qu'il fallait de luxuriant. Bref, parfait pour la jeune fille...

Relena tourna la tête vers le chauffeur alors que celui-ci lui demandait sa note. Souriant légèrement, elle plongea la main dans la poche de son jean et en sortit son portefeuille. Elle farfouilla pour y trouver un billet de dix dollars et prit de même quatre-vingt cents. Elle tendit le tout à Daryl et le remercia de même, la voix plutôt enjouée :

"Je vous remercie beaucoup Daryl ! Grâce à vous, j'ai passé un agréable moment !"

Et c'était peu dire, il avait vraiment mérité cet argent selon elle en la distrayant ainsi. Relena sortit finalement de la voiture et se posta juste à côté de la portière, les yeux rivés sur la bâtisse qu'elle allait bientôt gagner. Elle espérait aussi que la nuit ne lui reviendrait pas trop chère sinon elle ne ferait pas long feu dans cet hôtel. D'ailleurs c'était le seul par-ici qui avait encore des chambres de libres, elle s'était déjà renseignée avant. Soupirant légèrement, elle se tourna vers le chauffeur en souriant et attendit patiamment de pouvoir récupérer sa valise...

"Plaisir partagé, mademoiselle Relena ! Si jamais vous avez besoin d’un coup de pousse-pousse ou d’une petite visite guidée, n'hésitez pas !" répondit le chauffeur en tendant une petite carte de visite à sa cliente. Ses coordonnées et son matricule étaient inscrites dessus. Il prit le montant de sa course en fouilla dans sa poche pour en sortir deux billets d’un dollar qu’il tendit à la mutante, avant de sortir du véhicule pour sortir les bagages de Relena du coffre.

"Bon séjour à vous !" dit-il avec un sourire, qui laissa briller sa dent métallique. Il opina du bonnet, puis remonta tranquillement en voiture.
Ses valises devant elle, Relana se retrouvait seule face à son destin. Du moins fut-elle seule deux bonnes secondes. Un jeune homme en costume se précipita vers le taxi de Daryl, une malette dans les mains. Son front luisait de sueur et ses joues étaient écarlate. Il bouscula Relana au passage, se retourna, le regard effaré, puis lui fourra sa malette dans les bras.

"Gardez ça pour moi, je vous en prie, c’est une question de vie ou de mort !" baffouilla-t-il avait d’embarquer dans le taxi de Daryl. Il lui intima immédiatement l’ordre de partir, du moins c’est ce que la jeune fille pouvait déduire des gestes frénétiques de l’inconnu assis dans le taxi. Elle put voir Daryl lever les bras. Lui qui était si calme, cette précipitation ne devait pas lui plaire. Il démarra ensuite. Tout s'était passé trop vite pour que Relana ait le temps de réagir.

Attendant que Daryl lui ouvre le coffre, Relena rangea la monnaie rendue par ce dernier sur ses dix dollars. Elle prit de même soin de mettre la carte de Daryl dans la poche arrière de son jean. Commençant à ressentir les effets du vent frais, elle réenfila son manteau. Il valait mieux pour elle ne pas tomber malade à peine arrivée ! Elle avait de même remarqué que depuis qu'elle connaîssait son pouvoir, elle était souvent prise. D'ailleurs bonjour les notes salées à cause du médecin qu'elle fréquentait de plus en plus. Le contrecoup de toute évidence. C'est en partie à cause de cela que Relena regrettait d'être l'une de ces personnes aux dons si étranges...

Daryl lui apporta finalement sa valise, la posant devant elle et Relena le remercia en souriant. Elle le suivit du regard alors qu'il remontait en voiture et lui fit un petit signe de main, prête à s'en retourner de son côté pour gagner l'hôtel. Inspirant fortement, la jeune fille fut prête à partir lorsqu'elle retint un petit hocquet de douleur. Un homme venait de la percuter et elle n'avait même pas eu le temps de voir quoi que soit ! Après quelques secondes de prostration, elle leva finalement le regard vers la personne et fut stupéfaite devant la mine décomposée qu'arborait celle-ci. Il lui ferait même presque peur !

D'ailleurs lorsque l'homme se retourna vers elle, Relena sentit son coeur cogner plus vite. Allait-il tenter quelque chose ? Tout à coup sur le qui-vive, Relena marqua un mouvement de recul alors que l'homme lui fourrait sa malette dans les bras. Effarée, elle resta prostrée l'espace d'une seconde puis tenta de rattrapper le malade mental alors que celui-ci montait dans le taxi. Ce qu'il lui avait dit ? Elle ne s'en souvenait même plus. D'ailleurs elle ne comprenait rien à ce qu'il se passait. Relena eut juste le temps de le voir gesticuler avant que Daryl ne prenne finalement la route. Hébétée, la jeune fille héla ce dernier dans un cri :

"Hey !"

Inutile, ils n'étaient plus là. Portant le regard sur la malette, Relena lâcha un soupir d'exaspération. Il était drôle lui, qu'est-ce qu'elle allait faire de ça maintenant ? Frôlant de ses doigts les clapets d'ouverture, elle hésitait. Devait-elle l'ouvrir et regarder ce qu'il s'y trouvait ? Seulement une question lui taraudait vraiment l'esprit. Pourquoi s'en être débarrassé ? Après moultes réfléxions, Relena se décida finalement à ouvrir la malette. Une petite voix ne cessait de lui souffler qu'il ne valait mieux pas, mais elle ne l'écouta pas, trop curieuse de savoir ce qu'elle contenait...

Les quelques passants qui avaient regardé la scène se détournèrent pour continuer leur route, pensant sans doute qu’il s’agissait une fois de plus de deux voyageurs se battant pour un même taxi.
La curiosité de la jeune mutante fut la plus forte, si forte qu'elle ne fit pas attention au bruit de sirène qu'on pouvait entendre se rapprocher. La malette était en cuir noir et de belle facture. Tout à fait le genre d'attaché-case qui allait avec le complet que portait l’inconnu d’ailleurs. Elle n’avait pas de verrou, mais deux clapet dorés attiraient l’oeil. Dans un claquement sonore, les deux attaches s’ouvrirent pour révéler trois rangées de petits sachets en plastique contenant une poudre de couleur de blanche assez identifiable a priori. Alors que la jeune fille prenait conscience de ce qu’elle tenait, un crissement de pneus et un hululement de sirène la firent sursauter : une voiture de police avait déboulé à l'angle opposé de la rue et s'était arrêté dans un dérapage digne d'un film hollywoodien. Deux policiers, un homme et une femme ouvrirent les portes avant, se levèrent l’arme au poing, et mirent Relena en joue.

"Police de New York. Lâchez cette serviette et mettez les mains sur la tête, lentement." lança l'homme.

Elle n'aurait jamais dû... Ce fut la première pensée qui vint à l'esprit de Relena lorsqu'elle compris enfin que c'était de la drogue que contenait cette malette. De la drogue ? Fronçant les sourcils, elle eût à peine le temps de se défaire de son fardeau que la jeune fille entendit les sirènes de police. Bon sang ! Ne manquait plus que ça ! Complètement affolée, Relena n'osait plus bouger. Elle entendait de plus en plus distinctement les sirènes. La voiture de police s'arrêtait déjà près d'elle. Relena fut subitement prise d'une envie de fuir. Ils allaient sûrement l'incriminer, ne cherchant pas à savoir le pourquoi du comment ! D'ailleurs elle-même ne le savait pas...

Repensant à l'homme qui venait de la mettre dans le pétrin, le sang de Relena ne fit qu'un tour. Ah celui-là ! Si jamais elle remettait la main sur lui ! Elle le tuerait. En effet, la jeune fille était persuadée qu'il l'avait fait exprès. Pourquoi ? Elle n'en savait rien, mais une chose était sûre, il voulait la faire coffrer ! Relena commençait à psychoter, sentant pourtant au fond d'elle que tout cela n'avait pourtant aucun sens vu qu'il ne la connaîssait même pas. Le regard baissé, elle n'osait regarder vers les policiers qui se décidaient à sortir de la voiture. La jeune fille fit ce qu'ils lui demandaient et lâcha la malette qui vint s'écraser à ses pieds...

Serrant les poings, elle leva finalement le regard vers les policiers et sentit son coeur s'arrêter lorsqu'elle vit que l'un d'eux pointait une arme vers elle. Alors quoi ? Si elle bougeait il la shooterait ? La belle affaire ! Seulement la jeune fille n'avait aucune envie de mourir et se décida donc à obtempérer, mettant lentement ses mains derrière la tête. Autant dire qu'elle était furieuse, ils la prenaient pour une vulgaire criminelle alors qu'il n'en était rien ! Ouvrant doucement la bouche, elle finit par proclamer d'une voix assez audible et pleine de colère contenue :

"Vous vous trompez..."

Seulement elle s'interrompit. Comme s'ils allaient la croire ! Dans un état proche de la crise de nerf, Relena commençait à se sentir étrangement mal. Son corp tremblait légèrement alors qu'elle sentait son coeur prêt à exploser. Il fallait qu'elle se calme seulement la pensée de ce qu'ils seraient capables de lui faire ajoutait considérablement à son mal-être. Elle transpirait de plus, mais à dire vrai, elle s'en foutait. Tout ce qu'elle voulait, c'était que ces imbéciles de flics la laisse en paix ! Attendant de voir la réaction des policiers, Relena n'esquissa plus le moindre mouvement, s'efforçant de juguler les tremblements de plus en plus violents de son corps...

Le choc peut-être, avait accentué la sensation de froid qu'éprouvait Relana. Les policiers guettaient les mouvements de la mutante. L’homme continua de tenir la jeune fille en respect depuis le véhicule, tandis que sa collègue s’approchait avec précaution de la fugitive présummée. Elle la contourna, saisit on bras gauche, le ramena vers le bas du dos de Relana et y passa les menottes, puis recommença avec le deuxième bras. Ignorant totalement l’affirmation de la mutante, elle commença à lui énoncer ses droits.
Les deux flics avaient l’air de connaître leur métier. Le tandem était efficace, ils n’avaient même pas communiqué entre eux pour coordonner l’arrestation. Des fonctionnaires qui faisaient bien leur boulot en somme.
Une fois la prévenue sous contrôle, la femme policier la mena jusqu’à l’arrière de leur voiture. Son collègue transmit quelques mots via une oreillette qu’il portait, puis se dirigea vers la valise.

"Circulez, y a rien à voir !" lança-t-il pour disperser les quelques badaud qui s’étaient arrêtés pour observer la scène. Il sortit un gant d'une poche à scratch de son uniforme, le passa puis ferma la mallette et la ramassa. A son retour, Relana avait été installée sur la banquette arrière de la voiture, séparée de l'avant par un grillage, et dont les portes ne semblaient s'ouvrir que de l'extérieur. Les deux flics montèrent à l’avant.

"Tiens, garde-moi ça au chaud." dit l’homme, qui s’était assis au volant en posant la mallette aux pieds de sa partenaire.

"Eh... Y a quelque chose de bizarre dessus..." dit-elle après quelques secondes, alors que le véhicule démarrait.

"On dirait… On dirait deux empreintes de main en verglas ou un truc du genre..."

Alors que la femme flic se dirigeait vers elle, Relena ne lâchait pas du regard son collègue qui la tenait toujours en joue, prête à se défendre s'il tentait quoi que ce soit de pas très catholique. A cause de ce qu'il se passait en Italie, la jeune fille avait une sainte horreur des flics dont elle se méfiait énormément. C'est au moment où la femme la contourna que Relena finit par porter le regard sur elle, la regardant en coin. Lorsque cette dernière la toucha pour lui mettre les menottes, la colère de Relena monta d'un cran. Seulement elle préféra ne proférer mot. Ne savait-on jamais ce qu'ils pourraient faire si elle se la ramenait ! Mais quelle torture de devoir supporter la présence de cette flicarde près d'elle !

Relena ferma les yeux alors qu'un fin sourire narquois se dessinait sur ses lèvres tandis que la femme flic lui énoncait ses droits. Etrange d'entendre ça pour une personne qui n'avait jamais bafoué les lois une seconde. En fait, cela la terrorisait mais hors de question pour elle de le montrer, et surtout pas à des policiers ! Sa pensée à ce moment même ? Mais qu'allaient penser ses parents s'ils avaient vent de ça ! Repensant à ces derniers, la colère de Relena s'effaça pour faire place à la tristesse. Elle avait comme une soudaine envie de pleurer. Oui, pleurer sur sa malchance. Cela faisait maintenant plus de six mois que sa vie virait au désastre à cause de son statut...

Relena se laissa traîner vers le véhicule de police sans opposer la moindre résistance, le pas lourd néanmoins. Il valait mieux bien se tenir pour le moment. Une fois devant la portière arrière, la jeune fille vit que le collègue se dirigeait vers la malette. Elle détourna le regard, se fichant complètement de ce qu'il faisait. Après tout, qu'est-ce que cela pouvait bien lui faire ? La femme flic lui ouvrit la portière et la fit s'installer sur la banquette arrière, lui baissant la tête au passage. Une fois installée, Relena se souvint que sa propre valise était restée sur le trottoir. Mince, ses seuls vêtements se trouvaient là-dedans ! Elle tenta alors de sortir, se mettant dos à la portière pour atteindre la poignée, mais fut stupéfaite de voir que les portières étaient vérouillées...

Voyant les deux policiers monter à leur tour, Relena se rapprocha de la grille. Elle n'avait vraiment pas envie de leur adresser la parole, mais il fallait bien qu'elle récupère sa valise ! Elle commença à dire, la voix plutôt sévère :

"Attendez ! Vous oubliez ma..."

Seulement elle ne put achever sa phrase, la femme flic venait de s'exprimer elle aussi. Et ce qu'elle dit plongea Relena dans la perplexité la plus totale. Du verglas ? Prise d'un doute, elle posa son regard noisette sur ses mains et en examina la paume. Stupéfaite, elle vit qu'une fine couche de glace avait fait son apparition sur chaque paume. Mais comment ? Elle ne l'avait même pas remarqué ! Ravalant sa salive, la jeune fille recula, s'affalant sur la banquette pour mettre le plus de distance possible entre elle et les policiers. Il valait mieux pour elle qu'elle reste tranquillement dans son coin et qu'elle se fasse la plus discrète possible jusqu'à ce qu'il n'y ait plus aucune trace de son pouvoir et pour sa valise, tant pis...

L'homme se mit à ricaner, rire qui se termina comme le bruit d'un cochon.

"Sans blagues. Et tu sais ce matin j'ai vu un éléphant rose traverser devant la voiture." dit-il pour se moquer de sa partenaire, qui elle, était penchée en avant pour examiner la mallette. Les deux agents avaient complètement ignoré Relena et ses tentatives pour les prévenir qu'ils avaient oublié sa valise sur le trottoir.

"Je déconne pas, ça commence à fondre..." dit-elle en s'essuyant les mains sur son uniforme. Elle leva la main gauche et tourna la micro-caméra fixée au plafonnier en direction de la route vers la valise.

"Au moins comme ça, on me prendra pas pour une folle..." marmonna-t-elle.

Le véhicule continuait sa route dans les rues de New York. Le chemin ne fut pas long vers le commissariat du district. Les deux flics entrèrent dans le parking souterrain, puis la voiture se gara et ils sortirent Relena du véhicule.

Le trio et la mallette maudite prirent un ascenseur pour monter au niveau principal. Là, Relena eut une vision qu'elle ne s'attendait sûrement pas à contempler en prenant l'avion : le poste de police était sens dessus dessous. Les agents de police fusaient dans tous les sens, répondaient au téléphone en urgence, renversaient des tasses de café, prenaient des dépositions, tapaient des rapports, avec autour d'eux toute une foule de criminels et des prostituées plus ou moins polis qui hurlaient leur innocence, menottés à des radiateurs, des bancs rivés au sol, à n'importe quel objet arrimé tant l'endroit était surpeuplé et débordé. Une cacophonie de voix accueillit le trio à la sortie de l'ascenseur. Relena reçut d'ailleurs une boulette de papier jetée par un ce qui devait vraisemblablement être un clochard ivrogne en guenilles, clochard immédiatement houspillé par le policier chargé de prendre ses empreintes.

Alors que les deux policiers discutaient entre eux, Relena elle, ruminait dans son coin, le regard dans le vague. Après quelques secondes, elle examina de nouveau ses paumes par le toucher et lâcha un petit soupir de soulagement, sentant qu'il n'y avait plus rien d'anormal. Seulement il fallait avouer qu'elle s'inquiétait beaucoup en ce qui concernait son pouvoir. Elle n'arrivait à le maîtriser et creuvait de peur à l'idée qu'il puisse se déclencher n'importe où. Elle remua les poignets, ceux-ci commençant légèrement à la lançer à cause des menottes un peu trop serrées à son goût. C'était bien ça les flics, ils se fichaient comme d'une guigne du confort d'autrui !

Voyant que la femme flic faisait mumuse avec la micro-caméra et entendant ses paroles, les lèvres de Relena s'incurvèrent en un sourire plein de dérision. Quelle idiote celle-là ! La jeune fille avait subitement envie de lui coller son poing dans la figure. Dommage qu'elle ait les poignets liés. Tourant le regard vers l'extérieur, Relena plissa les yeux, le visage soudain d'une blancheur cadavérique à la vue du commissariat. Elle s'imaginait déjà assise sur une chaise, harcelée de questions par les flics. C'est tel un fantôme que Relena fut sortit de la voiture, se laissant mener par les deux policiers qui ne remarquèrent même pas que les mains de la jeune fille tremblaient légèrement...

Arrivée au niveau principal, les yeux de Relena s'écarquillèrent devant le spectacle qui s'offrait à elle. Etait-elle vraiment dans un commissariat ? Comme foutoir on ne pouvait faire mieux ! Seulement quelques secondes s'écoulèrent avant que la jeune fille ne voit rouge. Elle assassina du regard l'imbécile qui venait de lui balançer une boulette de papier. Lorsqu'elle vit qu'il s'agissait d'un clochard, elle serra les poings. Cela accentuait la douleur qu'elle éprouvait aux poignets, mais sur le coup, elle s'en foutait complètement. Ne sachant vraiment ce qu'il se passait dans sa tête à ce moment-là, la jeune fille ne réussit à se contrôler d'avantage et finit par hurler en se dégageant de l'étreinte de la femme flic :

"Espèce de... !"

La nervosité et la colère ne faisaient pas bon ménage pour la jeune fille qui se transforma en vraie furie. Elle se précipita vers le clochard et une fois devant lui lui asséna un grand coup de pied en pleine figure. Il n'était pourtant pas dans la nature de Relena d'être aussi violente, mais cette fois-ci, la boulette de papier jetée dans la tronche était la petite goutte d'eau qui fit déborder le vase déjà plein à cause d'un imbécile qui lui avait si gentiment offert sa foutue malette. Elle venait d'aggraver son cas, elle le savait mais pour le moment s'en fichait...

La voix de la femme flic résonna derrière Relena alors qu'elle se jetait sur le SDF facétieux.

"Hé ! Attrapez-la !"

Etre menottée dans le dos endiguait passablement les mouvements de la jeune fille, mais son coup de pied atteignit finalement le tibia de sa cible. Le clochard se mit à vociférer comme un dément en tentant de se lever du banc auquel il était menotté.

Le flic responsable du clochard le rabroua et le repoussa sur le banc, mais le clochard avait eu le temps de cracher en direction de Relena, crachat qui tomba sur son haut. Il se mit ensuite à chanter, ce qui ne faisait que confirmer, outre son teint rougeaud, qu'il devait certainement être en état d'ébriété.

Les deux policiers qui avaient arrêté Relena se saisirent de la jeune fille par les bras, la tirèrent en arrière sans ménagement et la poussèrent plus avant dans le commissariat. Il finirent par s'arrêter devant un bureau occupé par un homme d'une trentaine d'années, qui venait juste de se débarrasser du détenu dont il s'occupait.
Mâchant bruyamment son chewing-gum, il interpella les deux agents :

"Eh ben, qu'est-ce que vous m'amenez là ?"

"Complicité à l'affaire MacKenzie et coups et blessures, je dirais à première vue..." répondit la femme.
Son partenaire gloussa de rire.

"Elle a agressé un clodo à l'entrée."

"Voyez-vous ça..." répondit l'autre type en se grattant la tête. "Bon bah..." conclut-il en désignant le radiateur près de lui d'un mouvement de tête.
Les deux policiers menottèrent Relena au radiateur.

"On va amener notre prise au grand patron et faire notre rapport sur le démantèlement du réseau." ajouta l'homme en tapotant la mallette avec satisfaction. Sur ces mots, les deux policiers s'en allèrent.

Le policier regarda quelques instants Relena, perplexe, puis reporta son regard vers son moniteur d'ordinateur. Il tapa quelques mots sur son clavier, se craqua les doigts, puis se tourna vers la mutante.

"Bon alors... Nom et prénom, adresse, situation familiale."

Le clochard avait beaucoup de chance de s'être protégé avec son tibia sinon Relena n'aurait pas donné cher de son nez rougit par la bibine. D'ailleurs elle se demandait comment il pouvait avoir encore le moindre reflexe. La jeune fille était toujours hors d'elle et s'approcha encore du clochard alors que celui-ci tentait de se lever, tentant de le provoquer. Malheureusement, un flic s'interposa, faisant rasseoir le clochard. Cette fois, Relena stoppa net ses mouvements le regard plein de stupéfaction. Toute sa colère s'estompa pour faire place à l'incrédulité. Elle n'avait pas rêvé, ce type venait de lui cracher dessus ! Relena, ayant petit à petit reprit le contrôle, laissa errer son regard plein d'étonnement sur le clochard...

Quelques secondes s'écoulèrent avant que Relena ne finisse par lâcher un petit gémissement sous le coup de la douleur. En effet, une étreinte d'acier venait de lui aggripper le bras, la tirant en arrière sans ménagement. Ses poignets morflèrent un bon coup mais Relena préféra se taire malgré son envie de leur envoyer à tous, un juron bien sentit. Les policiers la menèrent devant l'un des bureaux. Relena suivit du regard la personne qui en sortait juste pour finalement l'arrêter sur le policier assis derrière le bureau. Il semblait plutôt jeune. Alors que la jeune fille s'en faisait la réflexion, elle l'entendit s'adresser à ses collègues et ses machoires se crispèrent à la réponse de ces derniers...

Complicité hein... Quelle bande d'imbéciles, oser affirmer cela alors qu'en fait, ils ne savaient rien de rien ! Pour les coups et blessures, Relena voulait bien reconnaître que pour cette fois, ils ne mentaient pas. Lorsqu'elle entendit le rire du flic qui l'avait menaçée d'une arme il y a encore moins d'une heure, Relena ne put alors s'empêcher de chuchoter comme pour elle-même :

"Quel idiot"

Après cela, la jeune fille se vit mener et menotter au radiateur. Alors que les deux collègues s'en allaient, elle réussit tout de même à capter les paroles de l'homme. Il semblait satisfait et cela conforta Relena dans ce qu'elle pensait depuis le tout début à dire vrai. En fait, ils se fichaient de coinçer le vrai coupable, pour eux, Relena était la coupable idéale, toute trouvée. Seulement il n'était pas question pour elle de se laisser faire. Sentant le regard de l'occupant du bureau, elle tourna le sien vers lui. Elle fronça les sourcils se demandant pourquoi cette perplexité dans le regard du policier. Elle n'eût pas à se le demander plus encore qu'il portait son attention sur l'ordinateur...

Sa façon de mâcher son chewing-gum avait le don d'agaçer la jeune fille qui pourtant ne fit aucune remarque. Relena hésita longuement avant de se décider à répondre aux questions qu'il lui posait. En fait, elle cherchait plus à trouver le moyen de lui mentir en beauté. Ayant enfin trouvé quoi répondre, elle se lança, la voix plutôt douce, d'une douceur qui cachait d'ailleurs bien des choses :

"Je m'appelle Relena Scott. Je n'ai pas de domicile où loger, j'erre d'hôtels en hôtels. En ce qui concerne ma situation familiale, je... Je n'ai plus mes parents et suis célibataire..."

Relena s'en voulait de parler ainsi de ses parents, mais il était crucial pour elle que personne dans cette ville ne découvre leur existence. Leur apporter des problèmes était bien la dernière chose qu'elle souhaitait. Elle espérait de même que les flics ne se servent pas de son nom pour remonter jusqu'à eux. Elle aurait pû mentir de même à ce sujet, mais elle savait qu'ils auraient tôt fait de découvrir qu'elle avait raconté des histoires. D'ailleurs sa carte d'identité était encore sa possession, dans la poche arrière de son jean. La jeune fille planta son regard dans celui du policier, tentant de voir sa réaction aux paroles de cette dernière. Mais, repensant à quelque chose, Relena baissa le regard vers sa veste en jean et finit par lui demander, presque timidement :

"Euh... Auriez-vous un mouchoir pour que je puisse me débarrasser de ça ?"

Elle lui désigna de l'index la trace faite par l'autre poivrot qu'elle avait attaqué sous le coup de la colère...

Le flic commença à remplir le formulaire informatisé, mais il s’interrompit rapidement pour dévisager Relena, la mine perplexe. Visiblement, son mensonge était gros comme une maison. Sans un mot, il se reporta sur son écran, fit quelques manipulations, puis se retourna vers Relena et lui tendit un mouchoir. Il l'observa quelques instants nettoyer sa veste tant bien que mal avec ses menottes aux poignets, puis ouvrit enfin la bouche :

"Vous m’expliquez pourquoi je n’ai aucune Relena Scott sur le fichier d'identification national ?" demanda-t-il en croisant les bras sur sa poitrine.

Relena baissa rapidement le regard alors que le policier la regardait. Apparemment, il ne croyait pas un mot de ce qu'elle venait de dire. Bon sang ! Elle allait être vite démasquée avec ses bourdes ! Surtout que pour les mensonges Relena était piètre commédienne. Ne sachant trop comment se comporter et légèrement gênée, les joues de Relena virèrent à l'écarlate. De tout coeur, elle espérait que le policier ne relève pas. Pour dire vrai, la jeune fille commençait à avoir peur. Sentant le policier s'agiter, Relena releva le regard vers ce dernier. C'est alors qu'il lui tendit un mouchoir que Relena prit lentement, un léger sourire narquois flottant sur ses lèvres et lui dit, la voix neutre :

"Merci"

La jeune fille entreprit alors de nettoyer la tâche qui avait déjà commencé à sêcher. Voyant qu'elle n'y arriverait pas dans la position où elle se trouvait, elle se mit lentement à genoux sur le banc pour pouvoir atteindre le bas de sa veste. Quant au policier, elle se fichait royalement de savoir ce qu'il allait penser. Relena sentait le regard de celui-ci posé sur elle et certes, cela l'agaçait, mais n'en montra rien cependant. Une fois sa besogne achevée, elle se rasseya tranquilement et se pressa contre le radiateur, soupirant légèrement. Elle commençait à être fatiguée de tout cela et n'avait maintenant qu'une envie, poser sa tête sur un oreiller confortable et dormir...

Tandis que la jeune fille sentait ses paupières se fermer, elle entendit la voix du policier s'élever. Tournant lentement la tête vers celui-ci, elle planta son regard presque vide de toute expression dans le sien. Ainsi il n'allait pas la laisser tranquille avec toutes ses interrogations ? Un pauvre sourire se dessina sur le visage de Relena. En fait, elle en avait plus que marre de passer son temps à mentir pour espérer rester en vie. C'est pour cela qu'elle finit par lui répondre, d'une voix emplie de colère contenue et d'un brin de lascitude mêlé, malgré la peur qu'elle ressentait et les battements effrénés de son coeur :

"Je suis une pauvre mutante qui a malheureusement été dans l'obligation de quitter son pays pour échapper à la mort. Cela répond-t-il à votre question monsieur le policier ?"

Les risques qu'elle encourait ? Elle s'en fichait désormais. Cela pouvait sembler égoïste de sa part vis à vis de ses parents, mais Relena saturait, elle n'en pouvait plus de se retrouver toujours dans d'insoutenables situations à cause de ce qu'elle était. Et être accusée d'être complice dans un trafic de drogue était bien la pire ! Prise d'une quelconque folie, la jeune fille se mit à rire. Rire qui sonnait étrangement à ses propres oreilles mais elle ne pouvait s'en empêcher. Elle n'avait alors même plus conscience qu'elle se trouvait attachée au radiateur, à la merci de son protagoniste. Relena était bien loin maintenant...

Le flic haussa les sourcils, perplexe, mais la petite crise de Relena ne semblait pas l'impressionner, et pour cause : l'intégralité du commissariat regorgeait de drôles d'oiseaux en tous genres, des excentriques, des marginaux, des criminels... Ce type devait en voir passer des hurluberlus...

"Je vois, je vois..." souffla-t-il, blasé. "Je suppose qu'un petit séjour en cellule de dégrisement vous fera du bien pendant que je recherche votre véritable identité."

Il tapa quelques mots sur son clavier, puis héla un policier qui passait par là.

"Hep, Rossario. Prends ses empreintes et envoie-la en cellule de dégrisement pendant qu'on tire son affaire au clair. Elle sera peut-être plus coopérative demain matin." lui dit-il.

Le dit Rossario, un homme d'une quarantaine d'années typé méditéranéen détacha Relena du radiateur et l'emmena dans un bureau où il commença à lui scanner les main, et prendre des photos pour son casier judiciaire.

Toujours dans son délire, Relena ne prêtait pas attention à ce que lui disait le policier. Seulement elle finit bien vite par se calmer lorsqu'elle entendit ce dernier parler de cellule de dégrisement. Ainsi il la pensait saoule ? Bien quoi ? Ils ne savaient pas faire la différence entre une personne saoule et une au bord de la crise de nerf dans ce commissariat ? Dire qu'il ne la prenait pas au sérieux... Elle lui montrerait à cet abruti ! Relena, fulminant maintenant, se demandait comment faire pour éviter la cellule. Là elle avait besoin de son pouvoir qui malheureusement ne voulait pas se manifester. Bordel mais à quoi pouvait-il lui servir s'il ne pouvait même pas l'aider ?

La jeune fille commença à s'agiter de plus belle alors que le policier appelait l'un de ses collègues. Sa respiration se faisait de plus en plus saccadée et Relena prit peur en sentant son coeur au bord de l'implosion. Si elle se retrouvait en cellule, elle ne le supporterait pas ! Sâchant cela, elle serra les poings et tenta en vain de se libérer des menottes qui l'emprisonnaient. Tout ce qu'elle réussit à faire c'est de se faire souffrir encore plus. Complètement désespérée, elle se tourna vers le policier assis derrière le bureau et lui cria, la voix et le regard emplis de désespoir :

"Attendez ! Vous ne pouvez pas faire ça ! Je n'ai rien fait de mal ! Je vous en prie, je ne supporterai pas d'être enfermée..."

A son grand damn, Relena vit le policier appelé Rossario s'approcher d'elle et lui retirer les menottes. Ca y était, elle allait être conduite en cellule ! Acculée, elle ne cessait de regarder l'autre policier, le regard suppliant. La jeune fille n'était pas du genre à ramper devant les autres généralement et encore moins devant un policier, seulement se retrouver en cellule la terrorrisait bien plus. Elle ne savait d'ailleurs pas elle-même d'où lui venait cette peur bleue de l'enfermement. Relena avait l'impression que le monde entier s'était ligué contre elle et, pour la première fois, se prit à souhaiter que sa mère vienne à sa rescousse, elle qui n'avait jamais voulu de la protection de celle-ci aussi fière qu'elle était...

La mine complètement défaite, la larmichette au bord des yeux, la jeune fille se laissa mener par Rossario. Dire que lui aussi était un méditerranéen, on ne pouvait vraiment compter sur personne dans cette vie de merde ! Alors qu'il lui mettait les mains sur le scanner, Relena se laissa faire, le regard fixé sur celles-ci. Si seulement elle pouvait faire appel à son foutu pouvoir ! Il entreprit ensuite de prendre des photos pour l'ouverture de son casier et Relena ne put plus longtemps se contenir. De fines larmes roulèrent sur ses joues alors que le policier la mitraillait avec son appareil. Elle se sentait si misérable. Relena était tombée bien bas pour en arriver là...