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Chambre de Claire et Kitty - Page 2 Empty Re: Chambre de Claire et Kitty

Mer 29 Avr 2009 - 9:22
Le cri d’Annaelle déchira l’atmosphère trop tendue de la chambre… Ainsi que les tympans adorés de Viconia. Levant les yeux au ciel, elle allait lâcher une réponse sarcastique lorsque… Un caleçon douteux lui tomba sur le visage en un « SPLACHHH » relativement inattendu.

Rabaissant le visage, le caleçon alla finir sa course au sol, tandis que la finlandaise tentait d’identifier l’ovni et comprendre ce qui venait de se passer.
L’objet puant était passé trop fugitivement sur la jeune fille pour lui imprimer son odeur, par contre la salle de bain commençait doucement à être convertie.
Le plus rapidement possible, elle attrapa les détritus qui appartenaient à Alixtide et les accumula dans un sac poubelle afin de les rendre ultérieurement à leur unique propriétaire.
Par contre, elle ne reprit pas ceux qu’Annaelle avait elle-même placés sur son sommet de crâne de peur de se faire à nouveau agresser pour interruption intempestive de rituel d’adoration tordu aux effluves Alixtidiennes.

Ceci fait, elle fit un nœud rapide au sac et le posa dans un coin de la salle de bain. Elle mit un peut plus de temps que la normale à effectuer cette action, tentant de percer pourquoi son postérieur commençait à devenir une attraction locale de l’institut. Mieux valait passer ce détail douteux sous silence et ne pas encourager ses fans à aller répandre la bonne parole. Grande princesse, elle tendit une main pleine d’humilité digne d’Annaelle et de ses talents d’actrice vers Georgia et lui affirma avec paix :
« -Non, merci, je refuse mon prix. Je propose de l’offrir à ceux qui en ont vraiment besoin dans ce vaste monde. »
Et, avec un regard entendu à Georgia, elle lui désigna Annaelle du bout du nez.

Sur ce, elle envoya un sourire amical à la québéquoise qui venait d’ouvrir un portail de réconciliation, et lui dit :
« -Désolée, cela aurait été avec plaisir [Si Viconia ne s’était jamais vraiment souciée de se faire ou refaire une beauté] mais j’ai des choses à faire. Mesdemoiselles, ce fut un plaisir ! »

Et sur dernière phrase plus vraie qu’elle ne l’aurait cru, elle quitta la chambre, lisant au passage le mot de Claire.

Fréquenter un Institut plein de surprises avait ses avantages au final, les filles qui avaient fait irruption lui avaient changé les idées de manière impromptue, et elle était à présent plus claire avec elle-même et avec ce qu’elle voulait faire.

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Georgia Beccaria
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Mer 29 Avr 2009 - 23:27
Georgia eut un frémissement de terreur qui lui parcourut l'échine : mais où était elle tombée ? Les deux filles semblaient aussi barrées l'une que l'autre et cette simple pensée la paralysa un instant : pour qu'elle, qui n'était pas un modèle en matière de santé mentale, puisse se rendre compte de ça, il fallait qu'un niveau incroyable soit atteint ! Ou alors, c'était elle qui s'était décidée à grandir et à se ranger des bagnoles ?

Et en plus, la québécoise semblait trouver du charme aux fesses de Paolo... Yurk !

Le départ de Viconia, juste après le déluge d'immondices alixtidiennes, l'attrista légèrement : elle était mignonne la rouquine, un peu autiste sur les bords, mais mignonne. Et puis la réticence de la finnoise à s'acoquiner avec Georgia poussait cette dernière à se dépasser, à faire reculer ses propres limites, le tout pour atteindre ses fins malhonnêtes...

Le ménage avait été fait. Et Annaelle proposait, programme ô combien palpitant de se refaire une beauté... Pourtant le portail était là, si tentant, si proche...

Gardant en tête le message de sa belle Juliette, Georgia décida de voyager sur Annaelle Airlines :

"Dis moi, ça te dirait pas d'aller en ville ? Me refaire une beauté bof, bof... On ira au cas dans les toilettes d'un café si tu veux... Une très chère et tendre amie m'en a conseillé un : l'Olympe. On n'a qu'à utiliser ton portail si ça te chante... Sinon j'irai à pieds !"

Fallait il prévenir le trio de mutantes qu'Annaelle les accompagnait, sa tête ornée d'un truc sale d'Alixtide ? Au pire sa présence serait rafraichissante... Au mieux, elle la présenterait comme sa propre disciple !
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Sam 2 Mai 2009 - 18:26
"Oui ça pourrait être sympa! On pourrait s'acheter plein de nouveaux vêtements, j'ai justement envie d'un nouveau top...à et aussi du maquillage! Très important le maquillage!! Je pourrai aussi m'acheter une nouvelle bourse! Celle que les filles mon données est franchement laide...mais je pouvais pas leur dire, ça aurait été trop chiant...Ah et on pourrait aussi cruiser des beaux mecs!! Ah oui, c'est vrai...des belles filles pour toi alors! Pis on pourrais aussi allez manger, qu'est-ce que t'en penses?! Dire que ça fait cinq jours que je suis arrivé et j'ai même pas encore faire du lèche vitrine!!! Ça va vraiment pas ben mon affaire...."

Le moulin à parole était reparti de plus bel. Ça prit au moins cinq minutes pour qu'elle arrête de parler, mais pas pour bien longtemps...

"Hiiii...Je parle trop moi là...Si ça continu on aura même pas le temps de faire les courses! Bon allez, on y va! Ah au fait, on arrête prendre un manteau en passant? Il fait plutôt froid dehors...."

Tendant ses paumes devant elle Annaelle fit réapparaître le trou. Ce trou qui l'avait amené un peu partout et surtout qui l'avait amené ici! La déchirure s'intensifia jusqu'à ce que les filles puissent passer l'une derrière l'autre.

Après que Georgia fut passée elle entra à son tour, sentant cette chaleur habituelle que lui transmettait son portail, juste avant de retourner au froid mordant du dehors pluvieux...

Arrow Centre-ville

[HRP]Je sais c'est pas bien long...Je te laisse poster ici, puis poste en première là bas aussi...[/HRP]
Georgia Beccaria
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Dim 3 Mai 2009 - 1:38
A l'origine perplexe devant le débit de paroles de son interlocutrice, Georgia devint rapidement admirative : Annaelle faisait partie de cette catégorie de personne pour qui il était nécessaire de raconter l'histoire du pourquoi et du comment la pizza était arrivée sur la table (à l'origine on la commande, puis quelqu'un la prépare dans un four, puis elle est arrimée sur un scooter qu'un gentil livreur conduit jusqu'à chez toi, puis il sonne et enfin je règle... ad nauseum) avant de demander si l'on en veut.

La New Yorkaise se frotta les yeux, puis regarda la québécoise à nouveau : Annaelle était une Georgia qui aimait se maquiller et les garçons. Et peut être, tout de même, avec moins de troubles obsessionnels du comportement.

Elle se décida, néanmoins, à se faire la voix de la raison :

"Minute papillonne ! On va déjà rejoindre Juliette et les autres au café... Et après on avisera sur ce qu'on fait ! Juliette est très sympa mais elle a son caractère bien à elle. Je sais la prendre..."

Petit sourire d'autosatisfaction.

"Mais, je sais d'expérience qu'il ne faut pas la noyer de paroles"

L'hôpital qui se foutait de la charité ?

"Moi aussi, je parle beaucoup... trop" avoua-t-elle. "Mais on va bien s'amuser ! Et tant pis pour le froid ! J'ai voyagé dans l'espace alors le froid terrestre, c'est juste un signe qui te rappelle que t'es vivante, ma belle..."

C'était parti pour un Annaelle Transfer. A son souvenir, Georgia n'avait jamais été téléportée... Mais tout cela restait très confus dans son petit crâne de piaf.

Et elle disparut dans le portail de la québécoise...

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Claire Miller
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Ven 15 Mai 2009 - 21:40
Hall Arrow

Claire entra dans la chambre et remarqua le désordre qui s’y trouvait. D’un regard autour de la pièce, tout ce qu’elle était partie oublier revenu en plus de ce qui s’était passé pendant son absence de la chambre. La muette pouvait presque sentir encore les traces d’agressivité et de douleur qui résidaient encore dans la pièce. Une fatigue l’envahit alors et son esprit se déconnecta de son corps. La jeune femme jeta par terre son imperméable et retira avec des coups de pieds ses bottes en caoutchouc. Ses vêtements étaient entièrement trempés et ses cheveux avaient pratiquement gelés dans des boucles lourdes qui lui collaient au visage. Sa vision se troubla. Comment ces larmes étaient-elles venues?

L’américaine se laissa tomber sur sa chaise de bureau, fixant les objets qui s’y trouvaient. Elle ne voulait pas cligner des yeux pour ne pas faire tomber les larmes. Mais ses yeux passèrent de son porte-crayon à une pince à cheveux. Claire la fixa quelques instants, ses joues froides se recouvrant d’une chaleur humide. La mutante avala difficilement sa salive, regardant cet objet gris pâle recouvert de petites paillettes à peine visible, que sa mère avait choisit pour aller avec sa robe de bal.

Le geste partit seul. Quelques instants plus tard, Claire regardait l’accessoire quitter le meuble pour être projeté vers le sol. Ce n’était pas que la pince. Cela aurait pu être n’importe quel autre objet qui lui aurait rappelé ce qui se passait. Une boule dans sa gorge qui ne voulait pas partir, ses yeux vitreux et joues humides, son diaphragme qui s’affolait; elle réalisa enfin qu’elle pleurait. Cette révélation encouragea encore plus les pleurs de la muette, qui appuya son front contre le bureau, sur un tas de feuilles vierges.
En silence. Toujours en silence.

En ce moment, elle en eut assez de ce silence. Elle aurait voulut crier de toutes ses cordes vocales. Si ce n’était pas pour son mutisme, il n’y aurait jamais eu de problème au départ. Les gens la comprendraient. Viconia aurait peut être voulut plus se confier à elle, en ayant un peu de feed-back. Elle aurait pu insister à savoir ces problèmes, lui taper les oreilles jusqu’à ce qu’elle craque et lui dise tout. Elle pourrait arrêter d’avoir l’air d’un singe à essayer de communiquer en bougeant constamment et en articulant exagérément. La tête toujours penchée, Claire attrapa son communicateur et appuya une dizaine de fois sur le bouton de mise en communication. Elle frissonna violemment et redressa la tête. Prenant le premier crayon qu’elle vit, elle se mit à écrire sur la feuille, mouillée de ses larmes et de ses cheveux.


Claire, sur le papier, a écrit: J’ai tout merdé, Vic. J’ai merdé avec toi, et avec Kalalli donc avec Joachim. C’était une journée merdique. Je ne peux même pas t’aider quand tu as des problèmes, et après je vais gâcher mes chances avec l’autre personne qui compte le plus pour moi ici. Y’a fallut que je veuille donner un bisou à Kala, et que je rate mon coup, pour qu’il parte sans rien me dire et que l’autre arrête de me parler. Et quand j’ai essayé de m’expliquer, ben il a rien fait. Je ne compte même pas pour lui. Pas comme il compte pour moi. Il en a probablement assez d’essayer de parler à un mime. Ce n’est surement pas le seul, vu comme Esther et Alixtide n’ont même pas fait attention à moi. Et les autres dans le Hall, on dirait qu’ils ont peur de me parler à cause que je ne parle pas. Est-ce que j’ai l’air aussi déficient que cela? Ce n’était jamais avant de souhaiter autant de pouvoir parler… Je suis invisible parce que je ne parle pas. Et je n’ai pas envie de te perdre. Je suis désolée de ne pas être une bonne amie pour toi. Je veux que tu saches que je t’aime vraiment très fort. Et j’aimerais que Joachim le sache aussi, mais je ne pourrai plus jamais le regarder en face. Je ne veux plus merder avec toi, Vic, je t’aime trop pour ca…

Les sanglots s’étaient amplifiés avec l’écriture. Se forçant à respirer, elle calma ses pleurs jusqu’aux soubresauts incontrôlables. Elle ne croyait pas vraiment que personne ne voulait lui parler… mais c’était comment elle se sentait en ce moment-même. Mais la douleur qui semblait serrer sa poitrine était bien réelle. La muette frissonna à nouveau aussi brusquement que la première fois. Sans vraiment y penser, Claire se leva sur ses pieds et enleva son t-shirt, ses jeans et ses chaussettes trempés. Si en plus il fallait qu’elle attrape une pneumonie… En sous-vêtements verts lime, elle se dirigea vers sa penderie pour attraper des vêtements secs. Elle enfila son gros pull rouge de sauveteur, puis retourna vers son bureau.

Claire, sur le papier, a écrit: Et en plus, je crois que je suis dans mes SPM…

L’américaine fixa la dernière phrase sur le papier et se remit à pleurer en s’appuyant contre le bureau. Hormones ou pas, elle se sentait pitoyable. C'était donc cela? Elle l'aimait? Pourtant, elle avait aimé des gens dans sa vie; sa chère Patricia, Bobby.. Mais jamais elle avait eu aussi mal. Elle arrêta de pleurer, et redressa la tête pour regarder à l'extérieur la pluie tomber. Comme une éclair de génie, la muette pensa à quelque chose... Elle devra parler à Kate...
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Lun 23 Nov 2009 - 15:29
Arrow Centre commercial

« Les objets ne parlent pas… Pas avec des mots »

Après cette affirmation de Yanis, la finnoise ne pût s’empêcher de lui lancer un sourire en coin tout en tapotant son nez d’un air malicieux. Cela, tout dépendait du contexte.
« -A ta place, je n’en serais pas si certain… »

Avec un petit coup de pouce, tout était possible, il suffisait que l’esprit soit suffisamment réceptif… Et elle ne doutait pas que le jeune homme plutôt inexpressif qui lui faisait face le fut. Tel un bon joueur de poker, il cachait plutôt bien son jeu et sa créativité toute multi adaptée.
Elle le détailla deux secondes, puis remballa ses lunettes dans la poche kangourou de sa salopette.

Elle eut un clin d’œil à son intention lorsqu’il lui affirma posséder les bons outils pour le travail manuel. Parfait. S’il était prêt à mettre la main à la glaise, alors la conjection planique pourrait éventuellement être sublimée.

L’élan créatif lui donnait des ailes et elle piétinait d’impatience.
C’était comme si sa décharge émotionnelle sur Nathan et la porte qu’avait ouverte Yanis grâce à sa surprenante main multi-usages lui avaient permis de devenir plus légère. De mettre de côté les soucis émotionnels et matériels afin de se focaliser uniquement sur une chose : l’Art.
Il se trouvait qu’en plus, Yanis semblait être un co-visionnaire plutôt branché sur les fréquences adaptés.

D’un pas que l’on pouvait qualifier de… Sautillant ( ?) la jeune fille posa un billet dans la main de la tenancière acrimonieuse et repartit en sens inverse, lâchant un joyeux :
« -Que votre charmant estaminet soit béni et perdure à travers les plans, brave tenancière ! »

Elle n’avait jamais dû effectuer le trajet aussi vite alors que, le long du chemin, elle énumérait à Yanis les différents outils qui pourraient être utiles. Et ce, bien évidemment, complètement inconsciente du fait qu’elle l’avait enrôlé plus ou moins de force.
Qui ne dit mot consent.

Victorieuse, elle ouvrit la porte de sa chambre et jeta un regard interrogatif à l’intérieur. Pas de Claire… Elle lui montrerait, elle lui raconterait. Mais pour lors, ils ne devaient faire qu’une chose : se focaliser sur la subtilité.
« -Entre, entre, tu peux jeter tes trucs humides dans la salle de bain. »

La rouquine elle-même dégoulinante jeta la veste de Nathan sur son lit et fit sauter désinvoltement ses chaussures immergées. La jeune fille n’accorda pas un regard à la tâche humide qui commençait à s’étendre de manière pernicieuse sur les draps.
Elle commençait déjà à vider ses poches et se jeta à quatre pâtes sous son bureau afin d’aller vérifier son stock de glaise.
Sur le chevalet, une toile sur laquelle une personne en plein trip avait dû se défouler rageusement. A priori le créateur n’avait pas été satisfait des ombres grises et bleutées jetées de manière improbable sur la toile.
Sur le bureau, un pêle-mêle de cartons, outils de découpe, supports papiers différents et gros pots contenant pastels, crayons et autres stylos de dessin. Au milieu du plan de travail, une brique et un bambou, plantés là comme se défiant du regard, hors contexte.

Alors que la finnoise trifouillait en jurant, elle lança depuis son terrier :
« -Je ne peux me focaliser sur une quantité… Tu te rends compte ? Il faut être subtil pour pouvoir les observer… Mais parce qu’ils le sont, subtils. Donc fins, donc presque intangibles… Peu de matière ? Quoique, on ne sait jamais…»
On l’entendit tenter de décoincer quelque chose, puis de jurer en finnois et en anglais à propos d’un doigt qui commençait à lui échauffer les potirons et de ses mains trempées.

Puis elle tenta de commencer à extirper un carton coincé sur le bureau qui contenait un bloc d’une substance grisâtre. De l’argile.

D’ordinaire, elle creusait ce dont elle avait besoin dans le carton qu’elle avait coincé là à force de coups de pieds bien placés.
Mais pour lors, elle voulait visiblement se faire tout le carton...
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Lun 23 Nov 2009 - 20:57
Yanis avait suivi Viconia hors du salon de thé sans demander son reste ; le personnel devait les voir d'un drôle d'oeil maintenant, surtout après sa prise de congé assez peu conventionelle, que l'Algérien ne comprit d'ailleurs que partiellement.
Suivre Viconia, c'était un peu comme ce qu'il s'imaginait être les montagnes russes. Des ascensions qui le rapprochaient du ciel, puis des descentes vertigineuses dont le circuit lui était inconnu, le tout à une vitesse folle.
L'artiste avait été survoltée tout le chemin de retour, énumérant sa boîte à outils. Elle marchait d'ailleurs rapidement, et Yanis avait calqué son pas vif avec satisfaction. Plus ils marcheraient vite, moins ils resteraient sous la pluie, cela limitait ses chances de mourir électrocuté avant d'avoir pu donner corps à leur projet. Néanmoins, il resta plutôt calme malgré son propre intérêt pour l'oeuvre en gestation, hochant simplement la tête de temps à autres pour signifier qu'il enregistrait le flot de paroles de Viconia, aussi continu que la pluie diluvienne. Elle parlait assez pour deux.

Ce qu'elle avait sous-entendu avec malice en sortant du café trottait toujours dans l'esprit du mutant. Elle avait eu l'air sûre d'elle. En vérité, aussi sûre d'elle que lorsqu'il lui avait certifié disposer d'outils. Rien de plus simple, il n'était qu'un couteau suisse ambulant, autant que cela serve. Mais elle, qu'était-elle ? L'incident dans la chambre suggérait que son pouvoir n'avait pas de manifestation physique. Il ne verrait donc pas les objets s'animer réellement. Mais Viconia semblait désireuse de conserver sa part de mystère.

Une fois de retour à l'Institut, elle le mena dans le dortoir des filles. C'était la première fois que le jeune homme était invité dans la chambre d'une fille, à part bien sûr sa petite soeur, avec qui il avait longtemps partagé sa chambre quand il était encore considéré comme un membre à part entière de la famille Elbaz. Il eut l'impression embarrassante de ne pas être à sa place, comme un garçon dans le hamman réservé aux femmes. Pourtant, il savait que les moeurs étaient plus libre en Occident, il devrait probablement s'y habituer.
Sur le seuil, il retira immédiatement ses sandales dégoulinantes pour se retrouver pieds nus, puis embrassa la pièce du regard. Elle n'avait pas menti, sa colocataire et elles s'en étaient données à coeur joie sur les murs. L'impression générale était celle d'un grain de folie. Du côté du bureau régnait un certain désordre, mais à voir Viconia s'échiner immédiatement sous la table pour en extraire le carton d'argile, elle savait précisément où chacune des choses était. Il regarda un instant la toile avortée et hocha pensivement la tête. Cela confirmait ses déductions jusqu'ici. Ce projet était en souffrance, elle devait avoir fait un certain nombre d'essais infructueux. Lui, il avait l'habitude de prendre son temps pour travailler. Ayant arrêté ses études par la force des choses, il n'était soumis à aucune date butoir pour terminer ses travaux, aucune contrainte particulière. Ce devait être un travail noté... ou payé. Dans les deux cas, il enviait la Finlandaise.

"C'est pour l'école, c'est ça ?" demanda-t-il en posant son sac plastique et ses sandales contre le mur, près de la porte. Il fit quelques pas, avec la désagréable sensation des vêtements trempés qui collaient son corps, puis s'accroupit près de la jeune fille. Il posa sa main sur son bras, et dit simplement :

"Laisse."

Ce genre de travaux ingrats incombaient aux hommes. Cela lui rappelait les boulots de manutentions qu'il avait fait au noir sur des chantiers. Il saisit fermement les rebords du carton à pleines mains afin de ne pas risquer de le déchirer, puis le délogea de sa tanière. Il n'avait jamais travaillé sur ce support, il se demandait maintenant s'ils parviendraient à lui donner forme. Il écouta les commentaires de la jeune fille en la matière.

"Tout dépend de l'échelle. Il faut commencer par le début. Tu veux une sculpture à taille humaine ?"
demanda-t-il.

Yanis entra ensuite dans la salle de bain avec précaution, retira son T-shirt, et l'essora au-dessus du lavabo. Son visage capta son attention dans la glace. Le message tatoué sur son front s'était évanoui comme il était venu. Il se souvenait du travail en chantier sous le soleil de plomb d'Algérie. La plupart du temps, les manutentionnaires oeuvraient torse nu. Il contempla son T-shirt. S'il gardait sur lui ses vêtements trempés, il attraperait peut-être la mort. Mais d'un autre côté, après ce qu'elle avait vécu dans la chambre avec Nathan, Yanis se dit qu'il risquait de heurter la sensibilité de la jeune fille, et ainsi mettre à mal leur projet... Dilemme. Il pencha la tête vers la chambre, et sembla chercher quoi dire.

Puis finalement :

"Je n'ai que ces vêtements." dit-il de sa voix mécanique.

Cette révélation en amena une autre. Il risquait de ruiner ses seuls vêtements avec la glaise. Ce matériau n'était peut-être pas une si bonne idée, finalement.
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Lun 23 Nov 2009 - 23:32
Viconia laissa bien volontiers la tâche d’extraction à Yanis, surtout qu’elle commençait à sentir que ses propres mains imbibaient le carton… Et le fragilisaient de cette manière.
Se redressant, son regard tomba à son tour sur sa toile avortée.

Rougissant, elle s’en voulut de ne pas l’avoir défenestrée la veille. Tout n’était que confusion dans la représentation. Elle avait cherché, comme un enfant sondant des eaux marécageuses avec un simple bout de bois. Elle ne savait pas trop ce qu’elle cherchait alors, mis à part une bonne note, bien entendu.
Afin d’assaisonner le tout, Claire avait fait une de ses crises nocturnes habituelles au cours de la deuxième couche, et elle avait été d’intervention rapide, laissant là son travail avorté.

Tandis qu’il était dans la salle de bain, elle lui répondit après une pause contemplative. Son ton était sérieux :
« -Oui, pour l’école… Je suis en Arts et ce travail va décider si je suis apte à arpenter les cercles suivants de la créativité industrielle américaine ou non. »

Elle avait lâché cette affirmation sèchement. Plus cela allait plus les travaux avaient été abstraits et elle avait eut cette impression désagréable d’être la petite mouche piégée dans la grande toile d’araignée tendue sur le placard.
Pensivement, elle alla malaxer le dessus de son stock d’argile. Quelques gouttes descendirent le long de sa main, et se mêlèrent à la masse grisâtre, rendant la surface un peu plus lisse.
Elle remonta ses doigts à ses yeux et eut quelques mots rêveurs :
« -A taille humaine, tu imagines … »

Elle frissonna. Elle ferait mieux de se changer également où bien les primaires réactions inflammatoires allaient altérer son aptitude au travail.
Ouvrant son placard à la recherche de Salopette de Travail Numéro 2 (STN2 : la bordeaux avec les grandes poches latérales sur les cuisses et les bretelles larges et solides) et d’un sous pull de guerre (le violine à poix bleu ciel). Les deux ayant l'aspect d'avoir déjà vécu mille et une vies.

Entendre la voix de Yanis la fit sursauter, et elle lui envoya un sourire simple en tendant le cou vers la salle de bain pour croiser son regard. Il se souciait des côtés pratiques et semblait savoir que l’on n’affrontait pas la glaise sans armure. Bien bien.

Aussitôt dit, aussitôt fait, elle fut à quatre pattes face à la dernière étagère de son placard. Elle alla tout au fond, et en extirpa un Jean qui avait l’air d’être de haute couture choisi avec goût ainsi un tee-shirt totalement passé d’usage prônant les mérites d’un groupe new-age à l’aide d’un logo abscond.
Les deux n’allaient pas du tout ensemble et n’étaient pas de la même taille. Pour cause, ils n’appartenaient pas à la même personne.
Viconia avait tendance à parfois ramener quelques souvenirs non voulus de ces soirées « détente, ne pensons à rien et buvons à la Finlande et au plaisir» passées en compagnie de modèles d’anatomie.
Ils avaient en effet toujours cet air de vouloir s’exhiber et se déshabiller au plus vite, tandis qu’elle-même avait toujours un grand besoin de chiffons à térébenthine. Comme quoi, chacun finissait par obtenir ce qu’il voulait à l’issue de ces soirées sans complexes.

« -Tiens, ça ne craint rien. C’était des carrures plutôt imposantes, ça devrait être assez grand. »

Doux euphémisme, Mike ? Charles ? Ou Miles quelque chose ? … Etaient deux modèles professionnels body-buldés, avec tout dans les muscles et la plastique… Et pas grand-chose d’autre. Mais il fallait savoir ce que l’on voulait et quand.
Si Viconia avait parlé au passé c’était parce que leur existence, comme d’autres, était relativement secondaire. Cependant elle devait reconnaître qu’ils avaient participé à son équilibre à un certain moment d’une longue passade ennuyeuse.

Mais trêve de digressions.
Viconia tendit sans gêne à Yanis son équipement, et attendit qu’il disparaisse à nouveau dans la salle de bain pour passer son propre accoutrement sec avec célérité et maitrise.

Le temps d’essorer ses cheveux au-dessus du carton de glaise et de les enrouler en un petit boudin sur le sommet de son crâne, elle se pencha avec gourmandise sur le carton.
Si jamais elle décidait de faire une représentation à taille humaine, il allait falloir un peu plus que ça… Il lui fallait un élément de comparaison…

Elle tira un film rigide de protection des sols réservés aux travaux au milieu de la chambre.
Prenant de la glaise dans ses deux mains, elle attendit que Yanis la rejoigne et mit les bras en l’air au milieu du carré.

« -Là, ce serait proportionnel ? Je ne sais pas… Une statue taille humaine ça ne fait pas un peu lourd à transporter ? » Certes, on pouvait comparer avec les toiles de deux mètres par trois. Mais dans ces cas-là, c’était du sur-place à l’école.

Des gouttelettes visqueuses lui glissaient le long des mains et perlaient sur le sommet de son boudin de cheveux écarlates tandis qu’elle maintenait la position pour que Yanis se repère.
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Chambre de Claire et Kitty - Page 2 Empty Re: Chambre de Claire et Kitty

Mar 24 Nov 2009 - 1:27
Yanis attrapa les vêtements en remerciant sa camarade. Il n'était pas mécontent de quitter ses habits mouillés, qui lui rappelaient l'éprouvante marche sous la pluie à chaque instant. Il disposa son T-shirt et son jean sur le radiateur de la salle de bain et enfila ce que Viconia lui avait donné. Elle avait vu juste : l'Algérien dégingandé flottait dans le pantalon, qui perdait ainsi sa coupe classieuse pour bailler à la manière d'un baggy, se raccrochant de justesse à ses hanches. Même topo avec le T-shirt, mais son style grungy était déjà un peu plus adapté. Le jeune homme se regarda dans la glace. Il avait l'air ridicule, mais son apparence était le cadet de ses soucis. Il toucha néanmoins le tissu du pantalon pensivement. Il n'était sûrement pas le seul garçon à être venu dans cette chambre apparemment. Pourquoi devrait-il s'en préoccuper ? Cela ne le regardait pas. Il remplaça donc cette pensée fugitive en remarquant que le jean était de bonne facture. Il lui faudrait acheter quelques affaires avant le départ avec les JustiX, des vêtements de rechange seraient les bienvenus. C'était plus productif de penser aux détails matériels.

Une fois prêt, Yanis sortit de la salle de bain en se passant les deux mains dans les cheveux pour pour les rabattre en arrière. Autant dégager sa vision pour le travail à venir.

"Tu as besoin de l'accord de quelqu'un pour créer ?" demanda-t-il tout en regardant à nouveau la toile avortée. L'idée d'étudier les arts lui avait toujours fait envie, mais à la façon dont Viconia avait présenté les choses, il s'agissait là plus que d'étudier. Son travail était jugé. Et cet état de faits avait l'air de l'affecter, d'une certaine façon, donc par extension, son oeuvre elle-même. La preuve était qu'elle avait fait appel à un élément extérieur, l'empreinte de l'oeuvre qu'elle présenterait à ses professeurs serait donc fatalement différente d'une oeuvre qu'elle aurait créée seule.

Le nano-mutant s'approcha du centre de la pièce en remontant son pantalon. La Finlandaise avait pris le soin de protéger le sol d'un film. Elle s'était également changée, et portait maintenant une tenue de travaux. A voir toute cette logistique, il y avait une certaine discipline et organisation autour de la jeune fille. L'ordre et le chaos. Croisant les bras sur sa poitrine, il tourna autour du carton, tout en réfléchissant aux dimensions, puis rendit son verdict.

"Si, à taille humaine, ce sera lourd." répondit-il sans détour.

"La question, c'est de savoir si tu te plies au support, ou si tu plies le support." ajouta-t-il en prenant quelques mesures dans l'air à partir du repère que Viconia lui donnait, tout en laissant la rousse réfléchir à ce qu'elle voulait. Après tout, il n'était que le consultant. Il se voyait plutôt comme les fondations de leur travail, une base solide et fiable sur laquelle pourrait venir s'exprimer, se déposer la créativité de Viconia. S'affairant silencieusement, il tira son brouillon du sac plastique, ainsi que son crayon de papier, puis prit quelques chiffres en note sur le bureau. Il s'approcha ensuite de la fenêtre, réitéra ses mesures à bras levé au niveau de l'encadrement, puis ouvrit la-dite fenêtre. Ce faisant, il ne put s'empêcher d'avoir un léger mouvement de recul devant la tourmente à l'extérieur.
Il avait survécu à leur marche sous la pluie, sa crainte semblait pour l'instant irrationnelle. Il devait prendre sur lui et faire ce pourquoi il avait ouvert la fenêtre. Se ressaisissant, Yanis passa la tête au dehors pour voir sur quoi donnait la chambre en contrebas.

Enfin, il referma la fenêtre, nota encore quelques chiffres, puis annonça :

"Marcin nous a prouvé que vos fenêtres sont idéales pour défenestrer quelqu'un."
dit-il sur le même ton que d'habitude, ce qui vu la voix dont il était affublé, pouvait faire froid dans le dos. "Au besoin, je devrais pouvoir faire descendre la statue dans le jardin."

La logistique ne devait pas influer sur leurs choix, du moins, le moins possible. A chaque problème, il y avait une solution adaptée, un protocole à suivre.
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Mar 24 Nov 2009 - 19:15
Avoir besoin de l’accord de quelqu'un pour créer…
Aïe.
Yanis avait tapé juste. Par réflexe, la jeune fille serra les deux mains, provoquant un petit « squick » humide du à la terre passant entre ses doigts.
« -Tout n’est pas toujours aussi simple… »

Elle avait parfaitement conscience d’être dans un carcan rigide et de plus en plus souvent effectuer un travail conforme à ce que ses professeurs attendaient plutôt que de s’exprimer elle-même.
Tout était si différent d’Helsinki. Là-bas, chacun avait son projet, qu’il fut complètement décalqué ou non. Ils s’y jetaient à cœur perdu puis le présentait. Cela passait ou non, mais du moment qu’il y avait une réflexion derrière, cela intéressait en général, les artistes finnois étant d’avantage dans l’idée de création innovatrice.

Jusque là, Viconia avait toujours eut de très bon échos sur son travail. Tant sur le choix du sujet dans son temps, que dans la réalisation.
Seulement jusque là, Viconia avait toujours utilisé inconsciemment son pouvoir de projection visuelle afin d’imprimer exactement ce qu’elle désirait démontrer dans l’esprit de son jury.

Depuis l’abstinence et le transfert, tout allait de travers.

Toujours debout les mains en l’air, elle voulait hurler à Yanis que plier le support était tout ce qu’elle avait toujours désiré faire, partir en free style et ne se soucier uniquement que de ce qu’elle ressentait. Mais elle s’était déjà elle-même cassé les dents sur la réalité américaine.

Elle toussota et avoua, penaude, les mains toujours ridiculement en l’air (elle ne savait pas s’il avait fini de prendre les mesures) :
« -Tu sais, je ne roule pas sur l’or, et mes parents, n’en parlons pas… Le prix des études ici est exorbitant, et on ne peut rien faire sans avoir un diplôme qui nous tamponne « VALIDE »… »

Elle fronça un sourcil et tenta de mettre en ordre ses pensées :
« -Ici, je suis réfugiée aux frais de la princesse à l’Institut, et on me permet de faire des études.
Si je claque tout pour ne vivre que d’un art dont je ne suis pas sûre d’avoir des réponses dans la population locale… »

Elle eut une pensée pour sa mère qui l’avait toujours encouragée à saisir des pinceaux et refaire la déco des tables du café. Si la petite Taru revenait les mains vides, la queue entre les jambes et sans avenir…
« -Je me dois de me plier à leurs exigences. Pour pouvoir perdurer et vivre de ce que j’aime, il faut, même si cela m’insupporte, que je sois tamponnée « BON POUR S’EXPRIMER »…
Et je pourrais alors leur dire que j’ai été diplômée en leur nom… »


La jeune fille frissonna. Cela était certainement dû au courant d’air tonitruant que Yanis avait laissé entrer. Mais elle ne pût s’empêcher de visualiser la petite salle aux néons clignotants du café unique de Lapeeranta.
Son père, monomaniaque de la propreté, récurant le comptoir, tandis que sa mère mettait le vieux Sarajen dehors, sa chevelure flamboyant en contraste avec les murs gris.
Si elle pouvait ensuite retourner en Finlande et vivre de son art… Retourner dans les étendues glacées… Retourner titiller leurs habitants si caractériels… Et tout leurs petits travers.
Elle avait toujours aimé observer les Hommes et leur Vie. La manière dont ils s’en accommodaient, tout en arrondissant les angles afin qu’elle s’adapte à leur caractère.

Pour cela, elle aimait aussi, en un sens, les missions de l’Institut. D’autres mutants, d’autres civilisations, d’autres priorités…
Et si, au lieu de rentrer sur sa terre natale, elle allait rencontrer les Hommes, Mutants ou non, de partout. Observer, exprimer, essayer de les faire comprendre, s’intéresser.
Ses parents avaient toujours voulu lui inculquer l’autre. Si elle s’épanouissait dans l’art, alors ils seraient heureux pour elle… Enfin, tout cela si elle n’oubliait pas de ramener un alcool du bout du monde à Noel.

Alors qu’il refermait la fenêtre, elle releva les yeux vers lui en se secouant et eut un léger sourire amusé.
« - Ce sont tes fenêtres également, à présent, tu le sais ? »
Elle eut envie d’ajouter que le grand saut serait à tester un jour, mais elle se ravisa. Elle ne connaissait pas vraiment ses tendances humoristiques, et il avait quand-même l’air de prendre souvent les choses très au sérieux.

« -Alors va pour la taille humaine… »
Un furtif éclair de joie passa dans ses yeux verts tandis qu’elle se dépêchait d’aller mettre son nez dans le carton de glaise.
Pour le coup elle était plus que contente d’être tombée sur Yanis, comme quoi les rencontres à la croisée des plans étaient plus que conseillables.

« -Tu … Te plais ici ? Je te concède que tu n’en a pas vraiment vu le meilleur… »

Trifouillant l’argile pour le rendre malléable, elle eut une légère grimace au rappel des évènements successifs de l’après-midi.
Elle devait s’assurer qu’il n’avait pas envie de fuir.
Il restait si peu de temps pour rendre le travail… Et puis, il fallait l’avouer, c’était un sacré stimulateur mental et annihilateur de contraintes accessoires.
Jusqu’ici, elle avait été la seule à dévaliser Térébenthine and Co de manière cyclique. Il y avait a priori d’autres artistes à l’Institut, mais personne avec qui elle avait encore pu travailler ou communiquer interplanique.
Vraiment elle devrait s’assurer qu’il resterait, même si elle devait pour cela lui donner les vêtements qu’elle voulait jadis conserver pour éponger.
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Mer 25 Nov 2009 - 14:55
Immobile près du bureau, Yanis écouta attentivement la réponse de Viconia. Elle lui dépeignait un tableau culturel de leur terre d'accueil, et le mutant enregistra chacune de ses paroles. Elles lui étaient capitales pour mieux saisir le fonctionnement de cette société qu'il n'avait connue que par la télévision, et à travers le filtre d'une culture fondamentalement anti-américaine.

"Alors, vous allez tous à l'école ?" releva-t-il, en remontant à nouveau son pantalon. Si c'était vrai, cela signifiait qu'il pourrait peut-être reprendre lui-même sa scolarité. Mais cela nécessiterait certainement une remise à niveau importante, voilà trois ans qu'il n'avait plus mis les pieds dans une école. Le raisonnement de Viconia lui parut satisfaisant et stratégique, dans tous les cas. Elle avait choisi une voie restrictive mais qui lui ouvrirait des portes sur le long terme. Sa camarade n'était pas calibrée que sur l'instant présent, elle savait voir plus loin. Cela signifiait qu'elle avait l'impression d'avoir un avenir ici, et qu'elle ne se voyait pas morte d'ici quelques jours. Rassurant. Lui, il avait plutôt vécu au jour le jour. Son plan le plus important jusqu'ici avait consisté à se cacher à l'hôpital psychiatrique, et cela n'avait duré que quelques mois. Maintenant qu'il était à l'Institut, si tout se passait bien, il resterait sûrement plus que trois mois. Il était peut-être temps de voir plus loin que le carpe diem et d'assurer sa subsistance sur le long terme ?
Viconia venait de lui apporter une nouvelle perspective. Pour équilibrer les choses, il prit sur lui d'en faire de même.

"Je comprends." commença-t-il pour confirmer les informations qu'elle lui avait données. "Mais sache qu'on peut vivre de son art." ajouta-t-il pour nuancer le débat. Bien sûr, les portraits de touristes qu'il faisait parfois en Algérie ne payaient pas de mine, et étaient loin des critères artistiques académiques, mais ils avaient une valeur marchande qui l'avait aidé à survivre durant la saison touristique. C'était une chose à laquelle n'avait jamais cru son père, raison pour laquelle il lui avait toujours caché ses dessins. L'art était pour les oisifs, les occidentaux. Les gens honnêtes bâtissaient des choses utiles de leurs mains.

Yanis tourna la tête vers la fenêtre lorsque Viconia lui indiqua que les fenêtres lui appartenaient aussi. Il comprenait sans parvenir à se sentir chez lui. Les fenêtres avaient une hiérarchie d'appartenance, et Yanis pendouillait en bout de chaîne. Elles appartenaient à l'Institut, celles de sa chambre plus particulièrement, appartenaient ensuite à Nathan. Et compte tenu de l'impression préliminaire qu'il avait sur son colocataire, il ne se sentirait pas chez lui avant un certain temps.

"Ce n'est pas chez moi. Je n'ai pas de chez moi."
répondit-il de façon neutre, tout en s'approchant du carton de glaise, comme si de rien n'était. Au souvenir qu'il en avait, son chez lui, il l'avait perdu en mutant. Sous un point de vue humain, chez soi, ce n'était pas simplement un toit sur la tête : c'était la chaleur d'un entourage, la sécurité. Aujourd'hui, il aurait été incapable de ressentir la chaleur d'un entourage même s'il y avait été baigné. Ne restait pour lui que le besoin de sécurité. Il n'aurait plus de chez lui dorénavant, il avait perdu ce qui permettait de percevoir le foyer. Il n'aurait plus que des toits sur la tête. Une machine n'avait pas besoin de plus, mais un être humain...

Observant l'argile, le nano-mutant se demandait s'il ne serait pas plus simple de retourner tout le carton et de découper le superflu quand Viconia lui posa une question. C'était la première fois depuis son arrivée qu'on lui posait ce type de question. Il chercha quelques instants le terme exact, puis mit le doigt dessus : une question de type personnel. En vérité, cela faisait même bien plus longtemps que cela qu'on ne lui avait pas posé ce genre de question. A l'hôpital, tout n'était que questions fonctionnelles, et cela le dispensait de réfléchir.
Yanis ne répondit pas tout de suite, laissant la question tourner en tâche de fond dans son esprit. Il se saisit plutôt des rebords du carton, s'accroupit aux côtés de Viconia, et le souleva en se servant de ses jambes et non de son dos, comme il avait appris à le faire sur les chantiers. Les ouvriers ne faisaient pas long feu s'ils forçaient sur leur dos.
Cétait lourd, aussi le fit-il rapidement basculer sur la toile plastique, comme on fait un pâté de sable. Le démoulage serait sûrement plus difficile, la glaise collait aux parois.

Modelant son index gauche en une petite lame de la dimension d'un cutter, il découpa les arêtes du carton et démoula patiemment la glaise. Il laissa son doigt reprendre sa forme classique et entreprit de plier consciencieusement le carton ; il pouvait resservir.

"J'ai vu pire." dit-il finalement, le visage concentré sur ce qu'il faisait. S'il comparait les conditions de vie qu'il avait quittées, il était clair qu'il était déjà, en 24 heures, mieux loti qu'il ne l'avait été à l'HP. Mais plaire était un terme subjectif, et Yanis s'interrompit dans sa tâche, réfléchissant à ce qu'il pourrait dire de subjectif, de personnel pour répondre véritablement à la question de Viconia.

"C'est... différent." fut tout ce qu'il trouva de pertinent à répondre.
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Jeu 26 Nov 2009 - 22:48
Alors qu’elle se saisissait de quelques ustensiles sur le bureau, les prenant pour les identifier d’un œil, puis les reposant, Viconia analysa la question scolaire de Yanis.
« -Je crois bien que oui… Du moins la grande majorité. »
Elle détailla une épongette télescopique, fronça une narine et la reposa.
« -Nous sommes jeunes, et les études garantissent notre intégration, voire notre légitimité future.
Nous sommes un investissement d’avenir pour cette institution… »


Elle passa quelques ustensiles dans son chignon et alla s’asseoir sur la bâche, à côté de Yanis et du carton :
« -Je t’encourage à en choisir également. Cela permet de se polariser sur autre chose que notre mutanité… Et surtout d’éviter de ressasser des souvenirs glauques de mission en restant toute la journée dans ces murs. »

Son regard verdâtre tomba quelques secondes sur le lit de sa colocataire. Meuble qui n’avait pas accueillit de vrai repos depuis un moment maintenant.
Il était plus important que tout de diversifier ses activités, d’éveiller son esprit sur différents aspects du Monde. Du Monde dans sa globalité : Mutant et non Mutant. Et puis rester trop focalisé sur soi n’était jamais très bon.

Elle lui envoya un sourire navré en haussant les épaules lorsqu’il lui assura que l’on pouvait vivre de son art. Elle le savait. Elle savait simplement qu’il y avait certaines conditions, et que pour s’épanouir vraiment, il fallait optimiser ses chances.
Et lui ? Quelque chose qui l’intéresserait ?
Le théâtre peut-être ? Elle était persuadée que cette voix aux accents métalliques pourrait éventuellement intéresser une de ses connaissances (décalquée) qui pratiquait cette discipline.
D’un coup, elle se dit qu’elle aimerait beaucoup l’entendre chanter. Cela devait avoir quelque chose de terriblement interplanique.

La voix de Yanis ne perturbait en effet pas plus que cela Viconia.
La première fois où il avait ouvert la bouche, certes, le « copier » n’avait pas trop été en accord avec le « collé ».
Vu son physique, on s’attendait d’avantage à une voix chaleureuse du sud et non une voix froide qui lui faisait penser aux bords coupants des rivages glacés en hiver.
C'était tout compte fait comme de transférer les blessures, se téléporter ou lire dans les pensées: improbable, mais vrai.

« Pas de chez lui ».
Alors le pays du soleil d’où son physique clamait qu’il devait provenir n’abritait pas un quelconque café, un quelconque village gris qui lui procurait cette sensation que Viconia appelait le « mal du pays ».
Un endroit où les autres auraient les bonnes bases pour vous comprendre. Un endroit où vos réflexes archaïques étaient à peu près les mêmes que ceux de la population environnante.

L’observant faire méticuleusement avec le carton, le sourcil gauche de Viconia atteint des sommets.
Si d’aventure elle avait été douée de cette capacité, elle aurait réduit considérablement ses frais d’études… Est-ce que si elle appuyait sur son nez, il serait capable de lui produire du gris taupe ?

Elle s’installa à côté du nouveau pâté de glaise comme une petite fille prête à faire un château de sable. Elle releva les manches et mit ses jambes de chaque côté du tas, en face de Yanis.
Elle tritura la masse tout en réfléchissant à sa propre arrivée à l’Institut.
Fuite du pays, parents au courant de rien, pas de moyens, un tas de mutants vivant dans une sorte de colonie de vacances, une station orbitale sanglante.

« -Chez moi, ce n’est pas ici.
Les paysages ne sont pas suffisamment tranchés, les mentalités un peu moins subtiles… Pas assez de poisson. »

Elle fronça les sourcils et dessina des arabesques sur la glaise du bout du doigt. Des vagues, un petit poisson.
Le sauna lui manquait aussi. Celui où tout le monde se retrouvait pour jouer à des jeux de société… Et puis les élans ivres de pommes moisies en automne.

Elle leva le regard vers Yanis. A son expression et son regard, il venait de réfléchir vraiment à sa question. Le visage de la jeune fille se détendit, et s’approcher de ce que l’on pouvait appeler un faciès compréhensif. Pas de pitié. Pas de compassion. Juste de la compréhension.

Ses doigts se promenaient sur la glaise, prenant ça et là la mesure de la texture, reprenant un contact familier avec la matière. Une sorte de vieux réflexe où de retrouvailles avec une vieille connaissance.
« -Ici, on a tous vu pire. »
Elle eut une image éclair dans l’esprit, celle d’une explosion tonitruante à travers un hublot. Une blondinette New-Yorkaise en larmes.

« -Je crois que nous sommes ici dans un moment intermédiaire.
Nous cherchons à savoir qui nous sommes. Nous cherchons à comprendre comment les autres le devinent avant nous. »


Elle commença à lisser la matière. Elle imprima l’ombre d’un visage, une expression d’inquiétude, très peu profondément dans la glaise.

« -Cela ne durera pas toujours… Mais ici, entre ces murs, j’ai une certaine impression de sécurité. »
Le visage gagna en rides, en cernes.
« -C’est totalement faux, nous sommes même plus exposés ici que partout ailleurs… Mais cependant, j’ai l’impression d’être en train de reculer pour mieux sauter. De me préparer, à être moi. »
Une main, surgie de la glaise voisine, pour arracher les cheveux de l’entité secrète.
« -Je crois que quand je saurai qui je suis, je pourrais retourner chez moi…
Et, honnêtement, je pense que si je me découvre vraiment en route, alors cet endroit ne sera plus là où j’aspirerai à être. »


Elle eut un petit sourire triste à l’adresse de Yanis :
« -Tout va si vite, et la notion de foyer est si fugitive… Lorsqu’on est Un, ou que l’on sait pourquoi on vit, je pense que l’on n’a plus besoin d’être de quelque part de précis pour trouver le bonheur. »

Elle attrapa une petite tige de bois affutée dans ses cheveux et s’en servit pour imprimer quelques détails sur le visage. Un sourire qui se dessinait malgré l’air affligé.

Puis, elle éleva la tige à la hauteur du visage de Yanis et, dans l’air, traça des commissures labiales hautes. Un sourire fantôme sur son visage.
Les êtres multiplaniques lui soufflaient que lorsqu’il aurait trouvé ce qu’il cherchait, l’œuvre serait simplement belle.
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Ven 27 Nov 2009 - 14:56
Tout en prêtant oreille aux explications de Viconia sur la scolarisation des mutants, Yanis posa le carton démonté dans un coin de la bâche, puis revint au centre, près du bloc d'argile informe. Un investissement d'avenir. A ce qu'il avait compris, l'Institut tenait une place importante dans la sphère mutante mondiale. Il avait été précurseur à l'émergence du phénomène, avait lutté pour la cause mutante sur les fronts les plus chauds comme Génosha et regroupait désormais un nombre conséquent de mutants prometteurs sous la houlette de professeurs aussi puissants qu'inflexibles. L'Institut était à la croisée des mondes lui aussi, à mi-chemin entre Génosha et les sociétés humaines. Si la nation encore fragile de Génosha venait à péricliter, l'Institut, de par le filet de sécurité qui le rattachait à la vie "classique", perdurerait. Ses élèves étaient l'image accessible des mutants aux yeux des populations. Yanis voyait un peu mieux l'enjeu énorme qu'ils représentaient tous ici. Il avait vu l'Institut comme ce fameux toit au-dessus de la tête. Une base où il pourrait satisfaire ses besoins vitaux et survivre. C'était ça, ou retourner dans la rue et risquer d'être traqué. Mais pour l'Institut, pour Marcin, il n'était certainement pas qu'un simple demandeur d'asile, aucun d'entre eux ne l'était. Ils comptaient sur eux prendre la relève le moment venu, et assurer leur subsistance collective. C'était le propre d'une famille. L'esprit de groupe, c'était certainement ce qui différenciait cette école de l'hôpital qu'il avait quitté. Cet élément étrange intriguait Yanis et l'inquiétait tout à la fois. Il ne savait pas s'il serait en mesure de répondre de façon adéquate aux attentes de l'Institut.

"Ces gens... ici. Vous les voyez comme une famille ?" demanda-t-il alors, tentant de comprendre l'état d'esprit général de la façon la plus claire et carrée possible. C'était comme rentrer les choses complexes dans de petites boîtes simples pour pouvoir mieux les ranger, et il avait besoin de ce genre de repères nets, précis.

"Dans la cuisine, hier. C'était ça ?" ajouta-t-il, son visage acéré arborant la gravité qui le caractérisait, alliée à la concentration. Il repensait au jeune Inuit en larmes aux prises avec Volkov. Ce qu'il avait saisi de la discussion tournait autour des équipes. Elles semblaient apporter plus de désagréments qu'autre chose, l'Algérien se demandait pourquoi les mutants s'embarrassaient de ça. En acceptant d'entrer chez les JustiX, il n'avait pas signé pour toute cette agitation émotionnelle, cette sensiblerie qui était à des années lumières de sa compréhension.

Au gré de ses réflexions, Viconia laissait ses mains vagabonder sur la glaise, tracer des formes que Yanis reconnaissaient, puis des arabesques issues tout droit de son esprit dont elle seule possédait les clés. Lorsque Viconia parla de son pays, Yanis eut l'impression que l'espace d'une seconde, leurs esprits étaient au diapason. Elle avait raison. Ils étaient un peu comme des nouveaux-nés dont on viendrait de couper le cordon. Exposés trop tôt à la rudesse de la vie, comme dépossédés de ce qu'ils avaient été jusqu'ici, à un stade intermédiaire de leur développement.
Silencieusement, il hocha presque imperceptiblement la tête. Ces mots il les comprenait. Force était de constater qu'il était peut-être à sa place parmi ces écorchés ballotés par le monde, malgré le fossé qui les séparait. Et Viconia avait la même aspiration que lui à cet instant précis : découvrir qui ou ce qu'elle était.

Yanis renonça à la questionner sur ce qui avait pu lui arriver, leur arriver. Pour lui, ce n'était pas tant les coups portés que les cicatrices qui importaient. Et dans le discours de la jeune fille, il entendait la blessure sourde, l'attente existentielle d'un lendemain incertain. Et croire qu'ils avaient cela en commun l'aidait à croire qu'il restait une part de sentiment humain en lui. Car bien que son esprit rationnel lui murmurait que cela pouvait simplement signifier que Viconia était affectée par la même corrosion mentale que lui, tout en elle, ce qu'il pouvait attester par ses sens, lui affirmait le contraire.
Ils étaient des mutants, des êtres dotés d'un potentiel surhumain, mais seuls dans cette chambre, avec ce bloc de glaise comme reflet de leur âme, ils étaient aussi démunis que n'importes quels adolescents paumés dans un monde sens dessus dessous qui ne les comprenait pas.

Viconia avait touché une corde sensible, si ce n'était la seule corde sensible dont Yanis se savait encore pourvu. L'identité et la raison de vivre. C'était sa quête d'identité qui l'avait mené dans cette chambre avec une parfaite inconnue, sur l'espoir insensé de pouvoir renier sa nature. Il avait compté sur son regard clair pour lui renvoyer sa propre image. Elle avait tracé dans l'air l'empreinte fugitive d'un sourire au niveau de son visage. Le mutant avait oublié le sourire. Le sourire était un luxe, l'apanage de ceux capables de faire émerger des sentiments positifs à la surface de leur corps, comme l'écho d'une onde invisible. C'était la manifestation physique d'un bien-être intérieur. Mais Yanis était vide, et son visage inexpressif n'était que le reflet de cette vacuité. Un jour, il avait su sourire.

Les épaules affaissées, le jeune homme s'accroupit en face de Viconia, les yeux fixés sur la glaise. Il passa sa main sur la surface pour l'aplanir à nouveau.

"Je ne suis pas sûr d'être quelqu'un." annonça l'Algérien en caressant l'argile entre eux pour se familiariser avec la substance.

"Je calcule, j'exécute, je classe." dit-il en commençant à tracer des suites de chiffres et de symboles mathématiques.

"Et toi, tu sais qui tu es ?" demanda-t-il finalement, en s'intéressant cette fois aux flancs du bloc, qu'il commença à faire monter graduellement pour allonger la forme du tas de glaise vers le haut. Il voulait continuer le travail, se raccrochant à l'espoir que la sculpture aboutie lui donnerait une réponse à cette question angoissante. Et d'un autre côté, il voulait connaître la réponse de Viconia. Il avait la sensation de mieux la connaître qu'il ne se connaissait lui-même, ce qui n'était pas particulièrement rassurant.
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Dim 29 Nov 2009 - 14:22
« -Non. »

Viconia n’avait même pas prit la peine de réfléchir à la question de Yanis tant la réponse était évidente et viscérale.
Certes, la composante « on ne choisit pas sa famille » était en faveur de cette considération ainsi que le fait qu’ils partagent tous un dérangement génomique qui les différenciait de la plus grande partie de la population.
Et alors ? Viconia était rousse, ce qui la rendait différente d’une autre partie de la population. Elle imprimait ses visions dans les esprits de ses congénères, particularité complètement différente de l’aérokinésie.
Les cancers étaient des mutations aussi.
Les différences étaient ainsi multiples dans l’environnement humain, s’il fallait considérer comme faisant partie de sa famille les personnes possédant le même groupe sanguin que vous…
Non, sa famille c’étaient sa mère rouquine jusqu’aux ongles, son père affable et sa grand-mère aux yeux vert d’eau qui faisait une divine tourte aux harengs.
A la limite, les clients habitués du café avec qui elle avait grandit et qui l’avaient autorisée à dessiner sur leurs bras pour leur expliquer un point très important de l’art pictural viking.

« - Pour moi, quelques-uns sont des amis, et les autres des collègues/camarades. Nous sommes dans un institut de formation pour élèves surdoués en quelque sorte… D’où l’esprit de groupe et de soutiens mutuel. »
Elle piqua pensivement dans la glaise de son bâtonnet de bois et dessina un arbre ramifié sans feuillage.
« -Ca et le fait que nos vies sur le terrain dépendent les unes des autres. »

Elle eut une moue pensive, puis ajouta :
« -Je suis arrivée cette année. 19 ans, j’ai déjà construit une partie de ma vie, de mes goûts, j’ai beaucoup de souvenirs.
Par contre, certains arrivent ici beaucoup plus jeunes, comme 11 ou 12 ans. On comprend que tout le monde ne porte pas le même regard sur le groupe. A chacun ses attentes affectives. »


Seulement voilà, si Viconia prenait soin dans la mesure du possible de ses amis, elle n’était pas là pour baby-sitter ou devenir une grande sœur de cœur. Peut-être que d’autres « aînés » de l’institution se sentaient des montées de lait, mais ce n’était certes pas la tasse de thé de la finnoise.

Viconia observa Yanis faire table rase de la glaise et y appliquer des suites numériques, tout en affirmant ne pas être totalement certain de pouvoir se qualifier d’entité.
Alors qu’il avait l’air absorbé dans sa création, elle lui tapota la main du bout de l’index pour qu’il relève le regard.
Sévèrement, elle lui affirma :
« -Tout le monde est quelqu'un. A chacun son âme, sa force motrice, ce qui met son corps en mouvement… »

Elle fixa son regard dans le sien et illustra son propos fermement :
« -L’instinct de fuite fait partie de l’Etre. Même cette partie la plus primaire compte. Tu ne peux dire le contraire, surtout que nous sommes ici en train de tenir une conversation. »

Elle jeta un coup d’œil aux suites numériques et continua :
« -Tu possèdes donc une activité mentale ainsi qu'un recul sur ce que tu exécutes suffisant pour t’apercevoir de ta tâche. Ceci te différencie d’un ordinateur…
Sans oublier que tu dessines par toi-même, sans que personne ne t’en donnes l’ordre. »


Oui, elle refusait que Yanis ne se laisse absorber par ce qui semblait être sa mutation. Il avait des composantes existentiellement intéressantes et nuancées, et ce, même si sa voix métallique essayait de prétendre le contraire.

Elle se leva et alla prendre derrière son lit une grande plaque métallique épaisse de deux millimètres. Elle ressemblait à un grand hachoir à viande avec sa poignée en bois à une extrémité.
Revenant près du tas de glaise que Yanis commençait à lisser, elle le plaça en travers sur l’un des côtés et poussa de toutes ses forces avec son pied gauche sur la poignée.
Lentement, la lame s’enfonça dans l’argile. Puis, la lame atteignit finalement le sol, faisant tomber tout le coin d’argile mollement au sol.
Elle le ramassa et le plaça sur le dessus de la masse, afin d’aider Yanis dans sa tâche.
Elle allait s’attaquer à l’angle suivant quand, le pied sur la poignée, elle décida qu’elle saisissait la nuance qu’elle voulait exprimer à son camarade.

« -Tout le monde est quelqu'un, certes. Mais qui, cela est autre chose.
En ce qui me concerne… »


Elle commença à appuyer lentement de son poids, tout en toussotant pour se donner une contenance dans ce qu’elle allait affirmer.
Ce n’était pas simple à exprimer, surtout pas face à un inconnu, alors qu’elle ne l’avait jamais dit à personne. Les yeux fixés sur la lame, elle avoua, à mi-voix :
« -Trouver qui je suis serait arrêter le processus. Ce serait porteur de stabilité, de certitude…
Je ne suis pas certaine que cela soit compatible avec l’Esprit Artistique.
...La certitude permettrait d’accoucher de l’œuvre d’une vie, et je ne suis pas sûre que l’on puisse y survivre. »

La lame s’abattit brusquement sur le sol.

Elle dégagea le morceau d’argile, et le donna à Yanis avec un petit sourire confus :
« -C’est une question de plan de pensée et de vie, mais je crois sincèrement que je puisse mourir par amour de l’Art. »

Elle reprit le tranchant et attaqua le troisième coin en murmurant de manière audible :
« -Serais-je un jour touchée par cette Grâce funeste ? La tentation est pernicieuse… »

On était artiste par envie, conviction, hasard ou bien simplement par nature.
Viconia faisait partie de la dernière des catégories. Si un jour elle devait tout abandonner ; l’Institut, sa famille, ses souvenirs pour enfin trouver la Réponse, elle le ferait. Peu importait le prix.
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Lun 30 Nov 2009 - 16:47
Yanis se rendait compte qu'il avait trouvé une source d'informations et de sagesse pertinente en la personne de Viconia, ce qu'il avait été loin d'imaginer lorsqu'il avait ouvert la porte de sa chambre sur la jeune fille fantasque. Elle était arrivée quelques mois seulement avant lui, donc elle jouissait d'une certaine expérience de la vie à l'Institut, sans toutefois que son opinion ait pu être biaisée par un trop lourd passif en ces murs. De plus, comme il venait de l'apprendre, ils avaient le même âge, et son opinion sur la question était fatalement plus proche de ses propres critères que s'il s'était entretenu avec le jeune Inuit de la cuisine.

"Parle-moi de ces missions." demanda-t-il sans la regarder lorsqu'elle mentionna le terrain, tout en poursuivant sa besogne. C'était comme si la tâche qui les occupait rendait la communication plus aisée, comme un média qui les rapprocherait, les mettrait sur un pied d'égalité. Dans la glaise, tous les mutants étaient gris.

Il leva vivement les yeux vers Viconia lorsqu'elle tapota sa main. Son visage s'était fait plus déterminé, sévère. Elle semblait intimement persuadée de ce qu'elle disait. Scrutant son visage d'un regard égal, il pesait néanmoins sérieusement ses arguments. Elle semblait partisane du "je pense, donc je suis", de façon assez tranchée. Il pensait effectivement, et répondait par certains aspects aux points que Viconia avançait. Mais ce qui semblait évidence pour elle restait doute pour lui. Il vivait entre deux eaux depuis plusieurs années, oscillant entre le besoin de couler comme une pierre, comme une machine vers le fond, ou de se maintenir à la surface avec l'ardeur d'un être humain refusant de se laisser submerger. Il vivait l'interplanisme dans un monde pluriel, où le seul repère auquel il était censé pouvoir se fier, lui-même, n'était qu'un imbroglio de mécanismes contradictoires et illogiques.

"Nous avons une conversation. Votre Cérébra peut aussi faire la conversation. Je l'ai rencontrée en arrivant. Qu'est-ce que l'activité mentale ? Des stimuli électriques." répondit-il doctement en entassant les deux morceaux que Viconia avait coupés sur la base. Cérébra était une création impressionnante. Il ne s'agissait pas d'un vulgaire ordinateur de contrôle voué à exécuter des lignes de code. Elle était capable de réfléchir, de déduire, de s'adapter. En vérité, il se sentait plus proche de cette IA que de ses semblables.

"Est-ce que vous considérez Cérébra comme quelqu'un ?" demanda-t-il alors, son regard noisette toujours lié à celui de Viconia. Il avait l'air d'attendre vraiment une réponse à cette question.
"Je n'en ai pas eu l'impression. Mais si vous le faisiez... tu crois que ça en ferait quelqu'un ?" ajouta-t-il après un instant de réflexion. Viconia s'était présentée comme une spécialiste des objets inanimés en apparence, aussi Yanis était-il curieux de connaître son opinion là-dessus. Jusqu'ici, malgré sa mutation et son comportement, elle l'avait traité comme son semblable : un être de chair et de sang. Elle lui avait offert l'hospitalité de sa chambre, lui avait parlé sans marque d'irrespect contrairement à Nathan, lui avait offert des vêtements de recharge. Et elle s'adressait à lui avec la conviction qu'il était bel et bien un être humain. En observant ses propres réactions depuis qu'ils étaient en contact, Yanis réalisait qu'il avait calibré ses réactions sur le même mode, du moins ce qu'il pouvait faire de plus approchant : échange de paroles, réflexion artistique et même protection de son intégrité physique. Tout cela, là où il ne se préoccupait par principe que de sa propre survie. Il n'avait pas sauvé la mathémagicienne par altruisme. Elle était l'équivalent d'un visa vers l'étranger pour lui.
Peut-être qu'être traité en autre chose qu'un outil, bien que ce soit concrètement ce qu'il était, stimulait imperceptiblement la caractéristique en perdition qu'il essayait de sauver chez lui. Etre sauvé par le regard d'autrui, c'était aussi positif que dangereux. On ne pouvait pas compter sur les autres, d'une seule moquerie, Nathan le lui avait bien montré.

Yanis fit monter le troisième bloc au sommet de la structure, puis commença à polir les jonctions des différents blocs de glaise de ses deux mains, tandis que sa camarade lui répondait.

"Alors trouver qui on est serait une raison de vivre en soi ?"
essaya-t-il de résumer, d'interpréter à partir du témoignage de la jeune fille. De cette hypothèse métaphysique découlait un constat plus simple : la quête de soi ne trouvait de limite qu'à la mort, où qu'elle soit placée. Même si Yanis élucidait le mystère de sa condition bâtarde, il subsisterait suffisamment de questions en suspens pour qu'il ne trouve aucune certitude. Il s'interrompit dans le va et viens de ses mains, et retourna son attention vers Viconia. Il avait la mort dans l'âme, elle avait la mort dans l'Art. Il la détailla de son regard perçant. Elle ne devait pas mourir avant d'avoir accompli ce qu'elle était destinée à accomplir. D'après elle, ils couraient des risques à tout moment en vivant à l'Institut, cela rendait cet accomplissement hasardeux. Et Yanis était maintenant assigné aux JustiX. Mais le jeune homme n'avait aucune confiance en Nathan pour protéger l'artiste. C'était comme s'il avait perçu en Viconia la marque de Dieu. Et s'il était le seul à le savoir, cela signifiait qu'il avait été choisi pour s'assurer qu'elle mènerait sa tâche à bien. Il ne pouvait pas déléguer cette responsabilité à quelqu'un d'autre, et encore moins un mutant aussi instable que Nathan.

"Je te protègerai jusqu'à ce que tu accomplisses ton destin. C'est une raison de vivre."
dit-il finalement. Toujours cette voix de synthèse. Toujours ce visage fermé. Yanis n'avait eu jusqu'ici que des raisons de survivre, des fonctions biologiques en somme. Mais il ne pouvait décliner cette raison de vivre qui s'imposait en cet instant à lui. Une occasion de rester humain ? Un fil invisible avait peut-être guidé sa main un peu plus tôt, dans la chambre de Nathan.
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Lun 30 Nov 2009 - 22:47
Deux gosses faisant un grand pâté de glaise et refaisant le monde. Voila ce qu’ils étaient.

Les yeux rivés sur son pied alors qu’elle abattait tranquillement le dernier coin du bloc, Viconia répondit simplement à la demande de son camarade, une grimace désabusée sur le visage.
« -Une tuerie, souvent. L’occasion d’empêcher des tueries de plus grande ampleur, parfois. Un moyen de reconnaissance mutanique, rarement.
Un moyen pour nous d’agir sur ce qui se passe politiquement et humainement en ce moment, certainement. »

Elle alla poser son tranchoir dans la douche, puis revint, s’essuyant les mains sur sa salopette.
« -Je ne pensais pas avoir l’esprit activiste lorsqu’il s’agit d’autre chose que l’art…
Mais le pouvoir, c’est l’information. Et je n’aime pas ne pas savoir ce qui se passe, surtout si cela me concerne et menace ma potentielle liberté d’action. »


Elle attrapa ses lunettes qu’elle plaça sur son nez puis posa son postérieur sur le sol en face de Yanis. Elle remonta ses manches et mis les mains droit dans la glaise, pleine de bonne volonté.

La question de Yanis sur Cérébra la prit de court, et, commençant son entreprise d’élévation du bloc, elle y réfléchit sérieusement les sourcils froncés derrière ses lunettes vertes.
Certes, l’activité mentale, ainsi que l’activité de toute cellule humaine, cellule vivante, incluait une activité électrique, elle l’admettait.
Cependant, cela contribuait au grand tout de l’être vivant fait d’interactions chimiques, électriques, ainsi que de cette petite chose que l’on appelait l’esprit. Primaire ou non, la force d’action, celle qui faisait inexorablement avancer les choses, le souffle de vie qu’elle passait sa vie à traquer.

La jeune fille tout à son labeur avait le nez penché en avant, et ses lunettes basculèrent donc. Lorsqu’elle releva le visage pour faire part de ses conclusions à Yanis, elle les remonta, étalant donc de la glaise au milieu de sa monture et sur l’arrête de son nez.
« -Cérébra est donc un fort bon logiciel, mais n’allons pas jusqu’à dire qu’ « elle » est quelqu'un. Formatage des interactions, reconnaissance des êtres par identification reliées à des bases de données, mais surtout, pas d’émotions. Pas d’engouement, d’amour pour quelque chose. »
Elle remit sa main gauche dans la glaise afin d’en extraire un fragment. Elle le modela très vite afin d’en faire une petite cabane, un peu déformée, un peu cabossée par la vie, mais un Home Sweet Home tout à fait convenable.
« -Et par-dessus tout, pas de production artistique. »

Par ailleurs, Cérébra n’était pas tangible ou créée de novo par un cycle millénaire et naturel.
Si Viconia lançait dans l’instant sa production, celle-ci se splatcherait fort peu élégamment en plein milieu de la face de Yanis.
Yanis, qui d’après Viconia avait des parents, un cœur, des tripes, des sens. Sans parler du plus important, un esprit où l’on pouvait projeter…
«-Je ne pourrais pas projeter sur Cérébra... Je pense que ça, ce serait un critère déterminant. »

Ses yeux s’écarquillèrent comme si elle venait d’avoir une révélation. Elle écrasa la maisonnette contre le bloc primitif et se leva dans un élan lyrique.
Elle devrait absolument réfléchir à cela à l’avenir.
Comment étudier les êtres environnants. Comment faire la différence entre le leurre et le vrai, comment saisir les nuances. Pour une fois, sa capacité lui apparaissait comme un don qui pourrait enfin lui être bénéfique à elle.
Pour peu, elle en aurait pleuré… Si Yanis n’avait pas d’un coup refroidit l’ambiance par une réflexion plus que gênante.

Viconia faillit s’étrangler et son regard vert glaiseux tomba sur le jeune homme qui lui faisait face. Perçant. Le pire, c’était qu’il avait l’air sérieux.

Sa première réaction fut de vouloir l’étrangler à pleines mains, lui hurlant qu’elle n’avait besoin de personne pour la protéger et qu’elle s’était toujours très bien débrouillée toute seule.
La deuxième fut de vouloir le planter à l’aide de son stylet en lui affirmant qu’il pouvait bien aller se trouver une raison de vivre ailleurs, sans empiéter sur la sienne.
La troisième, descendant d’un ton, fut de vouloir lui seriner que de se trouver ne devait pas passer d’emblée par l’idée de passer par quelqu'un d’autre, quelqu'un qui était déjà plombé par son propre devenir éventuel.

Elle loucha un rien en tentant de retrouver son souffle. Ses yeux de se firent acérés et rencontrèrent ceux, fixes et impassibles comme l’acier, de Yanis.
Il avait vraiment l’air sérieux. Et elle avait suffisamment commencé à appréhender son esprit pragmatique pour conclure que s’il décidait une chose de la sorte, il était bien capable de s’y tenir.
Comme une règle établie, comme quelque chose d’immuable.

Soupirant et se rasseyant a croupis les fesses sur les talons, la jeune fille tenta de considérer l’affirmation dans sa globalité.
Pour lors, il avait l’air sacrément paumé… Mais sacrément branché par l’Art.
Si jamais elle réussissait, ni vu ni connu, à lui faire prendre part à des activités qui l’intéresseraient… Dans le but d’évoluer vers la création.
Si elle réussissait à capter suffisamment de son attention pour lui ouvrir des portes qu’il ne voyait pas forcément maintenant au sortir de ce qui avait été, à n’en pas douter, une expérience traumatisante…

Remettant les mains dans la glaise, elle soupira, résignée. Après tout, il fallait voir le côté positif, il pourrait certainement l’aider pour des travaux… Elle espérait simplement que son idée absurde ne tiendrait pas trop longtemps.
« -Soit. »

Inquisitrice, elle leva un index plein de glaise en direction du nez de Yanis.
« - Si, en échange, tu fais des essais toi aussi.
Il n’y a pas de raison qu’entre deux… Phases de ta… Mission, tu ne tentes pas de deviner qui tu es. Pourquoi pas par l’Art, la double-vue, les plans ? »


Ce que l’on ne ferait pas pour l’amour inconditionnel de l’art.

Viconia avait la nette impression d’avoir mis la cheville dans l’un de ces pièges à renard polaires. Pour le moment elle ne ressentait pas la douleur mais elle avait la certitude que celle-ci allait tôt ou tard débarquer avec son flot de désagréments.

Chaque choix avait ses conséquences.
Pour lors, celles-ci n’étaient pas au top must du visualisable, mais elle avait cette nette impression de venir de se faire arnaquer comme elle ne l’avait jamais été.
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Mar 1 Déc 2009 - 15:01
Yanis enregistra les réflexions de Viconia sur les missions avec une attention particulière, puis les confronta rapidement au peu de choses que Marcin lui avait appris sur la question lors de leur bref entretien, et à ce qu'il avait entendu la veille dans la cuisine, comme un scientifique compare le résultat d'une expérience avec le tube à essai témoin. Il élimina rapidement le facteur KozaX de son équation, jugeant que la charge affective parasitait la substance factuelle qu'il cherchait à en retirer. Plutôt que d'avancer une opinion unilatérale, la Finlandaise l'avait déclinée en plusieurs catégories auxquelles elle avait assigné un degré de plausibilité. Comme il avait cru le deviner en observant la configuration de sa chambre, l'apparent désordre que dégageait cette fille cachait un sens de l'organisation assez précis. Le tout donnait une opinion assez nuancée du problème "mission", qui apparaissait comme un mal nécessaire. Mais cela restait assez éloigné du devoir de justice mentionné par le professeur des JustiX.

"Wili wili wili..." lâcha-t-il en reposant ses mains sur la glaise avec une nonchalance inhabituelle. Carrie s'était bien gardée de parler tuerie lorsqu'il le lui avait demandé directement. Il avait la nette impression de s'être fait rouler comme un kefta.

"La version de Marcin est assez différente." explicita-t-il après quelques secondes. Puis Viconia répondit à sa question épineuse sur Cérébra.

"Tu es sûre qu'elle n'éprouve rien ?" demanda-t-il néanmoins, remontant son pantalon pour la énième fois. Il ne pouvait nier que l'IA exerçait sur lui une certaine fascination. Quelque chose lui disait qu'elle était peut-être comme lui, incomprise et incompréhensible. Son hologramme cachait peut-être une activité insoupçonnée, des pensées propres... Il avait dans l'idée qu'en réalité, personne n'avait dû se pencher sur cette question, qui semblait aller de soi. Cérébra était perçue comme un outil de gestion, ultra-perfectionné, mais un outil tout de même. La conclusion de Viconia parut éveiller l'intérêt du mutant, en cela qu'il détourna les yeux de sa tâche pour planter à nouveau son regard dans le sien.

"Projeter. Tu veux dire comme dans la chambre ?" s'enquit-il, certain qu'il avait entendu la jeune fille s'exprimer en ces termes lorsqu'elle avait tenté de calmer Marcin. Il n'avait toujours pas saisi la nature exacte du pouvoir mental de Viconia, mais s'il comprenait bien son raisonnement, elle ne devait pouvoir l'utiliser que sur des êtres vivants. Et d'après elle, si Cérébra était insensible aux pouvoirs mentaux, ils devraient être fixés sur sa nature profonde. Après tout pourquoi pas ? Le résultat d'une telle expérience serait forcément fondateur pour le nano-mutant.

"On devrait le faire." affirma-t-il de sa voix monocorde, en se remettant au travail comme si de rien n'était. Cérébra était peut-être plus interplanique qu'ils ne le pensaient tous à l'Institut. Ca valait le coup d'en avoir le coeur net. Il fit un pas en arrière pour juger de son travail : les blocs étaient uniformisés, ils allaient pouvoir passer aux choses sérieuses, la sculpture en elle-même.

"Les outils vous envient. Tu disais tout à l'heure que tu es douée pour faire parler l'inanimé. Prouve-le." dit-il en prenant une posture identique à celle du dessins qu'il avait montré à la jeune fille au salon de thé, le corps droit, les pieds légèrement en canard, une main délicatement levée et l'autre posée sur la poitrine. La précision avec laquelle il avait pris la pose suggérait qu'il la connaissait probablement par coeur. Cérébra était programmée pour simuler l'esprit humain, réflechir de façon autonome. Est-ce que la considérer comme un grille-pain n'était pas une contradiction dans les termes ? Elle n'attendait peut-être qu'une chose, qu'on la considère pour ce qu'elle était censée être.
L'Algérien ne s'en aperçut qu'après coup, mais il parlé de deux choses à la fois. L'heure était également venue de faire parler ce bloc de glaise. Et comme un outil enviant l'artiste, il se demandait maintenant comment s'exprimerait Viconia sur leur support.

Il écarta volontairement les doigts et se concentra quelques instants, pour transformer chacun de ses dix doigts en outils. Etant gaucher, il réserva la main gauche à des instruments de précision, aux angles bien arrêtés, qui lui permettraient de travailler en détail. La main droite quant à elle, arbora bien vite des outils plus compacts pour lisser, aplatir, retirer l'excédent de glaise... Une jolie batterie de cuisine bleu électrique et légèrement scintillante. Il reprit alors une posture plus naturelle, attendant des instructions du maître d'oeuvre.

La jeune fille approuva son voeu de protection, comme une confirmation de son intuition messianique. Il l'aiderait donc sur le chemin de son épanouissement personnel. Il éprouva une sorte de soulagement métaphysique à savoir que vis-à-vis d'une autre, et par extension, du monde, il existait maintenant réellement. Il avait une fonction, un moteur autre que l'instinct de survie. Il s'éloignait peut-être de Cérébra. Pour le moment. Il hocha placidement la tête à la demande de Viconia.

"C'est pour ça que je suis ici." dit-il, avant de désigner la statue en gestation. "Je crois que ton projet m'apportera des réponses. Je n'ai jamais travaillé en duo, mais je crois qu'on a besoin l'un de l'autre." expliqua-t-il sans gêne particulière. Ce devait être l'une des seules évidences du moment à ses yeux.
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Mer 2 Déc 2009 - 17:29
Le sourcil de Viconia eut un étrange mouvement de vague lorsqu’elle entendit les « Wili » de Yanis, le tout confronté à sa nonchalance soudaine.
Son visage retrouva un aspect normal lorsqu’elle entendit la raison de ce soudain changement de plan, et elle réprima un sourire ironique.
Certes, elle ne connaissait pas plus Carrie que cela, mais le côté avocate française ronchon et droite comme un manche à balais, devait refléter des soucis intérieurs très polarisés.

Il fallait avouer également que dans son propre groupe de travail, elle n’avait pas ce genre de problèmes.
Chacun des élèves avait sa vision du monde, de préférence diamétralement opposée à celle de ses camarades, et leur prof référente était bien trop décalquée et occupée à démêler la pelote du fil des possibles pour s’en formaliser.
Tous avaient leurs raisons d’aller en mission. Jusque là, ils s’en étaient sortis, c’était le principal.
« -Je peux savoir ce qu’elle a prêché pour te convertir ? »
Elle s’abstint de tout commentaire cynique sur l’armure que Carrie les voyait certainement enfiler afin d’aller pourfendre les méchants mangeurs de mutant à coup d’épées vengeresses.

Lissant pensivement l’argile, elle réfléchit au raisonnement de Yanis. Après tout, il avait raison de soulever l’interrogation ; elle-même ne s’était jamais demandé si Cérébra était autre chose que le cerbère numérique de l’Institut.
En même temps, elle vivait cloisonnée au sein des diverses puces électriques de l’Institut. Toute à ses préoccupations graduelles, la jeune fille n’était jamais allée lui demander de l’aide. L’IA aurait certainement eut du mal à lui filer un coup de main pour le cutter.
Mais après tout, pourquoi pas ? Tout le monde pouvait bien être un être vivant jusqu’à preuve du contraire.
Et quand bien même l’IA ne serait au final qu’une machinerie très complexe, cela ne la dénuerai pas d’un intérêt certain, pas plus que cela n’effacerait toutes ses subtilités.

Mais à ce moment, où projeter ? Les apparitions bleutées de Cérébra n’étaient que de multiples hologrammes disséminés au besoin. Où se trouvait donc le cœur du processus ? Devrait-elle essayer de projeter sur une énorme unité centrale, attendant une éventuelle réponse et risquant une éventuelle électrocution massive ?

Toute à ses troubles, visualisant l’hologramme de Cerebra et imaginant ce qu’elle pouvait bien ressentir, la jeune fille mit du temps à raccrocher le regard de Yanis.
« -Je suis d’accord, on devrait essayer… Trouver le cœur du système. En avoir le cœur net.
Les demi-réponses ne sont pas acceptables. »


Elle se releva en image miroir de Yanis et se rendit compte qu’elle était prête. Il venait de lui faire raccrocher le dernier détail qui lui manquait.
Elle eut un léger sourire en coin à son défi et l’observa, un rien admirative, se transformer en un super couteau-suisse.
Elle passa en revue rapidement les différents éléments dont il disposait. Si la conclusion de la jeune fille était exacte, il faisait partie de la même tranche de population qu’elle, les gauchers. Qui plus est, il était bleu cyanate, proche de la quinzième nuance. Finalement, il attendait ce moment pour lui montrer sa part interplanique ?
Peu importait, il était temps de passer outre les détails secondaires.

D’un mouvement du crâne, la jeune fille zapa sans ménagement les considérations et pensées futiles qui lui venaient à l’esprit. Elle savait à présent ce qu’elle voulait faire.
Elle avait Yanis pour la seconder, et il ne serait pleinement efficace que si elle le mettait au même « la » qu’elle. Il avait raison, ils avaient besoin l’un de l’autre, et cette œuvre en serait, ou non, la confirmation.
Pour cela, elle n’avait qu’un diapason.
Yanis serait satisfait, il aurait au passage sa réponse.

Viconia retira ses lunettes et les plaça sur le sommet de son crâne.
Elle prit une grande inspiration, et vrilla les yeux noisette de Yanis de ses iris verts.
Elle rassembla ses esprits en une Idée, et projeta.

Si cela fonctionnait, Yanis aurait tout d’abord l’impression étrange de ne plus être à deux dans la pièce. Le bloc de glaise commencerait à avoir un mouvement infime, cyclique et régulier, comme s’il s’était mis à respirer.
Peu à peu, la masse commencerait à vibrer en différents endroits, puis, d’un coup, à convulser.
La masse argileuse et souple commencerait à s’élever, s’affiner, comme si une silhouette humanoïde cherchait à percer, à éclore.
On reconnaitrait peu à peu la forme féminine et délicate de Cérébra, tout d’abord dans une attitude pataude et désorientée.
Puis, à mesure qu’elle prendrait de la hauteur et des formes, son visage se dessinerait plus précisément, une expression de détresse effrayante sur le visage.
Quelques paillettes commenceraient à la recouvrir, reproduisant la même lumière iridescente et bleutée que lorsqu’elle leur apparaissait via les hologrammes de l’Institut.
La forme, comprenant qu’elle avait les pieds coincés dans un bloc et qu’elle ne pouvait s’échapper, commencerait à avoir un visage paniqué.
Une petite trappe dans sa poitrine s’ouvrirait, révélant un amas de puces électroniques battantes reproduisant grossièrement la forme d’un cœur humain.
Affolée, la forme s’en saisirait et, le prenant à pleines mains, essaierait de le dissimuler, se retournant pour l’abriter du regard de Yanis.
Un regard d’animal traqué, de bête affolée, le cœur battit quelques secondes encore, puis toute la masse se figea, depuis le socle jusqu’au visage de la figure si connue.
Le tout redeviendrait gris glaise.
Puis la statue commencerait à se craqueler, insidieusement.
En quelques secondes, le tout imploserait, il ne resterait que le bloc initial.


Clignant des yeux, Viconia remit ses lunettes et attendit une quelconque réaction de la part de Yanis. Elle voulait son avis.
Elle essaya gauchement de le cacher, mais son regard était empreint d’une reconnaissance sans faille. Il lui avait tendu le fil qu’elle venait de tirer d’un coup sec vers la compréhension. Vers la création.
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Ven 4 Déc 2009 - 17:49
"Prêché ?" releva le nano-mutant, redevenant aussitôt silencieux, immobile. Pourtant, dans sa tête, ce simple choix lexical était en cours d'analyse. Amener quelqu'un à adopter une croyance, une religion. La religion était censée relier les hommes, bien que comme un programme défectueux, elle ait bien souvent l'effet inverse. Mais derrière ces concepts abstraits se cachait une vérité. De ce qu'il avait pu le constater, l'Institut hébergeait des mutants de nationalités, d'us, d'âges différents. Viconia lui avait dit qu'elle ne considérait pas ses congénères comme une nouvelle famille. Elle entretenait avec eux des relations sur la base de leur proximité spatiale, et non intrinsèque, comme elle le faisait probablement avec ses camarades en cours artistiques, mutants ou non. En partant de ce postulat, quoiqu'approximatif car pouvant différer selon le mutant interrogé, Yanis pouvait donc établir que sans moteur pour fédérer les électrons libres qu'ils étaient, l'Institut aurait probablement implosé depuis un moment. Or, il avait plus d'un an d'existence, et l'anarchie ne semblait pas de mise. La conclusion de cette démonstration vint d'elle-même : les missions et les équipes qui en découlaient. C'était la religion de l'Institut. C'était le ciment de cohésion autour d'une cause commune à tous, leur survie. C'était un facteur que Yanis était bien placé pour comprendre. L'idée de créer ces équipes était un coup de maître en terme de gestion des masses. Elles créaient un sentiment d'appartenance là où rien si ce n'était un gène gênant ne les rassemblait. Et le coup d'éclat de la veille en cuisine allait totalement dans le sens de cette théorie sociale de l'Institut. L'équipe de Volkov avait été blessée dans ses convictions par quelque chose, probablement Volkov lui-même, vu que l'Inuit s'en était vivement pris à lui.
Yanis avait cru comprendre que le fondateur de l'école était mort sur Génosha. C'était sûrement à lui qu'ils devaient ce fonctionnement. L'Algérien réalisait qu'il y avait bien plus à tirer de simples faits sur cette école, qu'il n'y paraissait au premier abord. Il n'était pas tombé dans n'importe quel refuge. Il serait intéressant pour lui d'obtenir un retour sur la question de la part d'élèves sans équipe.

Ses pensées s'orientèrent alors vers Marcin. Elle n'avait finalement peut-être pas cherché à le duper. Son discours lui avait paru sincère, direct, comme si elle était convaincue de ce qu'elle disait. Et en considérant la droiture qui émanait de cette femme, il était difficile de l'imaginer mentir ou escroquer. Elle devait être profondément attachée à ce nouvel ordre social en vigueur à l'Institut. Ses convictions avaient parlé pour elle.

"Elle m'a parlé de la justice." répondit-il enfin une fois ses réflexions abouties. Il devait sûrement paraître ridicule de s'intéresser à cela, mais comme pour Cérébra, il aimait à confirmer ou infirmer les choses de lui-même avant de les prendre pour argent comptant.

Viconia était partante pour l'expérience Cérébra. Elle prononça même les mots "coeur du système". Sans saisir le pourquoi du comment, Yanis fut affecté par cette expression, affecté étant le seul mot qu'il parvint à coller sur l'once de sentiment qu'il ressentit. Etait-ce une figure de style ? Quoi qu'il en fut, elle faisait écho à son inspiration initiale, la raison pour laquelle il avait dessiné le croquis de la statue lorsque Viconia lui avait soumis son sujet de devoir. Bien que tout se passât dans le cerveau, le coeur était considéré depuis des millénaires comme le siège de l'âme. Comme l'homme de fer blanc, il était en quête du sien. Et comme Dorothy, Viconia connaissait peut-être le chemin pour l'obtenir.
Le chemin. Son esprit repassa automatiquement à des considérations logistiques, loin du sens métaphorique et profond des paroles de la jeune fille. Il fallait trouver l'unité principale de Cérébra. L'Institut devait être équipé de multiples projecteurs holographiques pour permettre son apparition n'importe où, ça allait brouiller les pistes. Volkov lui avait fait faire le tour du propriétaire des parties communes, et il n'avait rien remarqué qui sorte de l'ordinaire. Puis l'évidence le frappa :

"Qu'est-ce qu'il y a au sous-sol ? Volkov m'a dit que l'accès était restreint."
s'enquit-il, déduisant ce qu'il y avait à déduire de cette interdiction.

Entretemps, Viconia s'était redressée elle aussi, avec la résolution du chat qui après quelques flexions, se décide à sauter. Yanis avait toujours été fasciné par la perfection des animaux. Comparé aux humains, ils se trompaient rarement. Tous leurs gestes étaient calculés pour atteindre un objectif, ils ne faisaient rien au hasard. L'Algérien avait eu l'occasion d'observer de nombreux animaux errants durant sa propre errance dans les rues d'Alger, et il ne se souvenait pas avoir vu un chat sauter trop court ou trop bas. Le proverbe disait vrai : l'erreur était humaine.

Et alors que la jeune fille le fixait, les choses commencèrent à changer, à bouger sous ses yeux. Yanis eut un mouvement de recul instinctif, et tendit la main gauche devant lui, comme si la glaise constituait un élément dangereux. Son visage, lui, n'avait pas changé. On pouvait y lire la même contemplation égale des choses, bien qu'il ait cligné deux fois des yeux devant le prodige. Son esprit chercha à compenser les stimuli visuels sans queue ni tête : il devait avoir mal travaillé l'argile, et les blocs coupés par Viconia tombaient, de la façon la plus singulière qui soit, certes, et sans se plier aux lois de l'attraction, mais elles tombaient. Non, c'était impossible. Lorsqu'il parvint à discerner les traits de Cérébra, il opta pour l'explication la plus simple, et comprit que la Finlandaise avait tout simplement accédé à sa demande et faisait parler l'inanimé.

Yanis se détendit et baissa un peu sa garde, scrutant la scène de son oeil incisif, enregistrant chaque mouvement, chaque courbe, chaque creux, afin de pouvoir les restituer le plus fidèlement possible. Ce n'est que lorsque "Cérébraise" ouvrit littéralement son coeur que le jeune homme entrouvrit la bouche, laissant échapper une sorte de larsen. Il voyait LE coeur du système. Il y avait une dualité inhérente à cette vision, l'interplanité qu'ils cherchaient à mettre en lumière, une lumière irisée de bleu. C'était comme s'il se voyait à travers cette statue. Il l'avait vue. Ses sens l'avaient perçue. Son esprit était donc encore sujet aux illusions. Car c'était ce que c'était ?

Lorsque tout fut fini, il s'approcha de la statue en devenir et caressa la glaise de la paume, comme pour s'en assurer. Il avait été touché par la Révélation. C'était un vecteur de transmission artistique redoutable. Il avait dans l'esprit ce qui était auparavant dans celui de Viconia.

"Dual Core. Je t'avais dit que la glaise nous guiderait." dit-il finalement en hochant la tête, trouvant dans l'expression informatique un sens qui avait échappé à tous. Le nom lui plaisait. Viconia le regardait, une expression... douce ? sur le visage. Il ne sut pas à quoi il devait la faire correspondre. A défaut, il nota que cela n'avait rien à voir avec l'expression qu'elle avait eue après sa dernière projection, dans la chambre de Nathan.

"Au travail, yalla, yalla." ajouta-t-il sans perdre une seconde. Ils devaient concevoir pendant que l'image était encore fraîche dans leur esprit. Sur ces mots, il leva le bras gauche, et de son index transformé, commença à travailler les éléments du visage dans des gestes précis. Ils pourraient réfléchir ensuite à l'intégration de la couleur, ce serait sûrement le plus difficile à réaliser.
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Sam 5 Déc 2009 - 16:37
Dual Core.
Le centre de la machine.
La porte ouverte aux subtilités, l’accès vers une éventuelle vérité.

Implicitement, l’esprit de Viconia accepta ce titre, cette dénomination, comme étant la bonne. Selon certaines ethnies, chaque être avait un nom. Le trouver était un pouvoir et une connaissance formidables.
Au fond, cette théorie rejoignait celle de la raison de vivre à déterminer… Comme quoi on inventait rarement de nouveaux angles d’analyse sur l’environnement dans lequel tant d’entités baignaient de manière synchrone.

A l’observation de Yanis, elle sût qu’il avait été réceptif à l’illusion.
Cela apporta à la finnoise une certaine satisfaction, tant sur sa capacité maitrisée de manière de plus en plus subtile que sur le fait que son camarade ait un esprit totalement ouvert à la projection mentale. Cela s’avérait prometteur pour leur collaboration future.
Elle eut un sourire joyeux en le voyant se mettre à la tâche avec ardeur puis, pleine d’un élan nouveau, se dirigea vers son bureau/atelier afin de se mettre en quête de la teinte irisée dont ils avaient besoin.
La pierre d’angle, la couleur.

Tournant le dos à Yanis, elle commença à farfouiller dans divers placards et tiroirs et sortit à la suite différents pots de peinture, produits toxiques, poudres et paillettes. Puis elle passa derrière le bureau, de manière à avoir la « lumière » venant de l’extérieur, et faire face à l’algérien. Ainsi, elle pouvait voir sa progression dans l’argile.

« - Madame, ou Mademoiselle, Marcin est avocate. Etant donnés le nom de son équipe et la parole qu’elle répand, j’imagine que la justice doit être son But… »

Après tout si pour certains l’œuvre ultime était l’Art, pourquoi pas l’illusion que plus de justice dans ce monde était chose possible.
Certes, la jeune fille se pensait désabusée. Mais si on objectivait la quête de la création ultime et celle de la Justice, il fallait être honnête, l’une n’était pas plus naïve que l’autre… Un simple décalage de plan… Et une incapacité certaine pour un simple esprit humain à se polariser sur plus d’une Quête à la fois.

Elle ouvrit un pot métallique portant une étiquette jaunie sur laquelle l’inscription était en finlandais. Un léger nuage de poudre s’envola en l’air. Elle le huma d’une narine et fronça les sourcils, concentrée. Elle se saisit d’un petit scalpel et attrapa une planche à découper.
Elle répandit un peu de la poudre et saisit un pot de peinture bleu nuit ainsi qu’un tube métallique semblable à ceux des pommades.
Elle s’agitait ainsi, toute de gestes précis et calculés, triant, mélangeant, découpant, pailletant et humidifiant. Elle essayait différentes teintes le long de son avant-bras et évaluait le tout d’un regard critique.

« -Il est vrai que « Cérébra » est très certainement abritée dans les tréfonds de l’Institut… Je ne pense pas que nous bénéficions du droit d’accès pour aller aussi loin, plus profond même que les hagards ou la salle d’entraînement… »
Elle traça pour la troisième fois une ligne le long de son avant-bras, puis compara le bloc que Yanis travaillait et sa production.
Elle fit une pause et ajouta une sorte de résine incolore, puis elle touilla la substance initiale sur sa paillasse.
« -Je ne sais pas si ils nous autoriseraient à passer si on leur disait pourquoi on veut y accéder… Cela peut toujours se tenter… »

Elle fronça le nez en sentant que son avant bras semblait être cuisant au niveau de la deuxième trace. Elle commença alors à l’agiter en l’air de manière à faire sécher et solidifier le tout pour que les substances cessent d’être actives.

Le bras toujours actif de manière désordonnée, elle regarda à nouveau Yanis et lui demanda, curieuse :
« -Dis, ça te dirais de venir à mes jurys ? La présentation des œuvres ? »
Se rendant compte que le jeune homme discret qui lui faisait face serait peut-être indécis quant à l’invitation, elle argumenta :
« -C’est public, personne ne le sait, c’est tout. Tous les étudiants présentent… Tu pourrais voir différentes choses… Et si cela t’intéresse. »
La trace était trop réactive. Elle saisit une petite truelle, la baigna dans le white spirit, et entreprit de gratter le produit toxique.
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Lun 7 Déc 2009 - 14:23
Travailler sur de la glaise était véritablement une expérience nouvelle. Les sensations, les postures, l'impact du nano-stylet... C'était comme réapprendre ce qu'il avait appris à force d'entraînement. C'était à la fois déstabilisant, comme s'il se retrouvait nu, démuni face à un bloc qui lui criait de lui donner une forme, de le faire vivre, et électrisant. L'attrait de la nouveauté pensa-t-il. Et il devait apprendre à l'apprécier ; seules les machines se complaisaient dans une routine standardisée.

Il avait commencé par ciseler le contours du visage et la structure capillaire, puis s'était attaqué aux traits en eux-mêmes. Il repensait à la première fois où il avait vu Cérébra. Son hologramme lui avait paru particulièrement distingué, racé. Si l'IA était purement fonctionnelle, pourquoi l'avoir dotée d'une plastique aussi mystérieusement agréable ? N'importe quelle gravure de mode aurait convenu, mais le visage de Cérébra avait quelque chose de plus. Tout en poussant de son pied nu le surplus de glaise qu'il avait retiré en traçant la tête, Yanis s'interrogeait. Feu le directeur avait-il utilisé un modèle ? Cérébra était-elle sortie tout droit de son imagination ? Autant de questions qui trouveraient difficilement réponse.

Près de lui, il entendait Viconia s'affairer comme une abeille. La reprise de la conversation le tira du ronron de ses pensées cycliques. Quelque part, il n'imaginait pas Carrie mariée, mais en vérité il ne se souvenait pas d'avoir vu ou non une alliance à son doigt. Aux yeux de l'Algérien, elle se suffisait à elle-même.

"J'ai décidé de la mettre en examen." dit-il maladroitement sans détourner les yeux de ceux en devenir de Cérébra.

Leur tentative de découverte du moi profond de l'IA rencontrait déjà un obstacle alors même qu'ils n'avaient rien fait. Si les professeurs s'étaient donné la peine d'interdire l'accès au sous-sol, il était en effet peu probable qu'ils les autorisent à aller pratiquer des expériences télépathiques sur l'IA pour les beaux yeux de Viconia, aussi vifs soient-ils.

"Ou alors... on se débrouille pour ne pas enfreindre l'interdiction." proposa-t-il de sa voix mécanique en prenant un peu de recul pour observer son travail. A l'invitation de Viconia, il tourna finalement lentement la tête dans sa direction. Assister à ses jurys ? Analyse du pour. C'était voir la réaction à chaud de l'audience face à la présentation de Viconia, il était clair que cette opinion extérieure pouvait lui en dire beaucoup. Et comme le soulignait la jeune fille, il aurait l'occasion de voir un certain nombre d'oeuvres, le genre de choses qu'il n'aurait jamais pu faire à Alger. Et gratuitement. Analyse du contre. Un immigré algérien dépenaillé ferait certainement tâche dans cette réunion officielle, pire, s'il était identifié comme accompagnant Viconia, cela pourrait rejaillir sur elle et son travail. Et puis, que ferait-il si quelqu'un lui adressait la parole ? Continuer de se faire passer pour un muet ?

Ce qu'il se demanda alors, c'était la raison de cette invitation. Viconia semblait même tenter de le convaincre innocemment. L'appréhension de l'oral ? Yanis se souvenait de de l'époque où il allait à l'école, avant le déclenchement de son pouvoir. Comme tout le monde, il avait parfois dû faire des exposés ou des interventions notées à l'oral. Si cette peur du jugement ne le tenaillait plus, il pouvait néanmoins l'envisager pour quelqu'un d'autre sur la base de son souvenir. Et maintenant qu'il avait promis de l'aider à s'accomplir, il serait haram de se soustraire à son devoir, même si la perspective d'être un soutien moral digne de ce nom lui paraissait on ne peut plus improbable. Evaluant les différents arguments, son regard capta les mouvements frénétiques du bras de Viconia. Si elle voulait mourir pour l'art, elle était bien partie en s'aspergeant de produits caustiques. Allant plus loin que ce constat, il se souvint de la blessure qu'elle s'était fait plus tôt au doigt. L'Algérien commençait à cerner un peu mieux la Finlandaise, bien qu'ils n'aient passé que peu de temps ensemble. Elle ne semblait pas faire spécialement cas de son corps, en particulier lorsqu'il s'agissait d'art. La peinture, contrairement aux cosmétiques, ne se testait pas sous contrôle dermatologique, du moins pas à la connaissance limitée du nano-mutant.

Mais si le corps humain était l'oeuvre d'art de Dieu, ils se devaient d'y prêter plus attention. De plus, la pâleur de sa peau, la finesse de ses doigts, avaient tendance à conférer un air fragile à la NeXus.

"Ton corps marche bien, tu devrais y faire plus attention."
dit-il en désignant de sa main pleine d'outils et de glaise les tubes qu'utilisait la jeune fille pour ses mixtures. Etudiant le visage de la jeune fille, il se dit alors qu'il s'était probablement mal exprimé. La physionomie de Viconia lui était inédite. Il y avait certes des toubabs en Algérie, mais ils n'étaient jamais aussi blancs que la jeune fille, et en dehors de la télévision, il ne se souvenait pas avoir vu une personne aux cheveux écarlates. Ses yeux n'étaient pas en reste. C'était comme si son corps correspondait déjà à l'amour des couleurs qu'elle nourrissait ostensiblement. Yanis avait plaisir à ce qu'elle soit dans son champ de vision, tout comme Cérébra. Son corps faisait plus que bien marcher, il était beau, d'une façon totalement nouvelle pour lui. Vu la teneur pluri-ethnique de l'Institut, il allait devoir s'habituer à d'autres critères esthétiques, d'autres morphologies.

Tout ce temps néanmoins, il avait ruminé des considérations nettement plus pratique en tâche de fond. Voyant que la jeune fille grattait la couche sur son bras, quoiqu'avec du white spirit, le mutant en revint à la question qu'elle lui avait posé.

"Je ne sais pas si c'est une bonne idée. Qu'est-ce que je fais si quelqu'un me parle ?" demanda-t-il en se remettant au travail. La moquerie de Nathan avait bien été consignée. Mais les quolibets n'étaient pas un problème, il en avait eus bien avant de muter. Que faire si cela allait plus loin ? Il n'était pas du genre à attiser les conflits, mais les réactions des Américains étaient un mystère pour lui, bien plus peut-être, que le fonctionnement des fous qu'il avait cotoyé à l'hôpital.
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Mer 9 Déc 2009 - 13:04
D’un œil critique et appréciateur, Viconia fixait Yanis et suivait ses choix de sculpture en silence. Certes, c’était un débutant, cela se constatait au fait qu’il ait décidé de commencer par le visage en précision d’entrée et non de donner au bloc la silhouette générale et vague au début, puis entrer dans les détails à la suite.
Mais il y mettait tant d’ardeur, de concentration, et les traits qu’il avait rendus étaient tellement fidèles à ce qu’elle avait imaginé, qu’elle n’osa point ouvrir la bouche pour lui adresser un quelconque conseil. Elle lui donnerait ses « trucs » par la suite, pour peu que le rendu ait un quelconque défaut, ce dont elle commençait à douter grandement.

Elle eut un léger sourire amusé lorsqu’il conclut à propos de Carrie.
La mettre en examen.
Analyser, observer, tester puis conclure. Après tout, c’était la meilleure des recherches de technique. On les essayait, on les éprouvait, puis on confirmait ou non. Et puis il n’y avait pas de meilleure équipe qu’une autre. Il y avait simplement des techniques variables. Sans compter le fait que leurs missions étaient tellement différentes que toute comparaison cessait à ce point.

En revenant à leur travail commun suivant : l’étude du Moi Intérieur de Cérébra, Viconia laissa son regard glisser sur le visage sculpté par Yanis. Bon rendu.
Précision dans les détails, sans faire trop dans le scolaire. Elle pouvait voir à l’observation qu’il avait comprit ce qu’elle essayait de dire via son œuvre. Par contre, elle allait devoir rectifier cette arrête de nez. Et puis le sourcil gauche… La pommette droite n’était-elle point trop bombée ? Cela donnait à l’IA une tête de pélican bêta… L’angle se devait plus aigu dans les expressions de désespoir…
Détails pratiquement invisibles à l’œil inexpérimenté mais, pour Viconia, cela frôlait le furoncle vicieux au milieu d’un front de top model.

Elle fut tirée de ses considérations rhinoplastiques par la phrase énigmatique de Yanis. Intriguée, elle l’encouragea :
« -Ne pas enfreindre l’interdiction ? Comment ? Dire que l’on cherche les toilettes si l’on se fait prendre risque d’être un brin fumeux… »

La jeune fille finit de gratter son avant-bras et écarta la pâte de séquoia au vernis des Indes. Cela ne fonctionnerait pas, et il lui fallait une importante quantité de toute façon. A 36 dollars le litre, il ne fallait pas pousser…
Elle considéra un pot à confiture rempli de paillettes multiréfringentes… Et ne put s’empêcher d’avoir un sourire vicieux. Au milieu de la foule de possibilités qui commençaient à se présenter à elle, la réflexion de Yanis tomba de manière improbable.
Ses yeux intrigués se posèrent sur l’algérien, puis elle regarda son avant-bras et la trace rouge et surélevée provoquée par la brûlure.
Elle devrait faire plus attention… Peut être allait-elle éviter de lui parler de ce jour d’intense création où elle avait brûlé la moitié de la longueur de ses cheveux par une manœuvre aussi acrobatique qu’hasardeuse.
En réalité, la jeune fille ne se regardait dans une glace que lorsqu’elle avait des jurys, une réunion de famille ou un événement officiel type « fête de l’Institut »… Et encore, cette dernière n’était pas vraiment un exemple.
Pour elle, son corps était un outil bien pratique. La santé était importante si l’on ne voulait pas être freinée dans ses travaux. Pour cela, elle mangeait lorsqu’elle avait faim et qu’elle y pensait (c'est-à-dire à des heures imprévisibles et improbables entre deux travaux ou cours), se lavait régulièrement et se médicamentait en cas d’impotence fonctionnelle notable.
Pour le reste, ses cheveux faisaient avec le shampooing habituel et la térébenthine accidentelle, et sa peau avec la crème hydratante post-douche indispensable aux peaux fines et au white spirit.
Amusée, elle haussa donc les épaules et lui répondit :
« - Oui, je sais que je n’en ai qu’un et que si je l’abîme je suis mal… Mais prendre soin de soi prends du temps… Et je n’ai pas le temps. »

Sur ces mots et cette conclusion qui lui paraissaient tout à fait logiques et pleins de bon sens, elle retourna à son pot et se saisit d’un bocal de cire de sapin des plaines de Russie occidentale. Parfait. Et en plus, cela sentait bon.
Elle sortit un saladier et, attrapant un fouet à pâtisserie, mélangea les deux et commença à touiller.
Au milieu de ce mouvement cyclique et énergique, la question de Yanis tomba de manière improbable, et, sans en comprendre l’inquiétude, elle répondit normalement :
« -Eh bien, tu réponds. Tu as le droit d’avoir une opinion artistique même si tu n’es pas un élève de la fac. »
Les sourcils froncés et interrogeant Yanis du regard, elle continuait sa mayonnaise, projetant de petites paillettes irisées sur ses cheveux, son visage et ses vêtements. Dès qu’elle bougeait, cela scintillait un peu partout. Elle en avait une particulièrement sur le bout du nez, ce qui lui donnait l’attitude d’un phare lorsqu’elle tournait le visage.
Elle ne comprit pas l’inquiétude de Yanis et elle lui lança un de ces regards d’étudiant en art analysant un modèle dont elle devrait rendre compte des moindres détails. Cela donnait l’impression, en général, pour la victime d’être un bout de viande traité froidement.
D’un coup, la jeune fille sursauta (étincela du nez), et, se souvenant tout à coup de la voix qui ne l’affectait plus, lâcha un «Oh. » compréhensif.

Elle s’arrêta de touiller, posa son fouet, et repassa de l’autre côté du bureau pour rejoindre Yanis et Cérébra son saladier en main.
« -Tu peux ne pas parler, si tu veux. »
Elle se saisit d’une poignée de sa mixture, qui s’avérait étonnamment fluide et dispersible et en répandit sur le visage agité de Cérébra. Elle faisait un test.

Elle considéra le résultat, puis se retourna vers Yanis, résolue.
« -Mais si tu commences par te laisser dévorer par ta mutation, t’imposant ainsi des limites qui n’ont lieu d’être en plus de celles, bien réelles, qu’elle te donne malgré elle… Alors, tu n’en auras plus fini, et tu arrêteras de vivre. »
Elle eut un regard triste et se retourna vivement vers Cérébra, empoignant son saladier à pleines mains et le soulevant au-dessus de sa tête.

Elle eut un étrange mouvement des hanches, comme si elle faisait du hula-hoop, et ajouta :
« - Il n’y a rien de choquant ou intriguant du moment que c’est fait avec naturel. Si tu assumes et le considère comme normal, alors les autres interagiront en retour comme si ça l’était, te faisant confiance. Si tu cherches à dissimuler, tu peux être certain qu’ils le sentiront. »

D’un coup, elle sauta en l’air avec un mouvement énergique des mains.
Le résultat fut immédiat : les paillettes irisées s’envolèrent et un gros bloc tomba sur la sculpture, formant une couche de quelques millimètres à la surface de l’argile, le tout étant à peu près homogène…
Bien évidemment, le nuage ne s’arrêta point aux frontières du bloc et les environs eurent leur dose, nos deux membres de l’Institut y compris. Pour le coup ils étaient couronnés et le moindre de leur mouvements scintillerait dans des tons argentés et bleutés.
Viconia eut un léger rire joyeux et, s’essuyant les yeux (étalant donc une trace de paillettes sur ses cils et sa joue), elle ajouta, à l’intention de Yanis.
« -Si on te demande, les prothèses de cordes vocales sont une invention révolutionnaire. »

Elle lui envoya un regard naturel, comme si elle venait d’énoncer une évidence, et, jetant un coup d’œil à la sculpture, ajouta de manière pratique :
« -Cela va se mélanger à l’argile dès la sculpture, le fait qu’elle va encore être remaniée devrait conduire à une répartition intéressante des effets. »
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Jeu 10 Déc 2009 - 21:07
"Pas s'il y a bien des toilettes au sous-sol." releva sobrement Yanis, son long nez toujours fixé sur la sculpture. De toute évidence, il n'avait pas assez regardé de films de série B. Puis il s'écarta à nouveau de l'argile, laissant quelques secondes s'écouler avant de reprendre la parole.

"Mais je pense à autre chose." ajouta-t-il avec une certaine résolution, le regard perdu au-delà de leur oeuvre. Il s'arrêta là. Il devait étudier quelques points avant de juger de la faisabilité de son plan, et le soumettre à la jeune fille. Inutile d'en parler avant. Au lieu de cela, il s'intéressa à l'opinion de Viconia sur les soins apportés à son corps. Lui avait-on déjà fait la remarque ? Sa réponse sonnait comme un sermon appris par la force des choses.

"On a toujours le temps pour ce qui est important." dit-il simplement. Avoir le temps était une notion subjective. Elle avait du temps, simplement pas pour cela. Son bien-être lui paraissait peut-être secondaire, mais pour lui qui venait de prêter serment, c'est une donnée essentielle de l'accomplissement de son oeuvre.

"Sans ton corps, pas d'art." reformula-t-il, déplaçant le problème d'une façon qu'il croyait plus convaincante pour son interlocutrice. Un bon artisan ménageait ses outils. Au moins, elle mélangeait maintenant sa mixture à l'aide d'un fouet et dans un bol, il y avait du progrès.

"J'arrêterai aussi de vivre si on me bat à mort." raisonna-t-il, lorsque la Finlandaise cerna la nature exacte de son problème. Il restait prudent face la théorie d'acceptation sociale qu'elle lui exposait. Il ne pouvait mettre sa sécurité en danger sur l'affirmation de bonne foi de parfaits inconnus. Cela n'avait pas été attesté et restait donc hypothétique, voire très optimiste.
Il s'approcha avec circonspection pour observer l'étrange mélange qu'elle avait préparé, croisant les bras sur sa poitrine, oubliant qu'il avait les mains maculées de glaise et les doigts décomposés en une multitude d'instruments de mort. Ce faisant, il s'entailla le bras droit avec sa main gauche. Il ne réagit pas réellement à la douleur, bien que son esprit l'ait enregistrée. Il observa les premières gouttes de sang affluer au bord de la plaie. Lui qui parlait un instant plus tôt de ménager son corps, sa distraction venait de lui planter un poignard dans le dos. Cela ne serait probablement jamais arrivé dans des conditions normales, mais il était plus négligent depuis qu'il était entré dans l'intimité de la pièce et l'ébullition artistique qui s'en était suivie.
L'expression immuable, il chercha des yeux ce qui pourrait s'apparenter à un linge propre dans son champ visuel.

"Aïe." mentionna-t-il finalement sans émotion et conviction aucune, tandis qu'il pleuvait des paillettes. La scène avait quelque chose d'irréel.
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Ven 11 Déc 2009 - 0:03
Viconia prit note de l'implication de Yanis dans la recherche d'un plan d'action. Elle ne chercha pas à le titiller d'avantage pour en savoir plus. Pour lors, il lui avait remonté le moral sans le faire exprès, craché un projet de recherche et taillé un nez à l'IA de l'Institut, elle s'en contenterait pour la journée.
Le fait qu'elle soit convoquée en briefing le soir même où elle se retrouverai autour d'une table avec Nathan lui semblait loin, très loin.
Mais elle commençait à se faire à l'idée d'être bipolaire et d'être une étudiante en art de jour et agent secret mutant de nuit.
Dès lors que l'un n'empiétait pas trop sur l'autre et que la composante mutante apprenait à faire partie des deux plans, tout allait bien.

Viconia, recouverte de paillettes des pieds aux racines de cheveux, sourit complaisamment à Yanis. Sans son corps, pas d'art, elle le savait bien, mais ce qui était important pour elle, c'était les arts et les « travaux » pour l'institut. Son corps suivait bien pour lors, c'était donc que sa technique fonctionnait. Et puis, à coup sûr, ce serait un cercle vicieux. Si elle commençait à se chouchouter trop, elle allait se ramollir. Rien qu'à l'idée de ne plus pouvoir supporter une séance intensive de sauna avec immersion dans la glace ensuite la fit frissonner.

Le commentaire abscons de Yanis quant à l'idée de se faire battre à mort lui fit froncer les sourcils.
Elle repensa à Yurik et sa multitude de piercings, à Tasha et ses cheveux chewing-gum, et à Bart, qui ne s'habillait qu'avec des vêtements cousus dans de l'écorce. Une voix métallique au milieu de tout cela? Yanis risquait d'avantage de mourir d'asphyxie suite à l'attaque d'une foule de fans en délire que de se faire flageller pour "différence".
Et avec quoi Yacine pourrait-il le battre à mort ? Avec son pinceau 6 putois, sa gomme élastique spéciale fusain (qui était en elle-même un objet de fascination pour la jeune fille)? Il fallait dédramatiser.
En y repensant, Viconia avait eut la bonne idée d'être rousse, comme ça on lui foutait la paix.


Dans un élan scintillant, la jeune fille alla poser son saladier sur son plan de travail et ouvrit son tiroir à pharmacie remplis de tubes antiseptiques, compresses et pansements.
Elle se saisit d'un assortiment et revint vers Yanis, s'exécutant avec célérité, elle avait visiblement l'habitude de ce genre de menues réparations.

Elle déboucha un flacon d'antiseptique et désinfecta la plaie en élaguant une petite couche pailletée. Reposa le flacon et se saisit d'une compresse.
Avait-il dit « aie »? Il y avait du progrès dans la sensibilité.

Elle le fixa avec un regard moqueur mais non agressif et murmura, amusée :
« -Tel l'hôpital qui se moque de la charité... »
Elle se saisit du sparadrap et fit cinq tours du bras de Yanis, histoire d'être certaine d'avoir bien fixé le tout.
Bon, il aurait du mal à retirer les paillettes de son pansement improvisé, mais au moins, il éviterait l'intoxication de la plaie.

Finissant de scotcher, elle jeta un oeil à Cérébra :
« -Je trouve que tu fais du bon boulot...Vraiment. Je retoucherai quelques détails, si cela ne te dérange pas, mais on peut s'y prendre en plusieurs fois maintenant que l'idée générale est là. »
Et puis bon, Claire était du genre à aimer les paillettes, ce n'était pas comme si un monticule d'argile scintillant au milieu de sa chambre à coucher risquait de la déranger... Si ?

Elle tira un coup sec pour couper le ruban de sparadrap, passa sa main dessus pour s'assurer que c'était fixé et, rengainant, affirma à Yanis, soudain très sérieuse, en un face à face résolu.
« - Yanis, sache que parmi les étudiants en art, tu serais bien le dernier à considérer que ta différence te fais sortir du lot. Etre trop « commun » trop « banal », pas assez « décalqué et in » te fais remarquer là-bas. Plus ton expression verbale sera incompréhensible et plus tu donneras l'impression d'affirmer ton propre style, ce que tu fais par ailleurs sans t'en rendre compte dès maintenant, plus tu seras intégré sans même avoir à essayer ! »

Certes, elle venait de faire sa propre analyse au sein de l'Institut, mais bon, on était artiste... Ou on n'était pas.
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Ven 11 Déc 2009 - 21:44
Voyant Viconia déboucher un autre flacon mystérieux, Yanis prit la précaution d'en sentir le contenu avant de laisser la jeune fille poursuivre. Il valait mieux éviter de verser un produit caustique sur sa plaie. Il ne broncher pas à l'application de l'antiseptique, pas plus qu'il ne sembla se formaliser du saucissonnage peu orthodoxe de sa coupure. L'assemblage lui paraissait solide, comme il put le constater en remuant un peu son bras pour en tester l'adhérence.

"Tu as raison, j'ai été négligent. Ca n'arrivera plus." répondit-il avec son sérieux implacable à la boutade de la Finlandaise.

"Merci." finit-il par dire pour le bandage. "Merci." dit-il à nouveau au compliment de la jeune fille, pour équilibrer la donne. Les bons comptes faisaient les bons amis. Cela lui rappela vaguement l'époque où il travaillait sur les chantiers. C'était le genre de phrase que l'on pouvait recevoir de temps à autres, lorsque le contre-maître faisait marcher ses mules à la carotte plutôt qu'au bâton. Appliquant une rigueur égale en toute occasion, Yanis avait toujours travaillé consciencieusement dans le bâtiment, et ce genre d'encouragement ne lui était pas étranger. En cherchant un peu, partout dans le monde, les choses étaient les mêmes.

Il hocha finalement la tête.

"Bien sûr, c'est ta sculpture. Oui, nous continuerons plus tard. Je dois acheter des choses."
dit-il en se dirigeant vers la salle de bain pour se rincer les bras dans la douche.

"Je peux t'emprunter les vêtements de ton homme ? Je les ramènerai propres." demanda-t-il alors, prévoyant de toute façon de s'acheter quelques frippes de rechange avant de partir avec les JustiX.

Il écouta la théorie de Viconia, et ressortit finalement de la salle de bain, plus ou moins présentable si l'on exceptait la taille et le style inadaptés de ses vêtements. Il avait récupéré ses vêtements mouillés, et les rangeait à présent dans son sac plastique.
Se redressant, il laissa tomber son verdict :

"Ton hypothèse mérite d'être vérifiée. C'est quand, les jurys ?"
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