Petit encas pensif

Avant de repartir à la recherche de sa belle Sybille, Juliette décida de faire un petit détour en direction de la cuisine. Elle avait eu soudainement envie d'un petit cappuccino aux délicieux accents chocolatés, comme ceux qu'elle avait l'habitude de boire lorsqu'elle était encore à Turin. C'était en quelque sorte comme si l'Italie venait à elle, en cette Amérique parfois bien trop dénué d'une véritable identité culturelle, selon la jeune gothique. Sans doute, trop de culture tuait-il la culture... Et en la matière, les Etats-Unis était un melting-pot qui n'avait pas lésiné sur les moyens, en terme de mélange des genres. Mais sans doute était-ce là le destin de ce que le monde entier appelait, avec un bien curieux sentiment de convoitise alléchée, "l'Amérique !"

Pénétrant dans la cuisine, Juliette vit qu'il y avait encore des personne à l'intérieur de celle-ci. Certaines lui était connue, d'autres moins... D'autres encore, ne lui disaient absolument rien. Décidément, Juliette se dit qu'elle devrait sérieusement s'intéresser un peu plus aux nouveaux venus à l'institut, afin de ne pas être à chaque fois surprise de ne pas en connaitre la moitié.

"Bonjour à tous..."

Dit-elle alors tout simplement dans un sourire aimable, tout en balayant l'assemblée du regard... La formule était simple, impersonnelle... Mais tellement vague, que en fin de compte chacune des personnes présente dans la pièce pouvait se sentir concerner, aussi bien les connus que les inconnus. Puis Juliette s'empressa de sortir une tasse afin d'y verser la précieuse poudre parfumée, sur laquelle elle déversa un peu d'eau chaude rapidement chauffé, avant de faire tournoyer sa cuillère dans ladite tasse afin que le mélange du café et de l'eau ne se perde en ce délicieux breuvage qu'affectionnait tant la jeune gothique. Lorsqu'elle cessa de faire tourbillonner sa cuillère dans la tasse, Juliette porta délicatement cette dernière à sa bouche mordoré de ce détonant rose scintillant, et l'en fit ressortir en la faisant glisser presque amoureusement afin de gouter avec délice aux infimes résidus de saveur qui y étaient demeuré accrochés. Elle déposa ensuite la cuillère ainsi nettoyé sur le plan de travail, et elle se retourna lentement en tenant son cappuccino entre ses mains, afin de s'appuyer contre ce dernier.

S'assoir ne lui vint pas vraiment à l'esprit, habitué qu'elle était à gérer ses habitudes de vie en fonction de ses somptueuses, mais il lui fallait bien le reconnaitre, embarrassantes robes d'un temps aujourd'hui révolu. Juliette porta son cappuccino à ses lèvres, souffla doucement dessus afin de le refroidir quelque peu, puis en avala une légère gorgée, promesse d'un plaisir intérieur à venir bien plus grand encore. Le regard de la jeune gothique se perdit alors sur l'ensemble des personnes présente dans la cuisine et, silencieuse, elle observa...

Entre deux gorgées de son cappuccino, Juliette rendit son salut à Rachel d'un élégant geste de la main.

''Il est excellent...''

Se contenta-t-elle pourtant de lui répondre dans un sourire, lorsqu'elle lui parla de son breuvage aromatisée. Pourquoi en dire plus... Fidèle à son habitude, Rachel était déjà passé à un autre sujet, comme incapable de se concentrer plus de quelques instants sur l'instant présent. Mais ainsi semblait-elle être, doté de cette merveilleuse nature insouciante qui était inaccessible à la jeune gothique romantique. Avalant encore une gorgée, Elle écouta Rachel s'adresser au nouveau qui lui dit alors se nommer Miguel tandis que Math fit une apparition éclair dans la cuisine pour... Pour faire quoi précisément..? Déposer des couverts, et puis..? Rien d'autre visiblement, car à peine après avoir saluer les deux nouveaux venus sans attendre de réponse de leur part, ils disparut presque immédiatement... Juliette n'avait encore jamais vu son ancien coéquipier rester en place, sans rien faire. C'était sans nul doute au-dessus de ses forces s'imagina-t-elle en définitif. Puis ce fut au tour de Jade d'aller à la rencontre des nouveaux. Voilà qui soulageait quelque peu Juliette, car même si elle avait accompagner Allison à sa chambre, ce n'était pas non plus son activité favorite... Comme à bien des élèves en fin de compte. Perdue dans ses pensées, le son de la voix de Miguel attira pourtant son attention comme si... Et puis soudain, ce fut l'illumination... Juliette se pencha légèrement en avant, et dit de son ton le plus doux :

"C'est toi que j'ai entendu discuter avec Allison en bas des marches du grand escalier, n'est-ce pas..? Enchantée de faire ta connaissance dans ce cas Miguel... Je m'appelle Juliette. "

La jeune gothique se redressa alors afin de reprendre sa position initiale, puis elle ajouta :

"Tu as de la chance, Rachel connait l'institut encore bien mieux que moi... Elle va rapidement t'aider à trouver ou t'installer."

Juste avant de boire à nouveau un soupçon de ce petit bout d'Italie qui lui titillait, certes bien maladroitement, les sens.

"A propos..." Fini par poursuivre Juliette, en s'adressant cette fois-ci à Jade "Il faudra que nous parlions lorsque tu auras un peu de temps devant toi... C'est important."

En effet, il allait falloir que la jeune gothique parle à Jade... Sa bien malheureuse colocataire qui préfèrerait sans doute dormir ailleurs que auprès d'un cercueil, notamment après les évènement s de ces deux derniers mois...

Il entra tel un faon se pavanant en pleine savane, les cheveux au vent, la tête haute et les iris inquisiteurs. Sa nouvelle veste en cuir, symbole d’une récente amitié, sur le dos, la cravate sombre se balançant au gré de ses pas, le jeune homme ignora royalement toutes les personnes croisant son regard pour directement se diriger vers Rachel. Les premiers mots qui jaillirent de sa bouche furent pestilents, à la grande surprise de personne : « Si c’est pas mignon, unie et compréhensifs… Get a room ! »

Les personnes connaissant les sarcasmes habituels du Dandy remarquèrent une subtile flexion de l’intonation, révélant pour les amateurs l’absence de méchanceté, mais uniquement une plaisanterie maladroite prononcée dans le but de redorer le charmant visage de Rachel d’un sourire oublié. Il tourna brièvement le dos au couple, ouvrit le frigo, déplaça le beurre d’arachide et se saisit d’un yaourt. Il commença à manger le dessert, chantonnant en même temps un magnifique refrain qui sonnait de la sorte : « I’m a mutant, piss off stupid president !»

Soudain, il remarqua qu’il chantait à voix haute, entre deux bouchées, et rouge de honte il regarda tour à tour Rachel, Ken, et blond discret aux allures imberbes. D’un mouvement de tête, il se ressaisit, satisfait quand même de ne pas avoir vécu l’humiliation ultime. Ces souvenirs ressurgirent subitement.

Alors qu’il était âgé d’à peine six ans, sa souplesse intacte lui permettait de faire le grand écart assez simplement. Tel un prodige, il exposait son anodin talent à la foule contemplative d’un bambin capable d’imiter les plus grandes stars de films d’actions. Un jour de mauvaise lessive, son pantalon craqua pendant l’effort, révélant à son fidèle public un slip orné de petits canards jaunes. Il ne réitéra jamais l’exploit depuis cette fameuse après-midi où sa fierté subit la plus belle des blessures.

Heureusement, chantonner en public n’était rien en comparaison, il se contenta de sourire à Rachel avant de lâcher à son unique intention : « Si t’as besoin de parler, j’suis là ».

Juliette avait oublié, à quel point la cuisine pouvait être un lieu de passage dans ce lieu ou résidaient tant d'adolescent... Il était vrai que, à sa décharge , la jeune femme ne la fréquentait que très peu. Lorsque Rachel la fixa du regard après son propos sur sa connaissance de l'institut, Juliette lui sourit malicieusement. Elle savait que "mademoiselle sourire" avait parfaitement compris sa tentative de se défausser vis-à-vis de Miguel, mais elle ne lui en fit nullement la remarque car elle savait que Juliette n'était pas vraiment friande du fait de servir de guide aux nouveaux venus... Tout au moins, pas de manière répétitif. Finalement, Rachel se retourna en direction de Miguel, et lui parla musique, une passion visiblement commune aux deux mutants.

C'est alors que entra Deadalion, qui ignora dédaigneusement tous les monde dans la cuisine excepté Rachel et Ken Dont il se moqua sans vraiment l'avouer. La encore, Juliette ne connaissait pas vraiment ce dernier, mais ce qu'elle en savait, ce que certains lui avait dit et qui visiblement se confirmait dans cette cuisine, la conforta dans son appréciation première du mutant... Il était absolument détestable, encore bien plus que Iacobo. Ce qui en soit était, a vrai dire, un certain exploit en la matière, bien que le serbe faisait parfois preuve d'une certaine forme de gentillesse envers les gens... Jamais très longtemps, mais au moins cela arrivait-il. Mais pour le moment, Deadalion n'avait pas l'air de posséder cette qualité minimum... Juliette s'en détourna rapidement , afin de porter son regard sur la jeune fille qui venait elle aussi d'entrer dans la cuise en proposant...Le repas..? Juliette réalisa tout à coup... Cette voix, c'était celle qu'elle avait entendu dans son communicateur, lorsqu'elle discutait avec Alixtide dans sa chambre... Si c'était elle qui avait fait la cuisine, elle voulait apparemment que l'on finisse les restes... Très peu pour Juliette, qui n'avait, à vrai dire, pas vraiment faim.

Lorsque Jade répondit à sa demande avec un regard quelque peu inquiet selon elle et une voix légèrement hésitante, la jeune gothique romantique crut percevoir une certaine forme d'inquiétude chez la jeune fille... Lui inspirait -elle donc une si grande crainte, que de devoir lui parler soit aussi.. Douloureux..? A la réponse de sa nouvelle colocataire, Juliette ne pu que répondre un soupirant "prends ton temps, ce n'est pas urgent..." Après tout, loin de Juliette l'idée de la forcer à lui parler, si celle-ci n'en avait nullement envie, surtout que partager sa chambre n'était surement pas ce qu'il été arrivé de mieux à la française. D'ailleurs, celle-ci s'était elle-même proposer pour amener Miguel, à sa chambre, au grand soulagement de Juliette et, sans doute, de Rachel qui était en pleine discussion avec Ken à qui la jeune gothique rendit son salut avec un plaisir certain. Après tout, il avait été de sa famille... Autrefois, lorsque les JustiX était encore les JustiX, et nom
pas cette pâle copie dont faisait partie le détestable Deadalion qui, assurément, ne supportait pas les idéaux qui avaient guidé les JustiX originels dont Juliette avait la chance de faire partie...

Dans un soupir de regret mélancolique, Juliette porta à nouveau sa tasse à ses lèvres et avala une longue gorgée de son breuvage aux accents de son pays natal. Jade allait partir avec Miguel, qu'elle avait bel et bien reconnu, afin de l'installer, Et Rachel et Ken allait surement, eux aussi, quitter la cuisine, sans doute suivis de Deadalion. Puisque Juliette allait se retrouver toute seule, elle finirait certainement son cappucino et repartirait ensuite rapidement à la recherche de Cassandre afin de lui présenter ses excuses que la jeune gothique romantique estimait lui devoir pour ne pas avoir été son soutien durant ces deux derniers mois...

Son dessert terminé, le jeune homme se débarrassa des restes dans la poubelle et jeta nonchalamment la cuillère dans l’évier. Il ne répondit à Rachel qu’avec un hochement de tête approbatif et offrit un sourire neutre à O’Connell. Alors qu’il s’apprêtait à quitter la pièce où les bien heureux s’épanouissaient dans l’accueil d’une nouvelle âme tendre, Daedalion remarqua la présence d’une demoiselle qui, il dut bien l’admettre, dénoté avec l’ambiance colorée du lieu.

Une gothique ! Doux cadeau divin de Fortune à son égard. Certes, il pourrait différencier ce groupuscule musical des satanistes déviants, mais laisser de temps à autre ses préjugés s’épanouirent pour satisfaire son verbe malhabile, cela avait du bon qu’il serait hérésie d’ignorer. D’un gonflement de poitrine, son inspiration prit possession de son intellect pour libérer des vilaines galéjades : « Juliette, non ? J’ai une petite question qui m’a toujours titillée l’échine. Comment décroche-t-on un goth d’un arbre ? » Il marqua un temps, l’air interrogateur, puis révéla l’énigme. « On coupe la corde! » L’imbécile partit dans une esclaffe forcée n’ayant que pour seul objectif d’irriter l’originale.

« Pardon, reprit-il, je ne pouvais pas laisser passer l’occasion. Je t’offrirai une chèvre à sacrifier, histoire d’enterrer la dague rituel de guerre. Sur ce, bon après-midi ». L’interlude social terminé, il n’accorda aucun droit de réponse à la mutante, ce qui proclama sa lâcheté, et retourna dans sa chambre lire un bouquin. Peut-être aurait-il la chance de parler enfin décoration avec le fanatique qui lui servait de colocataire.

La blague stupide et, sans l'ombre d'un doute dépassé de Daedalion, arracha un bref sourire à Juliette qui demeura les lèvres à demi dissimulées derrière le bord de sa tasse. La plaisanterie navrante de celui qui lui parut alors être l'idiot de service n'était assurément pas drôle, mais surtout elle devait dater de l'époque de sa grand-mère... Voire même, sans doute de celle de son arrière grand-mère... Ou de son arrière arrière grand-mère... Et puis, si Daedalion avait voulu la blesser ou la mettre en colère en agissant de la sorte, il arrivait avec bien des années de retard. En effet, toutes les moqueries et les histoires sur les gothiques, Juliette les avait déjà entendu des années auparavant, lors de sa période de lycée. Ce qui lui faisait mal à l'époque, ce qui l'avait fait plus d'une fois verser des larmes de profonde tristesse désespérante, Aujourd'hui elle en faisait fi, tout simplement... Et si ce stupide crétin se croyait en mesure de lui faire le moindre mal, alors il avait véritablement la naïveté d'un enfant de quatre selon la jeune gothique, ce qui devait d'ailleurs, Juliette en était intimement persuadée, ne pas être loin de son âge mental pour sortir de telles âneries à son âge. De fait, Juliette se demandait bien pourquoi Carrie lui avait demander d'intégrer la nouvelle équipe des JustiX... Est-ce que le choix lui avait donc si cruellement fait défaut..?

Décidément, et à son plus grand regret, Carrie baissait de plus en plus dans l'estime de son ancienne élève, qui se désola de cette pensée en buvant à nouveau une longue gorgée de son cappuccino...

Juliette aurait volontiers accepté de se descendre au niveau, assurément caverneux du jeune mutant qui se voulu raciste à son encontre, même si la n'était pas son intention, afin de lui répondre à sa manière, mais comme tous ceux de son espèce, il avait préféré fuir avant de voir la réaction de la jeune femme... *Tous des lâches* se contenta-t-elle alors de songer, en le voyant quitter la cuisine comme le pleutre qu'il semblait être. Un départ bientôt suivi de celui de Rachel, qui lui sourit à nouveau avant de sortir, suivi de son beau chevalier... Encore que Juliette aurait préféré une belle princesse à la place de Ken, mais comme le disait le vieux dicton : L'amour a ses raisons que la raison elle-même ignore... Et ce n'était pas Juliette qui allait les découvrir à sa place.

La cuisine vide, ou presque, la jeune gothique soupira doucement en regardant pensivement le fond de sa tasse. Dire que Cassandre voulait qu'elle se lie avec les autres élèves, hé bien ce ne serait visiblement pas pour cette fois. D'ailleurs, en parlant de sa belle... Juliette se dépêcha de finir son cappuccino, puis elle nettoya sa tasse et sa cuillère qu'elle remis à leur place après les avoir soigneusement essuyé, puis, de son éternelle attitude nonchalante et fluide, elle quitta la pièce afin de retrouver la trace de la psychologue. Juliette la chercha assez longuement à travers tout l'institut, mais malheureusement elle ne réussit pas à trouver sa belle, ni même une seule personne en mesure de la renseigner sur l'endroit ou elle pouvait bien se trouver. Au bout d'un moment, et tout de même légèrement dépitée, Juliette renonça... Temporairement tout au moins, car elle ne renoncerait pas à ce but qu'elle s'était courageusement fixé.

Déçue, la jeune gothique glissa de son pas silencieux et presque fantomatique jusqu'au salon, ou elle attrapa d'une main délicate l'exemplaire du journal fabriqué par certains des élèves de l'institut, semblable en une réponse intelligente aux inepties calomnieuses et insultantes de la Sentinelle, avant de finalement remonter le grand escalier avec sa prudence habituelle afin de retourner dans sa chambre... Peut-être que avec un peu de lecture, elle dormirait d'un sommeil plus paisible cette nuit.

[ Chambre de Juliette --> Saut temporel]