Belle journée à Glasgow

C'était la fin d'une journée agréable, ni trop chaude ni trop fraiche. Le genre de journée qui donne envie de se prélasser sur une chaise en ne pensant à rien d'autre qu'à se détendre et profiter du moment présent. Heureusement pour tous les étudiants de Glasgow, ils allaient enfin pouvoir profiter du soleil qui les avaient nargué toute la journée, la dernière sonnerie avait enfin retentit et c'était dans une détente générale que les étudiants se séparaient en petits groupes aller boire une bière ou simplement se poser sur un banc profiter des derniers rayons de la journée. Parmi ces groupes, une jeune femme s'avançait, solitaire. Jolène paraissait euphorique. Un grand sourire barrait son visage. Elle dit au revoit d'un signe de main à ses amis, qui se dirigeaient dans une direction opposée à la sienne et continua d'un pas pressé sur sa route. Ce dernier cours avait été effroyablement long pour elle. Non pas qu'il fut inintéressant en soit mais...on pouvait dire que la voix monotone du professeur jouait beaucoup à l'ennui provoqué, pour preuve le nombre de baillements entendus pendant cette dernière heure. En fait, la véritable raison de son impatience était qu'elle allait pouvoir utiliser son nouveau matériel pour observer les étoiles. Elle attendait ce jour depuis longtemps. Cela faisait plusieurs semaines qu'elle l'avait commandé et il était finalement arrivé ce matin même. Il aurait fallut la voir quand elle l'avait découvert. On aurait dit qu'elle allait exploser tant sa joie avait de mal à être contenue. Maintenant, elle allait pouvoir avoir le temps de l'observer sous toutes les coutures avant la nuit.

Elle marchait d'un pas rapide et elle se retenait à grand peine de ne pas courir pour arriver plus vite chez elle. Au bout de quelques dizaines de minutes de marche, elle arriva devant sa porte. Elle introduisit la clef et l'ouvrit brusquement. A peine entrée, elle posa son sac sur le sol et sans regarder si y avait quelqu'un d'autre dans l'habitation, elle fonça vers sa chambre. Il était là, dans son emballage, à trôner fièrement sur son bureau. Elle s'en saisit d'un geste, prit de quoi couper le papier d'une main et s'apprêta à l'ouvrir.

*Et puis non...*

Finalement elle reposa l'objet. Etrangement elle avait envie d'attendre. Maintenant qu'elle l'avait en main, que l'objet tant attendu était arrivé, elle pourrait bien patienter quelques heures de plus. Elle avait l'impression que l'ouvrir maintenant serait un sacrilège. Quand la nuit arriverait, elle pourrait le faire sans remord. En attendant, courir serait un bon moyen pour elle de détendre un peu avant que le grand moment n'arrive.
Elle ouvrit grand son armoire et en sortit des vêtements plus adaptés à une activité sportive que ceux qu'elle portait actuellement. Une fois changée elle se saisit d'un sac à dos, y mit l'objet -mieux valait l'avoir sur elle maintenant qu'elle l'avait reçu, qui sait ce qui pouvait arriver- et se dirigea dans la cuisine. Elle y remplit une petite bouteille d'eau et se saisit de quelques barres céréalières qu'elle glissa dans son sac; elle jeta une coup d'oeil à l'horloge, il lui restait pas mal de temps, elle allait pouvoir courir sans craindre d'arriver en retard pour le dîner, c'était une bonne chose.

Ses baskets noires l'attendaient dans l'entrée, elle les enfila, prit une veste légère qu'elle enfourna dans son sac et ouvrit la porte. Une fois sortie, elle referma derrière elle à double tour et se mit à courir dans les rues de Glasgow, la musique des Diva rythmant chacune de ses foulées.

[Bonsoir et bienvenue sur AX. Je serai ton courtier ! A partir de maintenant, je m'occupe de tout... Bon jeu ^^]

Tandis que Jolène courrait dans les rues de Glasgow, le jour commençait à - insidieusement - décliner. Les gens se hâtaient de ci, delà pour rentrer à leur domicile, pour y continuer leur petite vie. Elle pouvait en apercevoir des tranches en jetant des coups d'œil furtifs sur les scènes de la vie quotidienne qui s'offraient à elle à travers les fenêtres des gens de Glasgow.

La musique rythmaient ses pas. Aussi, la petite mutante ne fit pas réellement attention au fait que le quartier se faisait moins commerçant, moins animé... plus inquiétant.

Et c'est au détour d'une rue blafarde qu'elle les aperçut.


Les mauvais garçons. En blouson noir et jeans serrés. Appuyés contre un mur. La voyant arriver en courant, ils eurent des ricanements. Des gestes obscènes. Mais ce n'était pas tout...

Le plus à gauche s'adressa à elle. Et brailla pour qu'elle puisse entendre elle - et elle seule, la rue était déserte - à travers ses écouteurs :

"Hey gamine ! Les promesses de l'ombre t'appellent ! Viens un peu par là, je vais te parler de l'Enfant de la Lune..."

Il avait un sourire malsain sur son visage émacié. Il s'avança un peu. Les autres restant bien en arrière.

"L'Enfant de la Lune revient ce soir. Tu veux des mauvaises nouvelles des étoiles ?"

Quand elle entendit la voix du garçon elle se tétanisa. La musique entrainante dans ses oreilles jurait avec ce qui se passait dans la ruelle, Jolène ne tenta même pas de l'éteindre, d'une certaine manière ça la rassurait, d'entendre ce qu'il lui disait avec une musique de fond, ça dédramatisait un peu la situation dans laquelle elle se trouvait maintenant. Elle jeta un coup d'oeil alentour, peut-être une personne passerait à ce moment là pour la sortir de cette mauvaise passe. Malheureusement, elle était seule, avec le gang en face d'elle. Elle se serait bien enfuie en courant mais elle craignait que ses jambes ne la supporte pas. Déjà fatiguées par sa course, la peur lui coupait tous ses moyens. En plus, il y avait toutes les chances qu'ils courent plus vite qu'elle, et même si ce n'était pas le cas, elle craignait un coup d'arme à feu dans son dos. Quelle ironie...Elle qui croyait avoir une volonté de fer et un sang-froid à toute épreuve, voila qu'elle perdait tous ses moyens à la première difficulté. Certes, craindre pour sa vie n'était pas une situation simple à gérer, mais elle se prenait pour plus forte qu'elle ne l'était véritablement.

Son cerveau marchait à toute allure pour trouver un issue quelconque à cette impasse. L'idée du combat de front ne lui passa même pas par la tête. Elle ne pouvait rien faire devant le nombre qui se trouvait en face d'elle, même si elle pouvait potentiellement avoir un effet de surprise. Non, la seule solution qui apparaissait claire à ses yeux était de tenter de gagner du temps en espérant que quelqu'un passe dans la rue et puisse l'aider à se sortir de cette mauvaise passe. Le seul moyen qu'elle avait était donc de discuter avec eux, on verrait bien ce qui se passerait ensuite.

Elle tenta de se redresser légèrement, de prendre un position plus assurée, plus imposante. Elle se racla la gorge et se mit à parler:

-Et qui...qui est cet Enfant de Lune dont vous me parlez? Vous avez l'air de bien le connaitre...

Elle tentait de se contrôler, mais sa voix n'avait pas son assurance habituelle. Ainsi même ça elle était incapable de le contrôler. Elle se flagellait mentalement de tant de couardise de sa part.

*Reprend toi un peu! Avoir peur ne sert à rien dans cette situation.*

C'était bien plus simple à penser qu'à faire. Surtout qu'elle se sentait en plus que son intervention était ridicule. C'était surement un délire de drogués, rien de plus, il ne servait à rien de les interroger dessus. D'un autre côté, ils avaient l'air dans leur état normal- ce qui voulait dire beaucoup de choses- mais si ça lui permettait de gagner quelques minutes ce serait toujours ça de pris.

Apparemment, se parler à elle même lui avait débloqué les jambes. Elle recula légèrement en même temps que ce qui semblait être le chef du groupe avançait vers elle.

Il n'y avait toujours personne qui passait dans la rue... Jolène était désespérément seule avec les loubards. Les 3 autres se redressèrent brusquement quand la jeune mutante fit mine de reculer. Mais ils restèrent sur place.

Seul celui qui avait parlé continuait à avancer d'un pas lent. S'il avait voulu attraper Jolène, il aurait pu le faire. Mais il entreprit de rester à une distance d'un mètre. Le loubard fouilla dans son perfecto et en ressortit un petit bout de bristol, gros comme une carte à jouer.

Il tendit l'image à Jolène, pour la lui montrer.


"Voilà l'Enfant de la Lune. Elle est puissante. Elle revient ce soir pour prendre possession de son Empire. Tu dois la vénérer, gamine. Tu dois réellement la vénérer de tout ton cœur. Parce que sinon..."

Il eut un petit sourire en coin, laissant planer le mystère... Puis, il ricana :

"Non, nous ne la connaissons pas ! Comment la connaître ? Tu as vu la gueule de Glasgow ? Ça fait longtemps que l'Enfant de la Lune ne s'est pas incarnée dans quiconque ! Mais ce soir... Ce soir, ce sera sale temps pour les infidèles ! Une tempête se prépare et seuls les vrais croyants verront un soleil sanglant se lever à l'horizon !"

Ses acolytes ricanèrent. Il importait peu de savoir au fond ce à quoi ils carburaient : ils étaient tous dans un état second.

Voir l'homme aussi proche d'elle lui glaça le sang. Il lui suffirait d'un geste, un pas, pour l'entraver. Elle eu un frémissement à cette idée mais apparemment, ce n'était pas dans ses intentions. Une bonne chose pour Jolène, c'était toujours ça de gagné.
Elle observa la petite carte qu'il avait sortit. C'était une carte à jouer, rien de plus. On aurait dit une carte de visite. Ou le genre de carte que laissait les justiciers comme signature, quelque chose dans le genre.

Les paroles de l'homme n'avait rien de rassurant, au contraire, on aurait dit qu'il était possédé par quelque chose. Et les rires qui fusaient angoissaient encore plus la jeune fille. Ils étaient complétement fous. Le pire, c'est qu'ils y croyaient vraiment à "L'enfant de la Lune", c'était des sortes de fanatiques religieux, admirant une carte en carton. Si elle n'avait pas été directement impliquée dans l'affaire, ça aurait put être amusant. Malheureusement pour elle, dans sa situation, ça ne l'était pas, pas du tout même. Elle pensait juste avoir à faire à des malfrats normaux.

Elle devait en apprendre plus sur cette Moonchild. Avaient-ils juste trouvé cette carte, ou était-ce quelqu'un qui les manipulait dans l'ombre, en les droguant ou autre? Peut-être...une idée lui traversa la tête...que c'était l'oeuvre d'un mutant malveillant. Elle ne croyait pas que tous les mutants étaient mauvais, loin de là, mais c'était comme dans la population normale, il y avait toujours des personnes qui n'agissaient que pour eux ou pour semer le chaos. C'était peut-être un mutant qui les contrôlait mentalement. Mais si ce n'étais pas le cas...c'était possible qu'ils racontent la vérité.

*Maintenant tu crois à ces drogués? N'importe quoi...Un peu de volonté!*

Elle se devait de les interroger, discrètement de préférence. Leur aveuglement lui permettrait peut-être de leur poser des questions sans trop réveiller leur attention. En savoir plus pourrait-peut être lui permettre de sauver sa peau, si ensuite elle faisait semblant de les croire et de rejoindre leurs rangs. Il serait toujours possible de fuir à l'anglaise plus tard.

"Mais comment avez-vous découvert l'existence de "L'enfant de la Lune", et comment avez vous eu cette carte? Et qu'est-elle exactement? Une déesse? Et pourquoi fait-elle cela? Pour purifier la ville, ou quelque chose de plus important? "

Ces questions n'étaient pas très subtiles, mais elle avait tenté de mettre un ton intéressé dedans, presque empressé, comme si les réponses décideraient de sa vie, ce qui d'un certain côté n'était pas totalement faux. Elle espérait grandement que l'envie de la convertir du chef serait plus grande qu'une certaine envie de garder le secret de sa part.

Le loubard reprit en toute hâte sa carte qu'il rangea à nouveau dans son blouson. Visiblement, l'icône, en plus d'être pieuse, était également secrète.

Il toussa longuement puis reprit d'une voix éraillée et fanatique :

"La carte, c'est le Prophète qui nous l'a donnée. Et, il y a 15 ans que NOUS n'avons pas vu l'Enfant de la Lune. Moi j'étais trop petit pour la connaître... Mais c'était une nuit. Une nuit terrible et noire. Où la Lune s'est colorée de sang. Une nuit terrible, oui, pour les adorateurs de L'Enfant de la Lune. La nuit où IL nous l'a ravi. Alors, NOUS avons veillé pendant 15 longues années en attendant son retour, ce soir même..."

Les autres, derrière, joignirent leurs mains, en signe de dévotion.

"L'Enfant de la Lune est l'incarnation sur Terre de notre Maître à tous. Celui qui rugit dans le chaos originel. Et... Ce n'est pas Glasgow qui sera purifiée de la masse des incroyants... mais bel et bien le Monde !"

Il aboya longuement à la façon d'un chien, imité en cela par ses sbires.

"Mais ce n'est pas tout... L'Enfant de la Lune..."

Il retira ses lunettes. Il avait les yeux rouges. Et fous. L'homme voulut poursuivre mais l'un de ses acolytes s'approcha de lui et lui mit la main sur l'épaule.

"Laisse tomber, Rod. C'est une non-croyante. Et pour notre dernière soirée avant l'incarnation de notre Dieu, on va fêter ça à la Taverne du Chardon. Après tout, demain on pourra plus... Et pis, ELLE était pas là au rendez-vous. Viens on s'arrache ! Le Prophète l'aura de toutes façons"

Derrière lui, un des deux derniers garçons venait d'avaler une drôle de petite pilule. Jolène remarqua le caractère très brouillon de leurs gestes, en sus de leur expression décousue.

Finalement Rod mit son index devant ses lèvres.

"Le signe d'Harpocrate. Garder, retenir et ne jamais révéler. C'est le crédo"

Il termina d'une voix un peu plus lucide :

"Dommage, tu étais mignonne gamine. J'aurai fait de toi ma promise si les circonstances avaient été autres... J'espère que tu auras une jolie mort"

Et, ils partirent tous les 4 en hâte, laissant Jolène seule...

Seule ? Au fond de l'allée où elle se trouvait, il y avait des détritus, des containers à ordure et un petit coin d'herbes folles et sauvages, vestiges d'un ancien jardin... De là, depuis que le silence était revenu, provenaient des gémissements... Comme les pleurs étouffées d'une gamine apeurée...

Plus elle y pensait, plus les rapprochements avec une secte était simple. On aurait dit que le jeune garçon était né dans cette religion et avec cette religion. Comme si il s'agissait de son seul cadre de vie. Elle commençait à la plaindre. Enfin plus précisément, elle commençait à le comprendre, un peu. Il était abruti par des préceptes martelés, bien qu'il semblait être celui qui dirigeait, et semblait vraiment croire à ce qu'il disait. Un prédicateur qui annonçait la fin du monde, enfermé dans ses propres dogmes, voila ce qu'était le jeune homme. Ils ne lui voulaient aucun mal pour le moment, en tout cas c'est ce qu'elle voulait croire. D'un autre côté, il mettait tellement de conviction dans ce qu'il disait...Cette histoire de purifier le monde ce n'était pas nouveau dans les religions mais...il y avait quelque chose de dérangeant dans cette histoire...il fallait tirer cela au clair.

Elle s'apprêtait à poser une nouvelle question lorsqu'il enleva ses lunettes. Les yeux écarlates la stoppèrent dans son élan. Cette couleur était tellement intense...Si elle avait jamais eu des doutes sur la santé des personnes se trouvant en face d'elle, la voila maintenant qui n'en avait plus aucun.

L'ami de Rod prit alors la parole. Son discours ne l'étonna guère, mais cela signifiait que toute discussion était maintenant close...pour le moment. Elle pourrait toujours les suivre à la Taverne du Chardon pour récupérer quelques informations au détour d'une discution.

En réfléchissant à cela, elle remarqua le troisième garçon prendre une pilule. Il avait l'air perdu et ses gestes n'étaient pas assurés, comme un drogué en manque.

*Finalement c'est peut-être juste ça qui leur fait perdre la boule...*

Elle voulait y croire à cette version. Elle l'espérait fortement mais quelque chose lui soufflait que non, ils étaient trop organisés et cohérents pour n'être que de simples junkies.

Finalement ils partirent. Les deux dernière phrase de Rob la laissèrent perplexe mais n'y fit pas plus attention que cela. A côté de ce qu'elle avait entendu cette nuit, cela semblait presque anodin, banal.
Elle s'apprêtait à leur emboiter le pas lorsqu'un bruit la fit se retourner. On aurait dit un enfant qui pleurait. Coïncidence? Elle n'y croyait pas trop. Une partie d'elle avait envie de les suivre pour réussir à récupérer quelques informations et l'autre partie se disait qu'elle pourrait toujours les retrouver vu qu'elle savait où ils allaient. La deuxième partie eu le dernier mot.

Jolène se dirigea vers l'endroit d'où provenait le bruit. Elle s'approcha doucement, en faisant le moins de bruit possible, pour ne pas faire peur à ce qui se cachait là-bas. Quand elle fut assez près, elle s'accroupit et se mit à parler à mi-voix, faisant en sorte que seule la personne qui était cachée puisse l'entendre.

"Hey...ça va? Je peux t'aider?"

Son ton n'étais pas très accueillant et chaleureux mais il n'était pas pour autant menaçant.

"Qu'est ce que tu fais dehors à cette heure ci?"

Alors que les loubards étaient maintenant loin, hors du champ de vision de Jolène, la mutante aperçut une silhouette sortir en rampant de derrière une poubelle.


C'était une gamine d'à peu près son âge, tenant dans sa main tremblante un bâton de rouge à lèvres, les yeux peu rassurés... Elle renifla en entendant les paroles de la mutante. Eut un léger mouvement de la mâchoire. Regarda à nouveau Jolène...

C'était fou mais la fille - que Jolène ne connaissait pas - avait quelque chose de très familier... Comme un air de déjà vu.

"Je... Je... Ils sont partis ?" demanda-t-elle d'une toute petite voix.

Elle s'avança quelque peu, toujours en rampant sur ses coudes.

"Mon... J'attendais mon papa. Mais..."

La gamine baissa tristement la tête.

"Mais, il est pas venu. Comme Maman me l'a toujours dit... Et j'sais pas où aller. J'connais personne dans cette ville..."

C'était étrange mais elle s'attendait à quelqu'un de plus jeune, elle ne saurait dire pourquoi. En la regardant plus attentivement la jeune fille, ses traits lui rappelaient quelque chose. C'était vrai qu'elle ressemblait un peu à la fille dessinée sur la carte que Rod lui avait montré. Surement à cause de ses tâches de rousseurs et de ses longs cheveux clairs. En tout cas, elle avait l'air vraiment effrayé, ce qui pouvait se comprendre.

"Ils sont partis, t'inquiète pas!"

Décidément cette pauvre petite était bien perdue, à se demander ce qu'elle pouvait faire là d'ailleurs, et Jolène ne pouvait humainement pas l'abandonner comme ça, même si elle mourrait d'envie de retourner voir les blousons noirs. Et elle semblait avoir eut affaire avec eux, même si le rouge à lèvre sortit dans cette situation était plus étrange qu'autre chose, la manière dont elle le tenait faisait croire qu'elle voulait se défendre avec...c'était risible.
Jolène coupa la musique complétement, elle était plus détendue, avoir du son en plus ne servait à rien maintenant, si ce n'était à la déconcentrer d'avantage qu'elle ne l'était déjà.

"Ils t'ont fait quelque chose?"

Elle planta un regard dur dans le sien. Elle voulait savoir et elle saurait. Elle avait bien conscience que ce n'était pas "gentil" de réagir comme cela mais en l'occurence la jeune femme avait à ses yeux bien moins d'importance que les loubards et leurs paroles incompréhensibles.
Rapidement, elle se rendit compte qu'elle n'arriverait pas à de bons résultats comme ça. Si la jeune femme était aussi effrayée par elle que par eux elle ne lui dirait rien. Sans se défaire de sa mine sévère elle ouvrit son sac et en sortit les barres de céréales ainsi que la bouteille d'eau.

"Si tu veux manger quelque chose..."

Elle lui tendit ce qu'elle avait dans la main les sourcils froncés. La soif commençait à l'attaquer et elle aurait bien pris quelques gorgées d'eau mais ç'aurait été contre-productif de faire cela. Elle prit une position plus agréable, si elle devait parler avec la jeune femme autant faire en sorte de ne pas avoir de fourmis après.

"Au fait...je m'appelle Jolène..."

Elle resta prostrée dans sa position, à attendre patiemment que la jeune femme se mette à parler.

La jeune fille parut se rasséréner quelque peu. Elle se redressa, épousseta ses genoux. Puis, se rendant compte qu'elle avait toujours la main crispée sur son rouge à lèvre, repartit d'un pas rapide derrière les poubelles.

Elle en ressortit avec une besace qui semblait contenir ses maigres possessions terrestres.

Elle prit une grande inspiration, tentant tant bien que mal de faire cesser ses légers tremblements.

"Merci" se contenta-t-elle de dire avant d'accepter la bouteille d'eau et une barre de céréales. Elle dévora avec empressement la seconde, tout en vidant la moitié de la première. Cette fille faisait peine à voir.

Finalement, elle lança :

"Non... Dès que j'ai vu qu'ils arrivaient, je suis allée me planquer. Ils m'ont pas remarquée. J'ai eu de la chance. Mais mon papa n'est pas venu"

La fille fit un petit sourire. Très timide. Très léger. Mais c'était un sourire quand même. Elle ne tremblait presque plus.

"Moi, c'est Ailein. Ailein Holme... Enfin Towen. C'est le nom de mon papa mais ma maman veut pas que je l'utilise. Elle dit que c'est un vilain nom. Mais c'est tout ce que je connais de lui... Alors..."

Elle baissa tristement les yeux.

"Je crois qu'il viendra pas, en fait"

Jolène était impressionnée par la jeune fille. Depuis combien de temps n'avait-elle pas mangé? Pour dévorer de cette manière une barre de céréale qui somme toute n'était pas mauvaise mais pas de la grande cuisine non plus. Elle lui donna la deuxième, elle en avait plus besoin qu'elle, puis elle se mit à réfléchir. Cette jeune femme n'avait donc aucun rapport avec la bande de Rob. Dommage, ç'aurait fait une bonne histoire...elle était déçue. Mais bon, maintenant elle ne pouvait pas se permettre de l'abandonner ainsi.
Elle jeta un coup d'oeil à la sacoche qu'elle était allée chercher. Elle n'était pas très remplie.

*Une fugueuse peut-être?*

C'était envisageable. Surtout l'histoire avec son père, ça paraissait louche. En tout cas maintenant elle allait mieux...c'était déjà pas mal si on prenait en compte le fait qu'elle tremblait il y a cinq minute à peine.
Elle se releva, essuyant la poussière qui s'était déposée sur elle et elle tendit la main à Ailein pour l'aider à faire de même.

"On va marcher un peu, ça te fera du bien."

A elle aussi. Cette ruelle ne lui plaisait pas trop. Et ce n'était pas parce qu'elle s'était faite accostée par des fanatiques qui annonçaient la fin du monde pour demain qu'elle disait ça; pas du tout. Mais tout de même, mieux valait être prudent.

"Tes parents sont divorcés et ta mère veut pas que tu voit ton père c'est ça? Et t'as donné rendez-vous à ton père pour qu'il vienne te chercher. C'est pour ça que t'es partie de chez toi?"

Ces questions étaient surement trop directes mais Jolène n'avait jamais sût utiliser de tact. D'un autre côté, cette jeune fille ne semblait pas si fragile que cela, si comme elle se supposait elle avait fugué. Il faut une bonne dose de courage pour quitter ainsi le domicile maternel et tout plaquer.

"Tu lui avais donné rendez-vous où et quand à ton père? Tu as de quoi le contacter? Un numéro de téléphone ou autre?"

Peut-être qu'elle pourrait l'aider...qui sait...

*N'oublie pas les autres là...tu dois encore tenter de les retrouver au...c'était quoi déjà le nom du bar? Ah oui...la Taverne du Chardon..."

Elle ne les avaient pas oubliés, au contraire, mais savait qu'elle devait d'abord aider la jeune femme... On pouvait espérer qu'ils y passent toute la nuit, elle avait du temps devant elle, même si le nom de "Taverne du Chardon" ne lui disait pas grand chose...elle chercherait dans sa mémoire, elle trouverait peut-être.

Ailein accepta de bon cœur la seconde barre de céréales, qu'elle mangea, cette fois, en prenant son temps.

"Non, mes parents ont jamais été mariés. Enfin, pas un vrai mariage où on échange des bagues et tout et tout... Maman est si mystérieuse sur mon père en fait..." lança-t-elle tout en mâchonnant.

Les deux jeunes femmes marchaient en direction d'un quartier moins - comment dire ? - agité.

"J'sais juste comment il s'appelle, en fait. Towen. Alasdair Towen. Et qu'il a une grande barbe. Et une sorte de robe... Pas comme les filles, hein ! Mon père est pas comme ça ! Mais comme... Je trouve plus le mot..."

Elle se passa la main dans les cheveux et zappa la fin de sa phrase.

"Enfin, je l'ai jamais vu de ma vie. Et comme maman veut jamais en parler... Sauf qu'il y a une semaine..."

La voix se fit plus basse. Comme s'il s'agissait d'une confidence. D'un secret qui ne pouvait qu'être chuchoté dans les ténèbres, entre deux battements de coeur.

"Il y a une semaine, je l'ai eu au téléphone. Maman était à l'hôpital - elle est tout le temps à l'hôpital - et je l'ai eu au téléphone. Et il m'a dit qu'il voulait qu'on se voit. Ici. Enfin, dans la ruelle là bas... Mais il est pas venu..."

Elle pleurnicha. Puis commenta, d'une voix entrecoupée de sanglots :

"Il est pas venu... Tu te rends compte ? J'ai traversé le pays pour pas le voir... Et il y avait ces horribles garçons ! Et moi, tout ce que j'ai de lui, en 15 ans d'existence, c'est un pendentif..."

Ailein serrait sa besace comme si c'était son bien le plus précieux. La jeune fille semblait effondrée. Elle termina :

"Qu'est ce que je vais devenir ? Qu'est ce qu'on va faire ? En plus je t'embête, tu devais avoir d'autres projets j'imagine pour ce soir..."

Cette jeune fille pleurnichait de plus belle. Elle n'étais pas si forte que cela en fait...Jolène cala sa main droite sur sa hanche. Enfin... elle n'allait pas l'engueuler maintenant, même si ce n'était pas l'envie qui lui manquait, il fallait se calmer, ça ne lui servirait à rien...

"Bien sûr que j'avais d'autres choses de prévues que d'aider une fille perdue..."

Sa voix était froide. Dire qu'elle avait pensé pouvoir regarder le ciel ce soir...elle aurait mieux fait de rester chez elle, elle serait déjà en train d'ouvrir son matériel et de l'utiliser.

"Mais maintenant que j'ai commencé, je ne vais pas arrêter..."

Elle marqua une pause, prenant compte de tout ce qu'elle venait d'apprendre.

"Tu dis qu'il porte une robe, tu veux dire un kilt ou plutôt comme un prêtre..."

Ses derniers mots furent presque murmurés, comme si elle se parlait à elle même.

"ou un gourou."

Décidément cette histoire monopolisait son attention, elle trouvait partout des signes, inventés par son esprit pour rapprocher à tout pris la jeune fille du groupe de garçons. Mais il faudrait qu'elle se fasse une raison, ce n'était que des coïncidences, rien n'était relié...Une partie d'elle même ne voulait pas croire à cela, sans raison particulière.

"Enfin bon...tu avais parlé d'un pendentif...tu peux me le montrer? Si il devait venir te chercher ici c'est qu'il ne doit pas habiter bien loin, il y aura peut-être quelque chose qui permettra de l'identifier, une adresse, ou autre chose."

Un sourire apparut sur ses lèvres. Si elle avait son nom complet, et qu'on supposait qu'il habite ici, à Glasgow, ou dans sa proche banlieue, il suffirait de le chercher sur internet; elles trouveraient bien un bar avec du wi-fi...pourquoi pas la Taverne du Chardon...comme ça elle ferait d'une pierre deux coup, elle aiderait la fille et elle pourrait satisfaire sa curiosité. Ce serais une bonne chose...

"On va aller dans un bar...ce sera plus agréable et on pourra surement se connecter sur la toile...on trouvera peut-être quelques informations sur ton père..."

En disant cela, elle se rendit compte d'une erreur...elle ne savait toujours pas où se trouvait la Taverne en question. Elle pourrait toujours demander à quelqu'un d'autre...en attendant elle irait dans la direction qu'ils avaient potentiellement prise.

La fille renifla à nouveau tout en fourrageant dans sa besace.

"Merci, c'est vraiment gentil... Tu sais j'ai pas beaucoup d'amis. Maman veut pas trop que je parle aux gens, en fait. Et... Je connais personne, ici. Alors, merci beaucoup..."

A l'évocation du mot "prêtre", Ailein eut un regain d'attention.

"Oui, c'est ça. Comme celle d'un prêtre ! Enfin, pas comme celle du Révérend Benedict ou des gens qui m'ont fait mon éducation religieuse... Mais c'est l'idée..."

Elle sortit finalement le pendentif en question.


Jolène eut beau le retourner et l'examiner dans tous les sens il n'y avait ni marque de fabrique ni signe distinctif quelconque... La matière semblait être de l'argent, voilà tout.

Finalement Ailein opina du chef : le plan de Jolène lui semblait diablement bon. Et puis... Elle n'allait pas contrarier sa nouvelle meilleure amie.

Les deux jeunes femmes se retrouvèrent dans un endroit un peu plus animé. Dans une rue où se trouvaient un certain nombre d'échoppes en tout genre. Il y avait des passants et des gens en train de fumer à la sortie des établissements. Mais pas de Taverne du Chardon.

Une lune...ILS voulaient la faire tourner en bourrique. Qui ça ils? Elle n'en savait rien mais c'était le cas. ILS voulait qu'elle devienne paranoïaque et qu'elle se mette à voir des signes partout. Peut-être était-elle déjà sous leur influence? Qui sait? Tant qu'elle n'aurait mit tout cela au clair, elle savait qu'elle serait perturbée...En plus c'était "une sorte de prêtre", un dirigeant religieux donc...si il trouvait les autres elle leur demanderait le nom de leur chef, ou gourou, qu'importe.

Bon maintenant il s'agissait de trouver cette auberge. Taverne, pardon. Apparemment elle n'était pas ici, mais elle pourrait toujours demander à quelqu'un de lui indiquer où pouvait se trouver le bar. Ca ne devait pas être très éloigné, on pouvait l'espérer.

Elle saisit la main de la jeune fille et l'entraina vers un de ceux qui fumaient. Elle lui chuchota quelque chose au passage.

"Ne t'inquiète pas...j'vais juste demander un renseignement, je cherche un endroit en particulier."

Quand elle arriva à la hauteur des fumeurs, elle s'adressa au plus proche.

"Excusez moi, vous connaitriez un endroit du non de la Taverne du Chardon? Et si ce n'est pas le cas, vous savez si on peut utiliser internet dans un endroit proche, ou m'indiquer quelqu'un qui pourrait le connaitre?"

Son visage était fermé et son ton peu chaleureux. Pas froid non...mais on pouvait sentit qu'elle attendait des renseignements, et rien d'autre de la part des gens en face d'elle. Elle y passerait la nuit si il le faut mais elle trouverait cette maudite taverne.

L'homme à qui Jolène s'était adressée tendit son bras dans la direction d'où elle venait et marmonna quelques brèves indications. Visiblement, ce n'était guère loin de l'endroit où elle avait rencontré les loubards.


Après une dizaine minutes de marche, Jolène et Ailein se retrouvèrent devant la Taverne du Chardon. La devanture était sale et grise. L'intérieur guère plus réjouissant. Néanmoins, ça n'avait pas l'air de gêner les rares habitués présents : quelques vieux écossais sirotant une mousse, un jeune couple visiblement peu fortuné et une dame d'un certain âge avec un maquillage et une tenue... qui ne laissaient guère de doute quant à la profession qu'elle exerçait !

Le barman avait l'air, quant à lui, ni aimable ni serviable. Il servait les mousses. Échangeait trois mots. Voilà tout.

En revanche, nulle trace des loubards dans la salle où elles se trouvaient !

Jolène aperçut néanmoins un poste informatique désert, juste à côté d'un téléphone. Le tout en accès libre.

Finalement il était connu ce bar. Au moins elle n'aurait pas à demander à toute la rue pour le trouver. Elle remercia brièvement celui qui l'avait aidé d'un signe de tête avant de se diriger vers la direction qu'on lui avait indiqué. Plus elle s'approchait, plus son coeur s'emballait. Elle aurait d'autres informations finalement, elle finissait par ne plus y croire. Elle jeta un coup d'oeil à sa montre, voir si son frère pouvait s'inquiéter ou pas et accéléra le pas.

Lorsqu'elle arriva devant l'endroit, elle prit une longue inspiration. Elle devait faire comme si c'était banal, comme si elle ne cherchait personne des yeux. C'allait être dur. Elle n'était pas rassurée, ils pouvaient peut-être réagir violemment, on ne savait jamais.
Finalement elle poussa la porte d'un geste à peu près assuré. Elle jeta un coup d'oeil alentour. Ils n'étaient pas là. Ils étaient surement déjà partis. Elle avait trop trainé avec la jeune fille, maintenant elle s'en voulait de l'avoir aidée mais elle finirait son travail vu qu'elle l'avait commencé. Ce qu'elle ressentait était étrange. D'une certaine manière elle était plus détendue, au moins il ne pouvait rien se passer de dérangeant mais c'était une impression minoritaire. Elle avait plus envie de crier et de rager que d'être heureuse. Elle en savait trop ou pas assez sur cette secte. C'était comme si on vous donnait le début d'un film ou d'un livre captivant et qu'avant la fin ou vous le coupe et en vous empêche de savoir la fin, c'était rageant.

Elle remarqua aussi qu'un poste en accès libre était présent. Au moins elle n'avait pas tout perdu. Elle se dirigea vers l'ordinateur et en passant devant le barman elle montra le PC du bout du doigt.

"Je vous l'emprunte deux secondes."

Elle n'attendit pas sa réponse. Au pire elles prendraient une consommation, si il n'y avait que cela. Elle regarda si elle avait de quoi payer quelque chose, au cas où.
Elle s'assit devant l'écran et resta songeuses quelques secondes. Puis, elle ouvrit un navigateur et se mit à taper sur le clavier. Elle commencerait par une première recherche. Elle tapa "Alasdair Towen".

"C'est bien comme ça que ça s'écrit?"

Elle regarda ce qu'elle avait trouvé avec attention. Ensuite il faudrait qu'elle fasse une deuxième recherche quand elle aura trouvé ce qu'elle voulait. Il faudrait juste qu'elle recherche "L'enfant de la lune". Elle pourrait peut-être trouver des informations intéressantes.

Le barman ne broncha pas. Visiblement, il avait l'habitude que son poste informatique serve aux étrangères de passage.

Jolène s'installa donc sur le siège et commença ses recherches. Ailein, quant à elle, ne tenait guère en place.

"Faut que j'aille... Enfin, tu vois..." minauda-t-elle d'une petite voix, avant d'aller demander au barman la direction des toilettes. Il lui indiqua une porte qu'elle s'empressa d'emprunter, en tout hâte.

La jeune mutante ne trouva que peu de résultats relatifs à Alasdair Towen. Ou plutôt elle trouva des choses, mais pas nécessairement en relation avec cet homme... Elle se rendit rapidement compte que le nom "Towen" était un vieux nom commun qui avait trait à un autel, et plus précisément à l'autel où l'on réalisait les sacrifices dans la civilisation préchrétienne écossaise... Le "slaughter towen".

Alasdair Towen, en revanche, aux dires d'un mémoire universitaire en théologie des mouvements sectaires, aurait été un gourou dans les années 2090.


L'image était légendée : Le Grand Bouc Towen et sa première brebis.

Le reste de l'article, signé d'un certain John Six, étudiant à Glasgow, faisait mention d'une secte "Les adorateurs de l'enfant de la Lune" dirigé par le même Towen. Il s'agissait visiblement d'une bande de païens illuminés qui cherchaient à ce que leur divinité - une chose ultraterrestre sans forme physique qui aurait crée la Terre à son désir avant d'en avoir été bannie - s'incarne dans une jeune vierge choisie en raison de certains signes, juste après sa nuit de noces.

John Six expliquait que les dernières informations relatives à cette secte datait de 2093, date à laquelle ce mouvement aurait subi un grave revers de fortune : la jeune promise aurait réussi à s'enfuir au bras d'un adepte, la nuit de la Grande cérémonie, et n'aurait plus jamais été revue. Le Gourou Towen, blessé dans l'affrontement, aurait lui même disparu.

Une dernière illustration rendait compte du rituel envisagé :


La conclusion du mémoire était sans appel : si la secte semblait avoir bel et bien disparu, John Six insistait sur son éventuel retour et sa dangerosité extrême. Visiblement, l'auteur mettait en garde le lecteur au sujet d'un éternel recommencement.

En faisant une nouvelle recherche sur "L'enfant de la lune", Jolène ne trouva rien de bien concluant. Après l'examen de plusieurs pages de résultats sans aucun lien apparent avec son affaire, elle trouva néanmoins une nécrologie : "Monsieur John Six, habitant de Glasgow, est mort au début de ce mois de juillet. Cet enseignant de lycée s'était surtout illustré par son recueil de contes et légendes écossais reprenant, notamment, son brillant mémoire sur les Enfants de la Lune, cette légende urbaine qui avait fait sa renommée toute relative. Nos pensées vont à son fils, John Six Junior, qui s'est attelé à poursuivre son travail".

"Oui,oui..."

Elle n'écoutait que d'une oreille ce que disait Ailein, trop concentrée sur les recherches qu'elle faisait. Elle pouvait aller au toilettes si ça lui chantait, du moment qu'elle ne restait pas trop loin.

Elle trouva quelque chose d'intéressant. Elle le lut de diagonale avant de relire plus attentivement. Plusieurs choses s'éclairaient, surtout la raison pour laquelle la mère de la jeune fille n'aimait pas son père. Surement une ancienne adepte qui avait quitté la secte ou quelque chose comme ça.
Elle fit défiler le reste de la page pour continuer de livre l'article. "John Six", elle marqua son nom pour ne pas l'oublier, ça pouvait toujours servir.

Une fois sa lecture finie elle resta pensive quelques minutes. Ainsi, elle n'était pas devenue totalement paranoïaque, la jeune fille était bel et bien reliée à l'Enfant de la Lune. Et si on tenait compte des dates, c'était possible qu'elle soit la fille de celle qui s'était enfuie. 2108-2093, ça faisait bien 15 ans...Et si on allait plus loin il était possible qu'Ailein soit la nouvelle réincarnation de l'Enfant de la Lune, ce qui expliquerait pourquoi son père lui avait donné rendez-vous ce jour précisément. Et pourquoi la bande était là. Ils devaient certainement tomber sur la jeune femme pour la ramener à son père et pouvoir...Elle frissonna. L'image ne donnait pas envie d'être à la place de l'incarnée. Elle repensa à ce que Rod lui avait dit "Et, il y a 15 ans que NOUS n'avons pas vu l'Enfant de la Lune."...ça correspondait tout à fait.

Elle eut un flash tout à coup. Il fallait prévenir la jeune femme, lui dire d'être sur ses gardes. Surtout qu'ils trainaient dans le coin. Mais ils n'étaient plus dans la Taverne...Et si...non...elle regardait trop de films ce n'était pas possible...mais c'était possible que...

Elle ferma en vitesse ses recherches. Il n'y avait aucune raison qu'ils se trouvent dans les toilettes...non aucune mais il valait mieux en être sûr. Elle ne les laisserait pas filer cette fois-ci, et sa curiosité serait assouvie. Ils ne partiraient pas deux fois de suite, elle se le promettait.

Elle recula sa chaise en vitesse et se précipita vers les toilettes. Elle ouvrit la porte en grand pour regarder à l'intérieur.

"Ailein! T'es là?"

Quand Jolène ouvrit la porte, elle eut une drôle de surprise : il ne s'agissait pas des toilettes mais bel et bien d'une arrière salle ! La porte permettant d'accéder aux WC étant sur le côté de la pièce.

Dans les toilettes - à la turque - personne.

En embrassant l'arrière salle du regard, la mutante vit plusieurs tables dont une sur laquelle reposaient quatre verres de bière à moitié consommés, un cendrier avec deux cigarettes encore incandescentes...

Il y avait une porte incendie, seule autre issue, mal fermée. L'unique personne présente dans la pièce était un vieil écossais qui sirotait sa bière d'un air grave.

Jolène resta figée quand elle ouvrit la porte. Elle s'attendait à une femme en train de sa maquiller, ou une vieille en train de se laver les mains ou...quelque chose de normal quoi, un peu de vie, pas une autre salle avec personne à l'intérieur. Ah si...y avait le vieux aussi.
Elle jeta un coup d'oeil aux cigarettes, ils avaient dût partir précipitamment pour laisser ainsi les bières. Le vieux n'avait pas l'air menaçant, elle l'ignora. Ils étaient surement partis avec Ailein. En se pressant, elle pourrait peut-être les rattraper.

La sortie de secours semblait le seul endroit par où ils auraient put partir. Elle courut vers cette dernière et l'ouvrit vivement avant de se précipiter dehors.

Dehors, cela donnait sur une ruelle sale et déserte. La nuit était déjà bien tombée et... Il n'y avait personne.

En faisant quelques pas supplémentaires, Jolène put se retrouver sur un axe plus important, celui qu'elle avait emprunté avec Ailein pour se rendre dans cet endroit.

Mais là encore, il n'y avait nulle trace ni de la gamine, ni des 4 voyous, juste...

... au sol, comme s'il avait été perdu en chemin, se trouvait le petit pendentif d'Ailein. Le seul souvenir de son père.

Jolène souleva le pendentif. C'était bien celui de la jeune fille...Elle les avait ratés...Elle qui s'était promis de ne pas les laisser filer. En pensant à cela, elle s'en voulait de ne pas avoir réussit, c'était tellement simple, si elle avait été plus rapide de quelques minutes elle aurait put les arrêter. Mais maintenant...

*Bien joué! Toutes mes félicitations!"

Elle était en colère contre elle même. C'était intolérable pour elle de rater de cette manière plusieurs fois de suite. De rage elle frappa de toutes ses forces dans un caillou qui trainait par terre.

"ET MERDE!"

Elle avait envie de crier, de hurler, d'insulter toutes les personnes qu'elle pourrait croiser. Mais elle devait se calmer. Ce n'était pas comme ça qu'elle pourrait retrouver les adorateurs de l'Enfant de la Lune, elle pourrait demander au vieux, il avait l'air d'être avec eux, il savait surement où ils étaient allés. Et depuis combien de temps. Avec son aide elle pourrait surement arriver au bon moment.
Elle rangea le pendentif dans son sac avant de retourner à l'intérieur. Si le vieux était toujours là, elle savait exactement ce qu'elle ferait. Elle voyait déjà la scène dans sa tête.

"Où sont-ils partis? Et y a combien de temps?"

Sa voix serait contrôlée mais froide.

"Maintenant."

Elle espérait qu'il serait coopérant. Elle n'avait pas envie d'avoir de nouveaux problèmes et sa capacité à parlementer se trouvait, en ce moment, assez réduite. Elle ne discuterait pas probablement plusieurs heures avant de devenir plus directe.

*Et si jamais il n'étais plus là?*

Cette hypothèse ne lui plaisait pas, mais alors pas du tout. Si il était parti, ses chances de retrouver les autres seraient réduites à néant. A moins qu'elle ne demande au barman. Il devait surement être au courant de quelque chose, c'était son établissement après tout. Bon elle ne voyait que cela comme solution si il n'était pas là...retourner dans la pièce principale et interroger le-dit barman.

Elle arrêta ses élucubrations et ses pensées en refermant la porte derrière elle. Son regard parcourut la pièce rapidement. Alors...était-il là ou pas?

"Euh, ma bonne dame" commença le vieux d'une voix pâteuse et maladroite. "Ils sont partis par la porte, là...."

Il désignait la porte incendie donnant sur la ruelle.

"Pis... Euh... C'était... Enfin, ma bière, elle était pleine à ce moment là"

Sa chope était presque vide, mais vu le teint rubicond du gaillard, il était certainement très doué pour lever le coude.

"Enfin, la loupiote là... Elle s'est un peu débattue. J'ai cru que c'étaient ses petits amis les mectons là... Mais..."

Il se gratta la tête, souriant bêtement de son unique dent noirâtre.

"Ma bonne dame, tout ce que j'y sais de plus c'est y qu'ils ont parlé d'un "dieudosier". Ou un truc dans le genre. Ouais ma bonne dame, ils ont dit "On va au dieudosier pour la mettre d'dans". Voilà ce qu'y ont dit. Maintenant que j'ai tout dit, vous me payez une bière ? Toute cette jactance m'a assoiffé le gésier"

C'était pas possible. Ce poivrot les avait vu partir et il n'avait rien fait pour les arrêter! Et il n'y avait aucune hésitation à avoir quand à ce qu'était ce "dieudosier". Ils allaient la faire brûler...Elle allait arriver trop tard. Que pouvait-elle faire maintenant? Il n'en savait pas plus qu'elle. Elle lui posa une dernière question, par dépit.

"Et quand ils parlaient ensembles...vous n'avez pas entendu parler d'un lieu quelconque, un endroit, une rue, une maison...je sais pas moi...quelque chose..."

Elle prit une chaise à la même table que lui et et tomba dessus avant de poser sa tête sur le bois.

"Je vous offrirais un verre si vous me donnez des informations...ou une bonne idée pour les retrouver...et de préférence avant que la jeune fille ai flambé..."

Elle ne savait pas quoi faire...elle n'avait aucun numéro, aucun indice qu'ils auraient put laisser pour qu'elle puisse les retrouver. Rien...Elle regarda avec dépit le nom de John Six qu'elle avait écrit. Il ne lui servait à rien lui non plus. Si seulement il y avait le numéro de son fils...peut-être aurait-il eut une idée sur l'endroit où la cérémonie pouvait se passer. Mais elle ne l'avait pas, elle pourrait aller le chercher sur internet mais ça lui ferait perdre plus de temps qu'autre chose. D'un autre côté, rester ici ne servirait à rien non plus. Et son idée d'interroger le barman ne servirait surement à rien non plus, si il était autant au courant que ses clients...

"Sinon, vous pensez que le mec derrière le bar peut savoir quelque chose de plus sur eux? Ils étaient habitués...d'ailleurs si à un autre moment vous avez entendu d'où ils venait, ça m'aiderait beaucoup..."

Bah sinon si elle n'apprenait rien elle pourrait toujours appeler la police. Ils étaient plus nombreux et auraient vite fait de trouver l'énorme machin de paille qu'ils projetaient de faire brûler...pour peu qu'ils la croient.

*Bonjour, je vous appelle pour vous dire qu'une secte disparue à prévue de faire un sacrifice humain cette nuit...ils ont fait une gros bonhomme de paille pour ça, comme un genre de bonhomme carnaval et vont y mettre le feu. Si vous pouviez faire quelque chose ce serait bien.*

Il fallait être réaliste, ce n'était pas comme ça qu'elle arriverait à quelque chose...d'un autre côté, si elle n'avait rien d'autre à faire...

Elle se releva après avoir entendu la réponse du vieux et se dirigea vers la grande salle.