Chambre d'Amarenna et Jolène

Camille faillit ouvrir la bouche pour dire "Eh, si je veux je suis première", mais elle se retint et laissa cette petite victoire à Gabrielle. Après tout, elle avait l'air de bon poil, inutile de la contrarier.

La voyant s'habiller, la petite Bretonne se dit, après coup, que ce serait subtil de se fringuer en rapport avec le temps. Elle retourna donc - plus réveillée - vers son armoire, attrapa une écharpe blanche, et surtout son bonnet qui lui permettrait de garder ses cheveux au sec. Elle finit par une paire de gants - noirs, comme son couvre-chef. Elle se regarda dans la glace : zéro niveau discrétion, mais elle avait d'autres atouts en cas de bataille.

Elle ferma tous les tiroirs qu'elle avait ouverts, enfila une paire de bottes, et sortit dans le couloir. Les autres allaient admirer ce qu'était la dextérité.

Jardin

Du jardin

Camille était rentrée en vitesse, espérant qu'Abaigh la suivrait. Pour éviter de lui opposer porte close, elle l'avait laissée ouverte - en réalité, elle n'avait pas pensé à la fermer. Elle posa gants et bonnets plus blancs que noirs sur le radiateur, balança son manteau par terre, et se jeta sur son lit.

Ca faisait du bien de se défouler, mais il y'avait désormais une vengeance à accomplir. Camille se demandait si elle devait enrôler Abaigh...il y'aurait bien Georgia, mais elle aimait bien Ivy, alors fallait voir. Mais il faudrait faire payer cette injustice. Après tout, elle avait presque pas complètement fait exprès de lancer la boule de neige, ou alors, c'était à l'insu de son plein gré, et les témoins étaient alcooliques, et le juge corrompu.

Sinon, y'avait Alixtide. Avec soit de la délicatesse, soit de la menace, on pouvait en obtenir quelque chose...
En gros, Camille conspirait intérieurement à une très haute température.

Après son détour par le jardin et la cuisine où elle n'avait même pas pris le petit-déjeuner prévu, Gabrielle se dirigeait en sautillant vers sa chambre. La neige et la perspective de la soirée la rendait guillerette.
Elle poussa la porte en sifflotant et apperçu sa coloc sur son lit qui semblait perdue dans ses rêveries.

"Hey Camille, tu es au courant pour la fête costumée de ce soir? Je vais essayer de me commander un costume sur le net et de me faire livrer à l'Institut."

Joignant la parole au geste, Gabrielle sortit son portable qui dormait sur son bureau et l'ouvrit. elle ne tarda pas à se connecter sur le site d'un magasins au stock très rempli qui fournissait dans la journée.

Gabrielle hésitait devant le choix qui s'offrait à elle. Devait-elle opter pour quelque chose de classique ou au contraire pour quelque chose d'original? Elle avait promis à Georgia une surprise.
Puis un doute s'insinua en elle. Peut-être que Georgia par ses paroles tout à l'heure sous-entendait que Gaby n'était aps très séduisante et qu'elle devrait remédier à celà. Après tout, Georgia n'avait pas cessé de parler des garçons et de son pouvoir de séduction.
Gabrielle se mettait à douter. Elle ne s'était jamais posé ce genre de questions. Les garçons, elle s'en fichait comme de l'an 40. Les filles dans son pensionnat était plutôt bien renseigné sur le sujet et Gabrielle avait appris tout un tas de choses, mais à vrai dire, elle s'en fichait un peu.
Georgia avait cependant était toujours de bon conseil pour elle.

Gabrielle se tourna vers Camille et l'air plutôt génée, demanda:
"Dis Camille, tu penses que je suis une fille enfin...comment dire...tu penses que je..que je suis laide?"

Gabrielle rougit après cette question incongrue et personelle.

Devant la réaction éberluée de Camille, Gabrielle regretta aussitôt sa question. Ses joues prirent une teinte rougeatre tandis que la jeue fille s'étonnait de façon plutôt ironique des interrogations de Gaby. Il fallait dire que Gaby ne s'était jamais posé ce genre de question. Pour qui, pour quoi aurait-elle été belle?
Gabrielle hésitait à présent à répondre à la jeune fille, de peur de se heurter à l'incompréhension de celle-ci.

"Bah je sais pas...c'est que...bah...je me suis jamais posé ce genre de questions avant..."

Les joues de Gaby viraient au cramoisi. Pourquoi Georgia lui avait elle poser ses questions étranges aussi, maintenant la jeune fille était complètement perturbée. Enfin ce n'était que juste retour des choses quand on considérait que quelques mois plus tôt, c'était une petite phrase de Gaby qui avait chamboulée Georgia.

"Tu sais...avant j'étais dans un pensionnat de filles...Je faisais pas attention à tout ça...mais Georgia m'a parlé des garçons et séduction et tout...enfin voilà, je m'interrogeais...c'est tout..."

Gabrielle jetta un regard sur les costumes plus sexy que le site proposait. Pourrait-elle porter celà elle aussi?

"C'est... enfin... quels sont les critères de beauté exactement?"

Gabrielle avait bien sur jeter un coup d'oeil sur les magazines féminins mais elle ne savait pas exactement ce que les hommes préféraient...

Camille était toujours décontenancée, mais le fait d'entendre parler de Georgia dans la conversation lui fit reprendre ses esprits. Ainsi donc, la philosophie mitalienne créait des remous subméningiens, comme toujours, comme pour Alixtide, comme pour elle, même.

Elle prit la voix la plus grave et rocailleuse qu'elle put.

Bon...tu vois, c'qui m'plaît chez les nanas j'veux dire c'est les yeux, tu vois, c'est c'qu'y'a d'plus important, tu r'ssens tout dans un r'gard, tu peux connaître ton feeling pour la meuf, et le feeling qu'elle a pour toi...

Elle s'arrêta, pour éviter de tourner en rond pendant dix minutes, puis sourit.

Y'a des savants qui disent qu'il y'a des critères de la beauté. Moi je pense que hormis la silhouette - oui, au grand dam de Camille, les grandes étaient souvent plus remarquées, ô monde cruel - faut surtout avoir un beau sourire. A partir du moment ou tu souris, les gens te trouvent plus jolie. C'est mon avis, note.

Elle réfléchit encore un peu.

Sinon, un mec, ça marche plus je pense par élimination. Faut surtout ne PAS avoir certaines choses. Trop grosses fesses, trop gros nez, menton qui ressort, boutons, seins qui tombent - ou seins absents...

Elle regarda Gaby en riant.

Par élimination, donc, tu es belle. Selon les très éminents critères camillesques, en vigueur rien que chez moi mais je pense qu'ils sont pas trop bêtas.

Cuisine

Haletante et confuse, la New Yorkaise débarqua devant la chambre des deux jeunes filles et y toqua sans réfléchir...

Puis le doute s'insinua en elle...

Machinalement, toutefois, elle lança :

"Gaby, je suis désolée... Je dois te parler !"

Elle se mordit les lèvres. Allo ? Mon Surmoi est en panne du coup mon Moi a démissionneé et mon Ca fait carrément de la grosse chiure de mouche. Je fait de l'hystérie de conversion mais je ne me soigne pas. Du coup c'est n'importe quoi, comme d'habitude, je me lève et tu n'es pas là, douce conscience morale de ce que je suis et qui pourrait peut être m'empécher de réussir mon autolyse sociale... Vivement que l'on me passe enfin des chemises qui se bouclent par le dos et que je prenne un train qui parte... Pour l'asile !

Au delà de ça, Georgia se rendait compte que si elle s'excusait, elle ne savait même pas pourquoi... Pardon, mais mon coeur fait n'importe quoi quand tu es là ? Ah, elle était vraiment barrée de chez barrée...

Camille rassura Gabrielle. Selon elle, il n'y avait pas vraiment de critères, tout passait par une sorte de charisme transmis par le regard et le sourire.
C'était pas encore gagné pour elle niveau sourire. Pour le reste, Gabrielle s'était aussi rendu compte dans les magazines qu'il valait mieux être grande et mince.
Camille rasura donc Gabrielle en lui disant qu'elle était belle. Conversation pour le plus étrange pour la personne qui entrerait à ce moment-là.

"Merci Camille..." se contenta d'ajouta Gabrielle, reconnaissante envers sa colloc pour ses leçons.
Soudain, l'on frappa à la porte. C'était Georgia....qui s'excusait?
Gabrielle ne comprit pas sur le coup. Elle se leva en un bond, refermant le portable d'un coup sec afin que Georgia ne voye rien et se dirigea à pas rapides vers la porte.

"Bah pourquoi tu t'excuses Georgie? Qu'est ce qui se passe?"
Decidement, aujourd'hui, Georgia était de plus en plus bizarre.

Oups... Je l'ai fait encore. C'était les seules pensées de la New Yorkaise psychotique.

Du n'importe quoi. Et en beauté. On allait finir par croire que Georgia taquinait la bouteille ou se faisait des overdoses de médocs pour être aussi à la masse...

Bon alors que répondre ? Que répondre après en avoir dit autant et pas assez à la fois ? Se rétracter ? Bonjour la réputation... Avouer ? Euh... N'y a t'il point de troisième choix ?

"Euh..."

Excellent début.

"J'avais peur d'avoir fait un truc de travers ou d'avoir dit n'importe quoi... Enfin, un peu comme maintenant en fait"

La New Yorkaise baissa les yeux.

"Parce que je t'apprécies vraiment vraiment vraiment beaucoup. Genre un truc vachement fort"

Posant la main sur son coeur.

"Et ça cogne là dedans, chaque jour un peu plus fort quand je te vois"

Et là, elle vit que Camille était aussi dans la chambre. Ou de la nécessité de toujours vérifier que la pièce est vide avant de s'humilier de paroles lamentables...

"Salut... Camille... Tu vas bien ?"

Parler était une torture. Surtout qu'elle adorait Camille ! Mais en l'occurence, elle aurait surtout adorée qu'elle ne soit pas là, ici, dans cette chambre qui était accessoirement la sienne...

Ou comment le principe de réalité s'arrangeait toujours pour gonfler son petit monde à elle...

Gabrielle était donc à la porte, attendant que Georgia trouve une réponse à sa question somme toute fort simple et innocente. Camille s'était rapprochée de Gabrielle et interrogeait elle aussi Georgia sur cette arrivée fracassante.
Gabrielle s'effaça pour laisser entrer Georgia tandis que celle-ci s'empetrait dans des paroles de plus en plus confuse.
Gaby fronça les sourcils, un pli apparaissant sur son front. Elle avait du mal à suivre la jeune fille pour le coup.

"Mais non, je ne vois pas ce que tu aurais fait. Je voulais juste chercher un costume pour ce soir...J'ai tellement hate d'y être!"


Georgia lui parla alors de sentiment très fort. Gabrielle était habituée à la facilité de la jeune fille pour exprimer ses émotions. Gabrielle trouvait celà étrange mais après tout, Georgia n'avait pas hésité à proclamer son amitié, assise par terre dans un couloir, avant de s'endormir.
Gabrielle tenta donc de lui répondre aussi, à sa façon, plus introvertie.

"Moi aussi je t'aime bien Georgie! Tu es quelqu'un de géniale."

Gabrielle sentait que Georgia avait quelque chose sur le coeur, sinon, elle ne l'aurait pas suivi dans sa chambre. Elle l'invita donc à rentrer.

"Vas-y, assis-toi!Fais comme chez toi!"

Gabrielle souhaitait aider Georgia à se confier, elle l'invita donc à le faire.

"Bah alors, pourquoi tu es venue exactement la miss?"

A l'invitation sympathique de Gabrielle, Georgia ne put résister...

Le mot était laché : elle ne put résister. Mi effondrée, mi sous influence, une boule gigantesque au ventre, la New Yorkaise se laissa guider et s'assit (enfin elle ploya plus qu'elle ne s'assit) sur le premier siège...
"Quelqu'un de génial... Mouais..."

Georgia regardait dans le vide. Complétement amorphe, inexpressive...

"Tu m'aimes bien ?" lança t'elle en redressant la tête. Histoire d'avoir Gaby dans les yeux.

"Ben je crois que c'est ça mon problème... Je t'aime un peu trop pour une amie..."

Georgia rectifia sa position après ses paroles : la tête vers le sol reposant sur ses mains... Tout sauf soutenir le moindre regard dans les prochaines secondes...

Georgia avait accepté l'invitation de Gabrielle mais la jeune fille ne comprenait pas exactement pourquoi Camille se sentait de trop ainsi. Après tout, elle s'entendait bien avec Georgia elle aussi. Camille sortit donc dans le couloir et Georgia s'installa.
Gabrielle fut inquiète par l'expression que celle-ci affichait, affalée dans son siège. Gabrielle sentait que la jeune fille essayait de lui dire quelque chose depuis la cuisine mais Gabrielle n'arrivait pas à comprendre quoi exactement...
Cependant quand Georgia lacha enfin les mots qui semblaient la torturer et se prit la tête entre les mains, Gabrielle comprit enfin.

Elle poussa une sorte de petit cri d'etonnement.

"Ohhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhh......."

Elle ne savait pas quoi répondre, ni quoi faire exactement. Elle ne s'était pas du tout attendu à ça. Elle se retrouvait bête tout d'un coup, plantée au milieu de la chambre.

"Je....bah........euh........"

Gabrielle ne savait pas quoi dire exactement. Elle pensait que tout avait été toujours été clair avec Georgia. Elle l'avait aidé quand ses doutes l'avaient saisies après une malencontreuse parole de la jeune fille...Finalement, on en revenait à la première situation et à ce qu'avait dit Gaby.
Toujours silencieuse, refléchissant, Gabrielle essayait de se remémorer les paroles ou les gestes qu'elle aurait pu avoir. Dans le couloir, assise, elle avait refusé son amitié à Georgia, mais peut-être que celle-ci parlait d'autre chose...Peut-être que son action la plus ambigue avait été de l'embrasser dans le jardin, mais Georgia avait saisi qu'elle faisait ça pour répondre à l'homophobie latente du jeune Lyu, non? Non???
Gabrielle était en proie au doute.

"Je....enfin...tu es sure de ça? Tu penses pas que c'est un transfert, ou un truc du genre? Quelque chose de passager? Tu sais, ça arrive parfois à l'adolescence...On se cherche et tout..."

Gabrielle avait l'impression que ses paroles étaient vides de sens. Elle passa la main dans ses cheveux en un geste nerveux. Qu'attendait exactement Georgia en lui faisant cet aveu? Que Gabrielle lui réponde, qu'elle la réconforte? La jeune fille detestait se sentir aussi démunie et ne pas savoir quelle attitude choisir...
Georgia semblait si abbatue en cet instant comme si elle redoutait que Gabrielle se mette à crier ou la frappe soudainement.Peut-être avait-elle été échaudée par l'homophobie et la réaction hysterique de River?

Visiblement Gabrielle était pas réellement ravie des confidences de son amie... Etonnant, non ?

Georgia se demandait bien à quoi elle s'attendait en venant là, déballer son sac... Un bisou ?

Elle sourit mollement et releva la tête.

"Enfin voilà, quoi..."

Du coup, elle ne savait plus quoi dire.

"Un transfert passager ? Peut être, j'en sais rien... Je pense pas t'affecter des sentiments que je ressentirais pour quelqu'un d'autre..."

Elle se passa la main dans les cheveux.

"Et puis... Non, c'est toi et c'est toi seule... Riv', c'était des âneries, elle me dit rien cette fille... Genre de la méga provoc' et tout et tout..."

Elle fixa son amie avec un regard qui commençait à devenir vague, humide :

"Voilà, quoi... Toi c'est différent et je n'y peut rien. Du coup, je me sens très très mal ou très très bien, selon que tu es là ou pas ! J'y peut rien. Je sais que c'est bête et que je me fais des films, mais j'ai pas le choix... Désolée..."

Avalant sa salive et réalisant l'énormité de ses propos :

"Et c'est pas parce que je suis un peu bizarre ou quoi... Ca n'a rien à voir. C'est même un des rares trucs que je ne remets pas en cause dans mes sentiments ou mes actions. Mais ne t'inquiète pas, je ne vais pas te harceler..."

Gabrielle écoutait Georgia qui cherchait ses mots et s'expliquait tant bien que mal.
Au fur et à mesure, sans qu'elle controle bien celà, un sentiment émergé en elle...Celui d'une profonde colère. Elle venait à peine de trouver u nsemblant d'équilibre grâce à la jeune fille et tout était déjà remis en cause.
Gabrielle tentait de calmer la colère qui sourdait en elle mais elle du mal. Elle serra les poings. Tout allait changer à présent. Chaque parole, chaque geste de Georgia deviendrait suspect. Gabrielle lui en voulait quelque peu d'avoir fait tomber le masque. N'aurait-elle pas pu faire semblant encore un peu? Qu'esperait-elle en lui dévoilant tout celà? Que Gaby ait une révélation, une sorte d'illumination qui ferait qu'elle se jetterait sur Georgia, en lui déclamant en vers lyriques et rimés s'il vous plait son amour pour elle?
Peut-être Georgia sentit elle sa gène et sa colère en sourdine..Du moins, elle essaya de rassurer Gabrielle quant à un possible harcelement.
Gabrielle se laissa tomber sur son lit, toujours abasourdie.

"Même si tu ne le veux pas....ça change tout..."

Gabrielle ne savait même pas exactement ce qu'elle allait dire avant de le dire.

"Tout acte deviendra suspect, connotée, redoutée..."

Gabrielle parlait autant pour elle que pour Georgia.

"Il va falloir construire quelque chose de nouveau...si c'est possible..."

Ses paroles résonnèrent en Gabrielle. Si ses bases s'écroulaient, encore une fois, comme à chaque fois, elle ne s'en remettrait pas.
Déjà, elle ressentait une certaine gène à l'encontre de Georgia. Elle jetta un regard vers la porte.

"On devrait p'tre faire rentrer Camille, c'est pas sympa de notre part de la laisser à la porte."

Gabrielle optait pour la fuite devant les révélations de Georgia. Cela faisait trop mais peut-être que le jeune fille n'accepterait pas elle la fuite évidente de Gaby?
Gabrielle se dirigea vers la porte, prête à l'ouvrir.

Une cloche de détresse. Voilà, elle se sentait écrasée, pétrifiée, anéantie par de simples paroles, des gestes tout bêtes... Un regard fuyant. Des mains qui se serrent. Des mots qui éloignent.

Georgia ne bougeait même plus. Penser à peine. Et ne disait plus grand chose. Une boule nouée en travers de la gorge.

Mais ce qu'elle avait initié, elle se devait de le terminer, même si ça faisait un mal de chien... Parler jusqu'à ne plus savoir quoi dire. Boire la coupe jusqu'à la lie. Apprendre à finir... enfin & autres foirades.

"Je te devais au moins la franchise, Gabrielle... Je te devais au moins ça, sinon j'aurais encore plus de mal à me regarder dans la glace le matin..."

Elle marqua une pause. L'après révélation ne l'enchantait pas vraiment.

"... même si demain matin et les jours d'après, ça va pas être évident à vivre... Navrée de t'imposer tout ça, mais je suis comme je suis..."

Georgia se leva. Un peu vacillante d'émotion.

"Enfin, tu es vraiment une fille extraordinaire, Gabrielle... Ne change pas, reste comme tu es... Tu es très bien comme ça. Quoiqu'on puisse te dire"

Puis elle se dirigea à grand pas vers la porte pour devancer Gaby et l'ouvrir elle même sur Camille.

Essayant de faire bonne figure et d'afficher un semblant de sourire, elle lança tout de go :

"Camille, j'ai oublié de te remercier pour ton livre... Très intéressant, vraiment merci merci merci merci..."

La boucle était bouclée mais il y'avait du larsen dans la bande. Du bruit blanc. Ne manquait plus que des lunettes de soleil pour cacher les larmes à venir.

Gabrielle avait l'impression que son coeur se brisait. Elle avait mal au ventre, ses mains tremblaient.
Georgia semblait dans un état pitoyable elle aussi mais elle ne regrettait pas son intervention contrairement à Gabrielle.
Georgia la rejoignit et ouvrit la porte. Gabrielle recula pour cacher son trouble. Elle alla s'asseoir sur son lit tandis que Cmaille et Georgia papotait à propos des cadeaux de noël.
Gabrielle laissa son regard se porter sur la petite table de nuit et le pendentif de Georgia. Voilà toute l'ironie de la chose, elle avait pris celà pour un geste d'amitié alors qu'il y avait plus derrière. Si elle portait ce pendentif à présent, celà voudrait dire tant de chose pour Georgia et si peu pour elle.
Gabrielle se leva et rangea le pendentif dans la table de chevet, loin de son regard.
Camille sentait surement l'ambiance lourde et orageuse dans la chambre et essayait de détendre l'atmosphère par des pitreries. Gabrielle n'avait cependant pas le coeur à rire. Elle jetta un rapide regard vers Georgia puis reporta son attention sur Camille.

"Si, si je suis sorti pour ma part, tout va bien Camille..."

Sa voix ne tremblait même pas. Les années d'entrainement à paraitre plus froide que la glace servaient au moins à quelque chose.
Gabrielle récupéra son ordinateur et le posa sur son lit. Que porterait-elle ce soir? Un drap pour faire office de fantome? Au moins elle pourrait y cacher sa honte et sa peur...
Camille lui proposait un moyen pour se changer les idées, cesser de penser et repasser en boucle ce qui venait d'arriver dans cette chambre.

"Si tu veux, je veux bien t'aider à trouver un costume."

Gabrielle tenta un petit sourire, ignorant toujours Georgia pour l'instant.

C'était comme si deux scènes se déroulaient simultanément à l'intérieur de la même pièce.

Dans la première, des filles parlaient de trucs de filles, des trucs de rien, des choses amusantes et légères, comme pour préparer une grande soirée...

Dans l'autre, plus intérieure, plus psychologique, deux des quatre protagonistes se fuyaient, s'évitaient et ça c'était ni drole ni léger.

Georgia avait juste envie de se coller la tête dans un four à gaz et de craquer une allumette pour l'heure.

"Ouais c'était bien merci... Ca me fait de la lecture et..."

La New Yorkaise stoppa nette. La lecture. Un autre sujet qui lui ferait du mal aussi, les prochains jours... Elle se rappelait qu'en d'autres temps, d'autres lieux, Gabrielle lui avait offert plusieurs livres. Certains qu'elle avait lu. D'autres pas encore. Les choses lui en rappelaient d'autres et la valse des souvenirs avait parfois un goût amer...

"Super copine" lança t'elle à l'attention de Camille. "Je te fais confiance pour mettre de la joie dans nos mornes vies"

Elle était très sérieuse là. Façon de dire : vas y, dérides moi, je n'en peut plus alors une cure de fou rire serait un bon remède... Mais là, elle sentait qu'elle jouerait le clown triste maintenant, ce soir et pour un temps qui lui semblait infini...

Gabrielle, bien entendu, ne lui disait plus rien du tout. Façon de couper les ponts. Après tout la messe avait été dite, Georgia avait fait n'importe quoi. Elle avait ce qu'elle méritait.

Abaigh rentra dans la pièce. La jeune fille était sympa. Pas de mauvaise compagnie. Et même si elle ne la connaissait pas plus que ça, elle appréciait son style.

"Ah bon ? Ivy, va bien sinon ? Pas eu trop le temps encore de lui parler depuis les vacances en fait..."

La rouquine était une bonne idée. Une personne nickel pour se raccrocher. Eviter de tomber en dépression. A noter, pour plus tard.

Georgia avala sa salive, espèrant faire disparaître l'angoisse qui lui nouait la gorge... Mais, Abaigh avait posé une question et inutile de lui infliger sa tête de six pieds de long :

"Ben là, on faisait le concours du plus joli maillot de bain... Et je crois que Camille a gagné"

L'absurde, la dernière arme contre l'implosion imminente ?

"Nan, je crois que ta coéquipière bretonne a des projets pour nous, pour toi, pour tout le monde... Façon de préparer la soirée en cours en jouant aux vilaines crapulettes qui taillent des costards sur mesure à qui voudra ou pas..."

Elle était limite incohérente. L'envie de pleurer, de rire, de danser, d'aimer, de se perdre, de parler, de se taire, de jouer, de mourir, de mourir, de mourir...

Allo Cassandre ? Je n'en peut plus...

L'ambiance était lourde. Même l'arrivée tout en bon humeur d'Abaigh n'y fit rien. Les deux jeunes filles évitaient de se croiser, de se voir. Gabrielle aurait même souhaité effacer les dernières heures de sa mémoire.
Cmaille et Abaigh regorgeaient d'énergie, envoyant milles idées à la minute qui fusaient dans les airs.
Gabrielle saisit la balle au bond comme on se raccroche à un bout de bois flottant quand le Titanic sombre au fond des eaux froides.

"Bah Camille et Abaigh, je vous verrais bien avec un truc par rapport à la Bretagne et à l'Irlande...un truc celtique pourquoi pas? Y'a toujours les livres que je t'ai offert Camille pour ça..."

Mais visiblement la jeune fille souhaitait s'éloigner de tout ce qui ressemblait de près ou de loin à un lutin. Raté pour le Leprechaun, peut-être que l'idée conviendrait mieux à Ivy?

"Je crois qu'il y avait aussi des fées dans les légendes celtiques, pourquoi pas une fée toute mignonne et super puissante?"

Gabrielle croyait en effet savoir que les fées dans la mythologie celtique et bretonne étaient tout ce qu'il y a de plus éloigné de la caricature Disney ou dessin animé. Ces petits êtres pouvaient être très cruels.
Camille lu idemanda alors quel était son costume. Gabrielle désigna d'un geste son ordinateur portable qui reposait sur le lit.

"Pas encore choisi...J'essaye d'éviter les clichés mais je crois qu'à la fin, je vais y aller déguisé en moi..."

Quelques bribes d'une conversation pas si ancienne lui revinrent...Anges, démons...Tout celà semblait si loin. Une douleur lui tenaillait le ventre, comme si on lui avait arraché le coeur et qu'on ne savait comment, Gabrielle continuait à vivre, malgré tout, amputée d'une partie de son âme.
Elle avait la nausée...