Perth, Australie

Les coups d'Ephram mirent KO Vince en quelques secondes. L'or qui recouvrait la main d'Ephram absorba une partie des impacts et c'est avec une facilité déconcertante que le loubard perdit conscience.
Ses deux acolytes se regardèrent, visiblement effrayés par le reflet doré qu'avait pris la main du mutant.

"Putain..." murmura le premier.

"V-Vince, hé, mec !" s'écria le deuxième.

L'homme aux quatre bras profita de la diversion pour tenter de se dégager de leur prise. Il libéra un de ses bras avec lequel il donna un violent coup de poing dans le ventre de l'adversaire opposé. Cela suffit à dissuader les types, qui clopinèrent jusqu'à Vince pour le ramasser, avant de détaler la queue entre les jambes de la ruelle.
L'homme aux quatre bras s'adossa à une bênne à ordures avec un soupir las, et regarda Ephram de la tête aux pieds.

"C'était assez inconscient ce que t'as fait là, petit, courageux mais inconscient." commenta-t-il.

Les coups de poings portèrent leur fruit et le jeune homme su que c’était grâce à sa main en or que Vince avait été mit KO. Sinon il l’aurait juste sonné mais là il vit, d’ailleurs avec un brin d’inquiétude, qu’il tombait dans les pommes. Autre chose dont il pu se rendre compte malgré l’ébéhétude qui se propageait en lui qu’il n’avait rien sentit ou presque juste une sorte de picotement, mais rien de plus. De ce fait, si les deux autres voyous auraient voulut le frapper ils en auraient eut tout le loisir.
Mais il entendit comme un coup de poing étouffé et en levant la tête, là il reprit conscience de la réalité, il comprit que le mutant avait réussit à dégager l’un de ses poings et de frapper l’un d’eux qui marchait courbé, en tenant son abdomen. Ils passèrent près de lui pour ramasser leur chef et s’en allèrent. Le jeune homme battit des paupières et ce ne fut que lorsque le mutant parla qu’il sursauta et se redressa sur ses jambes qui bizarrement ne flageolaient pas. Il regarda, étonné l’homme comme si c’était la première fois qu’il le voyait. Puis, il fronça les sourcils et prit une expression de surprise totale et sembla se palper le corps. Il sortit d’une de ses poches, un stylo miraculeusement intact et un calepin un peu plus chiffonné. Il griffonna rapidement de sa main gauche dorée :

« Je sais, mais je n’allais pas laisser le seul mutant que je connaisse se faire tabasser, monsieur. » dit-il en se rapprochant de lui et en lui tendant la feuille qu’il avait déchiré auparavant. Même après un combat comme cela, Ephram restait poli, enfin dans une certaine mesure.
Il se remit à écrire :

« Mais il vaudrait mieux ne pas rester là. Allons chez moi, je connais des raccourcis. »

Le mutant lut les messages d'Ephram, non sans avoir démontré un mélange de surprise et d'hésitation à se voir tendre du papier dans des circonstances pareilles.
Il lut silencieusement, puis reporta un regard perçant sur Ephram, puis sur son poing d'or. Le métal commença à se résorber, et en quelques secondes, il ne resta plus rien de la bague offerte par sa mère.

Une sorte de compréhension muette s'afficha sur le visage burriné du robuste mutant. L'un de ses bras tenait ses côtes, il semblait souffrir de son passage à tabac, mais il n'avait pas l'air très enthousiaste à l'idée de quitter la ruelle.

"J'peux pas sortir comme ça petit... Et puis tes parents ils diraient quoi en voyant arriver ? Je peux pas te mêler à mes histoires." dit-il avec résignation. Il se redressa et s'éloigna du mur.

"Alors comme ça... T'es aussi un mutant ? La nouvelle génération, hein ?" s'enquit-il. Cet homme devait en effet avoir la trentaine.

"J'suppose que personne n'est au courant ?"

Il vit l’expression de surprise du mutant. Mais il n’en était plus à cette première réaction face à son mutisme, il était habitué maintenant si l’on pouvait dire ça. De ce fait le jeune homme ne s’en formalisa pas. Lui-même fut surpris, mais pas pour la même raison. Seulement la lumière produite par l’or de sa main lui fit froncer les sourcils lorsque la ruelle redevint sombre. Il tourna doucement sa main pour voir s’il n’allait pas se passer autre chose, mais rien. Le seul hic c’était que la bague de sa mère avait disparut.

Il releva la tête l’homme bougé. Il avait l’air mal en point et c’était surtout cela qui avait incité Ephram à lui dire de venir chez lui. Autant il pourrait le soigner que de lui poser quelques questions. Il s’en tiendrait à « quelques » car c’était en réalité plus de questions qui fusaient dans son esprit, mais le jeune homme les freinait sinon lui-même allait exploser. Le mutant ne ovulait pas le mêler, mais de toute façon en l’aidant, il s’était mêlé bien malgré lui. Et puis si ces voyous parlaient il serait un mutant de plus à traquer.

« Ils vous on amoché, je vous assure il vaudrait mieux vous soigner. Mes parents travaillent donc vous pouvez venir. Regardez-vous, vous ne tiendrez plus très longtemps comme ça Monsieur. » écrivit-il à l’homme en s’avançant à nouveau vers lui et constant de ses contusions. Puis son regard se troubla et il fronça à nouveau les sourcils. Que voulait-il dire par « nouvelle génération » ? Est-ce que cela voudrait dire que … outre les mutants qu’on voyait aux journaux télévisés, il y avait eu … Non impossible. Cela amènerait plus de question auxquelles il ne pouvait répondre. Il tut cette information et hocha la tête.

« Personne, à part vous et les trois autres là … Vous … vous connaissez d’autres mutants ? C’est vrai que vous avez tué quelqu’un ? » écrivit-il par la suite sans pouvoir empêcher sa curiosité de faire surface. Il fallait qu’il sache à qui il avait à faire.

Le mutant fut contraint de hocher la tête lorsqu'Ephram fit allusion à son état. Si les parents du garçon n'étaient pas là, alors peut-être...
Il se tourna vers l'une des bênnes à ordures, la fouilla et dénicha un vieil impair troué avec lequel il cacha ses membres surnuméraires.

"Très bien, je te suis... Je ne pourrais pas aller bien loin dans cet état de toute façon... Tu dois avoir au moins une dizaine d'années de moins que moi... Ca veut dire que ce qu'ils racontent à la télé sont vraies, l'apparition de ce gène bizarre... Ca commence à se confirmer. Au début je croyais que j'étais seul, mais ces six derniers mois, ils ont commencé à en parler dans les médias... Il paraîtrait même qu'il existe une école aux USA pour les gens de ton âge... Mais tu es le premier que je rencontre." expliqua l'homme de sa voix rauque en boîtillant à côté d'Ephram.

"Qui t'a dit que j'avais tué quelqu'un ? Explique-toi" releva-t-il d'un ton bourru, son regard fatigué soudain tranchant comme une lame de rasoir.

"Il m'est arrivé tant de choses dans ma chienne de vie que j'en ai eu bien souvent l'occasion... Mais je ne l'ai jamais fait si tu veux tout savoir."

Plusieurs mots lui vinrent à l’esprit tandis que l’homme acceptait de venir chez lui se faire soigner. « Gène », « télé » « école ». De quoi parlait-il ? Lui-même n’en avait eut que vent de ça. Bien sûr il avait entendu parler à la télé des choses que l’on disait sur les mutants, mais de la manière dont en parlait l’homme, il semblait qu’il y en ait beaucoup plus. D’ailleurs il lui parla d’une école qui existait pour les jeunes comme lui. Etait-ce vrai ? Si ce l’était cela amenaient des conséquences qu’il n’avait pas imaginé. Il pourrait aller y étudier, apprendre à apprivoiser cet étrange don … rien que ces perspectives suffirent à lui insuffler un léger sourire tandis qu’il commençait à arpenter la ruelle sombre de la côté de la grande artère. Mais bon, l’homme n’en était pas sûr donc il ne devait pas non plus se projeter.

Il se retourna pour l’observer, lui avait son ciré jaune. Ce vêtement cachait très bien sa paire de bras en plus, ces même bras qui l’avaient tant fasciné. Il aurait voulut lui demander s’il pouvait les lui montrer, mais la situation n’était pas à leur avantage et plus vite ils arriveraient chez lui, plus vite il pourrait le soigner et donc le mutant pourrait continuer à l’éclairer.
Ephram grimaça lorsque la voix du mutant se fit plus dure. Il n’avait pas voulut paraître impoli et adopta un air d’excuse en écoutant l’homme qui lui assura qu’il n’avait tué personne.

« J’ai vu deux inspecteurs aujourd’hui qui vous cherchaient. Ils disaient que vous étiez mêlé à une sale affaire. » écrivit-il en lui tendant le papier juste après.

« Vous connaissez le langage des signes ? » montra t-il ensuite. Non pas qu’il n’aimait pas écrire, il était habitué car pas tout le monde pouvait signer. Mais il demanda car on ne savait jamais, peut-être que le mutant le connaissait et la communication passerait mieux.

« Vous voulez de l’aide ? » demanda t-il par écrit en se rapprochant de l’homme et en proposant son épaule.

« Il existe vraiment une école ? »

Le mutant fronça de ses sourcils brousailleux à l'évocation des inspecteurs.

"Ils sont les premiers à nous tomber sur la couenne quand il se passe quelque chose. Que veux-tu, il faut toujours un coupable. En ce moment, les mutants ont très bon dos." dit-il d'un air désabusé.

L'homme réprima presque un rire à l'évocation du langage des signes.

"Tu me vois moi, avec mes bidules, en train de parler avec les mains ? Ca serait dur à suivre tu crois pas ?"

Il déclina la proposition d'Ephram en secouant la tête. Le jeune homme le guidait sur le chemin le plus rapide pour regagner son domicile. Certains passants regardaient l'homme en impair avec suspicion. Les vêtements sales et le visage roué de coups, il y avait de quoi se poser des questions.

"Oui, il y a au moins une école oui. On en a pas mal entendu parler à la télé et dans les journaux, apparemment, cet Institut a fait parler de lui. L'Institut Xavier, oui c'est ça. Ils se font salement critiquer d'ailleurs. C'est comme je t'ai dit, les mutants ont bon dos."

Ephram approchait de sa rue à présent, il allait pouvoir rentrer son visiteur chez lui.

L'homme suivi Ephram après une hésitation jusque sur le perron de sa maison.
Par chance, comme Ephram l'avait indiqué, les voitures de ses parents n'étaient pas là. Ce qu'il n'avait pas prévu, c'était la présence de sa soeur dans la maison, comme l'indiquaient le manteau accroché dans l'entrée et ses chaussures.

L'homme poussa un soupir de soulagement lorsque la porte se referma derrière eux. Il commença à retirer l'imperméable dégoûtant avec lequel il s'était couvert, et jeta un oeil à son visage tuméfié dans la glace de l'entrée.

Le jeune muet ferma la porte derrière le mutant sans aucune forme de cérémonie. Il ne voulait pas plus attirer l’attention sur leur maison. Certaines personnes l’avaient vu rentrer avec l’homme et les cancans allaient fuser pendant quelques temps dans le quartier. Mais là il avait d’autres soucis en tête. Le premier était de soigner l’homme. Pour ça, il irait chercher la trousse de secours au premier étage dans la salle d’eau, sur une étagère. Mais le deuxième problème il ne savait pas comment le résoudre. Une paire de chaussure et un manteau lui indiquaient que sa sœur était revenue. La joie qu’il avait n’était en rien comparable avec la peur qui lui liait les entrailles. Comment allait-elle réagir en voyant un homme avec une paire de bras en plus ? Qu’allait-elle faire ?

Il ne pouvait pas passer inaperçu, d’ailleurs, elle avait du l’entendre rentrer et s’empresserait de courir dans ses bras. Ils avaient toujours étés proches. Ephram serra le poing devant ce dilemme et fit signe au mutant de le suivre dans le salon où il lui indiqua un fauteuil pour s’asseoir. Le jeune mutant contempla encore une fois la paire de bras ajoutée de l’homme. Il était fasciné. Lui-même Ephram, pouvait faire certaines choses que l’on pouvait qualifié extraordinaires. Ensuite, il repéra le gros des dégâts qu’il avait subi et se demanda s’il y aurait assez de compresses pour le soigner. Il s’approcha de lui et lui demanda par écrit :

« Vous voulez quelque chose à boire ou à manger le temps que j’aille chercher la trousse de secours ? » En tout cas c’est ce qu’il aurait voulut écrire. Mais il se limita à « Boire ? Manger ? Je vais chercher trousse de secours. » Car le temps était contre eux sans aucun doute. Sa sœur ne tarderait pas à descendre et il lui faudrait lui expliquer pourquoi il avait ramené un homme avait deux paires de bras dans leur maison. D’ailleurs, le jeune homme ne réfléchissait pas trop car sinon il ne pourrait plus bouger. Il avait amené chez lui un homme recherché par les autorités australiennes et qu’il croyait simplement parce qu’il lui faisait confiance.

Ephram amorça un geste pour partir vers la cuisine ou directement à l’étage selon ce que lu mutant lui dirait.

Le grand homme secoua la tête pour signifier qu'il n'avait pas faim. Il avait surtout l'air fatigué, éreinté même. Il ne devait pas dormir dans un lit tous les soirs à voir l'état de ses vêtements.

Ephram put donc monter directement à l'étage pendant que son hôte s'installait avec précaution et réserve dans le fauteuil du salon.
Il trouva sans difficulté la trousse de secours. En passant sur le palier, il fut remarqué par sa soeur, qui sortit de sa chambre.
Le visage de la jeune fille s'éclaira.

"Ephram !" lança Amélia avec un sourire.

"Comment ça va ?" lui demanda-t-elle, avant que son regard ne tombe sur la trousse de secours.

"Tu... Tu t'es blessé ? Fais-moi voir." lui dit-elle en reprenant immédiatement son rôle de grande soeur protectrice.

Bon apparemment l’homme ne voulait rien sinon s’asseoir un peu. Ephram s’en fichait qu’il puisse salir les canapés ou même le parquet. Non pas qu’il vivait dans la saleté mais il pourrait toujours nettoyer après, avant que ses parents rentrent. Mais là, lui-même s’étonnait de se projeter aussi dans la journée et même de le futur, alors qu’à tout moment il sentait que cela pouvait basculer vers un côté moins reluisant. Bref, le jeune mutant monta à l’étage et alla vers la salle de bain en faisant le moins de bruit possible pour ne pas alerter sa sœur. Il fallait dire qu’étant muet, Ephram avait quand même développé ses autres sens et pouvait passer inaperçu. Mais c’était peine perdue avec une sœur qui vous connait sur le bout des ongles, enfin presque dans ce cas-ci.

En revenant sur le palier avec la trousse de secours, il entendit son prénom avec la douce voix de sa sœur. Il se raidit instantanément, dos tourné. En temps normal il se serait précipité dans ses bras tellement ils étaient proches, mais là, la situation pouvait s’avérer dangereuse pour le mutant qui était dans le salon. Lorsqu’il se tourna avec un sourire, sa sœur vit la trousse de secours et la lui prit des mains sans qu’il n’ait pu faire quelque chose. Au moins il avait les mains libres pour discuter. Ephram adopta une attitude, mi gênée mi content de la voir à la maison.

« Amélia ! Je … non ce n’est pas moi, enfin non je ne suis pas blessé ! » dit-il en langue des signes et sur son visage on pouvait y voir une nouvelle conviction. Il ne fallait pas qu’elle descende et qu’elle trouve l’homme. Mais peut-être qu’elle pourrait le comprendre … Peut-être même qu’elle l’aiderait. Le jeune homme se retrouvait là prit entre l’étau et la masse. Sa sœur l’avait toujours soutenue, même lorsque parfois il avait tort, mais est-ce qu’elle le serait s’il lui avouait être un mutant ? Il resta là pendant quelques instants, ne sachant que faire, puis, alla contre sa sœur pour la serrer contre lui. Ce geste signifiait qu’il était très content de la revoir à la maison, mais annonçant sans doute ce qu’il s’apprêtait à lui dire.


Il se détacha et dit en signes:

"Je vais bien ne t'inquiètes pas, et toi sa va?" demanda t-il pour essayer de gagner du temps. Du temps sur quoi il ne le savait pas mais bon, c'était mieux que rien.

"Comment ça ce n'est pas toi ? Qui est blessé alors, pourquoi la trousse de secours ?" demanda-t-elle, visiblement troublée par le comportement de son frère. La confiance entre les deux jeunes était très forte, à tel point que le comportement d'Ephram paraissait dénoter avec son attitude habituelle.

Amélia rendit son étreinte à son petit frère avec chaleur, puis observa les signes d'Ephram.

"Moi ça va bien, je profite de la fin du week-end. Je sens que tu me caches quelque chose, je le lis sur ton visage. Dis-moi ce qui se passe..."

Les questions de sa sœur devenaient de plus en plus pressantes et il ne pourrait pas retenir longtemps sa curiosité protectrice. Il était vrai que leur lien était très fort et de ce fait, chacun savait lire en l’autre et la moindre grimace, le moindre rire savait être interprété. Ephram devant sa sœur Amélia n’avait pas d’autres alternatives ni d’autres choix que de lui avouer ce qui se tramait dans la maison en ce jour si banalement particulier. Une grande partie de lui se devait de lui faire confiance. Pourquoi aujourd’hui elle changerait de main ? Il n’avait pas de raison de s’inquiéter, puisqu’elle était sa sœur, celle qui avait été toujours là pour lui. Mais une autre partie, celle qui était consciente de sa mutation, hésitait et disait au jeune homme que ce n’était pas encore le moment, les conséquences pouvaient être graves et il n’était peut-être pas prêt à les porter. Et il faudrait mettre ses parents au courant.

Mais l’autre partie prit le pas. Plus vite il lui expliquerait plus vite il pourrait soigner l’homme et lui poser des questions, surtout sur cette école pour les mutants. Après tout il lui avait toujours fait confiance. Il baissa le regard, puis le releva, ses yeux bleus océan posés dans ceux de sa chère sœur. Un regard sérieux, mais attendrissant. Le jeune mutant commença à signer.

« Tu as raison. Je te cache quelque chose. Excuses-moi Mélie … » Il se rapprocha d’elle et lui prit doucement la trousse de secours dans les mains et la posa par terre à leurs pieds. Ephram se redressa. Il avait fait un pas dans cette révélation, il n’était plus temps de reculer. Mais il devait être sûr.

« Promets-moi de ne rien dire de ce que tu vas voir à personne. S’il te plait promets-le-moi. C’est important pour moi. » signa t-il après toujours avec son air sérieux qui ne lui était pas aussi coutumier qu’un sourire.

Le visage d'Amélia devint plus grave. La jeune fille sentait qu'Ephram était sur le point de lui révéler quelque chose d'important. Il ne serait pas lui-même aussi sérieux s'il s'agissait d'une broutille.
On lisait aussi une pointe d'appréhension dans le regard de la jeune fille.
Elle resta silencieuse deux secondes, puis répondit sans hésiter :

"D'accord, c'est promis."

De légers bruits de pas se firent entendre du salon. Amélia fronça les sourcils, regarda l'escalier, puis de nouveau Ephram.

"Y a quelqu'un en bas ?"

Malgré lui, Ephram poussa un soupir de soulagement. Si elle l’avait dit et avec son air tout aussi sérieux que lui, il comprit qu’il pouvait lui faire confiance. Comme il l’avait toujours fait. Cependant, il s’en voulut d’avoir douté d’elle, même si c’était quelque peu compréhensible dans la situation où il s’était mit. Imaginez-vous que votre frère amène chez vous, un mutant recherché par les autorités, et qui plus est, pouvait avoir tué quelqu’un ? Seule la confiance pouvait amener à faire tout cela. D’ailleurs Ephram avait accordé sa confiance au mutant sur sa seule parole, tout comme sa sœur venait de le faire il y avait quelques secondes.

Il baissa les yeux vers l’escalier lorsqu’il entendit des bruits de pas en bas. L’homme s’était sans doute relevé, voyant qu’il ne revenait pas ou alors c’était pour autre chose. En tout cas l’heure n’était plus aux dissimulations, de toute façon Amélia n’était pas sourde et avait entendue comme lui les bruits de pas et elle savait aussi que leurs parents ne rentraient pas avant quelques heures. Le jeune homme finit de s’approcher d’elle et lui prit la main en signant :

« Merci. » Il marqua un temps d’arrêt, puis reprit.

« Il y a un homme blessé en bas, je voudrais le soigner. C’est … un mutant. » Il avait faillit rajouter : comme je pense en être un aussi, mais préféra ne pas aller trop vite et observer d’abord comment elle allait réagir face à cela. Ephram pressa doucement les doigts de sa sœur en adoptant un air contrit mais déterminé. D’ailleurs, il se baissa pour reprendre la trousse de secours à ses pieds. Il amorça ensuite un geste pour descendre l'escalier. Peu importe il le soignerait quand même.

Amélia posa une main sur sa bouche à la révélation d'Ephram. Elle ne s'était pas du tout attendue à ça, comme l'indiquait son expression surprise. Elle eut un regard inquiet.

"Un mutant ? Comme ceux dont ils parlent à la télé ?" chuchotta-t-elle à son frère alors qu'il se dirigeait vers l'escalier.

"Qu'est-ce qu'il lui est arrivé ?"

Elle suivit Ephram jusqu'au bas des marches. L'homme regardait les photos dans le salon. Amélia eut un hoquet de surprise en voyant ses bras.

"T-T'es sûr que ça ne risque rien, Ephram ?!" chuchotta-t-elle à nouveau à son frère, pas très rassurée.

L'homme se retourna et leva ses quatre paluches en signe de paix.

"Je ne vous ferai aucun mal. Ce garçon a juste insisté pour m'aider... Je repartirai dès qu'on aura terminé, c'est promis. Vous n'avez même pas à en parler à vos parents."

Certes elle n’avait pas criée et avait, pour le moment, respectée sa parole donnée. Malgré tout il lisait une inquiétude dans les yeux de sa sœur et une grande appréhension. Il ne pouvait pas lui en vouloir, c’était une réaction somme toute logique après une révélation pareille, car ce n’était quand même pas tous les jours qu’on avait un mutant dans son salon ! Prenant la petite mallette dans une main il descendit les escaliers suivit par Amélie. Celle-ci c’était mise à chuchoter et avait sur le visage une expression presque indéchiffrable. Lorsqu’elle vit le mutant qui s’était effectivement levé et s’était approché près d’un meuble où il y avait des photos de la famille. Sa sœur lui posa des questions auxquelles le jeune homme s’empressa de répondre. Par quoi fallait-il commençait ? D’ailleurs il devait faire vite. Ephram après avoir pressé une dernière fois la main de sa sœur pour achever de lui montrer qu’il n’y avait pas de danger, s’approcha doucement du mutant en signant vers sa sœur :

« Il s’est fait attaqué. Et tu ne risques rien je t’assure. Tu peux me faire confiance Mélie. Tu ne voudrais pas laisser quelqu’un dans cet état tout de même.» finit-il par mimer en utilisant le surnom par lequel il appelait sa chère sœur. Il se tourna vers le mutant et lui lança un sourire avant d’ouvrir la mallette où se trouvaient les premiers secours. Ephram voulait lui montrer que même s’il n’avait pas été un mutant il aurait voulut le soigner tout de même parce qu’il n’aimait pas voir les gens dans ces états là.

D’ailleurs, lui-même avait eut des paroles apaisantes, pour dire qu’il n’était pas là pour leur attirer des ennuis et que c’était bien Ephram qui l’avait autorisé à rentrer et même insisté pour qu’il le fasse. Et le jeune mutant n’aurait plus osé se regarder dans un miroir s’il ne l’avait pas amené ici pour le soigner.

Amélia hocha finalement la tête mais resta interdite. Elle resta près de la porte du salon, regardant son frère s'atteler au soins médicaux du mutant, tout en l'observant avec réserve et timidité.

Le grand homme alla se rasseoir dans le fauteuil et se laissa manipuler par Ephram. La plupart des blessures étaient des ecchymoses. L'homme avait également quelques coupures assez peu profondes, mais qui méritaient désinfection.
L'homme à quatre bras envoya un regard éloquent à Ephram concernant sa soeur. L'adolescent lui avait dit que personne n'était au courant de son pouvoir dans sa famille, aussi resta-t-il silencieux pour ne pas trahir Ephram.

"Vous avez... une belle maison." dit-il maladroitement pour meubler le silence pesant. Cet homme avait pourtant bien des choses à révéler, Ephram ne pouvait qu'en être conscient.

L’ennui lorsqu’on était muet, c’était que l’on ne pouvait pas vraiment parler lorsqu’on avait les deux mains prises. Parfois cela lui avait porté préjudice, mais malgré tout il était devenu un bon orateur dans son genre, aussi bizarre que cela puisse paraître. Là c’était complètement différent. Ephram s’appliquait à bien soigner les blessures, la plupart étant des contusions, il avait déjà passé son brevet de secourisme, ce qui l’avantageait quelque peu dans cette situation. Il jetait des regards apaisants vers sa sœur tandis qu’il appliquait une lotion aseptisant sur les blessures du mutant.

Puis l’homme parla et sur le coup Ephram faillit sursauter. Une belle maison ? Oui c’était assez vrai. Sans pour autant donner dans le luxe pur, leur maison était accueillante et jolie. Bien que son avis ne fût pas totalement objectif, il lui semblait que leur maison avait toujours été aussi chaleureuse. Mais bon, il pensait surtout que le mutant voulait combler le silence, sa sœur ne disant rien et c’était compréhensible.
Il voulait lui poser des questions, mais est-ce que ce n’était pas dangereux alors que sa sœur était-là ? D’ailleurs, il ne savait toujours pas comment elle réagirait s’il lui annonçait qu’il était un mutant et pourtant c’était la prochaine étape. Il n’avait pas oublié ce que l’homme lui avait dit et si cette école existait il voulait y aller. Le jeune homme avait quasiment finit les soins et se mit à écrire :

« Merci. Dites-moi que savez-vous d’autre de cette … école dont vous m’avez parlé ? Parlez sans crainte. », puis il signa pour sa sœur.

« J’ai presque finis, je …. J’ai, enfin il y a autre chose que je dois te dire. » dit-il en se relevant et en marchant vers elle, avec sur le visage le même air sérieux qui ne trompait pas sur la sincérité de ce qu'il allait dire.

L'homme lut le message d'Ephram, regarda un instant Amélia, puis hocha doucement la tête en signe de compréhension.

"D'après ce que je sais, cette école se trouve dans l'état de New York, aux USA, dans une ville appelée Salem Center. Je m'y suis beaucoup intéressé quand les médias ont commencé à parler d'elle. C'était bien de ne plus se sentir seul au monde, même si je savais que mon âge m'empêchait d'y aller, je me dis que si elle avait ouvert une quinzaine d'années plus tôt, ça aurait pu m'épargner bien des soucis..." commença à expliquer l'homme aux quatre bras.

"Comme je t'ai di, ils sont assez malmenés par la presse anti-mutante, pour l'instant c'est un peu la seule institution qui vise à montrer le meilleur des mutants. Ils leur apprennent à maîtriser leurs aptitudes et à s'intégrer à la société. Le directeur est un généticien assez connu, Olivier Fleury si je me souviens bien."

Amélia avait écouté ce petit discours sans comprendre pourquoi les deux mutants parlaient de cette école. Cette rumeur lui disait quelque chose.

"Je... J'en ait entendu parler aussi à la télé il y a quelques mois. Il y a eu un débat télévisé entre ce Fleury et un autre scientifique dont j'ai oublié le nom." dit-elle seulement. L'homme hocha la tête.

Amélia regarda son frère approcher, toujours un peu sur la défensive.

"Vas-y, je crois que tu pourras pas plus me surprendre aujourd'hui..." dit-elle avec un faible sourire.

Il s’arrêta et écouta l’homme qui avait accepté de lui parler de ce fameux Institut. Ephram était abasourdi, surpris qu’une telle organisation puisse exister, surtout avec toute la discrimination qu’il y avait autour des mutants. Comment ? Pourquoi ? Est-ce que cet établissement pourrait réellement l’aider comprendre et à maitriser sa mutation ? De nouvelles perspectives s’ouvraient alors à lui, un avenir teinté d’une chance se profilait à l’horizon. Comme le disait le mutant, il tait bon de trouver un endroit où l’on ne se sentait plus seul. Pour Ephram s’était différent. On l’avait toujours entouré, toujours apporté tout ce dont il lui fallait. Cependant, c’était la première fois qu’il partageait son secret. La première fois aussi, qu’il rencontrait quelqu’un qui possédait un don hors norme tout comme lui.

Il inspira profondément quand Amélia parla. Elle avait suivit un débat apparemment et de ce fait, elle pouvait avoir un avis sur la question, même si elle ne le dit pas. Par contre elle encouragea Ephram à lui avouer ce qu’il s’apprêtait désormais à lui dire. Le jeune homme finit de s’approcher de sa sœur en faisant un hochement de la tête vers le mutant et en s’inclinant pour dire merci.

« Je pense quand même que sa va te surprendre, mais saches d’abord que je vous aime tous toi, maman et papa. Je … » Il s’arrêta, son cœur battant à tout rompre. Il tourna la tête vers l’homme, puis serrant le poing il fixa son regard dans celui de sa sœur.

« Je suis aussi un mutant je crois. » Voilà, c’était dit. Il ne pouvait plus reculer. Sa tête le tournait avec comme une impression que son esprit s’échapper de son corps. Il semblait ne plus être maître de lui-même, l’envie de partir en courant, mais ses pieds étaient cloués au sol. Impossible, il fallait faire face maintenant.

Amélia reste bouche bée quelques secondes. Son regard passa successivement de l'inconnu à Ephram, comme si elle tentait de distinguer une similitude qui lui permettrait de rattacher l'information à quelque chose de concret.

"M-Mais... comment... C'est impossible..." bafouilla-t-elle.

L'homme aux quatre bras intervint sans brusquerie.

"J'ai vu votre frère faire, c'est son pouvoir qui lui a permis de me sauver. Sans lui, j'aurais sûrement passé un sale quart d'heure, peut-être même pire... Pour moi, c'est une malédiction, mais pour lui, c'est plutôt un don du ciel." expliqua-t-il.

"Le gène X peut donner lieu à des mutations très variées." ajouta-t-il pour faire bonne mesure.

"Si j'étais vous, je lui ferai saisir cette chance qui lui est offerte d'apprendre à mieux vivre cette faculté, dans cette école, l'institut Xavier. C'est une chance que je n'ai pas eue, on ne choisit pas son époque de naissance... Quant à moi, je vais devoir vous laisser maintenant, je ne voudrais pas vous attirer plus de désagréments." dit-il en se levant.

Amélia semblait réceptive au discours du mutant. Sa surprise passée, elle finit par hocher la tête et poser la main sur l'épaule de son frère.

"Ephram... ? Qu'est-ce que tu veux faire ? On en parle aux parents ?"

Ephram n’avait jamais vraiment pleuré dans sa petite vie, même lorsque l’on se moquait de lui étant enfance à cause de son mutisme, mais là, voir sa sœur bafouiller et avoir cette expression au visage, le jeune homme sentit les larmes poindre au bout de ses yeux bleus océan. Pourquoi est-ce qu’il s’était attendu à autre chose ? Tout simplement parce que c’était sa sœur et pourtant il pouvait comprendre aisément que ce genre de révélation ne pouvait laisser que hébété et surpris. Ephram n’avait pu répondre à sa sœur, il se sentait défaillir, mais le mutant s’occupa de le faire pour lui. Et cela le sortit de sa torpeur qui faillit l’engloutir. Il semblait mieux s’y connaître que le jeune homme ne pensait. Il loua même Ephram pour l’avoir sauvé et annonça même que c’était son don qui lui avait permit cette prouesse.

Il hocha très légèrement la tête, puis la tourna à nouveau vers sa sœur. L’homme s’était levé, il allait partir. Pourtant Ephram voulait lui poser encore des centaines de questions, mais la discussion avec le mutant semblait close, il partait. Le jeune homme, n’avait alors qu’une idée en tête, même si celle-ci, comme bien d’autres, restèrent quelques temps prisonnières de sa tétanie. Ce ne fut que lorsque Amélia posa sa douce main sur l’épaule d’Ephram qu’il remua et en entendant ses paroles se jeta dans ses bras.
Il était tellement soulagée qu’elle soit de son côté, qu’elle le comprenne sans n’avoir rien d’autre à dire et à ajouter. Cela avait toujours était comme ça. Ils se comprenaient sans mots, ce qui d’ailleurs était pratique pour le jeune muet.

« Je … je devrais de toute façon le leur avouer ça. Mais une chose est sûre : je veux intégrer cette école Mélie. Comment leur expliquer que c’est une chance pour moi ? Merci en tout cas. » signa t-il d’un trait pour sa sœur. Un énorme poids venait de s’envoler de ses épaules. L’idée d’aller dans cet institut l’obnubilait à présent et il voulait tout faire pour y aller. Il fit un léger sourire à sa sœur pour la remercier.

Amélia étreignit longtemps son frère. Elle était également très émue par la situation. Ses révélations signifiaient une séparation imminente.

"On leur expliquera... Ils comprendront." lui dit-elle doucement.

Après s'être assurés une dernière fois de la santé de l'inconnu, les deux adolescents le saluèrent. Il leur précisa que l'institut Xavier était très connu et qu'ils n'auraient pas de mal à le trouver.

Le soir venu, toute la famille se réunit pour discuter du cas d'Ephram. Amélia était là pour soutenir son frère, mais contrairement à ce qu'Ephram aurait pu penser, ses parents prirent plutôt bien la nouvelle. Ils étaient déjà habitués à avoir un fils légèrement hors norme et s'y étaient adaptés. Ils admirent également qu'ils ne pouvaient sûrement pas eux-même lui fournir ce dont il avait besoin dans sa condition de mutant. Il fut donc décidé d'envoyer le jeune homme dans cette école aux Etats-Unis, une fois que ses parents se furent renseignés dessus.

"Nous avons téléphoné là-bas, leur psychologue est au courant de ta vie. Demande à voir Melle Deneos, elle nous a promis de s'occuper de toi." expliqua le père d'Ephram.

Le temps d'organiser son départ, de désincrire Ephram de son lycée, il s'était écoulé une petite semaine. Les adieux à l'aéroport furent plein d'effusion, surtout du côté d'Amélia, qui était très attachée à son petit frère.

Le voyage fut long mais sans histoires. Arrivé à Salem Center, état de New York, Ephram n'eut pas de mal à trouver la vaste propriété sur laquelle était bâti l'institut Charles Xavier, ceinturé par un mur et fermé par une grille élégante en fer forgé, qui s'ouvrit d'elle-même lorsqu'il s'y présenta.
Il faisait très froid dehors et le parc de l'école était entièrement recouvert d'une couche de neige épaisse.

La silhouette d'une femme apparut devant Ephram lorsque la grille s'ouvrit.

"Ephram Paye, signature mutante détectée. Bienvenue à l'institut Xavier." lui dit-elle d'une voix posée.

"Il fait meilleur à l'intérieur." ajouta-t-elle, avant de disparaître comme par enchantement.

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