Chambre de Claire et Kitty

Le sourire du travail bien fait et apprécié à sa juste valeur sur les lèvres, Viconia retourna ranger sa trousse à pharmacie. Ce qu'il y avait de bien avec Yanis, c'était qu'il était réglo et tranchait sur ce « qui allait » et « ce qui n'allait pas ». Pas de fioritures ou de détails inutiles dans ses paroles. Du technique, pratique, droit au but. Et ça, pour une Viconia qui avait pété une durite quelques heures plus tôt, c'était sacrément reposant.

Elle contempla Cérébra pensivement et commença à ranger son plan de travail. La journée n'avait pas été perdue mais elle allait devoir mettre en pause les paillettes et se diriger vers son briefing après une bonne douche chaude.

Elle souleva un sourcil interrogatif lorsque Yanis lui demanda à garder les fripes qu'elle avait conservées. Les rendre propres ? Elle avait l'intention d'en faire des torchons à térébenthine et il voulait dépenser de la lessive, qu'il n'avait probablement pas, pour les lui rendre propres ?
« -Je te les donne. Si tu as besoin... Je crois que j'en ai quelques autres, mais ils ne sont pas tous de la même taille. »
Elle avait dit cela d'un ton égal, sans même relever le fait que Yanis l'ait pratiquement insultée d'être mariée avec un modèle sans cervelle... Payé pour la fermer.

Elle évita de lui préciser qu'il ferait quand même mieux de s'acheter des vêtements de son choix et de conserver ceux-ci pour les travaux pratiques. Il saurait s'installer à l'Institut et se procurer le nécessaire en temps et en heure.

Elle alla chercher le reste des vêtements qu'elle pouvait avoir et elle les mit dans un sac plastique qu'elle lui tendit à sa sortie de la salle de bain. Il n'avait pas de salopette, et l'argent devait prioritairement servir aux achats de survie.
Elle eut un grand sourire lorsqu'il finit par accepter sa proposition, et lui affirma joyeusement :
« -Dans deux semaines. »
Ils auraient le temps de tout peaufiner et de finir les détails dans la nuit d'avant avec un peu de chance et beaucoup de café.

Elle rentra dans la salle de bain et se saisit d'une serviette.
« -Bonne chance pour ce soir, avec Carrie. J'espère qu'elle vous emmène dans un endroit sympa. »
Sur ces mots, elle ferma la porte, et passa en mode Nexus avancé.

Saut temporel.

Saut temporel

Enfin du soleil. On ne pouvait pas dire que le ciel avait été clément avec lui depuis son arrivée, et la perspective de pouvoir sortir sans se tremper soulageait Yanis, qui comptait bien profiter de cette opportunité. Vêtu d'un short et d'un T-shirt plutôt amples, il avait fait l'acquisition de coudières avec dans l'idée de tester les pistes du terrain de sport. Garder la forme, c'était déjà important en soi, mais ça devenait une question de vie ou de mort lorsqu'on s'apprêtait à infiltrer une colonie pénitentiaire louche.
Le nano-mutant sortit de sa chambre, un exemplaire d'un vieux numéro du journal de l'école à la main. Il avait découvert cela par le biais plus ou moins volontaire d'Alixtide, quelques jours plus tôt. Ces éditions étaient une véritable mine d'informations sur l'historique de l'Institut et de ses occupants, tout en mettant en relief l'impact de l'actualité mutante sur leur communauté réduite. Un article de la seconde édition avait particulièrement attiré son attention.

Il quitta l'aile des garçons pour celle des filles, et s'arrêta devant la porte de la chambre de Claire et Viconia. Ses jurys étaient passés, mais l'article l'intéresserait peut-être tout de même. Il plia la revue de sorte à faire apparaître en premier l'interview de Cérébra, et glissa le journal sous la porte de la chambre, avant de tourner les talons vers l'escalier.

Finalement, cette histoire de jurys s'était plutôt bien passée. Ils avaient atteint leur objectif, malgré des événements indépendants de leur volonté venus parasiter leur efficacité (situation de référence : déclaration d'amour de Georgia). Pourtant, cela ne s'annonçait pas gagné d'avance. L'Algérien avait bien cru que sa partenaire se laisserait affecter au point d'amoindrir son travail à la veille des jurys. En un sens, Georgia faisait une bien piètre amie pour faire passer son sentiment personnel avant l'avenir de sa camarade. Il connaissait mal la New-Yorkaise, mais il avait noté une certaine propension à tout ramener à sa petite personne. Quoi de plus normal ? Il raisonnait de même lorsque sa vie était en danger. Cela signifiait-il que cette déclaration était une question de vie ou de mort ? Pour lui, la réponse était évidente, mais il commençait également à savoir que ce qui était l'évidence pour lui ne l'était pas forcément pour les autres mutants de l'école.

En tout cas, il avait pu observer l'oeuvre des camarades de Viconia aux jurys. Un certain nombre d'entre eux avaient papillonné autour de lui. Sa voix faisait du Maghrébin la nouvelle curiosité du coin, mais au moins, personne ne lui avait manqué de respect, ce qui n'était pas le cas des élèves de cet Institut qui prônait la tolérance. Certains professeurs lui avaient fait miroiter le cursus artistique. Il n'avait jamais pensé s'engager dans cette voie à titre professionnel, pour la simple raison que sa vie en Algérie ne le lui aurait jamais permis. Mais ici, les choses étaient différentes. La tutelle de l'Institut, l'aide financière et matérielle qu'il lui prodiguait était non négligeable... et ouvrait certaines portes. Il allait devoir réfléchir à son avenir. Il avait posté une annonce sur le tableau d'affichage afin d'obtenir un soutien scolaire de la part d'un élève de son âge, mais en vain. Il n'y avait peut-être aucun élève de bon niveau, ce qui ne serait pas surprenant étant donné la vie non conventionnelle qu'ils vivaient ici.

Arrivé au bas de l'escalier, Yanis prit la direction du terrain de sport d'un pas décidé.

Terrain de sport