Chambre d'Amarenna et Jolène

Le choix du costume. La soirée qu'elle avait coorganisée. Le spectacle du soir.

Mais tout ça, c'était avant, non ? Allo ? Cassandre, je voudrais un mot de ma thérapeute, j'ai réservé ma chambre aux urgences psychiatriques et je vais vite y disparaître...

Georgia affecta un sourire triste. Aucune énergie, aucune envie, aucun désir... Voici venu le temps de la tristesse...

La New Yorkaise alla se caler contre un mur, de manière à voir tout le monde, de manière à voir Gaby qui était également perturbée...

Mais perturbée de quoi ? Certes, Georgia lui avait avoué des sentiments, peut être originaux, déconcertants, mais au fond il n'y avait rien de méchant, bien au contraire...

Elle se demanda ce qui se serait passé si elle avait été un garçon. Non pas qu'elle veuille en devenir un mais juste par curiosité, est ce que ça aurait été différent ?

Elle se disait aussi que Gaby la croyait fourbe, intéressée... Avait elle joué double jeu ? Non, ce qu'elle disait, elle le pensait... Il faudrait le dire à son amie. Mais quand ? Le plus vite serait le mieux, mais le lieu n'était pas propice...

Un essai en forme de baroud d'honneur alors...

"Je suis assez d'humeur glauque personnellement, Abaigh... Je vais peut être essayer de foncer mes cheveux pour ce soir, ou un truc du genre... Genre punkette dépressive, ça m'irait bien je crois..."

Ca ne signifiait rien. Dommage. Même joueuse, joue encore et encore... Allait elle foirer toutes ses répliques jusqu'au bout ?

"... ou alors je vais me déguiser en une petite chose, qui ne signifie rien du tout pour personne, genre la soubrette des pièces de théâtre, dont tout le monde se fout mais qui a quand même des sentiments, même si elle peut difficilement trouver l'occasion de les dire... Ou mieux qui dit tellement d'âneries que quand elle a un truc vraiment important à dire, on la prend pour une folle comme d'habitude ou alors on se méprend sur ses intentions, ce qui revient au même en fait. Si quelqu'un a une idée d'un personnage de la culture ou historique qui contient ça, je suis preneuse !"

Résultats des courses : Georgia était au bout du rouleau, il ne restait plus qu'à tirer un peu et ce serait parfait. Calme. Silencieux.

Visiblement l'idée de Gabrielle ne remportait pas l'adhésion. Elle ne s'en offusqua pas, de toute façon, son esprit avait du mal à se concentrer sur la soirée à venir.
Lorsque Georgia prit la parole, Gaby eut l'impression qu'elle s'adressait implicitement à elle. Enfin peut-être qu'elle faisait un peu de paranoia?
Elle écouta la jeune fille sans jamais la regarder. Lui reprochait-elle sa réaction? Gabrielle trouvait Georgia un peu gonflée? Qu'avait-elle espéré encore une fois en venant ici? Gaby lui avait-elle jamais donné une seule fois un espoir de retour? Non... Georgia ferait mieux de se mettre à la place de Gabrielle, au lieu de la traiter d'égoiste et elle verrait que c'était son comportement à elle qui avait fait preuve d'un sacré égoisme en faisant passer ses sentiments amoureux avant l'amitié que partageait les deux jeunes filles.
La colère envahissait à nouveau Gabrielle et elle oscillait à présent entre un mélange de profonde tristesse et de rage. Mélange plutôt explosif...
Elle tourna la tête vers Georgia et la regarda droit dans les yeux sans rien dire. Que voulait-elle faire passer par ce regard?Elle n'en savait rien... Ses actions actuelles répondaient plus à un instinct ou de l'intuition qu'à quelque chose de conscient et volontaire. Peut-être lui transmettre sa colère face à la situation si différente d'il y a quelques heures mais aussi son profond desespoir d'avoir perdu une amie et enfin ses doutes face au futur...
Gabrielle baissa la tête.
Elle ne devait pas faire l'égoiste elle non plus. Cette amitié avait agit sur elle comme une béquille qui l'avait aidé à changer,à grandir, à trouver de la force pour regarder le futur. Si Georgia voulait reprendre ses billes ou demandait plus, c'était son droit. Que lui avait-elle donner en retour après tout pour toute cette amitié?Pas grand chose...
Gabrielle ne connaissait rien à l'amour et aux sentiments amoureux. Encore plus que l'amitié, cette passion foudroyante lui était étrangère. Oh, elle avait déjà vu des films et lu des livres qui en parlaient...mais elle n'avait jamais ressenti cette étincelle pour personne...Un vrai glaçon, une reine des glaces sans coeur...Totalement coupée du monde et des Autres comme toujours. Inhumaine même dans son humanité.
Perdue dans les méandres de ses pensées, ne prétant pas attention à ce qui se passer autour d'elle, Gabrielle murmura malgré elle:
"Inhumaine..."tout bas.
Se rendant compte qu'elle avait parlé à voix haute, elle sursauta de ce rêve éveillé et eut un sourire d'excuse pour Camille et Abaigh qui se trouvaient dans la pièce et devaient trouver étrange son mutisme.

"Non mais je ne m'en fais pas...Je vais trouver quelque chose pour ce soir. Je dois quand même bien être capable de dénicher un costume, non?"

Au moins si Gabrielle était privé de coeur, elle avait toujours eu un sens pratique développé.

"Je trouve que l'idée de Peter Pan est pas mal. Ses contes existent depuis....oula très longtemps. Et puis, vous pourrez toujours vous en prendre à tous les adultes de la pièce en les traitant d'horrible Capitaine Crochet!"

Gabrielle coula un autre regard en direction de Georgia. L'esprit de la jeune fille était en vrac. Elle ne cessait de passer de son propre point de vue à celui de la jeune fille, se traitant d'egoiste puis la traitant d'egoiste à son tour...mais elle ne pouvait s'empecher de s'inquieter pour elle finalement. Elle n'aimait guère son air sombre qu'elle ne lui avait jamais vu arborer.

Georgia sentait bien qu'elle foutait un froid dans la pièce par sa seule présence... et voir Gaby, là, gênée, triste, mal à l'aise, en colère, s'éloignant d'elle, se détournant, c'était comme un déchirement... Un cri qui chercherait une bouche.

La New Yorkaise sentait qu'elle pouvait tomber, simplement, humblement comme pour se laver... Comme la fois où son père avait déployé ses bras immenses au marché de Coney Island, flouté par le soleil, et qu'elle l'avait pris pour une apparition...

La vie est faite de miracles. Et c'est long. Surtout quand on est seule.

Ravalant sa tristesse, sa fierté, elle se redressa, comme prête à quitter la pièce. Regardant tout le monde. Dans les yeux. Abaigh. Camille. Gabrielle plus rapidement. Ne pouvant soutenir le regard de la belle comme si c'était le soleil qu'elle avait devant elle. Un soleil froid. Majestueux. Immense. Magnifique. Oui. Il fallait qu'elle parte. Maintenant.

"Nan, nan Abaigh, c'est pas à vous de partir... Je ne me sens pas bien. De toutes façons, on se voit à la soirée, non ?"

Elle ne pensait pas être capable d'un long discours. Alors, elle fit bref. Elle avait besoin d'air. Et d'espace. Pour crier. Et respirer.

"Camille, Abaigh, Gab...rielle... A toute à l'heure..."

Et elle quitta la pièce, sans ajouter mot...

Jardins

Gabrielle avait l'impression qu'une tragédie se jouait dans la pièce. La pression, la boule au fond de sa gorge quand elle parlait, l'épaisseur que prenait chaque parole, chaque mot...Elle n'en pouvait plus et se sentait sur le point d'exploser. Elle aurait aimé fermer les yeux, se pincer et se rendre compte que tout celà n'était qu'un rêve, un cauchemar.
Mais pour la spécialiste en cauchemar et autre manifestation nocturne qu'elle était, elle savait très bien que tout ceci n'était que trop réèl...Ce qui rendait les choses bien plus horribles.
Abaigh et Camille continuaient à converser tranquillement de la fête, joyeuses et Gabrielle les enviaient quelque part pour leur innocence et leur insouciance.
Georgia se leva, rapidement, pretextant je ne sais trop quoi, elle en profita pour s'ecclipser.
Etait-ce fini?Avait-elle perdue sa seule amie?
Qu'avait-elle fait? Encore une fois elle se retrouvait divisée en elle-même, tiraillée par ses vieux démons, asphyxiée par des vapeurs d'égoïsme fugaces...
Oui, elle était une inhumaine d'avoir rejeté Georgia ainsi, de l'avoir accusé sans lui laisser une seule chance de se défendre. Gabrielle était aussi exigeante avec les autres qu'avec elle-même, ils n'avaient pas le droit à l'erreur, jamais. Voilà pourquoi elle les perdait tous. Personne ne pouvait tenir la comparaison avec les fantasmes idéaux qu'elle créait de toute pièce.
Elle se leva brusquement.

"Excusez-moi!!"lança t'elle aux deux jeunes filles qui les avaient supportées avec courage.
Elle se précipita vers la porte qu'elle ouvrit à toute volée.
[wherever you'll go......]

Camille était un peu gênée. A la base, tout ce qu'elle voulait, c'était une simple papote amicale autour d'un sujet garanti 100% inoffensif, et ça s'était transformé en guerre des nerfs, dans laquelle elle avait attiré Abaigh, ce qui n'était pas super sympatoche. La moindre des choses était de s'en excuser.

Nan, va, c'est pas ta faute, c'est juste qu'elles sont un peu trop triturées du cortex. Quand elles vont, y'a pas de souci. Mais quand elles vont pas ben...

Regard triste. Puis Camille se ressaisit.

Mais oui, la courte paille, très bien. Si tu gagnes, tu choisis, si tu perds, je choisis.

Elle sauta de son lit et attrapa un bout de ficelle qui traînait sur le bord de son armoire, sans doute utilisé à un moment de sa vie pour empaqueter quelque chose, ou faire tenir ensemble des habits. Elle le découpa en deux bouts rigoureusement inégaux, en recoupa un qui dépassait de sa paume, puis se retourna et en mit un dans chacune de ses mains.

Regarde pas !

Elle les égalisa pour que l'on ne voie pas dans laquelle était le plus long, et refit face à Abaigh.

Alors, droite ou gauche ?

Camille avait les poings serrés, pour être certaine de ne pas lâcher un des bouts dans sa maladresse coutumière. Puis elle se souvint de la fort polie question de sa camarade. Elle fit une révérence, et chercha dans sa mémoire une expression polie pour signifier son enthousiaste acceptation.

Ya, dimezell, me reiñ e asant.*

Puis elle se redressa en souriant.

Tu as choisi ?



*Oui, mademoiselle, je suis d'accord.

(La soirée a commencé, donc je finis vite le sujet avec un post tout court, désolée. Comme convenu, Camille, tu me rejoindras à la soirée dès que tu pourras ^^ Abaigh t'attendra de toute façon.)

Abaigh avait donc une cavalière, plutôt qu'un cavalier. Bah, aller à une soirée entre amies, c'était très bien. C'était même mieux qu'un rencard de toute façon.

Alors c'était donc la courte paille qui allait décider du thème des déguisements des demoiselles. Abaigh hésita longtemps avant de piocher l'un des bouts qui dépassait du poing de Camille.

-Là!

Dit-elle en désignant le bout qui dépassait de la main gauche de Camille : Bingo! Abaigh avait gagné (-Convenu par MP avec Camille-) et avait donc le choix des costumes.

-Ben décider, là, maintenant...

Oui. Décider, là, maintenant Irlandaise!!!

-Alors, euh... La mariée morte!!!

Bon, sujet glauque, mais elle avait vraiment envie de faire un truc différent, et Peter Pan, c'tait trop banal.

-Tu s'ras la mariée, et j'serais le marié.

Voilà : un couple de morts.

Abaigh se redressa et s'étira.

-On ira faire les courses après les cours. On d'vrait pouvoir trouver ce qu'on veut. J'espère en tout cas...

L'heure tourna.

Cours Centre Commercial Soirée Costumée

[salon]

Gabrielle arriva dans sa chambre. Son épaule était encore maculée de sang mais Gabrielle avait surtout voulu fuir l'agitation.
Elle n'avait rien fait, non, elle n'avait pas touché Alixtide, même si l'envie ne lui en avait pas manqué mais pourtant, tous s'était tourné contre elle.
Etait-elle un tel monstre pour frapper quelqu'un à terre? Etait-ce là l'image qu'on avait d'elle?

Elle referma la porte de la chambre et se dirigea vers la salle de bain. Le miroir lui renvoya l'image d'une jeune fille un peu échevelée, les cheveux dérangés et les yeux brillants.

Sa vie était un tel chaos. Il lui semlait que chaque jour, elle était confronté à tout un tas d'épreuves et qu'elle devait se battre en permanence. Elle était un peu fatiguée de tout celà, elle aurait aimé avoir quelques inutes de paix, de pure repos...total...
Elle ferma les yeux quelques instants et les rouvrit. L'image était la même. Rien ne changeait.
Elle passa ses mains sous l'eau et vit qu'elles tremblaient. Ce n'était rien. Elle passa un peu d'eau fraiche sur son visage.
Quelque fois, elle aurait aimé avoir une vie simple de bisounours elle aussi. Penser à ce qu'elle allait porter le lendemain, qui allait être son copain attitré de la semaine... Mais elle était loin de ce genre de préoccupations.
Elle n'avait pas eu de père et de mère pour la protéger du monde cruelle et l'image de sa vie actuelle n'était que le reflet de son passé...Elle était elle-même le produit de son passé, même si celà ne lui plaisait pas. Non, il n'y avait nulle liberté là dedans.
Elle prit un gant et commença à débarbouiller son épaule. L'odeur entetante du sang revint, lui faisant tourner la tête.
Pourquoi Alixtide avait-il fait celà? Lui en voulait-il lui aussi? Mais pour quel motif? Qu'avait-elle encore fait?
Chacun de ses gestes semblait entrainer une mini-tornade qu'elle ne pouvait controler. Georgia et sa question innocente lors de leur rencontre, Alixtide et quoi...Elle ne savait guère.
Elle prit une serviette éponge pour essuyer son épaule et versa un peu de parfum dans son cou et sur son épaule.
Pourquoi Georgia avait-elle réagit si vivement? Par loyauté, fidélité, peur ou quelque chose de plus fort encore?
Elle preferait ne pas y penser. Mais était-elle pour autant responsable des actes de son amie? Pouvait-on la blamer pour ce qu'elle ne pouvait controler?
Elle passa la main dans ses cheveux, toujours face à la glace. Les lumières de la salle de bain se refletaient dans le miroir, auréolant ses cheveux d'une lueur angélique.
La loi de la jungle, un combat permanent...Que n'aurait-elle pourtant donner pour être une jeune fille banale, ordinaire, sans histoire, pour n'avoir pas ses blessures au fond d'elle-même...Quelques fois, le soir, lorsqu'elle ne trouvait pas le sommeil, elle se plaisait à imaginer ce qu'aurait pu être sa vie si les choses avaient été différentes, si sa mère n'avait pas été malade, si son père avait été présent et s'il ne l'avait pas mis en pensionnat...
Elle frola le médaillon qu'elle portait à son cou et apperçut le coeur que Georgia lui avait offert. A cette époque là, elle ne savait pas encore ce qu'il représentait pour elle.
Quelque part, elle enviait la jeune fille. Celle-ci avait réussi à trouver des réponses. Au milieu du bordel, de la jungle équatorienne qu'était sa vie, elle savait à présent ce qu'elle aimait et qui elle aimait. Gabrielle, elle, n'avait pas tant d'assurance. Oui, quelque part, elle enviait Georgia parceque celle-ci aimait quelqu'un et que celà devait bien être agréable, que ce sentiment devait changer sa vision des choses, sa vie tout entière et qu'elle aurait aimé, elle aussi, ressentir cette étincelle.
La bague de Niko brilla à son doigt. Elle eut un petit sourire.
Bien, il était temps de rejoindre la soirée, faire bonne figure, revêtir le masque, l'armure de combat et replonger dans l'arène.
Elle prit une inspiration et sortit de la salle de bain.

Gabrielle s'était réveillée tard et avait eu du mal à émerger. Une douche avait chassée sa fatigue persistante et la coloration temporaire qu'elle avait utilisé pour accentuer la blondeur de ses cheveux.
Puis elle était revenu dans sa chambre en poussant un baillement.
La pensée de la soirée lui vint en tête. ça avait bien commencé puis tout avait dégénéré. La blague pas drôle d'Alixtide, la prise de catch de Georgia et son baiser...
La jeune fille n'avait pas vraiment pu répondre quelque chose car une bande de nabots avaient fait mumuse avec de l'alcool, avait saoulé la mome Kitty, qui n'avait déjà pas besoin de ça pour se plaindre tout le temps et avaient déclénché la colère illustre de Carrie.
Ils avaient tous finis dehors. La soirée était terminée et Gaby avait rejoint sa chambre sans un mot pour Georgia.
Un baiser d'adieu...Si seulement la jeune fille pouvait s'y tenir...
Gabrielle avait chassé toutes ses idées et contrairement à son habitude était descendue en retard pour déjeuner. Les cours avaient duré des plombes mais enfin l'après-midi pointait le bout de son nez.
La jeune fille avait rejoint sa chambre. Elle jetta un coup d'oeil par la fenêtre. Le temps paraissait glacial. D'un bon, elle saura sur son lit et s'emmitoufla dans sa couette avant de sortir son ordinateur portable.
Elle avait reçu un e-mail de son père. Elle le parcourut. Informel comme toujours. On aurait sans peine pu croire qu'il écrivait à l'administration.
Gabrielle referma le portable d'un geste sec.
Elle effleura alors son médaillon et le petit coeur que lui avait offert Georgia. Ses biens les plus précieux...Celà n'était-il pas risible?
Elle se sentait un peu seule en ce moment. Georgia était super mais quand elle était avec elle, Gabrielle avait l'impression d'être entrainer dans une sorte de tourbillon, une spirale qui la laissait épuisée.Oui, la vie avec Georgia était haletante.
Gabrielle sortit de dessous la couette et arrangea ses cheveux. Elle portait ce matin là un pantalon beige qui mettait en valeur la grandeur de ses jambes et un épais pull en laine couleur chataigne qui l'emmitoufflait dans son col extra large. La couleur chaude du pull faisait ressortir la brillance de ses cheveux qui pendaient librement sur ses épaules.
Il ne restait plus qu'à faire un petit tour dans l'Institut, voir ce qu'il y avait de nouveau depuis hier soir.

[quelque part quand j'aurais décidé]

Au moment où elle envoyait le mail, une voix la fit sursauter! Dieu? Oh non, elle allait finir comme Jeanne d'Arc!
Cependant, la raison lui revint vite et elle s'apperçut que Georgia s'inquietait de sa personne. Elle eut un sourire attendri et saisit son communicateur pour répondre à la jeune fille.

"T'en fais pas la belle! Je ne broie pas du noir!Profite du débat sociologique!"

Non, Gabrielle allait bien. Enfin pas plus mal que d'habitude. Elle ressentait juste une profonde lassitude, un ennui devastateur qui lui otait le gout des choses. Elle n'avait envie de rien, elle n'avait aucun véritable objectif.
Tous menait leur petite vie, leur petit train-train quotidien, rejoignait leurs amis après les cours, tentait de concrétiser certaines de leurs aspirations...
Elle avait envie de changement mais n'en voyait pas à l'horizon. Quelque fois même, elle se disait qu'elle était vraiment toxique pour la pauvre Georgia. N'était-ce pas elle qui avait tout déclenché et à son contact, Georgia pouvait-elle nouer des liens avec d'autres? La jeune fille avait fait face à tout un lot de problèmes elle aussi. Son incertitude sexuelle était-elle à peine résolu qu'elle tombait amoureuse de son amie qu'elle devait continuer à fréquenter sans rien laisser paraitre.
Oui, il y avait pire qu'elle. Du moins, elle devait s'en convaincre.
Gabrielle jetta u nregard anxieux à son pc. Elle savait bien que son père ne répondrait pas aujourd'hui mais elle ne pouvait s'empecher d'attendre.

Du ring salon

Camille s'était engouffrée dans sa chambre en laissant la porte ouverte derrière elle. Moins elle passait de temps à fermer des poignées, plus elle pouvait rester longtemps roulée en boule sur son lit à sangloter à moitié. C'était pas l'envie qui lui manquait de laisser libre cours à sa détresse, mais elle avait été un peu interloquée, pour ne pas dire complètement soufflée, par la tournure qu'avaient pris les évènements à l'étage d'en-dessous. Pourquoi Georgia était-elle toute nue ? En temps normal, elle ne se serait pas posé tant de questions que ça, une excentricité de plus ou de moins ne faisait pas de mal dans la monotonie de l'Institut, en particulier après vingt-quatre heures derrière des barreaux tous plus désespérément uniformes les uns que les autres. Mais, il y'avait eu ces échanges de salive à répétition qui du coup feraient réfléchir même le plus pur et le plus virginal des esprits. Or Camille était certes un peu virginale, mais totalement pas pure.

D'où questions. Mais aussi dépression. Le mauvais ménage dans toute sa splendeur. L'avantage, c'est qu'à se morfondre, à ruminer, le temps passe plus lentement. Revers de la médaille, chaque minute est plus pénible à vivre que la précédente, et ça s'arrange pas tant qu'on ne se change pas les idées.

Là. C'était ce qu'elle devait faire.

Quelque chose. N'importe quoi.
Egorger un poule.
Se mettre à chanter à tue-tête des chansons ringardes ou paillardes.
Retourner sa chambre.
Prendre un bouquin et arracher toutes les pages sans se presser.
Hurler gratuitement et à la mort.
Brûler l'institut.
Aller insulter Mme Marcin.
Tout ce qui ferait sortir de son petit crâne les idées "nullité" et "taule".

Salon

Georgia trouva la porte de la chambre de Camille, ouverte... Elle passa d'abord la tête par l'encadrement et découvrit la jeune bretonne, visiblement troublée, enfouie sur sa couche...

Ne souhaitant pas plus que ça, trainasser dans le couloir les miches à l'air, la New Yorkaise prit sur elle de rentrer dans la piaule de son amie.

Etre nue dans la chambre de Gabrielle... Un fantasme était il en train de se réaliser ?

Elle s'avança donc sur la pointe des pieds, un sourire de crapule aux lèvres...

"Alors, la puce, il se passe quoi ? J'embrasse si mal que ça ?"

Une petite ouverture en forme de "Je met les pieds dans le plat" pour éblouir par sa maladresse désarmante...

Georgia se posa sur le bord du lit et tout naturellement, comme si sa tenue n'était pas absolument inappropriée, lança :

"Bon, si tu veux, je suis en mode camouflage là..."

Ses yeux pétillaient à nouveau. Georgia allait s'enflammer.

"Je lutte contre le capitalisme textile et là je vais frapper un grand coup... Un coup fatal. Un coup final. Alixtide sera mon levier avec lequel je souléverai le monde..."

Puis se levant, elle croisa les bras, et tourna le dos à son amie quelques instants...

"Mais ça va être dangereux, alors je ne sais pas si on se reverra à nouveau..."

Entre le jeu et la folie, il n'y avait souvent qu'un seul pas...

La réponse de Camille à sa boutade lui fit décocher une moue risible... Embrasser mal, elle ? C'était comme si son amour propre (à supposer qu'elle en ait un) avait pris un coup fatal.

Néanmoins, Georgia choisit de ne pas broncher et d'encaisser cette atteinte à sa dignité de façon digne...

A la réflexion, la New Yorkaise se rappela que sa dignité, elle l'avait laissée au vestiaire depuis TRES longtemps et répliqua, la mine un peu pincée :

"Mouais... Je suis vexée là... Horriblement. Soit, je ne t'embrasserai plus..."

Puis sentant le corps de Camille se rapprocher du sien, Georgia se ravisa.

"A la réflexion, je te pardonne et tout ça tout ça... Et promis, j'ai arrêté de succomber aux avances de River ! Au risque de la vexer, je n'aime que moyennement ses assauts sentimentaux..."

Elle se sentit fondre à l'énoncé des "trois choses"... Camille était si mignonne !

"Alors pèle mêle et dans le désordre : le tatouage n'est pas pour Juliette, à la base c'était pour cacher une cicatrice et comme je trouve que Satan est un type épatant, j'ai voulu me faire mettre son numéro... Pour le premier point, c'est très mignon et moi aussi je ne sais pas trop ce que je ferai ici, si tu n'étais pas là... Je crois que je serait encore plus folle que maintenant..."

Georgia marqua une pause. Encore plus folle que maintenant ? Ca donnerait quoi ? CONCRETEMENT ? Un frisson de terreur parcourut son échine dénudée. Elle se rendait bien compte qu'un peu plus et on l'internerait... Brrrrr !

"Et désolée, de ne point t'avoir parlé de tout ça... Mais Alix est un élément tellement malléable. Presque un enfant. Ou un petit animal odorant. C'est l'homme de main idéal, juste qu'il n'est pas trop fiable et est beaucoup trop pleutre... Enfin..."

Elle se perdait un peu dans son explication.

"Je me suis rendue compte d'un truc avec Ivy : les vêtements ça sert pas à rien. Hey non ! C'est même super utile pour les sponsors des pouvoirs en place : le textile c'est le contrôle. Parce que regarde, Eve, elle était toute nue... Et ça allait plutôt bien : elle foutait rien, elle enfantait pas des mômes braillards et laids et en plus elle s'en carrait d'avoir pas de frusques ! Et là, on accuse souvent le serpent. Mais moi, j'aime bien les serpents, c'est pas juste de leur en vouloir et tout et tout... Ils sont gentils. Alors que la pomme..."

Elle avala sa salive et ralentit son débit. Elle n'était peut être pas aussi claire qu'elle aurait voulu l'être.

"Alors que la pomme, c'est elle qui est en cause. Tu vois, Eve et l'autre fainéasse, ils se la boulottent cette pomme... Et là tout s'enchaîne, ils veulent mettre des vêtements, ils veulent avoir des gosses braillards et laids, ils veulent bosser... Parce que la pomme... Regarde, si tu prends une pomme au p'tit déjeuner... Tu vas peut être avoir soif ? Et là tu vas te boire une bière à 9h00 du matin ! T'imagines la honte ! Non, la pomme ça craint, c'est le mouvement perpétuel à la portée de l'homme, et ça c'est pas classe parce que qui dit perpétuel, dit tu te reposes pas... Et les vêtements aussi !"

Georgia n'était pas persuadée d'avoir été bien claire, mais faute de mieux, elle se satisferait de son discours...

Et que foutait cet imbécile heureux d'Alix ? Ne lui avait elle pas dit de se ramener fissa ?

salon

Captain Porko le bien nommé traîna dans le couloir, à l'écoute, et comme prévu il entendit la voix éclatante de la New-yorkaise. Par contre son cœur fit un bond quand il vit que c'était la chambre de Gabrielle et Camille dont la porte était ouverte.

Alixtide soupira devant cette énième évidence de la niaiserie féminine. Evidemment, la jeune nudiste voulait qu'il s'excuse publiquement devant Camille, tout comme Juliette avait exigé qu'il s'excuse devant Kitty. C'était leur forme de justice à elles. Du pur blabla. Quelque chose de parfaitement niais selon lui.

Il poussa un peu plus la porte et entra sans cérémonie, observant tout de suite l'état moral de Camille. Déjà elle n'était plus éplorée, et vu comment elle s'accrochait à Georgia elle allait déjà mieux. Il resta planté dans l'encadrement, baissa les yeux et s'essuya la bouche avant de déclarer d'une voix éteinte et affligée.

"Bon je m'excuse, comme d'habitude. J'espère que je ne le referai plus, je te le jure."

Il comptait les lattes du parquet avec application. Puis illuminé par une grande idée, il ajouta en regardant Georgia.

"Et j'ai une solution ! Il suffira maintenant que Camille mette comme ça un réveil autour du cou, et comme ça je l'entendrai de partout où elle passera ce qui me permettra de l'échapper tranquille."

Il changea de jambe d'appui et laissa traîner son regard sur l'amas corporel formé par les deux jeunes femmes, s'arrêtant un brin sur la clavicule georgesque.

*Pourquoi le numéro des pompiers ??*

Elle était sauvage à l'intérieur. Elle bouillait sur place. Elle avait envie d'action et de politique, de pensée et d'assauts sanglants... Bref, encore plus empêtrée qu'à l'habitude dans ses propres contradictions, la New Yorkaise gagnait en impulsivité ce qu'elle perdait en cohérence...

Elle jeta un regard mauvais à Alix :

"Ecoute, si j'avais voulu que quelqu'un s'excuse devant moi de vivre, j'aurai pris quelqu'un d'autre... Style Lyu... Mais, Alix, j'en appelle pour cette mission au porc qui est enfoui en toi !"

Georgia était furieuse. Et se trouvait belle quand elle était en colère... Elle se tourna vers Camille :

"La clavicule, c'est un reste du serbe acerbe, de Joe le surfeur et de Simca le grouilleux... Mais bon, tu connais l'histoire..."

Très théâtrale, elle fit quelques pas en direction de la sortie, puis fit volte face pour ses amis :

"Y'en a marre de raconter l'histoire... Y'en a marre ! A partir d'aujourd'hui et pour les jours et les jours à venir, nous la ferons !"

L'émotion la submergeait en cette heure mémorable. La gorge nouée, elle avala sa salive et reprit plus calmement :

"Camille, une fois sur les lieux, tu bloques par tout moyen l'accès. Nous allons tenir un siège. Alix, ta mission, si tu l'accepte et de cochonner et détruire, cochonner beaucoup et détruire autant... Tu peut voler aussi... Je t'autorise car vive l'anarchie et mort aux lois et aux vêtements !"

Elle tenait les mains d'Alix en cet instant précis, les massant de manière à récupérer un peu des substances noirâtres qui les maculaient. Des peintures de guerre, très bien !

Georgia s'arrêta un instant dans l'encadrement de la porte pour vérifier si la voie était libre. Puis elle prit son envol guerrier.

"A moi, mes Oryx !"


A l'assaut ! (chambre de Kitty et Louison)

Une fois resapée, Camille croisa les bras, et observa Georgia entrer peu à peu en transe. Non, beaucoup à beaucoup. Elle escaladait à une vitesse folle l'échelle de l'excitation, elle faisait de la varappe sur les falaises de l'équilibre psychique et jouait de la bombe à neutrons sur les remparts de l'ordre dans l'Institut. La Bretonne s'en fichait, elle était décidée à la suivre. Elle lui était redevable d'une cicatrice. Et pourquoi ? Parce que môdemoiselle s'était prise à jouer les héroïnes redresseuses de torts et casseuses de crétins surhormonés. C'était un fait : lorsque miss Le Guern était courageuse, pleine d'enthousiasme, de droiture, qu'elle était guidée par sa foi en un monde meilleur, indéniablement, c'était la catastrophe. Le moindre des descartiens en aurait conclu qu'elle était née pour foutre le bocson. Et même si c'était pas vrai, elle voulait tenter. Et buvait donc les ordres de Georgia.

Elle évita le "chef, oui, chef" qui aurait été un peu déplacée dans l'ambiance, et emboîta le pas de son amie avant de revenir en arrière histoire de motiver la piétaille.

Bon, Alix. Tergiverse pas, de toute façon je suis sûre que tu sais pas ce que ça veut dire. Tu suis, tu réfléchis pas, et si tout se passe pas trop mal, j'oublie définitivement que j'ai affreusement envie de te faire mal. J'ai bien dit définitivement. Et Camille Sonia Julie Le Guern n'a qu'une parole.

Sur ces belles paroles, elle franchit dignement la porte de sa chambre. Le clairon venait de sonner, l'assaut était lancé.

Suivant la lumière rouge et noire