Kyoto, week end en perspective

Les garçons restèrent interdits et muets devant les révélations/ordres de Kanata. Akiji eut une hésitation apeurée, Ryo regarda son ami d'un air à la fois inquiet et perplexe. Kyu grognait sous la douleur de sa cheville. Il se passa ainsi quelques secondes, pendant lesquelles le flic en voiture réorienta ses phares dans leur direction. Histoire de les éclairer.

Ainsi quand Kanata se releva, le policier pointant l'arme put le voir distinctement. Akiji ne put réprimer un "pitié ne tirez pas" et Kyu fut le seul à gémir. Ryo s'était accroupi, mais gardait les yeux rivés sur Kanata.

Le policier eut effectivement une hésitation.

"Kiyoko ? Mais... tu devrais être... en position alpha 2 non ? Qu'est-ce que tu fais planquée là ?? ..."

Il baissa légèrement son arme tout en avançant prudemment. Son ton laissait transparaître une certaine perplexité. Kanata voyait qu'il scrutait particulièrement son visage.

Ca... Ca marchait ?! Jubilant intérieurement, Kanata-Kiyoko fixa le policier de façon naturelle, droit comme un i, plus apeuré pour un sous. Cette transformation réussie venait de redonner du courage au jeune Japonnais. Il se força à ne pas sourire naïvement de cette transformation.

Il lança alors, sur le même ton sérieux et gardant la même voix pressante : " Je sais, j'y allais mais je les ai entendu arriver alors je suis revenu par là pour t'aider et je les ai eut par derrière. Je m'occupe d'eux maintenant, ils sont sonnés. Si tu peux rapidement aller me remplacer en alpha 2, ce serait sympa par contre. "

Kanata s'accroupit alors et dit tout bas à ses amis : " Dépêchez-vous de fermer les yeux et de vous affaler les gars. Laissez vous manipuler. Le flic va passer. Faites pas tout foirer... " puis il prit le visage de Ryo doucement par le menton et fit mine de l'observer au cas où le flic passerait derrière lui, comme c'était probablement le cas.

Ca tournait mal soudainement. Le flic semblait bien trop sceptique pour faire ce que disait Kanata. Il avait évidemment remarqué la voix étrange qu'il ne pouvait pas copier. Peut être qu'un jour il le pourrait mais pour le moment c'était quelque chose qui manquait réellement. Et maintenant l'autre flic qui se ramenait... Il fallait faire quelque chose. Tenir leurs ennemis à distance, et s'échapper rapidement avant la dite patrouille 9.

Toujours accroupis, il lança finalement à ses trois amis : " Changement de plan, dernière tentative. On fait comme si vous me teniez en otage. Akiji t'aides Kyu à se lever et à marcher, Ryo tu me maintiens par derrière et on se dirige tous vers la sortie. Le reste je m'en occupe. Dépêche Ryo ! "

Se relevant, il hurla au policier armé : " Avance pas ! Je suis en otage ! Ils ont une arme ! Jette la tienne vers moi ou ils vont me descendre. " puis au second policier : " Et toi aussi... ". Attendant une seconde, il reprit : " Ce sont que des gamins, tant pis s'ils se barrent ! Faites pas de connerie ! Je veux pas crever ici ! "

Gros coup de poker. Le dernier qu'il pouvait donner. De cette façon, il empêchait les policiers de s'approcher d'eux et de lui évitant ainsi qu'il ne remarque le subterfuge, ils obtiendraient peut être des armes et ils pourraient tous s'échapper vers la rue calme avant que la patrouille n'arrive. Mais Kyu les ralentirait. L'abandonner était hors de question. Et de toute façon il dirait tout à la police s'ils l'interrogeaient donc la bande aurait pas une survie étendue s'ils partaient sans lui.

Dans la merde jusqu'au cou. S'ils s'en sortaient, ça leur ferait une victoire transcendante.

Ryo avait compris ce que Kanata lui avait dis au moins. Il fit semblant de tenir son chef. Mais Akiji lui restait immobile. Quel idiot !

Soudain, le flic redressa son arme vers eux. Pourquoi ne pouvait-il pas lâcher l'affaire si facilement ?! Il ordonna que tout le monde se rende à nouveau. Mais c'était trop tard s'il était réellement otage. Sentant un mouvement rapide derrière lui, il vit Akiji qui détalait comme un couard, seul, les laissant s'occuper des policiers.

Un choc sonore claqua l'oreille du japonnais et le fuyard cria, sans doute touché. Le flic armé ordonné à l'autre de poursuivre Akiji. Et puis quoi ? Il pouvait toujours se tirer avec Ryo, abandonnant Kyu. Mais ils parleraient à la police comme il les connaissait, donc eux deux seraient retrouvés.

Tout semblait perdu en cet instant. Soupirant, Kiyoko lâcha à Ryo : " C'est bon, arrête maintenant... " et rajouta juste "On a perdu.". La témérité avait des limites à ne pas dépasser si on voulait éviter d'atteindre la folie. L'autre groupe d'intervention leur arrivait dessus, Kyu était blessé, cet imbécile d'Akiji allait se faire chopper en moins de deux et Ryo et lui en admettant qu'ils réussissent à se barrer ne pourraient pas se cacher indéfiniment.

Tout ce qu'il y avait à espérer, c'était que la sentence ne soit pas trop dure. Alors autant arrêter les frais maintenant. Pour eux. Pour lui. Il fallait admettre leur échec. Le sien, c'était évident, mais aussi ceux de ses amis. Ils étaient tous responsables, sauf peut être Ryo qui avait été admirable.

Se retournant vers lui, il lui sourit tristement en redevenant Kanata. " Tu t'es bien battu Ryo. Merci. " puis il fit face au policier. Il ne pouvait qu'espérer qu'en lui parlant avec respect, le châtiment serait moins dur. Le Yun lui confirma : "Vous avez gagné monsieur l'agent. Nous nous rendons. ".

Finalement, pour illustrer ses paroles, il s'allongea doucement au sol et mit ses mains dans le dos. C'était la défaite d'une bataille, pas d'une guerre. Leur vie n'était pas en jeu. Le combat prenait des proportions non méritées pour Kanata et le continuer ne les aurait mené qu'à une victoire éphémère et amère qui se serait indubitablement suivi par une défaite bien plus rude cette fois lorsque la police serait venue les cueillir.

Putain, vie de merde.

Il était toujours vivant. Enfin ça, il n'en avait pas douté. Les flics l'avaient trimballé dans un espèce de cube blanc qui se révélait être une prison mobile. L'intérieur dans lequel il fut placé était tout bonnement affreux. Un manque de goût évident ! Peut être que c'était comme ça pour que les brigands puissent penser à leurs actes ignobles et se repentir. Amen.

En plus, il était seul. Ses amis eux avaient du être mis dans d'autres cubes. Putain. Pourquoi est-ce qu'il pouvait pas être avec quelqu'un au moins ? Là il allait s'ennuyer ferme, pour rester poli.

Soupirant bruyamment, Kanata regarda un peu comment était fait le machin. Mais rien ne paraissant très intéressant à première vue. Mais rapidement, un autre homme fut balancé avec lui. Il devait avoir la trentaine bien dépassée, peut être même la quarantaine. Par contre lui, il avait été projeté. Un peu plus et il s'assommait.

Puis suivit une fille. Chouette, ça passerait le temps. Mais celle là, c'était celle qui avait tapé dans l'oeil d'Akiji ! Hé hé ! Dommage qu'il n'ait pas été avec lui, il aurait pu encore le chambrer. Par contre elle semblait pas se sentir super bien à voir son essoufflement.

L'homme tenta de commencer un peu une discussion. Aucun d'eux n'avait mieux à faire de toute façon. En temps normal, avec d'autres personnes il n'aurait même pas adressé la parole, mais bon, tous dans la même merde. Et ils devaient être mutants. C'était la première fois qu'il pouvait discuter avec d'autres que lui-même.

" Ouai. Mutant. Donc je présume que vous c'est pareil. Moi c'est Kanata. J'ai failli réussir à me barrer mais bon. J'avais deux boulets parmi mes trois amis. Ca a tout foutu en l'air sur le coup. "

Akiji et Kyu étaient très loin d'avoir assuré, c'était certain. Il leur en voulait un peu. Enfin ils étaient tous dans la même situation. Se frottant le nez du poignet, il demanda aux deux autres : " Et vous savez faire quoi de spécial sinon ? Je veux dire... de mutant " termina-t-il en levant les mains puis en faisant le mouvement de griffure comme on fait pour faire peur aux gens.

Dans le commun des "autres" et ce en parti grâce aux films, un mutant, c'était un truc un peu difforme et surtout, de méchant. Eux, ils avaient l'air plutôt normaux.

Kanata fit une mine déconfite lorsque l'homme demanda s'il n'était pas effrayé. Jusqu'avant cet instant, il s'était dis qu'il passerait quelques jours maximum en taule, que ses parents viendraient payer la caution puis que tout redeviendrait comme avant, à part que les géniteurs l'auraient mauvaise. Donc à part une ambiance tendue, tout aurait du être identique.

Mais là, la question sur ses amis lui avait fait un véritable tilt. Ils risquaient d'être jugés différemment parce qu'ils étaient mutants ? C'était peut être pour ça que trois mutants étaient actuellement dans cette boite-ci précisément et que ses potes eux étaient ailleurs.

Soudainement pensif, il répondit un simple "Non, non, pas mutants eux... ". Puis Hiromu expliqua sa situation que Kanata écouta avec attention. A part que son pouvoir lui avait permis d'échapper à la police une fois, il n'en révélait rien d'autre. Il alla ensuite s'asseoir, sans doute épuisé.

Kanata le suivit des yeux et en profita par un agile mouvement de jambe pour faire passer les menottes devant lui. Lorsqu'Hiromu s'adressa à la jeune fille, le jeune japonnais releva les yeux vers elle. Elle semblait assez méfiante. Visiblement, cette couleur de peau n'était pas du maquillage comme Kanata l'avait pensé jusqu'ici. C'était assez visible comme marque. Mais son compagnon de cellule fit preuve de peu de savoir vivre en lui disant qu'elle serait enfermée à vie si elle restait au Japon.

Et lui ? Devait-il quitter aussi le Japon pour survivre ? A cet instant précis, Hiromu lui demanda si le pouvoir mutant de Kanata le sauverait. Le jeune garçon tourna la tête vers lui, silencieux. Il lui répondit : " Je ne sais pas s'il me sauvera, mais en tout cas je ne veux pas qu'il me condamne. Il était cool jusque maintenant. "

Puis le Yun regarda la fille. Pas bavarde pour un sous. Elle lui faisait penser un peu à cette salope de rebelle qui les avait guidé vers la sortie piégée. Si ca se trouvait, les deux là, ou au moins un était aussi un espion. Y'avait de quoi être paranoïaque à force. Soupirant bruyamment il regarda la petite fenêtre qui était sans doute trop résistante pour tenter quoi que ce soit. Puis il jeta son regard vers la violette.

" Ca va toi ? Les flics t'ont pas trop bousculé ? " demanda-t-il gentiment. D'ailleurs, ça lui ressemblait pas d'être aussi sympa avec une inconnue mais bon. Tous dans la même merde jusqu'au bout (et jusqu'au cou). Se souvenant soudainement que les deux n'avaient pas répondu à sa question, il la réitéra : Et donc vos pouvoirs ? Vous faites quoi vous ? A part vous faire choper lors d'un concert... ? "

Une touche d'humour dans cette situation... Rien d'autre à faire de toute façon. Peut-être que ça décrisperait la fille.

La fille ouvrit la bouche. C'était une petite victoire. Elle se présenta en tant que Nanako pendant qu'Hiromu tentait de placer ses bras devant lui, sans succès. Il dit ensuite qu'il valait mieux parler au minimum et même que les murs avaient des oreilles. Ainsi, ils seraient sous écoute ? Possible. La police était fourbe.

Soudain un écran s'alluma ou plutôt s'afficha au dessus de la porte. Ils étaient les "bienvenues" dans la cellule Kofrex. Trop aimable. Kanata n'aurait rien eu contre l'idée de partir d'ici s'il en avait été autrement.

Nanako s'assit contre la porte pendant qu'une voix métallisée lisait leur "statut". Hiromu semblait être un récidiviste. Son histoire tenait donc debout. Quant à la fille violette... Rien de spécial. Casier vierge. Comme le sien d'ailleurs. Et ça, il en était fier. Jamais avant il ne s'était fait chopper. Maintenant ça risquait d'être différent, et de rester gravé à vie...

Mais à la fin de l'énonciation de son statut, il y avait une demande supplémentaire de données. En quoi est-ce qu'il était mieux renseigné que les autres ? Les flics avaient déboulé tellement vite en plus...

Un homme prit la parole alors que son image apparaissait sur l'écran. Il parlait à un lieutenant. Adashi. Il tenta de mémoriser ses traits de visage, des fois que ce soit utile. Il était de la brigade anti-terroriste de Kyoto. Là ça rigolait pas. La question portait sur ses trois camarades. Le sous officier voulait savoir s'ils étaient mutants et si oui leur pouvoir à chacun. Kanata l'observait d'un air neutre. Dans sa situation, autant coopérer, surtout si ça ne coûtait rien et ne faisait de mal à personne.

" Aucun d'eux n'est mutant Lieutenant Adashi. Et... on est pas des terroristes hein ! On a même refusé de signer la pétition que Kiyoko faisait circuler parce qu'elle parlait justement de retourner le gouvernement ! Vous pouvez lui demander ! On voulait juste assister à un concert tranquillement... Ca faisait de mal à personne... "

Le début avait été prononcé calmement puis la suite un peu plus vite. D'ici à ce qu'on les traite comme de vrais terroristes comme à la télé, il ne devait y avoir qu'un pas pour certain avec le mot mutant ! Puis dans le fond, ils n'avaient pas fait de mal à qui que ce soit... Ecouter de la musique n'était pas un mal ! Alors être enfermé pendant des années pour ça, Kanata refusait d'y penser bien que ce soit improbable. Mais qu'est ce qui l'était davantage à cause de son statut de mutant ? Il n'en savait rien du tout.

Le japonnais avait parlé plus que nécessaire en se laissant un peu emporter par l'injustice. Restait à espérer qu'on ne lui en tienne pas rigueur.

Le lieutenant Adashi semblait ne pas avoir mal pris la déclaration qui avait suivi la réponse à sa question. C'était toujours mieux que rien. Mais une autre question vint. Etait-il lui même mutant ? Sachant que ses amis étaient interrogés séparément, il avait trois solutions possibles : dire la vérité, mentir, ne rien dire. Mais il pouvait mentir sur son état de mutant ou sur son pouvoir.

De toute évidence, ils savaient qu'il était mutant. Sinon il n'aurait pas été placé ici avec deux autres mutants. Et la police l'avait vu déjà. Ne rien dire resterait efficace quelques secondes, mais ça ne pouvait qu'aggraver son cas. Alors ? Dire la vérité ou mentir sur son pouvoir ? La solution était évidente !

" Je parlerai uniquement en présence de mon avocat. " dit-il calmement. Cette phrase, il l'avait entendu dans plein de séries télé. Il ne comprenait pas quel était la raison de cette question dans le cadre du concert interdit. Kanata rajouta quand même pour se justifier " Je vois pas le rapport entre le concert et cette question. A part assister à un concert interdit, j'ai rien fait de mal qui puisse être en rapport avec des mutants. "

Peut être en profitaient-ils en plus de remplir le casier judiciaire pour récupérer des aveux des mutants. Ca faisait une petite ligne à rajouter dans la catégorie "Autres" des fiches personnelles. Et ça coutait toujours moins cher qu'une prise de sang et de son analyse.

Impassible, il jeta un coup d'œil à Nanako en baissant les yeux un instant, puis il soupira. Remontant les yeux vers l'écran, il s'hasarda à une question : " Je risque quoi au juste pour avoir regardé pendant cinq minutes un concert interdit ? Si je jure que je recommencerai pas, ça change rien j'imagine... "

Bha quoi ? Tous les flics n'étaient peut être pas des cons... et qui ne tente rien n'a rien. Au point où il en était, il pouvait bien essayer. Le japonnais fixa dans les "yeux" l'avatar du Lieutenant Adashi. Il ne fallait pas lâcher tant que c'était possible. Et de toute façon, s'il était forcé à répondre, il mentirait sur son pouvoir. Son super Hold-up, il comptait toujours le faire !

Il y eut un silence pesant. Peut être que le Lieutenant réfléchissait ? Puis soudain, il reprit la parole. Tant que la procédure d'identification était en cours, il pouvait se gratter pour avoir de l'aide extérieure. Et s'il refusait de dire s'il était mutant, la procédure perdurerait pendant les tests sanguins. Sous entendu : on te garde avec nous pendant quelques semaines. Et puis les piquouzes, non merci.

Cet homme était presque hautain avec lui. Forcément, il avait une proie. Il avait des raisons de l'être, Monsieur j'me-la-pète-grave. Ce dernier apprit d'ailleurs à Kanata que sur les quatre personnes interrogées, trois avaient confirmées son état de mutant. Ryo n'aurait sans doute pas parlé. Donc c'étaient forcément le flic et les deux autres du groupe qui comme prévu avaient tout lâché.

Le Japonnais releva tout de même que le Lieutenant avait utilisé le mot "don" pour parler de son pouvoir de mutant. Peut être un détail, mais il n'avait pas parlé de maladie ou de dégénérescence. Lorsque les trois interprétations de son pouvoir apparurent, il laissa afficher sa surprise sur les trois possibilités. Est-ce que chacun avait fait exprès de raconter n'importe quoi ? Et Type 4, c'était quoi au juste ?

La réponse arriva rapidement. Le plus "dangereux" des pouvoirs sur l'échelle. Rien que ça. Est-ce que son vrai pouvoir était aussi de niveau 4 ? Il ne l'espérait pas, car visiblement, la détention était particulière... Il baissa les yeux vers la jeune fille toujours assise. Il n'y avait pas énormément de choix possibles. Autant coopérer en restant peut être vague ?

" Bon, déjà, oui, je suis mutant. ". dit-il les yeux baissés. Ca, au moins, c'était dit. Mais bye bye son rêve de hold-up. Il releva le regard vers l'écran. " Et mon pouvoir, n'est pas affiché. Si j'avais une agilité surhumaine ou une coercition mentale, je me serai pas fait capturer par un seul policier... Illusionniste non plus j'imagine... ". Bon, heureusement qu'il y avait marqué la définition du premier et troisième, sinon il aurait pensé à magicien et n'aurait pas compris le dernier. Sortir un lapin d'un chapeau initialement vide, ça faisait pas sérieux quand on disait qu'on était mutant. Ca devait être de Type 1 ça.

Réfléchissant quelques secondes, peut être plus que nécessaire pour mettre un peu de suspens sur sa déclaration (être enfermé par la police qui risque de nous retenir captif pour une durée indéterminée n'est pas une raison pour ne pas être un peu théâtral), Kanata finit par une explication sur son pouvoir : " Je peux ressembler à des hommes que j'ai déjà vu. C'est pas une illusion parce que c'est bien réel. Je change un peu de tête. Pas la voix ni le corps. Que la tron... tête. Et pas très bien en général. Faut que j'ai mangé des bonbons que j'aime bien avant. "

La fin était fausse mais bon. Autant essayer de diminuer l'à priori puissance de son pouvoir. Il rajouta : " Et puis il faut que j'ai bien dormi la nuit d'avant. Que la luminosité soit pas trop forte. Et que je sois pas enrhumé. Sinon j'y arrive pas. Et quand j'ai peur aussi. Mais ça arrive pas souvent. " dit-il avec une pointe de fierté mal placée. Et enfin " Puis si j'ai vu ma copine, j'y arrive mieux. Et quand je suis pas forcé à le faire aussi. ".

Bon, là il perdrait bien au moins un degré de dangerosité sur l'échelle mutante quand même non ? Et puis, à la fin, qu'est ce qu'ils allaient faire de lui ? Il était mineur pendant encore deux ans, il avait était présent sur un lieu interdit. Y'avait vraiment pas de quoi l'enfermer pendant plus d'une semaine. Surtout pour un casier vierge !

Rien. Aucune réponse. C'en était presque angoissant tout ça. Le Lieutenant ne devait avoir rien gobé à ce qu'il venait de raconter. Un silence régnait en maître sur la cellule. Ses deux compagnons semblaient retenir leurs souffles, immobiles comme des statues de cire. Puis sa voix se fit entendre de l'écran, sur un ton tout à fait changé. Peut être passait-il en mode gentil flic ? Il le remerciait de sa coopération en lui précisant que tout irait mieux pour lui maintenant face au juge. Kanata était noté au stade débutant de son pouvoir. Objectif rempli ! Enfin une victoire du diable jaune ! Un sourire presque niais lui tagua le visage en entendant ces mots.

Les collègues de la DDM s'occuperaient peut être de lui plus tard, mais il fallait gérer les merdes une à une, sinon on n'en voyait jamais la fin ! La boite allait s'ouvrir seule à la fin de la garde à vue, et sans doute pourrait-il rentrer rapidement. Ses parents n'en sauraient peut être même rien ?

Hiromu releva les yeux vers le jeune Japonnais et lui demanda s'il avait bon espoir. Kanata, demi sourire en bouche, tourna la tête vers l'homme et déclara sur un ton victorieux : " Toutes les batailles ne peuvent pas être gagnées. A défaut, on peut ne pas les perdre. C'est déjà pas mal. " Phrase tirée de l'excellent KingKiller II, niveau 5 au moment du retournement de situation qui avait fasciné Kanata et ses amis plus d'une fois !

Il se laissa glisser le long du mur entre ses deux codétenus et leur demanda, pour comprendre : " Pourquoi il vous a pas demandé à vous si vous étiez mutants au juste ? Et votre pouvoir ? Parce que s'il le connait, c'était quoi le soucis pour m'en parler tout à l'heure ? Hein ? "

Sur le coup, il était assez dubitatif. Presque accusateur. Il s'était fait avoir une fois par la rebelle, il ne comptait pas recommencer avec l'un de ces deux là !

La réponse d'Hiromu contenta moyennement Kanata. Il disait qu'il était évident que c'était un mutant et donc que la police ne l'interrogeait pas. Mais s'ils ignoraient son pouvoir, pourquoi n'avaient-il rien demandé comme précisions de sa part ? Les types 4 doivent contenir une gamme mutante assez large. Des mutants qui deviennent invisibles ou qui traversent les murs, c'est autre chose qu'un mutant qui peut... qui peut... faire des trucs moins type 4 quoi ! Confiance mitigée en Hiromu en tout cas, c'était certain.

La suite était un peu plus intéressante. Il interrogeait maintenant Nanako à propos d'elle-même. Cet homme cherchait vraiment à tout savoir. Il était curieux comme... comme Kanata. Bon. Peut être qu'il était moins louche dans le fond. Toujours assis contre le mur entre les deux personnes, il écouta la réponse de la jeune fille bleue. Pour elle aussi ils savaient déjà qu'elle était mutante, quoi qu'il faille être un peu aveugle pour ne rien remarquer, mais elle au moins posa la même question que Kanata : Pourquoi n'ont-ils rien demandé au sujet du pouvoir ?

Comme elle le disait, est-ce-qu'ils savaient déjà ? Grâce au sang peut être. C'était le seul point commun entre les deux mutants. L'un avait déjà subi des examens, l'autre ayant été opérée, "ils" avaient sans doute pu s'en procurer. Restait à savoir qui étaient ce "ils". Police, gouvernement, alien, Etats-Unis, terroristes... Ou... Serait-ce possible ? Une police gouvernementale terroriste des USA qui seraient des aliens ? Ils étaient parmi nous ! Songeant un instant à cet probabilité toute relative, il se dit dans le fond que les aliens, c'était comme les mutants à une époque. On en entendait légèrement parler mais en général, ceux qui y croyaient étaient des extravagants. Et maintenant, ils étaient là.

Le Yun aurait pu continuer à divaguer dans ses pensées longtemps alors que la cellule fut remuée brusquement. On semblait les déplacer. Lentement, les tremblements se calmèrent. Peut-être les avait-on posé sur un véhicule de transport ? Alors que le jeune japonnais restait immobile et silencieux pour essayer d'entendre des choses dehors, Nanako lui demanda s'il avait encore confiance en ses amis.

Il releva son visage vers elle, la mine neutre. Sans réellement comprendre la raison de cette question, il répondit d'une voix la plus banale qui soit : "Pourquoi je devrais plus avoir confiance en eux ? Parce-qu'ils ont avoué que j'étais un mutant ?". Il resta muet quelques secondes avant de reprendre : "Dans le fond, est-ce-que c'est si mal ? Puis peut-être ne mesuraient-ils pas l'ampleur de leur réponse ou alors ils avaient peur... Tu viens de dire toi-même que tu étais choquée de ce qui nous arrivait. C'est pareil pour eux j'imagine."

Mais la question peut-être était-elle légitime. Ce n'était pas le genre qu'il se serait posé tout simplement. Il avait confiance en eux. Mais jusqu'à quel point en vérité ? Pourrait-il leur confier sa vie ? A Ryo, sans doute. Il avait réellement confiance en lui. C'était moins un boulet que les deux autres, ça jouait. Puis Akiji était un vrai trouillard. Il avait appris à être méfiant envers les inconnus dans une mesure non paranoïaque. Mais depuis la trahison de la rebelle, il avait en tête de durcir sa confiance. Faire le ménage dans sa vie de ses amis, fallait pas rêver. Pas tout de suite en tout cas. Puis l'autre personne en qui il avait confiance, c'était sa petite amie bien sûr même si ça ne faisait pas longtemps qu'ils étaient ensembles.

D'ailleurs, il ne lui avait jamais parlé à elle non plus de son état de mutant. C'était son secret rien qu'à lui et n'avait aucune envie de partager ça. Mais ce soir il avait du dévoiler cette information à toute sa bande, à deux inconnus, et... à la police japonaise. Bref, à tout le monde. Pour la discrétion, on repassera. Il pouvait bien démentir ensuite en espérant que ses amis se taisent au lycée. De toute façon, si on l'emmerdait, il les ferait taire par la force. Personne ne le titillait en cours et pour cause. Certains s'étaient pris de belles mandales de sa part et Kanata n'était pas le genre de garçon qu'on bouscule sans s'excuser. Il avait une réputation, surtout en ayant redoublé une année, il était un des plus anciens.

Le jeune homme repensa au début de la réponse d'Hiromu. Il l'avait démarré par "j'ai bien peur". Comme s'il savait quelque chose ? La police risquait de l'engager pour des missions après ou quoi ? Genre ils faisaient leurs courses au supermarché mutant. Aujourd'hui au menu, un métamorphe. Ensuite, on le mettrait dans une super équipe mutante qui travaillait pour la police mutante gouvernementale terroriste des USA. Concept de série télévisée peu novateur. Il n'avait aucune envie de participer en vraie à une espèce de ligue des Gentlemen extraordinaires. Son esprit divaguait encore. Il se força à arrêter de réfléchir à ça. Mais à tout hasard, il demanda une précision à Hiromu en le fixant dans les yeux : " Pourquoi tu as commencé ta réponse de tout à l'heure en disant j'ai bien peur ? Tu sais quelque chose ? Si oui, tu le gardes pas pour toi, même si c'est pas réjouissant. ". C'était entre l'ordre et la demande amicale. C'était ferme sans être agressif.

Il soupira en se demandant quand est-ce-qu'il pourrait enfin aller se pieuter. Il n'était pas particulièrement fatigué, quoiqu'une bonne grasse mat' ne soit pas une idée repoussante, mais c'était plutôt pour se dire que tout était terminé, pour aujourd'hui au moins. Chaque jour avait son lot de merde alors chaque chose en son temps. Et il aurait le temps de la réflexion au moins. A tout hasard, il demanda d'un ton fatigué en fixant ses genoux contre lesquels il venait d'enrouler les bras : " Vous croyez qu'ils nous embarquent où là ? "

" Même si c'est pas réjouissant ". Non, en effet, ça ne l'était pas. Visiblement, on allait faire passer le japonnais pour disparu. Pourquoi pas mort tant qu'à faire les choses bien ? D'une façon stupide, son idée de commando mutant lui trottait toujours en tête. En revanche, imaginer qu'on puisse les emmener dans une prison pour mutant et les y enfermer pour une durée indéterminée commençait à l'angoisser. Kanata observa Hiromu tenter de se passer les bras devant. Mais il semblait s'y prendre mal. Ou alors il n'était vraiment pas souple du tout.

Soudainement, la timide Nanako sembla s'énerver. Le métamorphe faillit même sursauter face à la vigueur que la jeune fille libéra. Elle semblait penser également à une prison pour mutant. Ce soir, Kanata ne dormirait pas dans ses draps, il commençait à en être persuadé. La suite des paroles de la fille le surprirent. Il ne parvint d'ailleurs pas à lâcher un petit gloussement de rire lorsqu'elle émit l'idée d'appeler à l'aide Jagal. Et pourquoi pas le pape aussi ? Il lança quand même, histoire de ne pas se la mettre à dos : " Tu crois que Jagal peut faire quoi au juste ? C'est un chanteur, c'est tout. Et il a déjà pas le droit de se pointer au Japon, et tu crois qu'il va arriver et nous sauver ? Reste un peu réaliste quand même... "

Nanako leur fit alors une sorte de proposition. Le genre qui laisse se poser des questions. Elle venait de leur annoncer qu'elle pourrait prévenir des gens de confiance pour eux et qu'elle n'était pas vraiment prisonnière. Son pouvoir était donc facilement imaginable : soit elle traversait les murs façon Casper le gentil fantôme, soit elle devrait se transformer en quelque chose de liquide ou un truc du genre... ? Enfin ça, c'était juste parce qu'elle était couleur schtroumpf. En tout cas, elle semblait plus que sincère mais même s'il ne doutait pas tellement d'elle en cet instant, il se demandait surtout à qui il pourrait demander de l'aide.

Il ne voyait que trois personnes dont l'une, Ryo, était déjà au courant à peu près. Sans trop comprendre ce que ces gens de confiance pourraient faire, il répondit : " J'ai mon ami Ryo... Il s'est fait chopper avec nous mais il est pas mutant. J'ai confiance en lui. Sinon, y'a ma mère... Même si je la gave... Puis sinon y'a ma cop. Mais elle sait pas que je suis mutant non plus et je tiens pas trop à ce que ce soit quelqu'un d'autre qui lui apprenne. ". Kanata se passa la main dans les cheveux en réfléchissant. Personne autour de lui n'avait la capacité de l'aider. Il reprit : " Mais tu veux qu'ils fassent quoi au juste, à part savoir qu'on est presque enlevé de force ? ". Malgré tout, il donna l'adresse de Ryo et celle de chez lui à Nanako pour qu'elle puisse contacter sa mère. Est-ce-que son ami serait rentré ou resterait-il en taule un moment ?

Sa mère était plus compréhensive que son père même si elle semblait constamment déçue de son fils. Mais dans le fond, elle voulait qu'il aille bien uniquement, et il le savait. Elle était simplement épuisée qu'il fasse les quatre cents coups jours après jours. L'adresse de Yumi, sa copine, il hésita un peu plus à la donner. Après tout, ça faisait peu de temps qu'ils étaient ensembles, et pour lui, ce n'était pas l'amour fou même s'il l'appréciait beaucoup. Finalement, il lui donna ses coordonnées aussi. Au point où il en était de toute façon...

Prenant Hiromu en pitié, Kanata décida d'expliquer à l'homme comment passer ses bras devant lui et n'hésita pas à l'aider physiquement. De toute façon, ils n'avaient rien de mieux à faire pendant qu'on les trimballait comme lions en cage...

[hrp : désolé pour le retard.]

Nanako sembla se rallier aux paroles de Kanata à propos de Jagal. Elle baissa les yeux et hocha la tête.

"Je sais pas... vu qu'il est mutant, il doit être sensible à notre cause non ?"

Puis Kanata lui livra les adresses de Ryo, de sa copine et de ses parents. Nanako les répéta plusieurs fois pour bien les graver dans sa mémoire. Elle haussa les épaules et adressa un regard attristé au garçon :

"A part savoir ce qu'il t'est arrivé... je ne sais pas ce qu'ils pourront faire. Mais ils sauront ! Quelqu'un saura. Ce sera déjà un espoir non ? Moi je... je reste avec vous, aussi longtemps que possible. Mais mon pouvoir est limité dans l'espace."

Comme pour défier ses paroles la cabine tangua à nouveau légèrement, donnant l'impression qu'elle était posée sur un rail.

Hiromu parvint enfin à passer ses bras devant lui, avec l'aide de Kanata. Il s'était bien écorché les poignets à force de contorsions. Il le remercia et lui dit d'un air tendu.

"Tes amis, ta famille, ta copine... ha... Qu'est-ce que tu crois ? Les flics diront à tous que tu étais un mutant. Ils se tairont et même s'ils tenaient à toi, ils feront tout pour t'oublier. Tout le monde sait que les mutants perdent leur travail, leur honneur, et la confiance de leur proche dès que leur sort est révélé. Les flics m'ont présenté comme un meurtrier, ma femme m'a renié’. Je suis seul."

Il sourit, son visage transpirait.

"Alors je suis assez curieux de savoir ce qui va nous arriver, en fait."

Il ne donna donc aucun contact à Nanako. Il lui demanda néanmoins.

"Nanako, si tu peux t'enfuir, enfuis-toi loin. Trouve refuge quelque part. Va aux Etats-Unis, ou en Europe. Nous nous aiderons nous-même. Jusqu'où peux-tu nous ‘accompagner’ ?"

Nanako se leva, regarda ses bras et ses mains. Les cercles et taches bleues qui couvraient sa peau semblaient se mouvoir, se déformer. Etrangement la peau de la jeune fille se floutait, comme par interférences. Elle eut une mine horrifiée.

"Mon pouvoir s'estompe ! Je... je vais disparaître. Nous quittons le Japon !"

Sensible à notre cause. Kanata avait de mauvais à priori sur les stars. Elles s'aimaient elles-même et puis c'était tout. Autrement, ce serait un coup médiatique. Et encore une fois, Jagal n'avait aucun pouvoir à moins d'être un gourou d'un groupe de mutant autre que ses fans. Il ne répondit rien à Nanako pour ne pas la vexer, mais il n'en pensait pas moins. Ruiner les espoirs des gens, c'était inutile ici.

Elle eut un sourire triste lorsqu'il demanda à quoi servirait de prévenir. Juste à ce que les gens sachent. Puis elle leur apprit qu'elle resterait aussi longtemps que possible avec eux. Donc elle pouvait vraiment s'échapper d'après ses dires. Qu'est-ce qu'elle attendait ? Et puis limité dans l'espace, ça voulait dire quoi ?

A nouveau, la cellule fut ballotée. On semblait les avoir posé quelque part alors qu'à nouveau ils se déplaçaient. Si Kanata avait essayé de ne pas ruiner les espoirs de Nanako, Hiromu lui semblait au contraire vouloir détruire ceux du jeune japonnais. Il savait surtout la vérité surement. Ainsi, la police raconterait n'importe quoi à sa famille. S'ils le reniaient pour ça, alors il n'avait plus rien à faire d'eux. Encore faudrait-il qu'il puisse les revoir un jour pour se faire une idée et c'était actuellement difficile de se projeter dans l'avenir. Il s'en foutait finalement à ce stade qu'on sache pour son état de mutant. Au point où il en était de toute façon...

Hiromu proposa à la jeune fille de fuir dès que possible et de se mettre à l'abri en les laissant. Il était bien gentil de vouloir jouer les héros, mais cette fille il la connaissait à peine, alors si elle pouvait les aider, autant qu'elle le fasse. Autant qu'il puisse s'en sortir après tout ! C'était lui sa priorité. Mais Nanako semblait en tout cas gentille. De quoi faire douter de son propre égoïsme. Puis l'homme demanda jusqu'où elle serait avec eux.

Avait-il comprit son pouvoir ? Kanata nageait toujours en eaux troubles. La jeune fille se releva et observa ses bras. Des éléments de sa peau bougeaient, comme des sortes de vers. Un peu comme dans certains films de science fiction avec des créatures pondeuses. De vrais chefs d'oeuvre de gore en général ! Il eut presque un air dégoûté en voyant ça, jusqu'à l'instant où elle devint flou, comme si elle n'était qu'un hologramme. Mais la phrase qui suivit laissa une marque ébahit sur le visage du Yun. Elle allait disparaitre et surtout, ils quittaient le Japon !

Il réagit vivement : " Comment ça on quitte le Japon ?! Et tu disparais ? T'es quoi ? Un hologramme ? "

Que faire de plus. Que dire ? Kanata tendit un bras vers Nanako pour essayer de la retenir. Il s'attendait à la traverser. Où les emmenait-on à la fin ? Il considérait peut-être sa vie comme relativement pourrie, mais pas au point de vouloir la sacrifier pour se retrouver en prison !