Petite ville du Nord de la France...

Le chauffeur écarquilla les yeux et se tourna vers la vitre pour voir de qui parlait Lucas. Ce dernier s’était aplati au sol ne voyait plus ce que faisaient ses poursuivants. Le gros bonhomme se grattant à nouveau la tête. Il semblait à la fois effrayé et incrédule.
Pour toute réponse à sa supplique, le chauffeur ferma la porte du bus. Lucas put sentir le véhicule accélérer normalement.

"Je suis censé t’emmener où comme ça, petit ? Parce que je suis pas un taxi non plus..."

Les enfants encore à bord dévisageaient Lucas avec une curiosité flagrante.

Alors que le gros conducteur tournait sa tête vers les méchants hommes pour vérifier les dires de Lucas, celui-ci s'était mis à quatre pattes sur le sol, sous le regard amusé et très curieux des jeunes enfants du bus. Lucas avait alors eu très peur d'une intervention massive de ceux-ci, qui auraient tout fait capoter à son plan. Il n'imaginait même pas les conséquence que tout cela pourrait avoir, si un d'entre eux se mettait à rire par mégarde. Non seulement Lucas se ferait prendre, mais la vie de tous ces enfants allaient alors être en danger. Non, il ne pouvait pas risquer la moindre erreur...

A son grand soulagement, les portes du bus se fermèrent enfin, et celui-ci démarra. Lucas poussa un soupir profond, mais ne se releva pas pour autant... Le chauffeur lui demanda alors où il voulait aller, prétextant qu'il n'était pas un taxi. Sans se relever, Lucas répondit:

« Continuez votre route habituelle... Je descendrai au terminus, le plus loin possible d'ici, au dépôt s'il faut, en bordure de la ville... »

Enfin, après s'être assuré de ne plus être à vue de ses poursuivants, il se redressa, frottant de ses mains les poussières sur son pantalon. Il tourna la tête vers le chauffeur, et sourit du mieux qu'il pouvait dans cette situation dramatique.

« Merci monsieur... »

Et il alla s'asseoir parmi les enfants, dans un coin où on ne l'apercevrait pas trop facilement en regardant à l'intérieur du bus, et où il avait toutes ses chances de voir avant d'être vu... Il posa son regard vide de tout sur la vitre, perdu dans le néant et concentré sur la route... Il ne pensait plus à rien...

Le bus poursuivit sa route. Dans le pare-brise arrière, Lucas put apercevoir les hommes en noir tourner en rond quelques instants, tout en discutant avec animation, puis le véhicule tourna à droite pour désservir le reste du quartier résidentiel.

"Dis, tu viens de quelle école ?" demanda un petit garçon assis juste derrière Lucas. C’était un enfant d’origine maghrébine de sept ou huit ans peut-être, dont les cheveux noirs bouclaient furieusement sur sa tête.

Le bus continuait de rouler, et Lucas aperçut dans le pare-brise arrière ses quatre poursuivants hésiter sur la route à prendre. Il crut à un moment que l'un d'entre eux regardait en direction du bus, et se camoufla davantage, mais après un moment, il se releva et vit qu'il avait eu tort. Ses adversaires semblaient perdus, tournant en rond sans comprendre où il était passé... Il s'affala alors dans son siège, quelque peu soulagé de cette course poursuite qui semblait prendre fin. Le bus scolaire tourna dans une nouvelle avenue, à droite, pour ramener les petits enfants chez eux, où leurs parents les attendaient.

Alors qu'il fermait un peu les paupières, se tenant les tempes pour bien assimiler tout ce qui venait de se passer, sans y parvenir, une petite voix enfantine retentit derrière lui et lui demanda d'où il venait. Lucas se retourna et vit le petit garçon maghrébin à la tignasse épaisse et noire. Il lui sourit aimablement, attendri par cette petite bouille pleine d'innocence, et lui répondit doucement:

« Je viens du lycée de la ville... Et toi? »

Il avait pris une voix toute douce, toute mielleuse, un peu gagatisante, mais sans exagération, juste comme la plupart des personnes qui parlaient à des enfants de cet âge là... Tout en attendant la réponse, Lucas ne manqua pas de vérifier, encore et encore par la fenêtre, si il n'y avait aucune trace de ces hommes vêtus de noir, dont il ne savait rien, mis à part les méthodes peu catholiques pour entreprendre le dialogue avec un mutant...

Le petit ne paraissait nullement effrayé par Lucas, son entrée étrange dans le bus, ni même ses vêtements déchirés par endroit par la chute de la voiture.

"Moi je viens de l'école du quartier. J'habite pas très loin, mais maman pense que c'est plus sûr de prendre le bus." expliqua le petit garçon.

"Je suis content parce que mon grand frère est venu nous voir !" confia-t-il, que ce soit pour justifier sa bonne humeur, ou pour simplement par excès de confiance.

[HRP: je suis absent du 29/10 au 04/11, j'ai prévenu dans l'agora du forum /HRP]

Avec assurance, le petit basané répondit à Lucas, expliquant qu'il n'habitait pas très loin de son école mais que sa mère préférait le transport en bus. Le mutant pensa en son fort intérieur que cette bonne mère avait bien raison de le faire... Sa propre mère avait opté pour le même avis. Il se perdit un peu dans ses souvenirs d'enfance de cours de récréation, avant de porter à nouveau son attention sur les paroles de l'enfant.

Il parlait maintenant du fait que son grand frère était venu le voir à son école, et qu'il en était fier et heureux. Lucas appréciait le contact qu'avaient certains enfants avec les autres, plus grands, et les adultes. Lui n'avait pas été comme ça, il avait toujours été timide et était plutôt du genre à rougir jusqu'aux oreilles quand on lui demandait quelque chose, que ce soit en Suède, ou quand il était arrivé en France, ajoutant à sa gêne le fait qu'il ne parlait pas parfaitement le français.

Puis soudain, une ombre passa dans son esprit... Le petit lui rappelait de loin quelqu'un, et le fait qu'il parle de son grand frère n'était pas pour rassurer Lucas... Dans sa classe, au lycée, il y avait une bande de fouteurs de merde, comme on les appelait. C'étaient eux qui étaient venu frapper Lucas au parc le jour de la découverte de son pouvoir, avec d'autres amis extérieurs à l'école. Et dans cette bande, il y avait un maghrébin qui ressemblait fortement au petit qui était en train de lui parler... Il prit un air gêné, ne pouvant admettre que ça soit bien du frère dont il parlait... Il fut confu en lui de penser à un instant que toutes ces personnes avaient de toute manière un air de ressemblance, pour lui qui venait du grand nord et qui ne distinguait pas forcément facilement les différences entres personnes du bassin méditerranéen.

Il redevint silencieux et soucieux un instant. Il pensait à Mohamed, le garçon dans sa classe, alias Momo, comme tout le monde l'appelait... Il ne se pouvait pas que ce petit si avenant soit son frère... Et après tout, en quoi cela pourrait-il le concerner...

Il demanda cependant tout de même:

« Il s'appelle comment, ton frère? Il a quel âge? »

Le petit garçon parut ravi que Lucas s’intéresse à son frère. Comme la plupart des petits garçons, il semblait nourir une forte estime pour son grand frère, quel qu'il soit. Ses yeux noirs pétillèrent.

"Mon frère, il s’appelle Malik. Il est grand, beau et très fort, même qu’il sait faire plein de tours de magie !" répondit le garçonnet. Le bus s’arrêta pour laisser descendre quelques bambins. La rue était calme, il n’y avait aucune trace des poursuivants du mutant.

Quand Lucas posa une question sur son frère, le petit enfant s'illumina d'un sourire ravi, heureux de pouvoir m'en dire plus sur lui. Dès les premières paroles, un grand soulagement s'empara de Lucas, son frère n'était pas celui qu'il pensait... Il en parla d'ailleurs en termes élogieux, le complimentant, comme l'aurait fait tout enfant de son âge, sur son physique idéal pour un petit frère... Mais une parole du petit fit tiquer les oreilles de Lucas... Son frère savait faire plein de tours de magie...

était-ce des tours de passe-passe bien connus des milieux populaire, ou autre chose, quelque chose qui s'apparentait plus à la 'magie' de Lucas...

Alors que le bus s'arrêtait, Lucas regarda encore une fois dans la rue, déserte, s'assurant qu'il n'y avait aucune trace de ses poursuivants, avant de se reconcentrer sur le petit.

« Moi aussi je sais faire des tours de magie, regarde... »

Lucas tendit sa main devant le visage de l'enfant, à une distance raisonnable, puis entreprit de modifier l'aspect de sa main afin que celle-ci se change en pierre... Une fois cela fait, il remua doucement les doigts, étonné de cette nouvelle souplesse de mouvement de sa main minérale... En regardant avec amusement la réaction du petit, il dit...

« Il fait aussi des tours de magie comme ça, ton frère? »

Les yeux du petit garçon s’agrandirent de stupéfaction et un sourire se dessina sur ses lèvres.

"Ouah !" murmura-t-il avec une expression de conspirateur.

"Alors toi aussi t’es magicien ? Mon frère aussi, mais il fait pas les mêmes tours..." chuchota l’enfant tout en remontant son cartable de sous ses pieds.

"Je descends au prochain arrêt." dit-il sans plus montrer de surprise à la démonstration de pouvoirs.

À la démonstration du pouvoir de Lucas, le petit garçon s'emplit d'émerveillement devant ce qu'il voyait, sans pour autant en paraître très surpris, et ce qu'il dit ensuite confirma les doutes de Lucas sur l'identité de son frère... Selon les apparences, c'était lui aussi un mutant, et ça signifiait que lui aussi pouvait être en danger, pourchassé par ces hommes en noir... Le petit lui apprit qu'il descendait au prochain arrêt... Lucas ne savait où aller si il continuait dans le bus, mais si il descendait ici, il ne serait pas encore assez loin de ses poursuivants pour être certain de leur réchapper... Pourtant, quelque chose lui disait de descendre à l'arrêt suivant, avec l'enfant... Il se devait de prévenir son frère si il était en danger... s'il n'était pas déjà trop tard...

Avant que le bus n'atteigne l'arrêt suivant, Lucas demanda plus de précision sur le prétendu pouvoir de son frère...

« Alors dis-moi, que sait-il faire ton grand frère? »

Il avait emprunté le même ton discret que l'enfant, comme s'il s'agissait d'un secret...

Le petit se tassa sur son siège pour ne pas être entendu des autres enfants. Ils avaient déjà de la chance que personne n'ait remarqué le manège de Lucas, autant ne pas trop tenter le diable.

"C'est très spécial... Les objets volent partout..." souffla-t-il, avant de se mettre debout de se charger son cartable, presque plus gros que lui sur ses épaules.
Le petit garçon fit un petit signe de main à Lucas, et se positionna devant la porte arrière du bus. Le chauffeur s'arrêta et ouvrit la porte. Quelques enfants descendirent à la suite du garçon. Lucas reconnaissait l'endroit pour y être déjà passé en voiture de temps en temps. C'était un quartier ouvrier qu'il valait mieux éviter tard le soir.

Précautionneusement, et avec une discrétion toute relative pour un enfant de son âge, le petit garçon se tassa dans son siège pour parler des pouvoirs de son grand frère... Il parlait pour que personne ne l'entende... Et c'était mieux comme ça... Il décrit brièvement à Lucas en quoi son frère était un magicien, et vu la description, le jeune homme eut la presque certitude qu'il s'agissait comme lui d'un mutant...

Juste après, le petit se leva et cala son énorme cartable sur son dos, avant de faire signe à Lucas pour quitter le bus qui était à nouveau arrivé à un arrêt. Alors que le petit se posta fièrement devant la porte arrière du bus, Lucas reconnut le quartier dans lequel ils étaient arrivés... Ce n'était pas le quartier le plus recommandable de la ville, et il valait mieux ne pas y traîner le soir... Beaucoup de personnes s'étaient fait agresser ici la nuit, que ce soit par des bandes de jeunes, ou des ouvriers alcoolique qui revenaient d'une biture au café du coin.

Les portes s'ouvrirent et le garçon descendit du bus, suivi d'autres enfants... Lucas se précipita vers la porte en criant au chauffeur...

« Merci monsieur! Je vais descendre ici! »

Et il descendit à son tour du bus scolaire sans attendre la réponse du chauffeur. Il avait pris sa décision, il devait prévenir le frère de ce petit garçon du danger qui planait sur les mutants de la ville, en espérant qu'il ne se soit pas déjà fait découvrir...Il rattrapa l'enfant en quelques enjambées et lui dit d'une voix aimable...

« Tu veux bien me présenter à ton grand frère? Entre magiciens, on a sûrement des choses à se dire! »

Le petit garçon parut surpris, mais hocha vivement la tête. La compagnie de Lucas ne semblait pas le déranger. Le bus redémarra placidement, et les enfants descendus commencèrent à s’éparpiller aux quatre vents.

"D’accord ! J’habite juste là." dit-il en traversant la rue vers un immeuble social. Il mena Lucas dans l’ascenseur jusqu’au troisième étage, en sortit, sortit une clé attachée autour de son cou par un lacet de chaussures et ouvrit la porte.

"Malik ! Je suis rentré ! J’ai ramené une surprise pour toi !" s’écria l’enfant dans l’appartement très modeste. Un jeune homme d’une vingtaine d’année sortit d’une pièce pour venir à la rencontre du petit.

"Aziz, c’est qui ce type ?" demanda-t-il, méfiant.

"Attends, je t’explique ! Il faut des trucs comme toi, il a dit que vous aurez des trucs à vous dire, même !" expliqua l’enfant. Visiblement, les parents ne devaient pas être là, l’appartement était calme et silencieux. Le petit Aziz se tourna vers Lucas avec un air encourageant.

Le petit garçon que Lucas avait rattrapé parut surpris de le voir encore à ses côtés, même si il n'en paraissait pas du tout dérangé. D'un vif hochement de tête, il marqua son accord à la demande du jeune homme alors que le bus scolaire redémarrait, sans doute soulagé que je sois sorti avant le terminus... Tous les enfants commencèrent à rejoindre leur chez-eux, ce que fit aussi le petit que Lucas accompagnait désormais.

Ils n'eurent d'ailleurs pas à aller très loin. Le gosse indiqua à Lucas un grand immeuble social de l'autre côté de la rue, qu'ils traversèrent aussitôt. Lucas n'aimait pas traîner dans ce genre d'endroit, on ne savait jamais sur qui tomber ni que faire si on se faisait aborder...

Il pénétrèrent dans le bâtiment pour prendre l'ascenseur, sans que le jeune homme ne prononce un mot... Il avait peur de ce genre de lieu, mais il savait que c'était pour le bien d'un semblable qu'il le faisait, même si il ne le connaissait pas... L'ascenseur arriva rapidement au troisième étage de l'immeuble et ils en sortirent pour se diriger vers une porte fermée, que le petit ouvrit grâce à une clé accrochée à son cou par un lacet noué.

Il pénétra dans son appartement suivi de Lucas, de plus en plus gêné, qui se demandait déjà ce qu'il dirait aux parents du petit pour justifier sa présence chez eux... Le petit cria le nom qu'il avait donné à Lucas dans le bus, le nom de son frère, pour le prévenir de sa présence et il lui dit en même temps qu'il lui avait apporté une surprise.

Sans doute intéressé par cette dernière phrase, le frère en question, Malik, répondit à son cadet en sortant d'une pièce pour venir le saluer. En voyant Lucas, il prit un air méfiant et demanda directement qui j'étais à son petit frère, dont Lucas apprit qu'il s'appelait Aziz.

Aziz expliqua alors brièvement à son aîné que j'avais comme lui des pouvoirs et que nous avions à nous parler... Ce après quoi il se tourna vers Lucas avec un air enthousiaste... Mais la mine du jeune mutant se fit plus grave...

« Il vaut mieux que nous parlions seuls d'ailleurs... ça concerne tes pouvoirs »

Dit-il en s'adressant directement au dénommé Malik... Puis se tourna vers Aziz avec un sourire complice...

« Entre magiciens on doit garder des secrets... »

Malik resta méfiant malgré la bonne humeur de son petit frère. Il devait savoir à quoi s'en tenir de la part d'un enfant et garder les pieds sur terre. Il demeura silencieux quelques instants, jaugeant Lucas de son regard, puis reprit la parole :

"Je t’ai préparé ton goûter, prends-le et commence tes devoirs." ordonna-t-il à son petit frère. Aziz arbora une expression boudeuse, mais le regard de son aîné le dissuada sûrement de protester. Le petit garçon passa dans ce qui devait être la cuisine, ressortit avec un pain au lait, et traîna son cartable vers une pièce dans laquelle il s'enferma. Malik fit quelques pas pour se rapprocher de Lucas. Il dégageait une sorte d’aura royale, impérieuse. La peau mate, les yeux perçant, il était bien bâti sans être athlétique. Un jeune homme en bonne santé en somme.

"Je ne sais pas ce qu’a pu te raconter mon frangin, mais c’est qu'un gosse. Explique-moi ce que tu me veux et ce que tu crois savoir." dit-il d’un ton ferme.

Le silence tomba quelques secondes dans la pièce... Un silence gênant dans lequel Lucas ne se sentait pas à l'aise du tout,tant la tension pouvait être palpable... Il était normal que Malik se méfie, il n'était qu'un étranger après tout... Le frère de Aziz prit la parole et dit à son cadet d'aller prendre son goûter et de filer faire ses devoirs, ordre auquel Aziz consentit à obéir sans rouspéter, mais non sans se parer d'une mine boudeuse... Il passa par la cuisine pour se procurer une brioche et partit dans ce qui devait être sa chambre ou son bureau pour faire ses devoirs scolaires. Visiblement, le grand frère acceptait la confrontation privée avec Lucas, bien que celui-ci ne savais ni que dire, ni ce qui allait se passer... Malik s'approcha de Lucas. Il dégageait une aura céleste et noble, d'un charisme effroyable. Il était battit un peu comme Lucas, quoiqu'un peu plus grand et un peu plus musclé peut-être. Ses yeux noirs brillaient d'une lueur perçante et se figeaient sur les iris gris de Lucas, qui avala bruyamment sa salive alors que Malik prononçait ses premières paroles à l'égard du jeune mutant...

Et ces paroles semèrent le doute en Lucas, comme si il pouvait s'être laissé abuser par l'imagination fertile d'un jeune enfant... Il ne savait de toute façon plus bien ce qui lui arrivait aujourd'hui... Tout était si différent, tous ces changements, ces péripéties et mésaventures désastreuses...

Il répondit simplement, n'ayant pas pour habitude de mentir... Au point où il en était, rien n'aurait pu le mettre plus en danger...

« Je suis un mutant, et si j'en crois ce que dit ton frère, toi aussi... Si je suis là, c'est pour te prévenir d'un danger qui rode dans la ville pour les gens de notre sorte... Des émissaires du gouvernements chargé du contrôle des mutants ont débarqué chez moi et ont essayé de m'enlever de force... J'ai réussi à leur échapper jusqu'ici et je ne sais où aller... Apprenant que tu étais peut-être toi aussi un mutant, je voulais juste te prévenir de cette tentative de rapt qui n'est certainement pas un cas isolé... »

Comme pour prouver qu'il était bien un mutant, et sachant qu'une démonstration valait mieux qu'un long discour, Lucas avança doucement la main vers le jeune adulte, sans brusquerie, paume vers le plafond, et força à nouveau la peau de celle-ci à se changer en pierre. Il ne regarda même pas la transformation, se concentrant sur la réaction qu'allait avoir Malik...

Malik se contenta d’observer fixement la main de Lucas se métamorphoser. Son visage ne refletta aucune émotion, mais se détendit progressivement.

"Très bien, je te crois." dit-il au bout d’un moment. "Ton histoire ne me surprend pas, tu n’es pas le premier mutant que je connaisse à être recherché..."

D’un signe de tête, il offrit à Lucas de le suivre dans l’appartement. Il ouvrit une porte. Il s’agissait d’une chambre, à cela près qu’une table à repasser et des meubles recouverts occupaient la pièce. Il y avait néanmoins un lit qui semblait frais. Les murs étaient couverts de vieux posters.

"C’était ma chambre ici. Maintenant que j’habite plus chez mes parents, ils s’en servent pour autre chose. Je vis et travaille à Paris dans un hôtel miteux. Ca ne paie pas de mines, mais il faut bien gagner sa vie. C’est là-bas que je l’ai rencontrée..." expliqua Malik en s’installant sur le lit.

"J’ai rencontré cette fille, Alyssandre. Elle était sur le point de se jeter dans la Seine quand je l’ai trouvée. C’était une mutante comme nous, mais elle s’était mise dans le pétrin et voulait en finir avec la vie. Elle avait été faussement accusée d'agression alors qu'elle était victime, la police était à sa recherche. En définitive, je lui ai donné une partie de mes économies pour l’aider à fuir le pays. Elle est partie pour cet institut mutant, aux USA. Je n’ai plus de nouvelles depuis." raconta le jeune homme.

"Tout ça pour dire que tant que ton pouvoir n’est pas connu des autorités, tu seras tranquille. Pour ma part, j’ai eu la chance de réussir à garder ça dans ma famille, mais s’ils t’ont trouvé, c’est que quelque part, t'as dû attirer leur attention."

Sur ces mots, il se leva, souleva l’un des draps recouvrant les meubles et ouvrit une commode. Il en sortit une paire de jean et un T-shirt.

"Tiens, enfile ça, ça sera moins voyant que tes fringues déchirées."

Alors que la main de Lucas se métamorphosait, les traits de Malik se détendirent petit à petit, et il finit par dire qu'il croyait le mutant, précisant même qu'il n'était pas le premier mutant qu'il croisait. Si Malik ne paraissait pas surpris, Lucas l'était déjà plus. Jamais il n'avait entendu parler de rapt de mutant de par la France... Il mit quelques temps avant de se rendre compte que son hôte venait de tourner les talons en l'invitant à entrer plus avant dans l'appartement modeste. Ils pénétrèrent dans une chambre proprette aux murs recouverts de vieux posters, où Lucas s'aperçut de quelques anomalies comme la table à repasser et des meubles recouverts de draps blancs, comme si la pièce n'était plus utilisée. Le lit semblait par ailleurs très net et il paraissait ne plus avoir été utilisé depuis un bon bout de temps.

Malik donna vite l'explication de tout ceci à Lucas en lui disant qu'il ne vivait plus ici, et que ça avait été son ancienne chambre lorsqu'il habitait encore là. Il parla aussi d'un travail dans un hotel minable à Paris qui ne payait pas beaucoup, mais qui le satisfaisait dans ses moyens actuels... Il embraya alors sur l'histoire d'une jeune fille... Soudainement, Lucas s'intéressa encore plus à la tournure que prenait la conversation, et il semblait avoir trouvé en Malik un allié utile en ces temps mouvementés de sa vie...

La fille en question, Alyssandre, était une mutante désespérée qu'il a sauvé du suicide en lui donnant de l'argent pour qu'elle aille aux USA, dans un institut spécialisé pour les mutants. Lucas fut presque estomaqué d'apprendre que ce genre d'école existait... Il n'en avait jamais entendu parler, ni par ses amis qui connaissaient son pouvoir, ni par ses recherches sur internet ou dans la presse française sur le sujet...

Il parla ensuite du fait que le pouvoir de Lucas avait été remarqué des autorités parce qu'il n'avait pas su le cacher, et le jeune homme s'en sentit responsable, un peu décontenancé, même si ça n'était pas de sa faute, et que les autres avaient découverts son pouvoir en même temps que lui, dans le parc...

Malik lui tendit alors des vêtements en meilleur état que les siens, auxquels il ne pensait même plus depuis l'accident, se concentrant uniquement sur sa fuite.
Lucas répondit enfin, un peu gêné de la situation...

« J'étais venu pour te porter de l'aide, mais en fin de compte, c'est toi qui m'est d'une grande aide... Mon pouvoir s'est révélé dans un lieu public... Je n'ai donc pas eu la chance de pouvoir le cacher... »

Il parut encore plus gêné et se saisit doucement des habits qu'on lui tendait. Il poursuivit en baissant la tête.

« Je n'étais pas non plus au courant de ce type d'institut... Crois-tu que je devrais y aller? Et sais-tu au juste ce que me veulent ces hommes du gouvernement? »

Malik eut une expresion compatissante. La galère des mutants, il connaissait.

"Bah, tu sais, on choisit pas quand ça nous tombe dessus. J'ai juste eu plus de chance que toi. On devrait même pas avoir à raisonner comme ça d'ailleurs..." répliqua le jeune homme en se tournant vers la fenêtre pour permettre à Lucas de se changer tranquillement.

"C’est assez récent je crois. J’en ai entendu parler dans la presse la première fois. L’ouverture de cette école a fait pas mal jaser. Aziz adore ça, il espère même être un mutant caché. Il a gardé tout un tas de vieux journaux. On va aller lui demander si tu veux."

Le mutant se tut puis reprit.

"Ton histoire de gouvernement... Je ne sais pas trop. Alyssandre c’était les flics qui en avaient après elle, mais quoi qu’il en soit, si j’étais toi, j’éviterai de me laisser prendre."

Il attendit que Lucas ait terminé de se vêtir, puis sortit de la pièce. Il frappa doucement à la porte de son petit frère, puis entra après y avoir été invité.

"On a besoin de voir ta collection de Sentinelle." lui dit-il après avoir jeté un oeil au cahier sur lequel travaillait le petit garçon. Le visage d’Aziz s’éclaira. Visiblement, ça l’enthousiasmait beaucoup plus que de faire son algèbre. Il se leva de son siège, se jeta à quatre patte devant son lit et tira une boîte en carton de sous le lit. Malik s'accroupit à ses côtés, et commença à fouiller dans la boîte. Il tendit quelques exemplaires d'un journal à Lucas.

Malik affirma d'un air compréhensif qu'il savait bien ce qu'était la galère mutante, et qu'il avait eu plus de chance que Lucas. Il se tourna ensuite vers la fenêtre pour laisser le jeune homme s'habiller, ce qu'il fit, un peu gêné de débarquer de la sorte chez un inconnu et de lui prendre vêtements et temps...Il se débarrassa des haillons qui ne lui servaient, il faut l'avouer, plus à grand chose, et enfila le T-shirt et le jeans que lui avait procuré Malik. Pendant que le jeune mutant se changeait, le maghrébin continuait de parler de l'institut évoqué peu avant... Il annonça même que son petit frère était un inconditionnel de ce genre de nouvelles et qu'il tenait en espoir d'un jour devenir mutant... Il conservait également des coupures de journaux parlant de ce domaine, et Malik proposa à Lucas d'aller les voir.

En attendant que le jeune homme ait fini de s'habiller, son hôte lui parla qu'il ne savait rien des hommes du gouvernement, puisque c'était la police qui cherchait son amie, mais lui conseilla de toute façon de ne pas se faire prendre, ce que Lucas avait fait jusqu'ici et comptait bien continuer...

Il finit de se vêtir et ensemble, ils allèrent frapper à la porte de Aziz qui parut ravis de cette incursion dans son domaine. À la demande de son frère, il apporta vivement une boite pleine de vieux journaux qu'il tendit au mutant avec un enthousiasme non feint. La boite était située sous le lit de l'enfant, et son frère s'était agenouillé à côté de lui pour l'aider dans ses recherches. Lucas se posta à genoux près d'eux et prit les coupures de presse qu'on lui tendait.

Il les parcourut rapidement, s'arrêtant sur certains articles qui attiraient son attention plus particulièrement, dévorant des yeux cette mine d'informations sur ceux de son espèce... Si il devait résumer la problématique mutante, il se confinerait sans doute au combat sans merci entre le professeur Zachary, un fervent opposant aux mutants et de Olivier Fleury, dont il comprit rapidement qu'il était le directeur de l'institut dont lui avait parlé Malik quelques instants auparavant.

Après son survol des articles, Lucas se sentit pris d'une bouffée d'angoisse... Son problème le dépassait et il avait peur de ne rien savoir y faire. Il se mit à avoir des crampes à l'estomac, de stress, car il ne savait désormais que faire pour sauver sa peau, fut-elle plus solide que de la pierre... Il pensa même un instant, blasé, à se confier de lui même à ses poursuivants qui n'auraient eu de cesse de le chasser à travers la planète comme s'il était un meurtrier... Il abandonna bien vite cette idée, mais ne sut que faire... Il regarda Malik et son frère avec un air implorant et un peu perdu...

« Et maintenant, que dois-je faire? »

Malik et Aziz avaient observé la réaction de Lucas. Le petit garçon avait d’ailleurs l’air déçu de ne pas lire plus d’enthousiasme sur le visage du mutant. Son aîné quant à lui, se contenta de se masser quelques instants le cuir chevelu comme ça pouvait lui permettre de trouver la solution idéale au problème de Lucas.

"A toi de voir... Si t'as de quoi te payer le billet, tu peux toujours faire profil bas dans cette école le temps que ces types t'oublient, ou alors tu disparais de la circulation, je ne sais pas... Comme je t'ai dit, je n'ai plus eu de nouvelles d'Alyssandre depuis son départ, c'était il y a environ 2 mois je dirais. Ces articles ne sont pas très élogieux, mais on ne peut pas dire que les gens nous apprécient trop."

Il s’interrompit puis haussa les épaules.

Lucas regardait les deux frères dans l'attente d'une réponse à sa question désespérée. Le petit paraissait déçu par son manque d'enthousiasme, et le grand un peu pensif... Celui-ci consentit enfin à répondre au mutant en lui offrant deux alternatives...

Soit il devait aller à l'école, soit autre part, mais certainement pas rester là, dans sa ville, pendant que ces olibrius le recherchaient.

« Je n'ai pas d'argent sur moi... Mais chez moi mes parents en ont... Le problème c'est que mon quartier est très certainement surveillé extrêmement par ces hommes et qu'ils ont tous en tête mon visage et ma description... Si je me pointe là-bas, il est certain que je me ferai prendre... »

Puis il marqua une pause, contraint à rester là sans savoir que faire... Mais bientôt, une idée germa petit à petit dans son esprit, et soudain, ce fut comme un coup de génie en lui... Seulement, il marqua un temps avant de la faire partager à ses hôtes, peur de la réaction de ceux-ci, peur de trop leur en demander, peur de les mettre en danger... Il finit par parler à Malik, d'une voix hésitante...

« La solution serait que quelqu'un d'autre y aille... Quelqu'un qui connaît mon problème... et... il n'y a que toi, Malik... Je ne veux pas te demander ça, mais c'est l'unique chance pour moi de partir au plus vite... »

Et il attendit la réaction du-dit Malik...

Aziz fit la holà à la proposition de Lucas. L'enfant semblait excité par une puce.

"Dis oui, Malik ! Une mission !" lui dit-il en sautillant partout. Son frère quant à lui, resta silencieux. Seul Malik pouvait juger objectivement des risques encourus.
Il resta ainsi à réfléchir quelques secondes, après lesquelles il attrapa son frère par le bras pour le rasseoir, avant de reprendre la parole :

"Très bien, j'irai. Je dois pouvoir sortir l'argent depuis l'extérieur si je sais précisemment où il est et qu'une fenêtre donne sur la pièce. Vous avez un jardin derrière la maison, une allée, n'importe quoi qui me permettrait d'accéder à chez toi autrement que par la rue principale ?" dit-il, une expression calculatrice sur les traits.

"Tu es conscient que tes parents croiront qu'ils ont été cambriolés ? Si on me pince, je vais passer un sale quart d'heure."

La réaction de Aziz fut au delà de toutes les attentes de Lucas. C'est presque comme si il avait bondit de bonheur en apprenant la nouvelle de l'intervention de son frère dans l'affaire, comme si il était un super héros à qui l'on confiait une mission de la plus haute importance. Malik, lui, garda le silence. C'était à lui que le mutant avait demandé un service. C'était lui qui avait l'expérience et la maturité pour dire s'il acceptait ou non la requête... Il parut réfléchir quelques instants, intiment à son frère de se calmer en se saisissant de son bras pour le faire asseoir, puis donna enfin sa réponse:
Il acceptait! Seulement, l'énoncé de son plan ne correspondait pas du tout à l'idée que Lucas s'était faite. Malik lui parlait de cambrioler ses propres parents avec l'aide de son pouvoir. Ce n'était pas vraiment ce que Lucas avait en tête... Il hocha la tête avant de prendre la parole

« Ce n'est pas tout à fait ça que j'imaginais...Ce à quoi je pensais aurait plutôt été que je te donne un mot que tu remettrais à mes parents et qui demanderait de me confier l'argent nécessaire pour que je puisse faire le voyage... Ainsi, tu ne devras même pas faire étalage de tes pouvoirs, ni même passer pour un cambrioleur, et les hommes en noirs ne te soupçonneront pas... »

Puis il marqua une courte pause avant de continuer...

« Mais si tu trouves mon plan plus risqué que le tien, il y a en effet une allée derrière chez moi par laquelle on accède via la rue voisine, et mon père range l'argent dans le bureau, à l'étage...Cette fenêtre est toujours ouverte, mais il faut accéder là-haut... »

"Hum... C'est sûr que ça m'arrangerait de pas avoir à me faire remarquer... Mais comment être sûr que tes parents me croiront ? Ils sont au courant de quoi au juste ?" demanda Malik en se levant. Il prit un des cahiers d'Aziz, l'ouvrit en son milieu et délogea une double page. Il prit ensuite un stylo dans la trousse de son petit frère.

"Tiens." dit-il en tendant le tout à Lucas.

"Je garde le reste en plan B. Si tes parents ne sont pas là ou qu'ils refusent de me croire, je n'aurai peut-être pas trop le choix, mais je peux laisser ton message à la place de l'argent si tu veux."